De l’Écriture hiératique des anciens Égyptiens

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DE L’ÉCRITURE
HIÉRATIQUE
DES
ANCIENS ÉGYPTIENS,


Par M. J.-F. CHAMPOLLION le jeune,
Ancien Professeur à la Faculté des Lettres de l’Académie de Grenoble.



EXPLICATION DES PLANCHES.


GRENOBLE,
Imprimerie typographique et lithographique de BARATIER frères,
grande-rue.
1821.


DE
L’ÉCRITURE HIÉRATIQUE
DES
ANCIENS ÉGYPTIENS,

EXPLICATION DES PLANCHES.

INTRODUCTION.


Les manuscrits égyptiens qu’un heureux hasard a fait retrouver dans les hypogées de Thèbes et de Memphis, sont écrits sur toile ou sur papyrus, soit avec le roseau, soit avec le pinceau. Ces volumes, d’une antiquité bien plus reculée que ceux d’Herculanum et que tous les manuscrits connus, sont de deux espèces.

Les uns, et les plus rares, sont couverts de signes offrant des images plus ou moins exactes d’objets naturels : des quadrupèdes, des oiseaux, des plantes, l’homme et ses parties diverses y paraissent groupés avec des objets d’art ou des figures géométriques. Ces signes furent appelés Hiéroglyphes, et l’espèce d’écriture dont ils sont les élémens constitutifs, porta chez les anciens le nom d’Écriture Hiéroglyphique. Les modernes ont généralement adopté ces dénominations. Les signes Hiéroglyphiques étaient disposés en colonnes perpendiculaires du haut en bas de la page, ou en lignes horizontales de gauche à droite, et plus souvent encore de droite à gauche.

Les signes de la seconde espèce de manuscrits égyptiens affectent, au contraire, une disposition constante ; ils sont tracés de droite à gauche en lignes toujours horizontales. Ces signes consistent en traits variés, enlacés les uns dans les autres, d’un aspect bizarre, et formés de lignes droites ou de courbes.

Ces manuscrits ont de bonne heure attiré l’attention des savans ; Rigord, Montfaucon, le comte de Caylus, l’abbé Barthélemy, Zoëga, M. de Humbolt et les membres de la Commission d’Égypte, ayant reconnu que l’écriture de ces rouleaux différait essentiellement de l’Hiéroglyphique, la considérèrent, les uns comme étant l’écriture égyptienne Hiératique, les autres comme l’écriture Épistolographique ou populaire, mentionnées par les auteurs Grecs ; mais tous s’accordent sur ce point important, que l’écriture de ces manuscrits égyptiens est alphabétique, c’est-à-dire qu’elle se compose de signes destinés à rappeler les sons de la langue parlée.

Une longue étude et sur-tout une comparaison attentive des textes hiéroglyphiques avec ceux de la seconde espèce regardés comme alphabétiques, nous ont conduits à une conclusion contraire.

Il résulte, en effet, de nos rapprochemens,

1.o Que l’écriture des manuscrits égyptiens de la seconde espèce n’est point alphabétique ;

2.o Que ce second système n’est qu’une simple modification du système Hiéroglyphique, et n’en diffère uniquement que par la forme des signes ;

3.o Que cette seconde espèce d’écriture est l’Hiératique des auteurs Grecs, et doit être regardée comme une Tachygraphie hiéroglyphique ;

4.o Enfin, que les caractères Hiératiques sont des signes de choses, et non des signes de sons.

L’examen des planches suivantes servira de preuve aux principes que nous venons d’énoncer.


PLANCHE PREMIÈRE.


N.o 1.erHiéroglyphes linéaires extraits de la première face de l’obélisque de Florence, regardés par Warbuthon comme formant une écriture particulière, rapprochés des Hiéroglyphes purs analogues.

La ressemblance évidente des formes établit que tous ces signes appartenaient au système Hiéroglyphique proprement dit.

N.o 2. — Texte dit alphabétique extrait de la description de l’Égypte, A. vol. 2, pl. 60, i.re page supérieure, à la gauche du grand tableau symbolique, rapproché du texte Hiéroglyphique du manuscrit gravé dans le même volume, pl. 74, colonnes 108, 107, 106, 105 et 104.

