Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Hystèrie

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Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 2 – de « Fin justifie les moyens » à « Loi divine »p. 273-277).

HYSTÉRIE. — I. Définition. — II. Description des théories actuelles. — III. Rôle de l’hyrpnotisme dans l’hystérie. — IV. Conclusion.

I. L’hystérie n’est pas définie. A quel prix elle est définissable. — L’hystérie, comme l’hypnotisme, intéresse l’apologiste en raison des effets mystérieux qu’on lui attribue, et qui ne tendent à rien moins qu’à expliquer par des mécanismes naturels ou (qui pis est) morbides un certain nombre de phénomènes merveilleux ou même surnaturels. Pareille prétention sera considérée comme un peu démesurée, quand on saura qu’ « une bonne définition de l’hystérie n’a jamais été donnée et ne le sera jamais « (professeur Lasègue). Il semble, en effet, que la solution de ce problème soit désespérée, pour la simple raison que voici : les écoles modernes, tant médicales que scientifiques, font appel aux échantillons cliniques pour définir les types nosologiques : en d’autres termes, surtout quand une maladie n est pas spécifiée par sa cause, la pathologie ne définit que des ensembles de symptômes qu’on trouve habituellement groupés chez les malades réalisant le type à décrire. C’est ainsi, par exemple, que la coqueluche est caractérisée par une forme spéciale de quinte, la rougeole par une forme spéciale d’éruption et que, même avant la découverte du bacille de la diphtérie, l’angine diphtérique était caractérisée par ses symptômes cliniques évoluant concurremment (de ces deux derniers mots traduits en grec la langue médicale a tiré le terme de syndrome) ; et le croup, qui est la diphtérie du larynx, était suffisamment caractérisé par ses membranes, par leur siège et par leurs effets. Mais la découverte du bacille de Klebs-LoefDer a permis tout de même d’exclure du type diphtérie toutes les autres angines à fausses membranes, et, inversement, d’y faire rentrer des échantillons frustes d’angine ou d’autres localisations diphtériques beaucoup mieux spécifiés par leur germe que par leur siège et par leur forme, et qu’autrefois l’on n’eût pas rattachés à la diphtérie faute d’en connaître la cause. Comme on ignore la cause de l’hystérie, on est bien forcé de cherclierà sa définition un autre principe : malheureusement son siège n’est pas unique et sa forme est au moins diverse. Si l’on pose en principe que l’on doit définir l’hystérie d’après les symptômes habituellement groupés chez les hystériques, il faut alors savoir qui est hystérique, afin de se documenter d’après des exemples pris sur le vif. Mais comment, d’autre part, savoir qui est hystérique, sans avoir orienté sa recherche d’après un questionnaire classique, d’après un type acquis et abstrait d’hystérie auquel on compare l’échantillon concret qu’on observe ? Comme on le voit, ce cercle vicieux ne pourra être brisé que par la défi535

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nition conventionnelle d’un point de départ. Il est impossible de se résigner, comme le fait Harte.nberg dans la dernière page de son livre (L’Hystérie et les Hystériques, Alcan, 1910), à une délinition subjective et variaiile au gré de chacun. Il est inadmissible que l’un appelle hystérie ce que l’autre n’appelle pas ainsi. C’est avouer qu’on a parlé, non pas de l’Hystérie, mais d’une hystérie. Quiconque n’appelle un chat qu’un chat fait une convention, posant en principe qu’au delà ou en deçà de certains éléments qualitatifs (pelage, aptitude à être apprivoisé) et quantitatifs (dentition, dimension du corps, etc.) l’objet de son étude ne sera pas un chat. Sans cette convention on n’a dans l’esprit qu’un concept indéfini, amorphe, confus, et c’est le cas de l’Hystérie actuellement, c’en sera le cas tant qu’on n’aura pas isolé, par convention, dans les innombrables échantillons de la clinique, un certain nombre de caractères paraissant constituer parla fréquence de leur solidarité un type habituel. Les plus grands maîtres de la psychiatrieont avoué(congrès de Lausanne — voir Bull, médical, 1907, 2’semesti-e) que le terme d’Hystérie est tin vocable qui « pèse lourdement » sur la langue médicale (Bernheim). On comprend que le sceptique et surtout l’incrédule, qui aiment à pécher en eau trouble, aient souvent fait appel à un terme aussi vague et aussi confus ; et leurs attaques trahissent déjà leur faiblesse par cette imprécision.

