Correspondance 1812-1876, 5/1870/DCCXXI

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DCCXXI

À MAURICE SAND, À NOHANT


Paris, 21 février 1870.


Pendant que tu m’écrivais que madame Chatiron allait probablement mieux, elle s’en allait, la pauvre femme ! et j’ai reçu par René la triste nouvelle en même temps que les espérances de ta lettre.

Je vois que la neige et la glace vous ont isolés, comme si vous étiez dans les Alpes ou dans les Pyrénées. Quel hiver ! il n’est pas étonnant que ce pauvre être si fragile, dont la vie tenait du prodige, n’ait pu le supporter. C’était, en somme, une femme excellente et que j’ai appréciée quand elle a vécu chez moi. Je sais que Léontine la regrettera beaucoup ; je lui écris ; tâchez de la consoler un peu.

Je suis enfin sortie aujourd’hui. J’ai été à la répetition et j’ai avalé mes cinq actes sans fatigue[1]. Il ne faisait plus froid ; j’ai vu les décors, qui sont très beaux et j’ai fait mon compliment à Zaraf le frisé.

La pièce a beaucoup gagné à quelques coupures et à certains béquets. Les acteurs vont très bien ; Sarah[2] a été secouée par mes reproches du commencement ; elle joue enfin en jeune fille honnête et intéressante, tout se débrouille et avance. On croit à un grand succès de durée, tout est là ; car la première représentation ne prouve plus rien dans les habitudes du théâtre moderne.

Madame Bondois est très approuvée et très bonne ; elle a saisi le joint. La pièce passera jeudi ou vendredi au plus tard.

Je vous bige mille fois.

  1. Il s’agit de l’Autre, qui fut représenté, à l’Odéon, le 25 février.
  2. Sarah Bernhardt.