Ces deux textes, quoique appartenant à deux manuscrits différens, sont surmontés d’une peinture dont le sujet est le même ; aussi les deux textes se rapportent-ils, à quelques variantes près.

Nous avons placé chaque signe du texte Hiéroglyphique sous le signe Hiératique auquel il correspond, et cela sans intervertir en aucune manière l’ordre des signes, soit dans le texte Hiératique, soit dans le texte Hiéroglyphique.

Variantes du texte Hiératique. — Ligne 1.re, quatre signes sans correspondans dans le texte Hiéroglyphique ; addition des signes (pl. 111, no 5) ;

Ligne 2.e, addition de quatre signes ;

Ligne 5.e, addition des signes, pl. i.re, no 5 ;

Ligne 4.e, addition des signes, pl. i.re, no 14 ;

Ligne 5.e, addition des signes, pl. iii, no 153 pl. i.re, no 5 ;

Ligne 6.e, addition des signes, pl. iii, no 24, et pl. i.re, no 3.


PLANCHE II.e


Rapprochement de deux autres textes.

L’Hiératique est extrait du manuscrit égyptien publié par la Commission d’Égypte, A. vol. 2, pl. 62, quatrième page supérieure.

Une peinture analogue et le même texte rendu en écriture Hiéroglyphique se trouvent dans la 74e planche du même volume, colonnes 87, 86, 85, 84 et 83.

Les signes Hiéroglyphiques sont placés au-dessous des caractères Hiératiques auxquels ils correspondent.


PLANCHE II.e A.


N.o 1.er — Texte Hiératique du manuscrit, pl. 62, page i.re (Description de l’Égypte, A. vol. ii), rapproché du même texte en écriture Hiéroglyphique, extrait de la planche 74 (même volume), colonnes 120, 119, 118, 117, 116 et 115.

N.o 2. — Texte Hiératique du manuscrit, pl. 70, pag. 2.e, lig. 17, 18 et 19, rapproché de texte Hiéroglyphique, pl. 75, colonnes 130 et 129.


PLANCHE III.e


Cette planche sert, pour ainsi dire, de commentaire au rapprochement des deux textes que contient la planche première.

Le no 1.er présente la réunion de tous les groupes du texte Hiéroglyphique dans lesquels paraît un oiseau (la caille ou la perdrix), mis en regard avec les groupes de caractères Hiératiques correspondant à ces Hiéroglyphes. On doit remarquer que l’oiseau est toujours rendu par un trait courbe extrêmement simple.

Les nos 20, 21, 22 et 23 offrent les mêmes rapprochemens pour les Hiéroglyphes représentant une plume [ou une feuille][1], le Nycticorax, l’homme agenouillé et le céraste. Ces images Hiéroglyphiques sont constamment exprimées d’une manière très-abrégée dans les parties correspondantes du texte Hiératique.

Enfin, le no 2 montre les signes qui, dans les deux textes, présentent une analogie de formes bien marquée.


PLANCHE IV.e


Marche et Classes diverses des signes Hiératiques.

N.o 1.er — Signes Hiératiques superposés deux à deux. Exemples extraits de divers textes.

N.o 2. — Groupes Hiératiques formés de trois, de quatre et de cinq signes.

Les groupes Hiéroglyphiques mis en regard sont extraits des textes correspondans, signe pour signe, aux textes Hiératiques qui nous ont fourni les exemples.

N.o 3. — Signes Hiératiques de la première classe, présentant une image grossière de l’Hiéroglyphe correspondant.

N.o 4. — Signes Hiératiques de la seconde classe, formés des traits principaux du signe Hiéroglyphique.

N.o 5. — Signes Hiératiques de la troisième classe, n’imitant qu’une partie de l’Hiéroglyphe.

Les traits en encre rouge indiquent les parties des images Hiéroglyphiques supprimées dans la formation des signes Hiératiques correspondans.


PLANCHE V.e


N.o 1.er — Signes Hiératiques de la quatrième classe, n’ayant aucun rapport de forme avec l’Hiéroglyphe auquel ils correspondent. Ces caractères, en très-grand nombre, ont une forme tout-à-fait arbitraire.

N.o 2. — Signes Hiéroglyphiques rendus par deux, trois et quatre : caractères différens en écriture Hiératique.

