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Cham - Albums du Charivari/Le manuel des chasseurs

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Journal le Charivari (6p. 149--).

LE MANUEL
DES

Chasseurs
Chasseurs



par Cham
par Cham

— Tiens ! vous avez mis des lunettes à votre chien ?
— Faut bien que sa vue soit en rapport avec mon nouveau
fusil à longue portée !



Paris
Paris
MAISON MARTINET
172, rue de rivoli, et rue vivienne, 41

— Cristi ! voilà les collégiens dehors ! nous ne devons pas être loin de cet affreux mois de septembre ! (Traduit du lièvre.)

— Saperlote ! je pars pour la chasse, et je ne trouve plus mon fusil ! Où est-il ?

— Cher ami, je l’ai envoyé hier en Italie. M. Garibaldi demande cent mille fusils, j’ai cru te faire plaisir.

— Dépêchez-vous, monsieur, le train n’attend pas !

EN CHEMIN DE FER.

— Grand Dieu ! monsieur, votre fusil qui vient de partir !…

— Excusez-le, madame, il a entendu le signal du départ : il a cru que c’était pour lui !

— Mon chien ?

— Voilà, monsieur… il a eu l’imprudence de se battre dans son box avec un chien plus fort que lui !…

— Tiens ! mais je croyais que vous ne chassiez jamais ?

— C’est vrai ; mais, depuis l’affaire Jud, je fais semblant d’être chasseur, pour avoir un prétexte de voyager en chemin de fer avec un fusil.

— Faut-il qu’il soit égoïste ! il va s’amuser, et il me laisse là tout seul ! Il ne pensera seulement pas à m’envoyer du gibier… un ingrat auquel je fais un nom !

Courses d’automne.

— Tu vas à la chasse à c’te heure habillé en garde national ?

— Mon uniforme m’a porté bonheur à la cible du tir national ; je ne tirerai plus jamais un coup de fusil sans l’avoir endossé.

— Ne bougez pas, vous allez le faire sauver ! Je l’attraperai peut-être !

— Comment ! vous allez chasser toute la journée avec votre fusil dans un étui !

— Mais certainement ! c’est mon fusil neuf, et je n’ai pas envie de l’abîmer d’un temps pareil !

INCONVÉNIENT DES ARMES À LONGUE PORTÉE.

Vous arrivez pour ramasser le gibier que vous avez tué à trois cents mètres, un voleur vous l’a déjà emporté depuis plus d’un quart d’heure.

— Mon ami, il était inutile de rapporter cela, tu as tout ce qu’il faut à la maison.

— Ventrebleu ! monsieur, je ne vous connais pas, laissez-moi tranquille !

— Monsieur, je suis avocat, et, comme je ne veux pas me rouiller pendant les vacances, permettez-moi de plaider devant vous la cause de ce lièvre.

— Que le diable soit de mon fusil à longue portée ! À mille mètres, cette bête m’avait paru de la grosseur d’un lapin !

Les lièvres se mettant à suivre Jud, convaincus que c’est le bon moyen d’échapper à toutes les recherches.

— Avec mon fusil à longue portée je tue le gibier à deux lieues d’ici ; seulement j’ai soin d’envoyer mon chien par le chemin de fer pour qu’il puisse lever les pièces.

— Sapristi ! il n’y a pas moyen de chasser comme cela ! J’achèterai un autre parapluie pour mon chien ; il faut absolument que nous ayons chacun le nôtre !

— Mon brave homme, vous n’avez pas vu un lièvre par là ?

— Si fait, monsieur, j’en ai vu un qui vous cherchait.

— Mais tirez donc ce lièvre, il est sous votre nez !

— Il est trop près ; je le manquerais avec mon nouveau fusil : c’est une arme à longue portée.

— S’ils n’ont pas de port d’armes, c’est votre devoir de les arrêter.

— Que voulez-vous que j’y fasse ? ils me donnent maintenant pour prétexte qu’ils vont au tir national et non pas à la chasse…

— Mais tire donc ce lièvre !

— Impossible, chère amie : il est dans un département où la chasse n’ouvre que demain ! Il faut que je le tienne en respect comme cela encore pendant toute la journée !

— Saperlotte ! mon diable de fusil à longue portée m’a fait cribler de procès-verbaux !

— Bah !

— Mais oui : tous les coups de fusil que je tire dans ce département-ci vont tuer le gibier dans le département à côté, où la chasse n’est pas encore ouverte !

— Comment ! tu n’as que la moitié de ce lièvre ?

— Ma chère, il passait dans l’autre département, où la chasse n’est pas encore ouverte… Je n’ai pu tirer que sur la partie de son corps qui se trouvait encore dans ce département-ci !

— Excusez-moi ; j’ai tué ce sanglier avec une balle explosible : l’effet du projectile a été, à ce qu’il paraît, très en retard.

— Mon fusil tout neuf ! heureusement que je ne l’avais pas encore payé et que je vais lui envoyer la facture… Ah ! mon gaillard ! vous croyez que vous allez en être quitte comme ça !

