Correspondance de Lagrange avec d’Alembert/Lettre 028

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Texte établi par Ludovic LalanneGauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome XIIIp. 61-62).

28.

D’ALEMBERT À LAGRANGE.

À Paris, 26 avril 1766.

Mon cher et illustre ami, le roi de Prusse me charge de vous écrire[1] que, si vous voulez venir à Berlin pour y occuper une place dans l’Académie, il vous donne 1500 écus de pension qui font 6000 livres argent de France ; on ne me parle point des frais de voyage, qui vont sans dire, et qui sans doute vous seront payés. Voyez si cette proposition vous convient ; je le désire beaucoup, et je serais charmé d’avoir fait faire à un grand roi l’acquisition d’un grand homme. M. Euler, mécontent pour des raisons dont je ne sais pas bien le détail, mais dans lesquelles je vois que tout le monde lui donne le tort, sollicite son congé et veut s’en aller à Pétersbourg. Le roi, qui n’a pas trop d’envie de le lui accorder, le lui donnera certainement si vous acceptez la proposition qu’on vous fait ; et, d’ailleurs, quand même M. Euler se déterminerait à rester, ce que je ne crois pas d’après tout ce qu’on me mande, je ne doute pas que le roi de Prusse ne tînt toujours son marché avec vous et qu’il ne fût charmé d’avoir fait pour son Académie une aussi brillante conquête que la vôtre. Voyez donc, mon cher et illustre ami, ce que vous voulez faire, et répondez-moi promptement sur cet objet, car le roi me mande de ne point perdre de temps pour vous faire cette proposition. J’attends votre réponse avec impatience, en vous embrassant de tout mon cœur.

Ma santé est toujours bien variable et a grand besoin de régime ; je ne vous parle point de mes travaux outre qu’ils sont peu considérables, vu mon état, je ne veux vous parler aujourd’hui que de l’affaire qui fait l’objet de cette Lettre, et qui sera également glorieuse pour vous, quelque parti que vous preniez. Adieu, mon cher et illustre ami ; je vous embrasse iterum.

D’Alembert.

  1. La Lettre de Frédéric II ne figure pas dans ses Œuvres.