Correspondance de Lagrange avec d’Alembert/Lettre 005

La bibliothèque libre.
Texte établi par Ludovic LalanneGauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome XIIIp. 9-10).

5.

D’ALEMBERT À LAGRANGE.

Paris, ce 1er octobre 1763.
Monsieur,

Cette Lettre vous sera remise par M. Watelet[1], mon confrère dans l’Académie française et connu par son excellent poëme de l’Art de peindre. Il voyage en Italie, et j’aurais eu le plaisir de l’accompagner si des raisons de santé et d’affaires ne m’obligeaient de différer encore mon voyage de quelque temps.

Je profite de cette occasion pour vous envoyer une seconde réponse à M. Clairaut que je ne crois pas vous avoir envoyée dans le temps, et sur laquelle je serais charmé que vous voulussiez bien jeter les yeux à vos moments perdus. Le troisième Volume de mes Opuscules est sous presse et contiendra, je crois, des choses qui pourront vous intéresser. Il paraîtra dans le courant de l’année prochaine.

J’ai eu occasion de voir dans mon voyage à Berlin M. Euler, qui fait de vous tout le cas que vous méritez, et qui vous regarde avec raison comme destiné à reculer très-loin les limites de la haute Géométrie. Où en est le troisième Volume de vos Mémoires ? Je ne doute pas qu’il ne soit aussi intéressant que les deux premiers.

J’ai l’honneur d’être avec la plus parfaite considération,

Monsieur,
Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
D’Alembert.

À la suite de cette Lettre se trouve la note suivante, de la main de Lagrange :

N.-B. — La correspondance a été interrompue par le voyage que M. de la Grange a fait à Paris ; il était parti de Turin au commencement de novembre 1763 et y est retourné dans le courant de juin 1764. Il manque ici une ou deux Lettres que M. d’Alembert lui avait écrites après son retour à Turin, et qui ont été prêtées et perdues. Dans l’une d’elles il lui disait « J’ai lu votre pièce sur la libration de la Lune (elle avait remporté le prix de l’Académie des Sciences en 1764 ; M. d’Alembert n’avait pas pu être un des juges à cause du voyage qu’il avait fait en Prusse dans l’automne de 1763) et j’ai dit comme saint Jean-Baptiste : Oportet illum crescere, me autem minui. »


  1. Cl.-Henri Wattelet, graveur, membre de l’Académie française, né en 1718, mort en 1786. Son poëme sur l’Art de peindre avait paru en 1760.