Dharmasindhu, ou Océan des rites religieux/Chapitre XXXI

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Dharmasindhu, ou Océan des rites religieux
Texte établi par Musée Guimet, Ernest Leroux (Tome 7p. 257-267).

CHAPITRE XXXI
DESCRIPTION DES ÉCLIPSES[1]

Le temps d’une éclipse de soleil et de lune est favorable aussi longtemps que l’éclipse est visible. Si l’éclipse commence et est apparente dans une autre île, mais invisible dans le pays même, son temps n’est pas propice. De même aussi si l’éclipse commence avant le lever du soleil, le temps de l’éclipse avant le lever du soleil n’est pas propice, mais si l’éclipse est rendue invisible par des nuages, etc., alors on doit s’assurer au moyen des livres d’astronomie, almanachs, etc., du moment exact où elle commence et finit, et accomplir les cérémonies du bain, des dons aux brâhmanes, etc.

Les éclipses de soleil du dimanche et celles de lune du lundi sont appelées « Éclipses joyaux » et les rites de donations aux brâhmanes, etc., accomplis en ce temps sont très méritoires.

Pendant une éclipse les rites doivent suivre régulièrement l’ordre suivant : au commencement, le bain ; au milieu, l’adoration et l’oblation aux dieux, le repas aux brâhmanes en l’honneur des ancêtres morts ; à la fin, le rite de donation aux brâhmanes, et quand l’éclipse est finie, le bain.

La règle suivante regarde les degrés de mérites de l’eau employée pour le bain.

Se baigner dans l’eau froide est plus méritoire que se baigner dans l’eau chaude ; se baigner dans de l’eau qu’on a puisée soi-même est plus méritoire que dans de l’eau préparée par quelqu’un d’autre ; se baigner en plongeant est plus méritoire que de se verser de l’eau sur le corps ; se baigner dans un étang est plus méritoire que dans l’eau courante ; cependant, le bain dans une grande rivière vaut mieux encore ; viennent ensuite les choses suivantes qui sont chacune plus méritoires que celle qui précède ; se baigner dans les rivières sacrées, dans le Gange et dans la mer.

Pour les deux bains qui doivent être pris au moment des éclipses on doit conserver ses vêtements ; cependant un certain auteur dit qu’il ne faut conserver ses vêtements que pour le bain après l’éclipse.

Si on ne se baigne pas après une éclipse, la souillure provenant de la naissance d’un enfant ou d’un décès persiste.

Le bain de l’éclipse ne doit pas être accompagné d’incantations.

Les femmes mariées doivent se baigner de la tête en bas, mais les autres femmes doivent se baigner même la tête au temps d’une éclipse.

Les rites liés à une éclipse, comme, le bain, les donations aux brâhmanes, les rites de repas aux brâhmanes en l’honneur des ancêtres décédés, etc., doivent s’accomplir même s’il y a une souillure de naissance d’enfant ou de mort.

Si un rite accidentel de bain (tel que celui d’une éclipse) arrive pendant le temps de la menstruation, une femme doit accomplir le bain en versant sur elle de l’eau avec un pot. Elle ne doit ni tordre ses habits, ni les changer.

Au temps d’une éclipse, il est très méritoire de jeûner trois jours ou un jour, et d’accomplir le Rite de Donation aux brâhmanes, etc. Quelques auteurs disent que celui qui jeûne un jour doit le faire le jour avant l’éclipse, mais d’autres prétendent qu’il faut jeûner le jour et la nuit même de l’éclipse.

Le maître de maison qui a un fils, ne doit pas jeûner dans les cas tels que les éclipses, les conjonctions solaires, etc ; certains disent que s’il a même (seulement) une fille, il ne doit pas jeûner. Quelques auteurs disent que pendant le jour des éclipses, il faut faire des libations d’eau aux dieux et aux mânes des ancêtres.

La vue du démon Rāhu (voir note 175) (au moment d’une éclipse) porte souillure à tout, aussi les vêtements, etc., qui ont été touchés pendant une éclipse doivent être lavés, ou purifiés par d’autres procédés.

En temps d’éclipses, les donations de vaches, champs, or, grain, etc. (aux brâhmanes), sont très méritoires.

Le brâhmane qui mène une vie de pénitence et est savant, est très digne de donations ; donner à un digne brâhmane est très méritoire.

