Chronique de la quinzaine - 14 janvier 1896

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Chronique n° 1530
14 janvier 1896


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 janvier.


Rien n’annonçait, il y a quinze jours, qu’une question nouvelle allait remplacer, au moins pour quelque temps, toutes celles qui intéressaient ou qui agitaient le monde. Qui aurait pu prévoir la folle équipée du docteur Jameson ? Personne ne pensait au Transvaal, et ce n’est qu’après coup, lorsqu’on a appris que la frontière de la république sud-africaine avait été franchie, qu’on s’est souvenu des correspondances et des dépêches arrivées récemment en Europe. Ceux qui connaissaient bien la situation de l’Afrique australe avaient déjà pu, en lisant ces dépêches, se rendre compte des dangers qui menaçaient sa tranquillité. À la fin de 1895, le correspondant du Times au Cap adressait à son journal une information très significative. Le président de la République transvaalienne, M. Krüger, qui avait quitté Pretoria pour visiter certains points du territoire, était revenu à la hâte dans la capitale, et avait immédiatement appelé autour de lui les hommes dont il aimait à prendre conseil dans les circonstances difficiles. Une grande émotion régnait à Pretoria. On savait qu’à Johannesburg les uitlanders, c’est-à-dire les étrangers, étaient dans une grande effervescence. On parlait de conspiration à l’intérieur et d’entente avec le dehors. Une députation de Burghers s’était rendue auprès du président Krüger, et celui-ci, tout en s’efforçant de calmer des craintes d’ailleurs trop légitimes, avait conseillé la patience et la confiance. « Si l’on veut tuer une tortue, avait-il dit, il faut attendre qu’elle ait passé sa tête hors de sa carapace. »

Dès le lendemain, la tortue avait passé sa tête et allongé son cou hors de sa carapace. Le docteur Jameson, gouverneur du Machonaland, était entré à la tête d’une bande armée sur le territoire du Transvaal. Il avait pris soin de détruire les communications télégraphiques afin de se mettre hors de portée de tous les désaveux et de tous les ordres que son gouvernement pourrait lancer après lui. Il savait bien qu’il serait désavoué, au moins jusqu’au moment où il aurait réussi. Il se doutait bien qu’on ne pourrait pas se dispenser de lui envoyer l’ordre de rebrousser chemin, au moins jusqu’au jour où il aurait atteint son but. Mais alors, tout en continuant de blâmer l’incorrection de sa conduite, il avait l’espoir assez bien fondé qu’on accepterait le fait accompli. Ce n’est pas la première fois, dans l’histoire, que de hardis aventuriers jouent un pareil jeu. Si la fortune les favorise, ils deviennent des héros ; s’ils échouent, ils restent de simples flibustiers. Il faut reconnaître, à la décharge du docteur Jameson, qu’il a fait tout son possible pour assumer sur sa tête l’entière responsabilité de son entreprise et pour en dégager tous les autres ; mais il n’y a pas réussi. Les vraisemblances politiques et morales protestaient contre la fiction qu’il voulait imposer au monde. On n’ignorait pas qu’il était l’homme de confiance, l’ami, l’alter ego de M. Cecil Rhodes, et qu’il n’aurait pas hasardé une pareille témérité sans le consentement de celui-ci. Depuis quelques jours, les preuves de la complicité de M. Cecil Rhodes ont été produites en si grand nombre et avec une telle évidence qu’il est impossible de la contester plus longtemps ; au surplus ces preuves matérielles étaient inutiles, toute démonstration était superflue, les choses elles-mêmes parlaient assez clairement pour n’avoir besoin d’aucun commentaire. Le docteur Jameson a commis un acte inqualifiable, il s’est conduit en véritable condottiere ; mais enfin, tout en condamnant l’attentat, il ne faut pas en flétrir l’auteur hors de toute mesure, et ce serait dépasser la mesure équitable, pour blanchir M. Cecil Rodes et la compagnie à Charte, de traiter M. Jameson comme un simple bandit. Qu’il fût d’accord avec la compagnie, ou du moins avec ses principaux représentans dans le Sud Africain, personne n’en doute ; et pour peu qu’on ait suivi avec attention, depuis quelques années, le développement politique et territorial de la colonie du Cap et de la compagnie à Charte, on reconnaîtra que l’incident d’hier n’est pas sans avoir eu des précédens. Ce qui l’en distingue c’est le dénouement, et c’est aussi le fait que l’agression a été tournée cette fois, non pas contre des peuplades plus ou moins barbares, mais contre un petit peuple que ses origines et son caractère rendent sympathique au monde civilisé. Il y a peu d’histoires aussi intéressantes que celle de ces Boërs, composés de Hollandais, de Français protestans et d’Allemands, qui ont les premiers importé la civilisation européenne et chrétienne au sud de l’Afrique, et, qui, peu à peu, ont été obligés de reculer devant l’invasion anglaise, cherchant toujours plus au nord une terre nouvelle pour y vivre en liberté et, autant que possible, en paix. De ce mélange de nationalités diverses, où l’élément hollandais domine, mais où on distingue encore très bien l’élément français, s’est formée une race saine et forte, digne d’estime et souvent d’admiration, celle de toutes qui honore le plus l’Europe dans l’immensité de l’Afrique. Malheureusement, elle y est perdue.

