Correspondance 1812-1876, 1/1833/CX

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CX

À M. JULES BOUCOIRAN, À PARIS


Marseille, 20 décembre 1833.


Mon cher enfant,

Je suis arrivée ici sans trop de fatigue et j’en repars après-demain. Je vais à Pise ou à Naples, je ne sais lequel. Écrivez-moi à Livourne, poste restante. Donnez-moi des nouvelles de mon gamin. Soyez bon pour lui, comme vous l’êtes toujours, et protégez-le contre les petits ennuis dont je vous ai parlé.

Avez-vous réussi à dîner le jour de mon départ ? Je vous ai fait faire une journée de corvée. Sans vous, je ne serais pas venue à bout de partir. Avez-vous eu la bonté de ranger tout chez moi, de mettre dehors mes chambrières, de fermer portes et fenêtres, etc., etc. ? Ayez soin de retirer les clefs de tous les meubles et de les mettre en paquet dans le secrétaire, dont vous prendrez la clef chez vous. Je vous remets aussi la surintendance des rats et souris, avec autorisation d’en manger à discrétion et de boire tout le vin de ma cave.

À propos de cela, il faudra encore que vous ayez l’obligeance de descendre à la susdite cave et de surveiller la conduite de mes bouteilles de vin, pour empêcher la sympathie de ces demoiselles pour le gosier des laquais et portiers de la maison.

Faites une note de toutes vos petites dépenses pour moi, spectacles et sapins pour Maurice, ports de lettres, etc., etc.

Votre pays est très beau le long du Rhône. Cette navigation est magnifique. Du reste, vos villes de Lyon, Avignon et Marseille sont stupides. Je ne voudrais pas les habiter en peinture, et je remercie le ciel de pouvoir m’en sauver bientôt. Marseille est absolument tel que vous me l’avez dépeint. Il faut faire une lieue pour voir la mer et le port ressemble assez à la mare aux canards à Nohant.

Il y fait déjà un temps charmant et des matinées qui valent nos journées d’avril.

Adieu, mon cher ami. Je vous recommande bien de me donner des nouvelles de mon mioche et de me remplacer auprès de lui. Je ne sais vraiment pas comment s’arrangerait ma vie si je n’avais pas votre bonne amitié et votre éternelle complaisance pour m’aider et me tranquilliser. Adieu ; je vous embrasse.

Tout à vous.

AURORE D.