Suivant le texte : « Au temps des éclipses de lune et de soleil, toutes les eaux sont comme l’eau du Gange (sacré), tous les brâhmanes comme Vyāsa (l’auteur supposé des Védas), toutes les donations comme les donations de champs », quelques-uns pensent que toutes les choses données sont également méritoires.

Quelques auteurs enseignent qu’il y a des degrés de mérite ; donner à celui qui n’est pas brâhmane est méritoire ; donner à un brâhmane qui ne l’est que de nom est doublement méritoire ; donner à un brâhmane savant, versé dans les Védas, est cent fois, mille fois méritoire ; et que donner à un digne brâhmane est incommensurablement méritoire. Un non-brâhmane est un brâhmane[2] qui n’a pas accompli les cérémonies sacrées de l’investiture (voir note 57) et qui, ainsi, n’est brâhmane que de caste seulement ; faire un don dans un cas pareil n’est méritoire que dans les limites indiquées ci-dessus. Le brâhmane seulement de nom est un brâhmane qui a accompli les saintes cérémonies de Garbhadhânam (voir note 54), etc., mais qui n’a pas étudié, ni médité les Védas ; lui faire un don n’est que doublement méritoire. Donner à un brâhmane qui a étudié et connaît les Védas est mille fois méritoire. Celui qui est savant et mène une vie sainte est un digne brâhmane ; lui donner vaut un mérite infini.

Un rite de repas aux brâhmanes en l’honneur des ancêtres morts au temps d’une éclipse doit être accompli par le don de grain cru ou de l’or. S’il est possible, on doit le faire avec de la nourriture cuite[3].

Pendant une éclipse solaire, le repas aux brâhmanes en l’honneur des ancêtres morts doit se faire de la même manière que celui qui se donne dans les lieux de pèlerinage, c’est-à-dire avec des mets qui se composent principalement de ghee.

Celui qui mange du repas offert aux ancêtres au temps d’une éclipse, commet un grand péché.

Un homme riche doit accomplir le Rite de la Balance au temps d’une éclipse.

Celui qui est sur le point de recevoir l’investiture des incantations védiques et la marque sacrée[4] au moment d’une éclipse de soleil ou de lune n’a pas besoin de chercher un moment propice ou une conjonction d’étoile, etc., ainsi que cela se fait dans les lieux sacrés de pèlerinages et au moment des grandes conjonctions.

En ce qui concerne la réception de l’investiture des incantations védiques et de la marque, on doit se reporter aux livres appelés Tantras[5].

Prendre la « marque » signifie maintenant recevoir la (sainte) doctrine (par la parole d’un prêtre). Dans tous les premiers Âges-Yugas (voir note 60), on prenait réellement la « marque » ; cependant dans le (mauvais) âge actuel de Kali l’investiture se reçoit par « parole seulement ».

Recevoir l’investiture par « parole seulement » signifie que les saintes incantations seulement sont communiquées à un adepte au temps d’une éclipse de soleil ou de lune, près d’une rivière sacrée, dans un lieu sacré et dans un temple de Shiva.

Une éclipse de soleil est le meilleur moment pour être initié aux incantations sacrées. Quelques auteurs vont même jusqu’à prétendre que si l’initiation est accomplie pendant une éclipse de lune, on tombera dans la pauvreté et autres malheurs semblables.

Au jour d’une éclipse de soleil ou de lune, on doit d’abord se baigner, jeûner et ensuite répéter des prières d’incantations sans interruption du commencement à la fin de l’éclipse.

On doit faire des holocaustes à raison du dixième du nombre des incantations, et des libations à raison du dixième des holocaustes. Que celui qui est incapable de faire des holocaustes répète quatre fois les incantations. Il faut d’abord prononcer l’incantation principale, puis celles du nom des divinités en mettant ces noms à l’accusatif et disant : « Je rafraîchis tel ou tel dieu par ma libation. Gloire à lui ! » Alors on prend avec les deux mains de l’eau mélangée d’orge et on fait des libations à raison du dixième du nombre des holocaustes.

À la fin du culte, on doit aussi murmurer une incantation principale et dire : « J’oins telle ou telle divinité » ; en même temps on verse sur sa propre tête un peu de l’eau sacrée et on accomplit ainsi le rite d’onction à raison du dixième du nombre des libations. Enfin, on doit offrir des repas aux brâhmanes à raison du dixième du nombre des onctions.