Elle n’y occupe qu’un tout petit territoire, et ne peut plus en sortir comme autrefois pour aller, au besoin, chercher ailleurs une autre patrie. Le Transvaal est devenu, bon gré mal gré, le dernier refuge des Boërs. Ils y sont entourés aujourd’hui, enveloppés de tous les côtés. Avant d’essayer de pénétrer sur leur territoire pour les frapper au cœur, le docteur Jameson avait fortement contribué pour son compte à les tourner par l’ouest et par le nord et à les enfermer dans un cercle infranchissable. Peut-être y auraient-ils vécu tranquillement pendant quelques années encore, sans les mines d’or qui ont été découvertes dans leur sous-sol. Maudite maison d’Albe, disait le Romain d’autrefois, tu me coûteras la vie ! La vie des petits peuples qui ont un beau port, un beau fleuve, ou simplement des mines d’or ou de diamant, n’est pas moins exposée. Le Transvaal n’a pas tardé à être envahi par des aventuriers venus de tous les points du monde. Il va sans dire que nous n’appliquons pas indifféremment ce qualificatif à tous les étrangers, à tous les uitlanders, qui y ont établi leur domicile ; mais tous ensemble, les bons et les mauvais élémens confondus, forment une foule singulièrement animée, agitée, pleine de prétentions et déjà d’exigences, en face de laquelle les Boërs sont en minorité. Ils ne sont plus, dit-on, qu’un tiers de la population. Les uitlanders, — et la majorité de ces derniers est composée d’Anglais, — sentent la force que le nombre leur assure et ils demandent à en user, en attendant le moment d’en abuser. Ils réclament des droits civils et politiques. Payant des impôts, ils veulent les discuter et les voter. Ils font campagne pour entrer dans les assemblées publiques, avec l’espoir d’en être bientôt les maîtres. C’est là une situation très délicate, ou plutôt très grave, qu’il faut bien connaître pour s’expliquer les événemens qui viennent d’éclater, et ceux qui ne manqueront pas, sous une forme encore incertaine, de se produire dans l’avenir.

Il aurait certainement été plus sage, de la part de MM. Cecil Rhodes et Jameson, de laisser au temps le soin de dénouer tant de difficultés, car le temps travaillait pour eux. Il aurait été plus habile, de la part des uitlanders, de se confondre de plus en plus avec les Boërs et d’adopter tous leurs intérêts. Mais les uns et les autres ont préféré la violence à la patience et à la politique. Les uitlanders, invités récemment à prendre part à une campagne contre les Cafres, se sont refusés à le faire, et on les soupçonne même d’avoir encouragé la résistance de l’ennemi noir. C’est ce qui a fait dire très justement au président Krüger que, lorsqu’on voulait obtenir des droits, il fallait d’abord accepter et remplir les devoirs qui y correspondent. De part et d’autre, une vive irritation régnait donc dans la petite république. L’élément le plus actif des uitlanders s’est constitué en Association nationale, en apparence pour faire aboutir légalement les réformes, en réalité pour s’entendre avec les Anglais du dehors et leur faciliter l’invasion du pays. Tout un plan d’opérations a été arrêté, mais il a été mal conçu, ou mal exécuté. Lorsque Jameson, avec ses huit cents hommes, a envahi le territoire du Transvaal, il comptait sans aucun doute sur un soulèvement à Johannesburg. Les uitlanders lui avaient promis le concours de l’émeute, et même de la révolution. Mais soit que les mouvemens des uns et des autres aient été mal combinés, soit que les uitlanders aient manqué de décision au moment opportun, Jameson s’est trouvé isolé et bientôt entouré par des forces supérieures. Le nombre des morls et des blessés, beaucoup plus considérable de son côté que de celui des Boërs, permet de croire qu’il s’est comporté avec non moins d’étourderie au point de vue militaire qu’au point de vue politique. Il avait des canons dont il n’a pas su se servir. Les Boërs, armés de fusils, se sont montrés une fois de plus des tireurs incomparables : ils ont apporté à la guerre, la prudence, le sang-froid, la ténacité qui caractérisent toute leur conduite. Leur succès a été foudroyant. Jameson, forcé de se rendre, a été conduit prisonnier à Pretoria.