IL Les descriptions et les théories actuelles.

— Gela dit, il est certain que l’on s’est efforcé partout, depuis quelques années particulièrement, de trouver les caractères les plus habituellement groupés, les plus logicpiement solidaires, qui permettent lie reconnaître un type nosologique distinct dans 1 amas confus des observations cliniques. Les rapports de Scu>"VDER et de Claude au congrès de Lausanne, les derniers travaux du professeur R.wmond (.éroses et PsrclioiiKfroses) à Paris, ceux de Grasset, de Mairet et Euzière à Montpellier, de Bernheim et de ses élèves (.mselle, tlièse 1906) à Xancy, de Binswanger, Freud et Ziehen, en Autriche et en Allemagne, de Claparède en Suisse, de You.vg en.

gleterre, constituent à cet égard un effort plus ou moins varié dans son orientation, mais analogue dans son principe. Ce sont là des essais de définition clinique de l’hystérie, et l’on en trouvera un savant et substantiel exposé sous la plume d’Alquibr dans la Gazette des Hôpitaux du 8 août 1908. Mais les travaux les plus importants et les plus récents sont ceux de Jaxet (Les.étroses, 1909, livre oii le maître a résumé son enseignement de vingt ans, sa thèse et ses diverses communications au Congrès d’Amsterdam 1907, à l’Université Harvard 1907, etc.) ; de Dabinski (cf. un bel article de Ferrand, Be^ue pratique des conn. médicales, ii juillet 191 1), et du professeur Déjeri.nb (Les.Manifestations functionnelles des psYchonéi-roses, Masson, 191 1). Les définitions de Janet et de Déjerine sont synthétiques, celle de M. Babinski est analytique ; toutes trois sont des conventions fécondes. Pour M. Janet, les névroses sont des a maladies psychologiques » portant sur le pouvoir de former et d’utiliser des idées ou groupes d’images, c’est-à-dire sur les fonctions de l’esprit en évolution, ce qui les distingue des troubles mentaux proprement dits, qui portent sur des fonctions mentales acquises, anciennes, et désormais incapables de varier d’un homme normal à un autre homme normal. Cette définition générique des névroses étant posée par le professeur Janet, la définition spécifique de l’hystérie et de la psychasthénie, seules névroses selon lui, s’ensuit logiquement : les symptômes appareillés de rune(idées fixes, amnésies, paralysies,

anesthésies, etc.) et de l’autre (velléités fixes ou obsessions, doutes, phobies ou paralysies de l’activité, algies, etc.) se correspondent et caractérisent respectivement la néTose des fonctions proprement mentales (hystérie), et la névrose des fonctions volitives et frénatrices (psychasthénie). — Pour M. Déjerine, les névroses sont génériquement définies par une perversion de l’émotivité : l’hystérie, c’est l’ensemble des désordres mentaux et physiques qui naissent d’une représentation émouvante des réalités ; la neurasthénie, c’est l’ensemble des troubles moraux, alfectifs, qui résultent de l’interprétation émouvante des mêmes réalités. L’hystérie, c’est l’effet, pour ainsi dire, des actions aiguësde l’émotion ; la neurasthénie c’en est comme la réaction chronique. Quant à la psychasthénie, elle n’est pas névrose pour ce maître, mais psychose. On le voit : une différence dans la sj’nthèse générique des névroses modifie la conception spécifique de ce qui est névrose, et l’hystérie même n’apparaît plus ici comme en relation essentielle avec l’hypnose ou la suggestibilité (voir, pour plus ample analyse de ces doctrines de Janet et de Déjerine, nos articles de la Kevue des connaissances médicales des 30 avril 1910 et 30 juin 1911). — Pour M. Babinski, au contraire, ce qu’il isole de plus caractéristique dans le type clinique de l’hystérie, c’est la suggestibilité ; et d’ailleurs, avant lui, nombre d’auteurs exprimaient de diverses façons l’incroyable aptitude que présentent les « hystériques « à réaliser aussitôt qu’elle est conçue une perversion quelconque du fonctionnement normal de la nutrition, de la circulation, des sécrétions, des organes sensoriels ou moteurs ; et les différentes théories qu’on a données de l’hystérie se résument toutes à une interprétation de ce phénomène : troubles des réfiexes corticaux ou sous-corticaux (Raymond), désagrégation entre le centre O et le a polygone » (Grasset), rétrécissement du champ de la conscience (Janet), imagination idéoplastique des Xancéiens, pathomimie de Dieulafoy, pithiatisme de Babinski, toutes ces explications sont des façons diverses d’expliquer un même phénomène. Ce qui distingue seulement l’interprétation de M. Babinski, c’est que, sans s’engager aucunement dans la compromission d’une synthèse, il définit l’hystérie (I un élat psychique spécial capable d’engendrer certains troubles « primitifs ou secondaires, les premiers étant caractérisés par <i la possibilité où l’on est de les reproduire par suggestion avec une exactituae rigoureuse chez certains sujets et de les faire disparaître sous l’influence exclusive de la persuasion », les seconds étant simplement caractérisés par leur