Ainsi doit être accompli le rite appelé « Purasćarana » qui se compose des cinq cérémonies suivantes : répéter les incantations, offrir des holocaustes, des libations, des onctions et des repas aux brâhmanes. Que celui qui ne pourra pas faire les libations ou quelque autre de ces rites répète le culte des incantations en quadruplant le nombre fixé pour chacune d’elles.

Ce rite de Purasćarana ne doit pas être accompli au moment d’une éclipse qui commença avant le lever du soleil ou qui finit après son coucher. À l’égard de ce rite de Purasćarana, même le maître de maison qui a un fils est obligé de jeûner.

Comme c’est un péché pour celui qui accomplit ce rite du Purasćarana de négliger les rites obligatoires habituels du bain, des dons aux brâhmanes, etc., qui sont liés à l’éclipse, il doit se faire remplacer, pour leur célébration, par son fils, sa femme, etc.


ICI EST INDIQUÉE LA MANIÈRE DE CÉLÉBRER LE RITE DE PURASĆARANA

S’étant baigné avant le commencement de l’éclipse, on doit prononcer la résolution suivante : « Moi, de telle ou telle tribu, de tel ou tel nom, au temps de cette éclipse de soleil ou de lune, désirant le fruit de telle ou telle incantation que je prononce avec le nom de telle ou telle divinité, j’accomplirai le rite de Purasćarana sous la forme d’incantations répétées depuis le commencement jusqu’à la fin de l’éclipse » ; là-dessus, on doit se préparer un siége, célébrer le rite Nyāsa[6] avant que l’éclipse commence, et alors, du commencement à la fin de l’éclipse, répéter l’incantation principale. Le lendemain, après avoir accompli les rites obligatoires habituels du bain, etc., on doit prononcer la résolution suivante : « Afin de compléter les incantations du rite de Purasćarana accompli au temps d’une éclipse au moyen de tel ou tel nombre d’incantations, je donne des holocaustes à raison du dixième du nombre des incantations, je fais des libations à raison du dixième du nombre des holocaustes, des onctions à raison du dixième du nombre des libations, et j’offre des repas aux brâhmanes à raison du dixième du nombre des onctions » ; alors on accomplit les holocaustes et autres rites, ou on les remplace en prononçant des incantations à raison de 2 ou 4 pour 1 du nombre ordonné pour chacun de ces rites.

Le jour de l’éclipse, le fils, la femme, etc., qui a reçu l’ordre (de son père, de son mari, etc.) d’accomplir à sa place les rites obligatoires habituels du bain, etc., doit prononcer la résolution suivante : « Moi, de tel ou tel nom[7], de telle ou telle tribu, afin de gagner le fruit croissant du bain au commencement d’une éclipse, j’accomplirai le bain au commencement de l’éclipse », et alors il doit, à la place de son père, etc., se baigner, faire les donations aux brâhmanes, etc.

Ceux qui n’accompliront pas le rite de Purasćarana doivent néanmoins, au moment d’une éclipse, prononcer l’incantation enseignée par leurs maîtres spirituels, celle du nom de leur divinité de prédilection et celle de la Gâyatri. S’ils manquent de le faire, les incantations sont souillées.

Celui qui dort pendant une éclipse est puni par la maladie ; celui qui urine par la pauvreté ; celui qui lâche ses excréments devient un ver (dans le prochain état de transmigration) ; celui qui a des rapports sexuels devient un porc de ville[8] ; celui qui s’oint (d’huile douce) est puni de lèpre et celui qui mange est condamné à l’enfer.

Les mets cuits avant l’éclipse ne peuvent pas être mangés après l’éclipse ; il faut les jeter.

Également l’eau qui est restée (dans des pots) pendant une éclipse doit être jetée, parce que la pénitence appelée Kritchra est imposée à celui qui a bu de cette eau.

L’eau de riz, le lait caillé, les mets frits dans le ghee, dans l’huile ou le lait, préparés avant l’éclipse peuvent être mangés après l’éclipse.

Au temps d’une éclipse, il faut jeter quelque peu d’herbe sainte Darbha dans le ghee, dans le lait et dans les autres produits de la vache (pour les préserver de la souillure).