Nous renonçons à bien exprimer l’émotion mêlée de stupeur qui s’est produite alors en Angleterre. Elle a été encore accrue, au bout de quelques heures, par le télégramme de l’empereur d’Allemagne dont nous aurons à parler bientôt ; mais, dès le premier moment, elle a été intense et profonde autant que douloureuse. Le gouvernement a fait bonne contenance ; mieux encore, il a fait son devoir. M. Chamberlain, ministre des colonies, a télégraphié pour désavouer Jameson et lui intimer l’ordre de revenir en arrière : on sait que celui-ci avait pris ses précautions contre le télégraphe. Le haut commissaire de l’Afrique australe a envoyé au-devant de lui des émissaires qui apportaient oralement les mêmes instructions : ils ne l’ont pas atteint davantage. Enfin le gouvernement a imposé au conseil d’administration de la compagnie Sud-Africaine l’obligation de télégraphier à son tour, pour ordonner à Jameson, qui est son agent, d’avoir à rétrograder.

Mais il s’en faut de beaucoup que tous ces télégrammes aient été conçus, sinon dans le même sens, au moins dans le même sentiment, et celui de la compagnie à Charte porte tous les caractères de la contrainte dont il a été le résultat. Le conseil d’administration a pris soin de spécifier qu’il agissait « à la requête du secrétaire d’État pour les colonies et en conformité avec l’article 8 de la Charte ». C’était dire clairement qu’il était contraint et forcé. Et combien faibles et atténués sont les termes dont il s’est servi ! Le conseil charge son administrateur à Capetown « d’informer immédiatement le docteur Jameson qu’il élève des objections contre la conduite qu’il avait, disait-on, résolu de tenir, et qu’il l’invite à réintégrer immédiatement le champ d’opérations de la Compagnie. » Si Jameson n’avait prévu que des dépêches de ce style, il n’aurait probablement pas pris la peine de couper le fil du télégraphe. C’est que la compagnie Sud-Africaine, sans parler des intérêts plus ou moins considérables qu’elle espérait retirer de la tentative qu’on l’obligeait à condamner, sentait qu’elle avait pour elle, ou plutôt pour son agent trop audacieux, la plus grande partie de l’opinion. Il s’en faut de beaucoup que l’attitude résolue prise par le gouvernement, ait obtenu l’approbation générale. Le Times en a exprimé toute sa mauvaise humeur. Quelques journaux voulaient bien se montrer sévères en paroles pour le procédé du docteur Jameson, mais, en somme, ils comptaient tous sur le succès, et ils préparaient déjà des excuses à une opération qui, si elle était incorrecte n’en était pas moins inspirée par le patriotisme. À nos yeux, quel que soit le sentiment qui inspire la mainmise violente sur le bien d’autrui, ce sentiment doit être réprouvé. On ne raisonne pas toujours ainsi en Angleterre : on y a des trésors d’indulgence pour ceux qui, par un moyen ou par un autre, augmentent l’étendue du territoire britannique. Dès le premier moment, Jameson est devenu un héros ; le lendemain il était une victime. À la nouvelle de son désastre, l’opinion a été atterrée. On sentait à la fois l’humiliation de la défaite et une appréhension pleine d’angoisse pour le sort des prisonniers. Qu’ils eussent mérité la mort, rien de moins douteux. La seule manière de racheter moralement des entreprises comme celle du docteur Jameson est d’y jouer sa vie, peut-être même de l’y laisser. Il n’en est pas moins naturel que le sort de ces malheureux soit devenu pendant quelques jours le principal intérêt de l’Angleterre. On y racontait en frémissant des détails odieux et d’ailleurs mensongers sur l’attitude des Boërs après la victoire. On y exprimait la crainte d’une vengeance immédiate et cruelle. Or la petite bande du docteur Jameson n’était pas composée des premiers venus. C’était une troupe d’élite, dans laquelle figuraient des officiers portant des noms connus, et même illustres. Leur faute, assurément, n’en était que plus grave. Que des hommes d’honneur, des officiers en activité de service, dont quelques-uns font partie des gardes de la reine, aient à ce point manqué à leur devoir, c’est ce qu’on a peine à comprendre. Quoi qu’il en soit, M. Chamberlain, organe cette fois de l’opinion tout entière, a télégraphié à M. Kruger, président de la République du Transvaal, pour solliciter sa clémence. Il est impossible de trouver une autre signification à une dépêche ainsi conçue : « Le bruit court ici que vous avez ordonné l’exécution des prisonniers. Je n’y ajoute pas foi, et je compte sur votre générosité à l’heure de la victoire. M. Cecil Rhodes télégraphie ce matin qu’il est faux qu’un corps de troupe se concentre à Boulouwayo. » La réponse de M. Kruger est pleine de dignité. « Je n’ai donné aucun ordre, dit-il, pour que les flibustiers faits prisonniers fussent fusillés. Leur affaire sera réglée en temps voulu, en conformité absolue avec les traditions de la République du Transvaal, et nous voulons, par un contraste saillant avec la manière inouïe d’agir de ces flibustiers, qu’ils ne soient soumis à aucune peine non conforme à la loi. » Et M. Kruger proteste contre les bruits répandus en Angleterre « même par les journaux les plus influens. » Il avoue que sa confiance en M. Cecil Rhodes a été trop rudement ébranlée pour qu’il n’accueille pas avec la plus grande réserve ses désaveux et ses dénégations. Enfin, il prie M. Chamberlain de livrer son télégramme à la publicité. Et M. Chamberlain se trouve dans l’obligation de remercier M. Krüger. « La presse anglaise, dit-il, n’a pas ajouté foi aux rumeurs qui vous accusaient de cruauté envers les prisonniers, et, pour ma part, j’ai toujours eu confiance en votre magnanimité. » Correspondance édifiante, qui a dû coûter à l’orgueil, britannique ! On sait que M. Krüger, poussant jusqu’au bout la « magnanimité » que M. Chamberlain ne lui reconnaissait pas, à tort, a gracié ses prisonniers après leur condamnation à mort. Jusqu’ici le beau rôle est tout entier de son côté.