« subordinalionaux troubles primitifs ». Cette habile

délinition présente comme accidentels, comme contingents, tous les accidents et « stigmates Il queCnARcoT présentait comme essentiels, et elle fait de la suggestibilité pathologique l’essence et comme le noyau des phénomènes hystériques. C’est dire que l’hystérie se borne à ce qu’on peut suggérer ou simuler ; c’est en retrancher tous les phénomènes proprement organiques (paralysies, hémiplégies, œdèmes) qui. pour peu qu’ils éclosent sur un terrain névropathique, étaient jadisétiquetés hystériques sans autre forme de procès ; c’est enfin restreindre la part de l’émotion (mise au premier plan par Déjerine) et la considérer simplement comme un phénomène favorable au succès lie la suggestion.

Ce n’est pas ici le lieu d’entrer dans une discussion médicale, mais nous en avons dit assez, et nous n’en avons pas dit trop, ])ensons-nous, pour montrer en quoi l’hystérie intéresse l’apologiste.

A l’époque de Charcot, cette suggestibilité des bys tériques, entretenue par l’hypnotisme, qu’on pratiquait éperdument, passait pour expliquer toutes les 537

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QUKRisoNS (v. ce mot) niiraonlevises, et même les rksuRHECTioNS (v. cc mot) (les morts, qu’on interprétait les unes par des suggestions, les autres par des conjurations de léthargies. En outre, l’hypnotisme procurait aux malades de Gharcot des crises terribles, où l’on voyait alors une contrefaçon des extases, des possessions démoniaques, etc., suivant la forme ou la période de la crise que l’on considérait. Et tout le surnaturel divin ou le préternaturel diabolique étaient ainsi ramenés aux proportions d’un accident morbide et expérimental comme les phénomènes de la nature.

m. Conception de Charcot : rôle de l’hypnotisme dans l’hystérie. — Mais l’hypnotisme complique l’hystérie et la dénature. Et l’on considère aujourd’hui comme artificiel (hystérie de culture) le tableau de la crise dont Charcot faisait une manifestation habituelle de l’hystérie ; on a découvert la part prépondérante qu’il fallait y attribuer à la suggestion : en d’autres termes, les malades ne passaient par les quatre phases classiques (de la « grande crise)’d’hystérie) que parce qu’elles se les suggéraient ou qu’on les leur suggérait consciemment, ou implicitement (en leur suggérant la crise, dont on croyait que ces quatre phases font partie). Ces quatre phases étaient, dans l’esprit de Charcot : la phase épileptoïde, identique à l’aura du haut-mal suivie d’un raccourci de l’attaque d’épilepsie ; la phase de clownisme, caractérisée par de grands mouvements désordonnés ; la phase des attiludes passionnelles (frayeur, volupté, jalousie, etc.) ; la phase hallucinatoire. Ces quatre phases constituaient par leur ensemble l’attaque d’hystérie dite convulsive, toujours issue d’une suggestion, toujours reproduite d’après un modèle rencontré ou imaginé, presque toujours provoquée par l’hypnotisme au début, ullcrieurement spontanée et plus ou moins fréquente chez les sujets les plus influencés ou les plus aptes. A côté de cette grande attaque convulsive ou grande hjslérie, existaient des formes frustes, larvées, réduites, spontanées dès le début, auxquelles on donnait le nom de manifestations de petite hystérie. La petite hystérie était caractérisée par des douleurs dans les régions ovariennes, etc. (zones hyslérogèncs), des sensations de strangulation (boule hystérique), de spasme, etc., tous phénomènes que Gharcot et ses élèves conjuraient par le simple attouchement des zones hjslérogènes. Enfin, dans l’intervalle des « attaques », les sujets hystériques ressentaient divers malaises ou troubles extrêmement variés (tremblements, paralysies, contractures, troubles vaso-moteurs, etc.) auxquels on donnait le nom de stigmates. Le tout était favorisé par l’hypnotisme, c’est-à-dire par un sommeil artificiel, fatigant, donc pathologique, provoqué par la fixation des yeux de l’hypnotiseur ou d’un objet brillant, et qui revêtait, suivant Charcot, tantôt la forme léthargique (attitude d’un profond sommeil avec contracture généralisée, liyperexcitabililé musculaire), tantôt la forme cataleptique (sommeil sans contracture, pendant lequel le sujet gardait indifféremment, passivement, toutes les positions qu’on lui infligeait), tantôt enfin la forme somnambulique (sommeil avec les apparences de la lucidité, pendant lequel le patient était éminemment docile à tous les ordres verbaux). Quelle que fut la forme de l’hypnotisme, on réveillait le sujet en lui soufflant vigoureusement sur les yeux.