ICI SE TROUVE UNE DESCRIPTION DE LA SOUILLURE DES ÉCLIPSES

Au temps d’une éclipse solaire, les quatre veilles qui précèdent la veille de l’éclipse sont souillées ; au temps d’une éclipse lunaire, les trois veilles qui précèdent la veille de l’éclipse sont souillées. Quand une éclipse de soleil se présente dans la première veille du jour, on ne doit pas manger pendant les quatre veilles de la nuit précédente ; quand l’éclipse arrive à la seconde veille du jour, on ne doit pas manger depuis la seconde veille de la nuit précédente.

Quand une éclipse de lune arrive pendant la première veille (de la nuit), on ne doit pas manger depuis la seconde veille du jour précédent ; si l’éclipse arrive pendant la seconde veille de la nuit, on ne doit plus prendre de nourriture depuis la troisième veille du jour précédent.

Pour les enfants et les gens âgés ou malades, la souillure de l’éclipse ne dure qu’une demi veille ou 6 ghaṭikas.

Un homme fort qui mange pendant la souillure de l’éclipse doit faire une pénitence de trois jours de jeûne.

Celui qui mange pendant le temps même de l’éclipse doit accomplir la pénitence Prājāpatya[9].

Si la lune se lève lorsque l’éclipse a déjà commencé, on doit s’abstenir de nourriture pendant le jour précédent, parce que ses quatre veilles sont souillées.

Certains disent que quand il y a une éclipse de lune complète quatre veilles sont souillées, mais que si l’éclipse est partielle la souillure est seulement de trois veilles.

Quand la lune se couche pendant le temps d’une éclipse, on doit s’en rapporter au texte suivant : « Lorsque le soleil ou la lune se couchent pendant le temps d’une éclipse, il faut après leur lever du prochain jour prendre un bain et alors ainsi purifié ou peut vaquer à ses affaires journalières ». Comme les mots « on doit se baigner et être purifié » signifient ici que par le fait du bain, après que le disque du soleil ou de la lune est devenu visible, la souillure précédente (de l’éclipse) est effacée, je suis d’avis qu’on ne doit pas puiser d’eau ni cuire de nourriture avant de s’être préalablement baigné après que le soleil ou la lune sont devenus visibles.

Quelques-uns disent que puisque le maître de maison qui a un fils ne doit pas jeûner au temps du lever et du coucher du soleil pendant une éclipse, il doit observer une souillure de six muhūrtas avant le commencement de l’éclipse et manger après.

Mādhava, suivant la coutume admise par les sages, dit que même le maître de maison qui a un fils doit observer un jeûne complet. C’est le meilleur procédé.

Si le soleil se couche pendant son éclipse, ou que la lune se lève pendant son éclipse, celui qui entretient le feu domestique sacrificatoire doit accomplir le « Culte du bois et du feu » et en même temps boire de l’eau, mais ne manger aucune nourriture.

Si la lune se couche pendant son éclipse, le bain journalier, l’holocauste, etc., doivent être accomplis le matin suivant ; cependant si par les livres astronomiques ou les almanachs on sait que l’éclipse doit finir très peu de temps après le coucher de la lune, on doit se baigner et faire l’holocauste après que l’éclipse est passée. Si l’éclipse (d’après les almanachs, etc.,) dure plus longtemps après le coucher de la lune de façon à empiéter sur le temps de l’holocauste quotidien (c’est-à-dire, le matin) alors, suivant la règle donnée pour le « lever quand l’éclipse a commencé » il me semble qu’on doit accomplir la « Sandhyā[10] quotidienne » et l’holocauste pendant le temps de l’éclipse, se baigner au moment où, d’après les almanachs, l’éclipse finit, et accomplir les libations de Brahma[11] et autres rites usuels quotidiens et obligatoires.

En accomplissant le rite du repas offert aux brahmanes en l’honneur des ancêtres morts, en rapport avec une éclipse tombant sur la Date de la nouvelle lune, on gagne à la fois les fruits croissants du rite du repas aux ancêtres décédés, qui doit être accompli pendant cette Date de la nouvelle lune, et celui d’un rite de repas aux ancêtres célébré en rapport avec une conjonction solaire.

Si le rite du repas annuel ou autres rites accidentels de repas offerts aux brahmanes en l’honneur des ancêtres morts, tombe au jour d’une éclipse, alors, si on peut agir ainsi, on devra l’accomplir avec des mets. Mais si on ne peut pas avoir de brahmanes prenant sur eux de manger ces mets, on doit l’accomplir en leur donnant du grain cru ou de l’or (voir note 177).