Il faudrait faire trop et de trop longues citations de journaux pour donner une idée des sentimens confus que cette triste aventure a fait naître dans l’âme anglaise. Nous aimons mieux reproduire le passage suivant d’une lettre que la comtesse de Warwick a adressée au journal le times. Sa douleur est mêlée d’amertume. Elle est loin de blâmer Jameson. « Quel Anglais, dit-elle, digne de ce nom et de son pays, aurait manqué de faire exactement ce qu’ont fait le docteur Jameson et ses compagnons ?… Tandis qu’il se portait au secours de femmes, ses compatriotes, avec une force de police à cheval, et après avoir déclaré qu’il n’avait aucune intention hostile contre les Boërs, il a été, à ce qu’il semble, attaqué par leur force armée… » On voit dans ce morceau le commencement de la légende qui se crée autour de Jameson. Comment a-t-on pu le soupçonner d’avoir fait acte d’agression contre le Transvaal ? Non, certes ! Seulement, il avait été appelé à Johannesburg par les uitlanders ses compatriotes, par des femmes anglaises dont la sécurité était menacée. Pouvait-il leur refuser son concours ? Mais ce qui indigne le plus la comtesse de Warwick, c’est qu’on ait pu traiter de « flibustiers » Jameson et ses camarades. Ici encore nous lui laissons la parole, car chacun de ses mots a sa valeur psychologique. « Pillards et pirates ! s’écrie-t-elle. Est-ce que des gentlemen anglais, connus personnellement de beaucoup de nous, sont des pirates de terre et des voleurs ? » Le « connus personnellement de beaucoup de nous » est typique. Quoi ! des gens de notre société, de notre connaissance, être traités de pirates ! La noble correspondante du Times s’en offense, et il est très à craindre que la générosité de M. Krüger ne soit assez mal appréciée dans le grand monde, parce qu’il a traité M. Jameson de « flibustier ». Ces Boërs sont des paysans qui n’ont aucun sentiment des nuances. Ils voient des gens entrer chez eux les armes à la main, et ils les qualifient de « flibustiers », sans se préoccuper de leur généalogie, de leur parenté, de leur situation sociale. Tous les sentimens de l’Angleterre sont froissés à la fois dans cette pitoyable affaire, les plus sérieux et les plus artificiels, ceux qui tiennent aux intérêts les plus profonds du pays et ceux qui touchent seulement aux relations mondaines. Il est dur pour une grande dame d’entendre traiter de pirate un gentleman qu’elle connaît !