Un lien de solidarité manifeste rattache l’hypnotisme à l’hystérie telle que la concevait Charcot, en ce sens que, d’une part, les sujets nerveux, spontanément enclins aux petits phénomènes de l’hystérie, sont plus facilement hypnotisables, et que, d’autre

part, les sujets fréquemment hypnotisés sont plus gravement hystériques, présentent les accidents les pUis importants et les plus incurables. Assurément, ne fussent-ils jamais hypnotisés, les hystériques présentent spontanément les accidents, les crises, elles stigmates : mais on admet alors qu’ils s’hypnotisent d’eux-mêmes, qu’ils reproduisent d’après un modèle ou d’après une description les prétendus stigmates et accidents : si bien que tous ces troubles, et les crises elles-mêmes, n’ont rien que de contingent, rien dont on puisse faire le fond de l’hystérie. En outre, quand les sujets sont hypnotisés, ces mêmes accidents sont plus réguliers, plus dramatiques, et se produisent d’autant mieux que l’hypnoliseurles prévoit. Charcot n’a donc pas inventé la grande hystérie, et il garde, lui et ses élèves (Gii.le de l. Toirkttb, etc.), le mérite d’en avoir découvert des aspects spontanés, mais avec la lourde responsabilité d’en avoir étendu les limites et condjiné les formes élémentaires par la « culture » insolite qu’il en fit dans tel et tel cas concret. Si donc on peut discuter sur les rapports essentiels, sur l’identité fondamentale de l’hystérie et de l’hypnose (comme M. Déjerine nous en fournit un illustre exemple en niant la parenté de ces deux états), on ne saurait refuser d’admettre que l’expérience montre un certain parallélisme entre les diverses formes d’hystérie (grande et petite) et les diverses formes d’hypnotisme (grand et petit), comme d’autre part l’histoire révèle un certain parallélisme entre le progrès de ces deux notions (nous avons développé ce point dans notre thèse, fl’ailleurs épuisée, Faculté (le médecine de Paris, n° 266 de l’année 1907-1908. Première partie). Et ce qu’enfin l’on ne saurait nier, c’est ([ue la suggeslibilité pathologiffue, c’est-à-dire ce qui nous intéresse ici, trouve dans l’hystérie spontanée sa matière, son milieu de prédilection, et dans l’hypnose sa forme, son coefficient, son véhicule de clioix. L’iiystérie apparaît donc comme l’état pathologique où la suggeslibilité est le plus redoutable, et l’hypnose comme le sommeil pathologique qui en aggrave les effets. La plupart des psj’chiatres donneraient leur adhésion à la première partie de cette conclusion ; la seconde trouve un argument puissant dans la régression de la grande hystérie depuis qu’on n’hypnotise plus.