— Voilà mon nouveau fusil, l’armurier m’a garanti son feu !

— Comme durée ? Eh bien, il ne vous a pas trompé : il fait long feu !

— Catherine, que signifie tout ce tapage dans votre cuisine ?

— Madame, c’est monsieur qui ne tue jamais son gibier qu’à moitié.

— Alfred, ces messieurs ont la bonté de te permettre de tirer ; apprête ton arme, mon chéri.

— Papa, sur qui faut-il que je tire ?

— Alfred, posez votre fusil tout de suite et retournez à la maison.

— Monsieur, voilà le sanglier que vous cherchiez.

— Ah ! très bien ; je vais vite courir chez un charcutier m’informer combien il me prendra pour l’arranger !

— Imbécile ! crétin ! je t’avais dit d’aller me chercher un sanglier dans la forêt pour que je puisse le chasser demain ; je ne t’avais pas dit de l’amener chez moi dans mon salon !

— Monsieur, monsieur ! madame m’envoie vous chercher ; il y a du monde au château !

— Crétin de domestique ! qu’est-ce que tu fais ? Je suis de ce côté-ci, idiot !

— Mais il chasse très-mal, votre chien !

— Ne m’en parlez pas, c’est un chien que m’a prêté M. Babinet : il est constamment le nez en l’air à chercher des comètes !

— Enfin ! un perdreau !

— Ne le tirez pas, malheureux ! c’est peut-être le dernier !

SUJET DÉDIÉ À M. D’ENNERY.

— Le chien de ma mère !

CHASSE AU FILET.

— Tiens, mon fils, voilà une belle occasion, tu vas en tirer un !

— Merci ! j’ose pas… ils sont en force !

— Ah ! mon Dieu ! où file-t-il comme ça, votre ami ?

— C’est son nouveau fusil qui porte et repousse à longue portée : le malheureux ne s’arrêtera qu’à deux lieues derrière lui.

— Toi, mon ami, un homme distingué, un vicomte, tu vas à la chasse avec un charcutier !…

— Écoute donc, chère amie, si je veux attaquer un sanglier, il me l’accommodera avant.

— Tu m’engages à chasser sur tes terres !

— Eh bien ?

— Eh bien, mais il me semble que tu n’es pas trop le maître chez toi ; on t’y tient tête joliment.

— J’aime mieux le fusil à papa, moi, na ! il claque plus fort que celui des autres !

— Je vais tirer cette biche.

— Papa, je t’en prie… ça ferait trop de peine à maman ; tu sais bien, à Paris, elle t’a grondé un soir parce qu’elle a dit comme ça que tu avais couru les biches !

— Mais cache donc ta tête, si tu ne veux pas que les bécasses t’aperçoivent ; je te préviendrai quand il faudra remonter…

De la possibilité de faire double emploi de son temps à la chasse aux bécasses.

— Ah ! sapristi ! parait que c’est son lundi ! elle reçoit… J’aime mieux revenir un autre jour de la semaine.

— Mon cher, il n’y a aucun danger ! il est tout petit.

— Méfions-nous… il est tellement jeune, que ses parents ne l’auraient jamais laissé sortir tout seul… nous allons être attaqués par sa bonne, c’est sûr : elle ne doit pas être loin.

— Allez donc ! vous n’avez rien à craindre en l’attaquant comme cela !

— Merci !… je veux m’assurer avant s’il n’a pas des crocs encore de ce côté-ci !

— Grand Dieu ! le voilà qui vient me relancer jusque chez moi !… Quelle est la canaille qui lui a donné mon adresse ?

MODES DE 1862.
Coiffure pour sanglier.

— Sapristi ! venez donc à mon secours, monsieur l’avocat !

— Du tout ! je suis avocat. En France, la défense est libre : ce sanglier a le Code pour lui.

— Allons, bon ! voilà mon crétin de cheval qui s’imagine que c’est un steeple-chase !

— Tiens, c’est drôle, il ne me dit rien, à moi ! Est-ce qu’il me reconnaîtrait par hasard pour un confrère ?…

— Mon enfant, tu n’as pas de port d’armes, par conséquent n’éveille pas l’attention des gendarmes : tire ton coup de fusil sans faire de bruit !

Du danger de tirer une bécasse qui vole au-dessus de vous

— Sapristi ! mon ventre !

— Sapristi ! c’est qu’elle n’a pas l’air de vouloir finir, cette partie de raquette ! Ces vilaines bêtes-là sont d’une adresse !…

— Ah ! Édouard ! c’est là votre chasse !… C’est bien, je vais prendre un port d’armes de mon côté…

— Eh bien, est-il attrapé ?

— Oui, oui ; il est traversé… par la pluie.

— Défends-moi donc ! Tire dessus !

— Mon ami, laisse-le jouir un peu de son reste, la chasse va fermer.

FERMETURE DE LA CHASSE.

— Imbécile de lièvre ! restez donc ! nous n’avons plus que quelques heures à passer ensemble.

NOUVELLE POSITIVE.
Tout est maintenant à la paix… pour les lapins !