Ce ne sont là pourtant que des coups d’épingle : le télégramme de l’empereur d’Allemagne à M. Krüger a une autre portée, en ce qu’il a révélé dans l’Afrique australe d’abord, mais aussi en Europe, une situation dont on se doutait, quoi qu’on ne la connût pas encore complètement. L’Angleterre était toute à la douleur que lui causait la déconfiture du docteur Jameson ; toute autre considération mise à part, elle y voyait une atteinte pénible à son prestige en Afrique, et un point d’arrêt mis au développement de sa colonie du Cap, lorsque l’empereur Guillaume a envoyé au président du Transvaal le télégramme que voici : « Je vous félicite sincèrement parce que, avec votre peuple, sans recourir à l’aide des puissances amies, et en n’employant que vos propres forces contre les bandes armées qui avaient fait irruption sur votre territoire en perturbateurs de la paix, vous avez réussi à rétablir sa situation pacifique et à protéger votre pays contre les attaques provenant du dehors. » Rien n’était plus imprévu qu’un pareil langage. Nous aurions dit, hier encore, qu’il était en dehors des usages diplomatiques, mais ces usages sont tellement troublés et subvertis depuis quelque temps qu’on n’ose plus les invoquer. En tous cas, ce n’est pas lord Salisbury qui pourrait le faire, car il a été vraiment l’initiateur de la nouvelle école, et ses discours contre le sultan, ses attaques directes et violentes contre un souverain étranger, ont donné le signal d’une véritable révolution dans le protocole. Lord Salisbury a trouvé tout de suite deux élèves qui ont admirablement saisi sa manière : l’un est M. Cleveland et l’autre l’empereur Guillaume. Les discours de lord Salisbury, le message de M. Cleveland, le télégramme de Guillaume II sont des produits du même cru : malheureusement, ils semblent s’appeler et se provoquer les uns les autres, et on peut se demander, non sans quelque inquiétude, si la série en est terminée. Il ne faut pourtant pas croire que le télégramme de l’empereur d’Allemagne soit de sa part un simple coup de tête. Ce qui lui donne une gravité toute particulière, c’est qu’il a été mûrement délibéré en conseil, et que l’empereur ne l’a écrit qu’après une longue entrevue avec son chancelier, son ministre des affaires étrangères et son ministre de la marine. Si la forme lui appartient, le fond a été approuvé, ou du moins accepté par son gouvernement. Ce qui en augmente encore l’importance, c’est que l’Allemagne tout entière s’y est associée avec enthousiasme. Depuis le Nord jusqu’au Sud, depuis l’Est jusqu’à l’Ouest, il y a eu, dans tout l’empire germanique, une explosion de joie à la lecture de la missive impériale. Jamais jusqu’ici on n’avait vu se produire dans l’Allemagne unie une pareille unanimité. En Angleterre, le gouvernement n’a pas relevé ces provocations ; il se contente de faire des armemens et de donner à son amirauté une activité extraordinaire. Mais la presse a jeté feux et flammes et chaque jour son ardeur paraît augmenter. Le déchaînement qui s’est produit dans l’opinion britannique contre l’empereur Guillaume et contre l’Allemagne elle-même n’a d’égal que la fureur longtemps concentrée qui éclate en Allemagne contre l’Angleterre. Il faut croire que, de part et d’autre, une haine sourde existait sans que personne en eût mesuré la profondeur, pas même les deux nations intéressées. Nous avons vu bien des excès de polémique, et on nous a quelquefois accusés en France d’en avoir fourni des exemples assez fâcheux ; mais rien chez nous, au moins depuis fort longtemps, n’a pu donner une idée des injures, des menaces, des offenses poussées jusqu’au paroxysme que l’Angleterre et l’Allemagne sont occupées à échanger. Nous ne parlons pas des violences plus directes qui se sont produites contre les Allemands dans certains quartiers de Londres ; cela se voit partout, en de certains momens. Ce qui est vraiment rare, c’est la force, la fécondité, l’exubérance d’imagination vitupérative qui engendre un pareil assaut d’outrages réciproques. « Il est temps, disait l’autre jour un orateur de réunion publique, que la reine fasse taire son vilain caneton de petit-fils. » Le député gallois James Mackensie Maclean écrit dans un journal dont il est propriétaire : « Le message de flibustier adressé au président Krüger par l’excitable et volage empereur d’Allemagne constitue une violation du droit international beaucoup plus énorme que l’invasion du Transvaal que Sa Majesté a la prétention de condamner. » Des négocians, des agriculteurs, réunis dans un banquet, boivent à la santé de la reine et de sa famille « à l’exception d’un de ses petits-fils », dont le nom est conspué. Voilà pour le côté anglais. Si on se retourne vers l’Allemagne, on lit dans les journaux des passages comme celui-ci : « Le lion britannique grogne, mais cette méprisable brute ne peut pas mordre ; il a l’habitude de faire d’humbles révérences dès qu’il entend un claquement de fouet. » On jugera par ces quelques extraits du point où en sont arrivés Anglais et Allemands les uns contre les autres. Les journaux les plus modérés de Londres déclarent que l’Angleterre ne pardonnera jamais à l’empereur Guillaume, mais celui-ci ne semble se soucier en aucune manière d’être pardonné, ou non. — Nous avons vu le fond de son âme, disent les Anglais : sa haine contre nous a enfin éclaté. — Que nous voilà loin de l’accueil plein d’espérances qui était fait au jeune souverain lorsqu’il montait sur le trône ! Que d’articles n’a-t-on pas publiés à cette époque à la gloire de Guillaume et à la confusion de la France ! Le journal conservateur par excellence, celui qui représente le mieux les idées et les sentimens du parti actuellement au pouvoir, le Standard, écrivait avec une morgue désobligeante pour nous un article qui nous retombe par hasard sous la main et dont on nous permettra de reproduire un passage. Notre situation était alors à beaucoup d’égards pénible. Nous étions en plein boulangisme. Des dangers de guerre s’étaient manifestés. Personne ne connaissait encore bien l’empereur Guillaume et, par opposition à son père, on lui attribuait des projets inquiétans. Et le Standard écrivait charitablement : « Le monde entier sait que deux puissans États, voisins de l’Allemagne, sont en train d’accroître et de perfectionner sans bruit mais sans cesse leurs ressources militaires, afin de pouvoir, le moment venu, tomber ensemble sur l’empire et lui arracher la vie à eux deux… L’empereur Frédéric nourrissait généreusement l’espoir que la haine de ceux que la gloire et les succès de l’Allemagne avaient écartés d’elle et irrités pourrait être atténuée, ou peut-être effacée avec de la patience et des expédiens inspirés par l’amour de la paix. Le jeune monarque qui monte aujourd’hui sur le trône ne se soucie pas de l’affermir en se conciliant ses ennemis… Sa seule préoccupation sera de rendre l’Allemagne respectée et crainte. C’est donc plutôt un changement de note qu’un changement de politique qui marque le début d’un nouveau règne. L’Allemagne n’a pas changé de but, modifié ses alliances ou abandonné ses projets. Mais nous croirions fort qu’elle sera moins patiente que jamais en présence des provocations, moins indulgente vis-à-vis de ceux qui l’obligent à vivre sous la cuirasse, et plus prompte à répondre à un assaut réel ou imaginaire, de quelque côté qu’il vienne. » Un tel article, à coup sûr, n’était pas inspiré par un sentiment amical, et nous pourrions lui appliquer l’épithète de unfriendly que les Anglais ont eu si souvent l’occasion d’employer dans ces derniers temps. On sait d’ailleurs comment les prédictions de la presse britannique se sont réalisées. L’empereur Guillaume, depuis qu’il est sur le trône, ne paraît pas avoir eu de préoccupation plus constante que de ménager la France et de se rapprocher de la Russie. Quant à l’Angleterre qui fondait de si grandes espérances sur le petit-fils de la reine, elle est traitée comme nous venons de le voir. C’est une grande leçon de philosophie historique.