N.o 3. — Ligatures des signes Hiératiques.

N.o 4, 5 et 6. — Groupes Hiératiques exprimant l’épervier hiéroglyphique.

N.o 8. — Épervier sacré hiéroglyphique rendu en écriture Hiératique par le groupe no 9.

N.o 10. — Images Hiératiques des Hiéroglyphes représentant les fleurs de Lotus et l’Ibis.

Les quatre derniers groupes de ce numéro paraissent souvent dans les textes Hiératiques, là où le texte Hiéroglyphique porte un Ibis.

N.o 11. — Œil symbolique rendu dans les textes Hiératiques par les groupes no 11 et 13.

N.o 14. — Tête de bélier symbolique exprimée hiératiquement par trois caractères.

N.o 15. — Exemples de l’emploi de ces trois caractères, extrait du manuscrit Hiéroglyphique, planche 73, colonne 83 ; planche 74, colonne 129, et des manuscrits Hiératiques, planche 63, page 1.re, ligne 19 ; planche 70, page 5, ligne 11.


PLANCHE VI.e


Tableau général des signes Hiératiques.

Cette planche renferme tous les signes Hiératiques placés à la suite des Hiéroglyphes dont ils sont les équivalens. Ce tableau a été formé au moyen des textes Hiératiques publiés par la Commission d’Égypte, et de cent quatre-vingt-quatre colonnes du grand papyrus (planches 72, 73, 74 et 75), qui présentent une transcription exacte de ces mêmes textes selon la méthode hiéroglyphique.

La seconde espèce d’écriture usitée en Égypte, l’Hiératique, n’étant qu’une sorte de tachygraphie hiéroglyphique, il était naturel de ranger les caractères dont elle se compose dans un ordre déjà adopté pour les signes Hiéroglyphiques. Ces derniers qui, pour la plupart, ont des formes fixes et déterminées, se prêtent plus que les caractères hiératiques à une classification régulière.

Comme les Hiéroglyphes auxquels ils correspondent, les signes Hiératiques sont partagés en neuf classes.

Ces divisions sont purement matérielles, et ne préjugent en rien les rapports ou les différences de signification que peuvent avoir les signes renfermés dans une même série.

I.re Classe. Figures rectilignes, courbes ou angulaires, empruntées à la géométrie.

II.e Classe. Hiéroglyphes et caractères Hiératiques Astéromorphes ; images des corps célestes.

III.e Classe. Hiéroglyphes Zoomorphes, avec les caractères Hiératiques.

A. L’homme.

B. Les différentes parties du corps humain.

C. Les quadrupèdes et portions de quadrupèdes.

D. Les oiseaux et portions d’oiseaux.

E. Les poissons.

F. Les reptiles.

G. Les insectes.

IV.e Classe. Hiéroglyphes Phytomorphes accompagnés de leurs caractères hiératiques.

V.e Classe. Hiéroglyphes figurant des objets relatifs au costume, coiffures, armes, sceptres, avec les caractères Hiératiques correspondans.

VI.e Classe. Hiéroglyphes représentant des ustensiles et des instrumens divers, avec les signes Hiératiques.

A. Vases.

B. Ustensiles et instrumens.

VII.e Classe. Hiéroglyphes figurant des édifices et des constructions. Signes équivalens en écriture Hiératique.

A. Édifices.

B. Constructions nautiques.

VIII.e Classe. Hiéroglyphes représentant des meubles et autres objets d’art, avec leurs signes Hiératiques.

IX.e Classe. Hiéroglyphes représentant des objets fantastiques, avec les caractères Hiératiques correspondans.

Cette classification n’est certainement pas exempte d’erreur ; il eût fallu, pour la rendre parfaite, une connaissance certaine et des objets que les signes représentent et du sens que les Égyptiens y attachaient. La science est encore bien neuve sur cette matière, elle commence ; des à-peu-près suffisent d’abord ; le temps et l’étude conduiront seuls à des documens plus perfectionnés.


Pl. I.


Pl. II.


Pl. II. A.


Pl. III


Pl. IV


Pl. V


Pl. VI
TABLEAU GÉNÉRAL DES SIGNES HIÉRATIQUES.

  1. Même planche, no 3.