On comprend maintenant que Charcot et son école aient accrédité l’opinion que les extases, les visions des saints, les possessions démoniaques, les résurrections des morts même, sont des phénomènes illusoires morbides, nullement surnaturels ; dans un ensemble aussi vaste, aussi varié, aussi cultivé enfin que l’hystérie des hypnotisés, il y avait toujours un « accident », ou une phase de la crise, ou un stigmate, ou une forme de l’hypnotisme qui permettait à des adversaires acharnés du surnaturel de se contenter complaisamment d’une analogie, en apparence suffisante, pour expliquer des faits supposés introuvables et par conséquent toujours prétendus faux ou défigurés, d’ailleurs volontairement inobservés. Charcot refusa obstinément de voir Bernadette (D’Boissarie, Lourdes de 1858 ô nos jours) ; il est probable (c’est l’opinion d’un exorciste ) qu’il n’a jamais vu de possédé vrai ; il assimilait lui-même les pseudo-miracles opérés sur le tombeau du diacre Paris à ceux qui furent opérés sur le tombeau de roi saint Louis (f.a Foi gui guérit). On 1 imileencore en cela (D’Grillièrk, Revue, i" septembre 191 1). Nous avons préféré discuter séparément ces confusions hâtives et grossières, aux mots qui désignent les objets respectivement assimilés à une forme d’hystérie (voir Guéuison miraculeuse. Possessions démoniaques. Résurrection, Stigmatisation, Visions, et l’article Extase dû au 539

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R. P. Poulain). — Nous nous bornons ici à quelques remarques succinctes :

Quelle que soit la part de l’émotion dans l’hystérie, il n’y a rien eu elle qui ne soit capable d’être reproduit et de disparaître par suggestion pure ; et ce qu’elle présentait de plus redoutable, de plus grave, de plus essentiel dans l’esprit de Charcot, non seulement a disparu complètement de la scène médicale depuis qu’on réserve l’hypnotisme à la cure des petits accidents hystériques et qu’on n’en attend aucun effet analogue à ceux qu’attendait et provoquait Charcot ; mais encore on a expliqué le mécanisme de certains « stigmates » autrefois considérés comme primordiaux, aujourd’hui comme artificiels et contingents (Janet, Les IS’é^Toses : explication des zones hystérogènes, p. 172 ; delà lioule hystérique, p. 287 ; des contractures, p. 103 ; de l’anorexie, p. 206). De la suggestion seule (v. ce mol) relèvent donc la plupapt des troubles, mystérieux autrefois, de l’hystérie : leur mystère venait surtout de leur nombre et de leur portée qui paraissaient illimités ; tout s’explique s’ils sont les fruits de l’imagination du suggestionneur ou du suggestionné, car l’imagination n’a pas de limites et peut s’exercer librement sur un corps dont elle ne modifie pas les organes, mais seulement les fonctions. Il y a plus : les a hystériques » simulent volontairement plus d’un accident et d’un stigmate : la fraude la plus habile et la plus tenace, quoique souvent aussi la plus insoupçonnée, vient ainsi à la rescousse d’une imagination déjà désordonnée et troublante. Indépendamment de cette fraude ou mythomanie (Dupbé), qu’on arrive à déjouer, reste à expliquer cette extraordinaire suggestibilité ; car, comme le dit Janet, je n’arrive pas à contracturer mon bras quand je me le suggère, et cela exige une complexion spéciale ; mais cette explication n’est pas notre affaire ; la médecine constate et n’explique pas. Quel que soit d’ailleurs le mécanisme de cette suggestibililé, ce n’est pas elle, c’est son [louvoir qui intéresse l’apologiste ; or on verra aux mots si’ggestion, etc., comme on a vu au mot GUÉnisoN que ce pouvoir est facile à connaître, à concevoir, et fort limité. "Voilà pour l’hystérie spontanée ou provoquée ; quant à l’hypnotisme qui la provo(pie, ou l’entretient et même l’exalte, ses effets ont été également multipliés et défigurés par la suggestion et la mythomanie. Ba-BiNSKi a démontré notamment que l’hypnotisme ne peut être opéré contre le gré du sujet ; qu’il n’y a pas amnésie complète, au réveil de l’hypnotisé, à l’égard des faits suggérés pendant le sommeil ; qu’il n’y a pas inconscience, même dans l’état léthargique ; que, dans le somnambulisme, le sujet ne perd pas le contrôle de sa volonté.