Comptant de la conjonction solaire de la propre naissance (voir chapitre II) d’un individu, l’éclipse qui aura lieu pendant la troisième, sixième, dixième, et onzième conjonction solaire, est propice, celle qui arrive pendant la deuxième, cinquième, septième, et neuvième conjonction solaire est médiocre ; et celle qui arrive pendant la première, quatrième, huitième et douzième conjonction solaire est néfaste.

Celui dont la conjonction solaire de naissance, ou l’étoile de nativité se rencontre avec une éclipse est très malheureux. Qu’il accomplisse la pénitence ordonnée par Garga[12] ou bien le Rite de Donation du Disque, qui se pratique ainsi qu’il suit :

Au temps d’une éclipse de lune il devra faire un disque lunaire d’argent et un serpent d’or, et au temps d’une éclipse de soleil, un disque solaire d’or et un serpent d’or, et les mettre dans un vase de bronze ou de cuivre rempli de ghee ; il préparera alors un don de sésame, de vêtements, et le don des brâhmanes, et prononcera la résolution suivante : « Je fais don de ce disque, etc., afin d’être délivré de tous les malheurs provenant de cette éclipse qui est tombée sur mon étoile de nativité, ou sur la conjonction solaire de ma naissance, et pour gagner le bénéfice croissant de l'éclipse qui touche sur une des onze conjonctions. » Il devra alors méditer sur la Lune, le Soleil et le démon Rāhu, adorer et dire : « Ô Toi ! ténébreux ! Toi destructeur de la Lune et du Soleil, par la vertu de ce disque d’or éloigne de moi toutes les calamités ! Adoration à lui ! Toi persécuteur de la Lune ! Par ce don d’un serpent (d’or) sauve-moi de la crainte de la souillure (de cette éclipse), Toi, impérissable fils de Simhikā ! »[13]. Donnant alors ces présents à un brâhmane, qu’il a déjà adoré, il devra dire : « Afin de gagner une bénédiction et de détruire le malheur provenant de cette éclipse, je te donne ce serpent d’or qui a la forme de Rāhu (voir note 175) et ce disque solaire d’or, ou ce disque lunaire d’argent (s’il s’agit d’une éclipse de lune), qui sont déposés dans ce vaisseau de bronze rempli de beurre, et j’ajoute, suivant mes moyens, du sésame, des vêtements, et le don du brâhmane. »

Il me semble que ces donations devraient aussi être faites lorsque l’éclipse arrive pendant la quatrième et autres conjonctions solaires néfastes. L’homme sur la conjonction solaire de la naissance, ou sur l’étoile de nativité duquel tombe une éclipse de soleil ou de lune, ne devra pas regarder leur disque aussi longtemps que Râhu les tient (voir note 175). Les autres personnes ne doivent pas non plus regarder l’éclipse directement, mais seulement à travers une étoffe épaisse ou bien réfléchie dans l’eau. Quand il y a une éclipse totale de lune, on doit éviter de faire des cérémonies joyeuses (tels que mariages, etc.) pendant sept jours, comptant du douzième du demi-mois au troisième du demi-mois suivant ; si c’est une éclipse totale de soleil, il faut rejeter les neuf jours entre le onzième et le quatrième. Si l’éclipse est partielle, il faut rejeter quatre jours en commençant avec le quatorzième.

Suivant les degrés de grandeur de l’éclipse, ce dont on peut s’assurer par les almanachs, etc., il faut rejeter plus ou moins de jours.

Si la lune ou le soleil se couchent pendant l’éclipse, les trois jours qui précèdent doivent être rejetés.

Si le soleil ou la lune se lèvent pendant une éclipse, il faut rejeter les trois jours qui suivent.

Si l’éclipse est totale, l’étoile qui est en conjonction (avec la lune) pendant l’éclipse doit être rejetée toutes les fois qu’elle se présentera pendant les six mois qui suivent.

S’il s’agit d’une éclipse partielle d’un quartier (ou d’une demi-éclipse), etc., l’étoile qui est en conjonction devra être rejetée à raison de 1 1/2 mois par quart.