Une autre leçon, bien plus instructive encore, ressort des incidens de ces derniers jours. L’Angleterre a pu croire pendant de longues années que sa situation insulaire lui permettait de se retrancher, au point de vue politique, dans un isolement où personne ne pouvait l’atteindre. Ses nombreuses colonies, répandues dans toute l’étendue des mers, étaient assez fortes par elles-mêmes, et les distances qui les séparaient de l’Europe étaient assez grandes pour qu’elles n’eussent pas grand’chose à craindre. Enfin les marchés de l’univers étaient ouverts à ses produits qui n’y trouvaient pas de rivaux. Il serait prématuré de dire que tout cela est changé ; cependant des modifications se produisent qui commencent à frapper les esprits les moins perspicaces, et le monde est entré dans une période d’évolution dont le terme sans doute est encore lointain, mais non pas hors de la portée de nos prévisions. Les distances qui séparaient autrefois les nations européennes, non pas dans la petite Europe où elles sont en quelque sorte les unes sur les autres, mais dans l’immensité du globe, ont singulièrement diminué pour deux motifs : le premier est que les moyens de communication sont devenus beaucoup plus rapides ; le second est que, à côté des vieilles puissances, comme la France et l’Angleterre elle-même, qui n’ont pas interrompu un seul jour leur expansion coloniale, d’autres, plus jeunes, sont venues, l’Italie et surtout l’Allemagne, qui ont voulu marcher sur les traces de leurs devancières et coloniser à leur tour. L’Allemagne a aujourd’hui des intérêts territoriaux en Afrique et des intérêts commerciaux partout. Les colonies britanniques ne sont plus aussi éloignées des colonies étrangères, devenues plus nombreuses. Les marchés de l’univers n’appartiennent plus aussi exclusivement à l’Angleterre. Déjà l’Allemagne, à laquelle le bas prix de sa main-d’œuvre permet de produire à très bon marché, lui fait une concurrence active et, sur plus d’un point, redoutable. Qu’on ne s’y trompe pas, une explosion de haine comme celle qui vient d’avoir lieu entre elles n’est pas le simple effet d’un incident, quelque grave qu’il soit. Un instinct sûr travaillait depuis longtemps les deux nations et devait les mettre en opposition l’une avec l’autre. Elles sont destinées à se rencontrer un jour, elles se rencontrent déjà dans plusieurs parties du monde, et ces rencontres ne leur sont pas agréables. Des intérêts froissés, des espérances trompées, des œuvres contrariées et interrompues sont déjà entre elles comme des fermens de discorde. Croit-on, par exemple, que l’empereur Guillaume, lorsqu’il a écrit son télégramme désormais célèbre, ait cédé simplement à une admiration généreuse pour le courage et pour la bonne fortune des Boërs ? Ce sentiment a existé sans doute, mais non pas seul. Il suffit d’avoir étudié les entreprises allemandes en Afrique pour reconnaître qu’elles ont obéi, dès l’origine, à une pensée politique qui n’a jamais été abandonnée. La sympathie de l’Allemagne pour le Transvaal ne date pas d’hier. Lorsque M. de Bismarck, avec la sûreté de calcul qu’il a apportée dans l’exécution de la plupart de ses projets, a jeté à Angra-Pequena le fondement de la future puissance coloniale de son pays, il avait déjà l’idée, en s’appuyant sur le Transvaal et sur le Portugal, et en les soutenant, de mettre une digue à l’invasion des Anglais vers le centre et le nord de l’Afrique. Il a noué tout de suite des relations avec le Transvaal. M. Krüger est allé à Berlin, où il a été l’objet de soins particuliers, et, dans ses discours officiels, il rappelait au vieil empereur Guillaume, avec une exagération voulue, que « la plus grande partie de la population du Transvaal et de l’Afrique du Sud était d’origine allemande. » C’est alors que les Anglais, gens pratiques, sentant le danger dont ils étaient menacés, se sont emparés du Betchouanaland de manière à interrompre, de l’Ouest à l’Est, les communications des Allemands avec les Boërs. Puis, ils ont tourné ces derniers par le Nord pour empêcher leurs communications possibles avec la colonie allemande de l’Afrique orientale. Ils les ont enfin complètement cernés, avec la ferme intention de se mettre un jour à leur place. Quant au Portugal, on sait comment ils l’ont traité. Malgré tout, l’Allemagne n’a pas renoncé à ses vues premières ; elle les a seulement modifiées et en poursuit la réalisation par d’autres procédés. L’intérêt si vif qu’elle témoigne aux Boërs en est la suite naturelle et logique. C’est son intérêt de soutenir les petites nationalités indépendantes ou les petites colonies européennes contre la prédominance de plus en plus écrasante de l’Angleterre, et elle le poursuit avec obstination. Elle entend maintenir ce qui reste encore d’équilibre entre les forces en présence, et cet équilibre ne peut être maintenu que par son intervention effective et résolue. Une partie en plusieurs actes, très sérieuse, très complexe, est donc engagée entre l’Angleterre et l’Allemagne dans ces régions de l’Afrique, et ce qui vient de se passer n’en est qu’un épisode. Nous n’en tirons qu’une conclusion, c’est que l’heure a sonné où les questions africaines, aussi bien que les questions asiatiques, ont leur contre-coup immédiat en Europe et y modifient les anciennes relations des puissances. Il suffit, — qui l’aurait cru il y a vingt ans ? — que le docteur Jameson passe la frontière du Transvaal pour qu’une polémique furieuse se déchaîne entre l’Angleterre et l’Allemagne, et qu’on parle même de danger de guerre. La guerre n’éclatera pas ; nous n’y croyons pas ; les temps ne sont pas encore mûrs ; mais, dès aujourd’hui, l’Angleterre peut se rendre compte du péril que lui fait courir son isolement. On a dit autrefois et on peut répéter toujours que la question d’Orient est essentiellement une question d’Occident, pour faire entendre qu’elle est dominée et dirigée par les préoccupations d’intérêt des puissances occidentales. Eh bien ! le jour approche où les questions africaines seront des questions purement européennes, et il en sera de même des questions asiatiques, et aussi de quelques autres encore. Alors, l’Angleterre devra se demander s’il n’est pas sans inconvénient pour elle de ne tenir systématiquement aucun compte des intérêts, parfois même des droits d’aucune autre puissance, et de ne se ménager en Europe ni sympathies, ni alliances. Elle a pu jusqu’ici se passer de tout le monde, mais c’est à la condition de ne pas mettre tout le monde contre elle, et de ne pas s’exposer à une brusque surprise dont celle d’hier n’est qu’une première et légère esquisse. Elle est trop prudente et trop sage pour ne pas tenir compte de cet enseignement.

