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Correspondance de Lagrange avec d’Alembert/Lettre 160

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Texte établi par Ludovic LalanneGauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome XIIIp. 353-354).

160.

LAGRANGE À D’ALEMBERT.

À Berlin, ce 11 décembre 1779.

J’ai reçu, mon cher et illustre ami, votre Lettre du 10 septembre, ainsi que les compliments que M. Bitaubé m’a faits depuis de votre part. Je suis bien touché des marques flatteuses que vous ne cessez de me donner de votre estime et de votre amitié. Je suis persuadé que vous ne doutez pas de ma reconnaissance et de tous les sentiments par lesquels je vous suis attaché pour la vie ; mais ce serait une grande consolation pour moi d’avoir des occasions de vous en convaincre davantage, et je vous demande comme la grâce la plus flatteuse de m’en procurer.

L’auteur de la pièce sur les comètes est très flatté de ce qu’elle a pu trouver grâce devant vous. Il n’a presque point eu d’autre but dans son travail, et ne demande point d’autre récompense.

J’attends avec impatience votre septième Volume d’Opuscules ; vos Ouvrages sont depuis longtemps mon bréviaire et le seront tant que je m’occuperai de Géométrie. J’espère trouver dans ce dernier le développement de votre nouvelle théorie des fluides ; l’idée en est aussi belle que féconde, et bien digne du créateur de cette branche des Mathématiques. Vous recevrez par M. de la Lande, à qui M. Bernoulli a envoyé depuis peu une balle, le Volume de nos Mémoires pour 1777, ainsi que les trois derniers Volumes de ceux de Göttingue. J’ai joint à ceux-ci deux exemplaires de mes Mémoires, l’un pour le marquis de Condorcet et l’autre pour M. de la Place ; je vous prie de vouloir bien les leur faire remettre. À propos de ces Volumes, je dois vous prévenir que, dans le septième des Novi Commentarii[1], il manque les planches qui appartiennent au Mémoire sur les alphabets de tous les peuples ; ces planches n’ont été livrées qu’à la dernière foire de Saint-Michel, et je n’ai pu les avoir à temps pour les joindre à mon envoi. Je vous les ferai tenir par la première occasion que je pourrai avoir.

Je vous remercie de tout mon cœur du désir que vous me témoignez de me voir à Paris. Quelque envie que j’aie de faire ce voyage, surtout pour avoir la consolation de vous embrasser après une si longue absence, j’ai néanmoins une espèce de répugnance à m’y résoudre de moi-même, et je voudrais attendre que les circonstances ou des raisons particulières concourussent à me déterminer ; je voudrais surtout réserver ce voyage pour quand ma santé pourra en avoir besoin ; jusqu’ici elle se soutient assez bien ; et ce qu’il y a de singulier, c’est que, malgré la rigueur de l’hiver dans ce pays, je me porte presque toujours mieux dans cette saison qu’en été. Je ne vous dis rien pour le marquis Caraccioli, parce que je compte lui écrire par ce même ordinaire ou par le suivant. Je vous l’envie beaucoup. Son esprit et son amabilité me sont toujours présents, et je n’oublierai jamais ce que je lui dois. Adieu, mon cher et illustre ami ; portez-vous bien et recevez tous mes vœux, ainsi que les assurances de ma tendresse et de ma reconnaissance éternelle. Je vous embrasse de tout mon cœur.


  1. De Göttingue.