Si on donne (pendant l’éclipse) au brahmane le présent que dans sa résolution on avait fait vœu de donner seulement après l’éclipse, on doit donner double.

Tel est le trente et unième chapitre, description des Éclipses.

  1. Pour comprendre cette description des éclipses avec les contaminations qu’elles entraînent, et leurs rites, il faut se souvenir que les éclipses du soleil et de la lune sont attribuées au pouvoir néfaste de Rāhu, démon de la classe des Daityas. On croit que les éclipses partielles de la lune et du soleil sont produites par Rāhu qui cherche à dévorer ces deux astres ; mais qui les lâche, bientôt empêché dans son œuvre ténébreuse par les prières, les incantations et les rites des fidèles ; quant aux éclipses complètes elles sont produites par ce même Rāhu qui avale le soleil et la lune, mais est obligé de les dégorger ensuite par les mêmes influences de la prière, des incantations et des rites. L’envie qu’il a de nuire à ces deux astres, provient du désir qu’il éprouve de se venger de ce que le soleil et la lune l’ont jadis empêché de goûter avec les dieux, parmi lesquels il s’était introduit sous un déguisement, au Nectar de l’Immortalité qu’ils venaient de trouver et qu’ils s’apprêtaient à boire.
  2. Le non-Brâhmane, suivant d’autres auteurs, est un homme appartenant à une autre caste. Lui faire un don n’a que très peu de mérite selon toutes les autorités. L’auteur de notre livre du Dharmasindhu, un brâhmane des brâhmanes, essaye même de fermer cette porte si étroite grâce à laquelle il y a mérite à donner à d’autres castes qu’aux brâhmanes, et explique l’expression « non-brâhmane » à la façon discutable du texte.
  3. Comme ce que les brâhmanes mangent passe pour régaler complètement les ancêtres morts, le rite le meilleur et le plus méritoire consiste à offrir des mets cuits. Mais ici se présente une difficulté, car il est défendu aux brâhmanes de manger pendant les éclipses et ils ne consentent à se charger du péché de contrevenir à cette règle que si on leur paye de fortes sommes d’argent. Il faut donc être très riche pour pouvoir donner un repas aux Brâhmanes pendant la durée d’une éclipse.
  4. On avait coutume autrefois, au moment de l’investiture brâhmanique, d’imprimer le signe du brâhmanisme et de la divinité à laquelle on se consacrait avec un fer rouge sur le front et sur d’autres parties du corps.
  5. Les Tantras sont des traités qui enseignent les incantations mystiques et magiques propres à obtenir une puissance surnaturelle et qui servent au culte des dieux. Comme ils renferment des incantations destinées à faire du mal à ses ennemis et à se protéger contre l’influence pernicieuse des démons, des sorciers, etc., on les lit et on les étudie beaucoup dans l’Inde.
  6. Ce rite consiste à réciter des incantations et à consacrer à des divinités spéciales chaque membre et chaque partie du corps. En prononçant le nom du dieu à qui tel ou tel membre est consacré, il faut toucher avec l’index de la main droite les différentes parties du corps.
  7. Il ne faut pas se servir du nom de celui ou de celle qui agit comme remplaçant, mais du nom de celui pour qui le sacrifice est célébré.
  8. Un porc de ville est plus abominable que son congénère sauvage ou campagnard à cause de l’impureté de sa nourriture.
  9. La pénitence Prājāpatya est la même que la Pénitence à Quatre Pieds décrite dans la note 151, mais répétée trois fois.
  10. La cérémonie Sandhyā peut passer pour la plus sacrée du rituel brahmanique. Elle consiste en cérémonies de bains, incantations, offrandes aux dieux, aux ancêtres, aux anciens sages, aux démons, aux hommes, aux corneilles et aux deux chiens Shāma et Shabala, adorer les pénates et prier. Je renvoie pour la définition complète de ce rite à ma traduction annotée du « Livre de Sandhyā des Rig-védistes » appelé aussi Brahmakarma.
  11. La libation de Brahma consiste à répandre de l’eau sur le sol pour désaltérer les dieux, les ancêtres et les anciens sages.
  12. Garga est le nom d’un ancien sage, auteur de Règles sur le Rituel. Je ne puis rien dire de la pénitence prescrite par lui et à laquelle se rapporte le texte.
  13. Mère de Rāhu (voir note 175) et féroce démon femelle.