Quant à la France, elle n’a aucune part à prendre dans ce conflit. Nos sympathies, comme celles de toute l’Europe, sont acquises à ce petit peuple boër qui a si vaillamment et si heureusement défendu sa liberté. Il a donné dans l’histoire un bon et salutaire exemple, et ce n’est pas la première fois qu’il le fait, car il a toujours battu les Anglais, autrefois comme aujourd’hui, et le spectacle de cette poignée d’hommes qui tient tête héroïquement et avec succès à toute la puissance britannique ne nous est certes pas indifférent. Mais nous n’avons aucun intérêt direct engagé dans l’Afrique australe, et nous ne pourrions y intervenir, même diplomatiquement, qu’au profit de l’Angleterre ou au profit de l’Allemagne. Or, nous n’avons aucun motif de le faire. Il est possible que nous en ayons plus tard ; cela dépendra de l’attitude que telle ou telle puissance, — nous n’en désignons et nous n’en excluons aucune, — pourra prendre à notre égard : les combinaisons de la politique future sont infinies, mais pour le moment très confuses. Il n’est d’ailleurs pas probable que la question du Transvaal puisse, du moins à elle seule, exercer une influence déterminante sur les rapports des puissances dans le reste du monde, ni qu’elle mette en jeu des intérêts suffisans pour que les nôtres s’y trouvent impliqués. On l’a très bien senti en France, et, à l’exception de quelques journaux auxquels leur parti pris contre l’Angleterre l’ait perdre tout sang-froid, le langage de la presse y a fait contraste avec celui qu’elle a tenu de l’autre côté du Rhin. Nous sommes restés calmes. En Allemagne, on agite passionnément, en France on discute théoriquement la question de savoir si le Transvaal est ou n’est pas vassal de l’Angleterre. Pour l’Allemagne, il est indépendant ; pour nous, il faudrait déterminer d’abord où commence et où finit la vassalité, car c’est un mol élastique. La convention de 1884 a restitué son autonomie au Transvaal, sauf sur un point où sa souveraineté se trouve limitée par le fait qu’aucun traité ou engagement ne peut être conclu par lui « jusqu’à ce que Sa Majesté la reine d’Angleterre ait donné son approbation. » Les Boërs ont sans doute le droit de préparer, de négocier des traités ; seulement, ils ne deviennent définitifs qu’avec l’approbation de la reine. Cela ne veut pas dire, comme on le soutient volontiers en Angleterre, que les relations du Transvaal avec les autres puissances doivent nécessairement passer par l’intermédiaire des agens de la reine, et l’empereur Guillaume n’a pas commis un acte contraire au droit public en écrivant directement à M. Krüger : il est d’ailleurs présumable que, si sa lettre avait dû passer par les mains des agens anglais, elle ne serait jamais arrivée à son adresse. En revanche, M. Chamberlain, en exprimant à M. Krüger la satisfaction de la reine pour la générosité de sa conduite envers le docteur Jameson, a tenu, dit-on, à confier son télégramme à sir Hercules Robinson, gouverneur du Cap, ce qui donne à croire qu’il interprète la convention de 1884 dans le sens le plus restrictif ; mais il ne semble pas qu’au premier moment et lorsqu’il craignait pour la vie de Jameson, il ait employé pour ses communications, à la vérité très urgentes, l’intermédiaire de qui que ce soit. On peut donc choisir entre les précèdent contradictoires qu’il a lui-même créés.