IV. Conclusion. — De l’hypnotisme, comme de l’hystérie, il faut donc détacher une foule de notions erronées <iui ont compliqué la question. L’ensemble se désagrège en deux parts : l’une est faite d’illusions et de mensonges purement accidentels et dont la connaissance n’intéresse aucunement la science médicale, comme étrangère au concept objectif du fonds essentiel de l’hystérie ; l’autre part du Protée hystérique, la plus typique, la plus essentielle, est la suggestibilité morbide, aggravée ou non par l’émotion, c’est-à-dire un ili’xorilre, qui ne peut aucunement ressembler à un phénomène merveilleux de ïordre de la grâce, lequel s’harmonise normalement avec la nature, qu’il ne laisse pas de dépasser. Tel est, croyons nous (cf. llew de philos., ier-12-igi 1), le principe de discernement omis ou négligé par certains auteurs (MunisiEU, Maladie du senlirn. religieux, Alcan, 1901 ; D Thulié, La Mystique etc. des

theolog., Vigpt, 1912). La suggestibililé pathologique ne produit que des troubles, limités d’ailleurs aux fonctions (troubles fonctionnels), généralement négatifs, nécessairement stériles et incohérents. Les phénomènes surnaturels sont logiques, positifs, cohérents, bienfaisants, féconds (cf. pour l’étude philosophique de ce principe et de ces faits : Bai.nvel, iatuie et Surnaturel, Beauchesnc ; Poulain, Grùces d’oraison, Beaucliesne ; J.-M., AVc. quest. scientif., oclob. 1908, etc. ; Guibert, L’Hypnotisme, etc., Relaux, 1898 ; J. Pacueu, L’Exper. mystique et l’Activité suliconsc, Perrin, 1911) Rien, donc, dans l’hystérie, ne peut troubler l’apologiste à la façon d’une théorie ; et, dans la pratique, une enquête minutieuse ne se méprend jias entre des faits surnaturels et des chimères illusoires, ridicules et vagues, ou entre ces mêmes faits surnaturels et des désordres également contraires à la stabilité de la vie physique, morale et sociale (voir Fikssinger, Erreurs sociales et maladies morales). Ajoutons que l’annexion du surnaturel et du merveilleux diabolique au domaine de la pathologie nerveuse n’est pas seulement une tentative insoutenable : il est même logique, il est plausible, d’expliquer au contraire maints prétendus phénomènes d’hypnose par l’intervention des anges déchus dans la nature (voir Occultisme). Cette conclusion répugne à certains savants, non seulement faute de foi, mais surtout parce que leur éducation philosophique rudimentaireou faussée est loin d’être en harmonie avec leur culture scientifique et leur maîtrise médicale. Ils confondent surnaturel et fantaisie, métaphysique et rêverie, et s’imaginent volontiers qu’il n’existe ni preuve ni présomption des faits dont la cause est invisible et transcendante. Ceux, au contraire, qui (même à défaut de foi) reconnaissent la cohérence et la portée des concepts fournis par la tradition scolaslique, jugent que certains faits « nerveux » pourraient bien être plus clairs s’ils étaient l’effet d’un maléfice ou d’une obsession. Autant ils se gardent d’expliquer ainsi tous les phénomènes d’hypnose (comme on l’a tenté néanmoins : cf. Feuret, La cause de l’Hypnose, Téqui, 191 1, et le P. Franco, L’Hypnotisme etc. [Bibl. Nationale 8° R 11220], chap. xvi), autant ils craindraient de nier systématiquement l’immixtion des démons dans certains cas d’ailleurs exceptionnels (comme paraissent l’avoir niée des auteurs pourtant catholiques, et notamment le R. P. Coconnier, le pi’of. Grasset : cf. L’Occultisme hier et aujourd’hui, 1908, et le Dr Lapi’oni, cf. L’Hypnotisme et le Spiritisme, Perrin, 1907). — Ce dernier toutefois est déjà moins catégorique. — Des théologiens éniinents ont fait le départ entre les faits assurément pathologiques, qui sont le plus grand nombre, et les faits vraisemblablement diaboliques, dont l’examen le plus impartial ne tourne nullement, rpuii qu’on en puisse dire par ailleurs, au triomphe évident du naturalisme (cf. les ouvrages déjà quelque peu anciens tlu R. P. DE BoNNioT, Le Miracle et ses contrefaçons, et du chanoine RiBET, f.a Mystique divine etc., vol. IV, ouvrages dont plus d’une thèse et dont les conclusions demeurent aussi autorisées, — et enfin le savant travail, d’autant plus considérable qu’il est plus récent, du 11. P. Castklein, Les Phénomènes de l’hypnotisme et le Surnaturel, HeaiMchesne, 1911) D Robert van der Elst.