Les remercîmens de M. Chamberlain à M. Krüger sont d’ailleurs conçus en très bons termes, et ils pourraient faire croire qu’aux émotions de ces derniers jours va succéder enfin un apaisement complet. « Cet acte, dit M. Chamberlain en parlant de la remise qu’il croit certaine du docteur Jameson aux autorités du Cap, sera un nouveau titre d’honneur pour vous. Il aura comme conséquence la paix dans l’Afrique australe et l’harmonieuse coopération des races anglo-saxonne et hollandaise, si nécessaire au développement et à la prospérité future de cette région. » S’il en est ainsi, il faudra dire qu’à quelque chose malheur est bon. Toutefois M. Krüger n’a pas encore remis le docteur Jameson aux Anglais ; il a annoncé seulement l’intention de le faire. Pour le moment, il le garde à sa disposition, et il vient de faire arrêter à Johannesburg vingt-deux chefs du mouvement révolutionnaire, accusés de haute trahison. Parmi eux se trouve le frère de M. Cecil Rhodes. C’est avec ces gages sous sa main que le président du Transvaal a ouvert une négociation avec le gouverneur du Cap. Il demande une indemnité : elle lui sera accordée. Il demande, à ce qu’on assure, l’expulsion de l’Afrique de M. Cecil Rhodes : il aura plus de peine à obtenir cette seconde satisfaction. Mais s’il est vrai qu’il demande en outre, comme paraissent le croire les journaux anglais, la modification de la convention de 1884 afin d’en faire disparaître l’article 4, il se heurtera sans doute à une opposition absolue. On avait cru, un peu trop vite peut-être, que tout était fini, et l’on voit par ce qui précède que presque toutes les questions posées sont encore pendantes. Jusqu’où le Transvaal poussera-t-il ses exigences ? Dans quelle mesure serait-il, au besoin, appuyé par le gouvernement allemand ? Nous le saurons bientôt. Une seule chose parait certaine, c’est que malgré les arméniens de l’Angleterre et malgré la précipitation avec laquelle l’Allemagne a envoyé deux croiseurs dans la baie de Delagoa, la paix n’est pas menacée. Toutefois, l’antagonisme politique des deux puissances est désormais un fait acquis. Leurs sentimens réciproques sont connus : la politique pourra de nouveau en modérer ou même en étouffer l’expression, mais il y a des choses qui, une fois dites, n’ont pas besoin d’être répétées pour n’être plus oubliées.

Francis Charmes.
Le Directeur-gérant,
Ferdinand Brunetière.

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