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Dictionnaire philosophique/Garnier (1878)/Préface

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Œuvres complètes de VoltaireGarnierTome 17 - Dictionnaire Philosophique (p. 1-2).

PRÉFACE
DU
DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE
(Édition de 1765[1].)

Il y a déjà quatre éditions de ce Dictionnaire, mais toutes incomplètes et informes ; nous n’avions pu en conduire aucune. Nous donnons enfin celle-ci, qui l’emporte sur toutes les autres pour la correction, pour l’ordre, et pour le nombre des articles. Nous les avons tous tirés des meilleurs auteurs de l’Europe, et nous n’avons fait aucun scrupule de copier quelquefois une page d’un livre connu, quand cette page s’est trouvée nécessaire à notre collection. Il y a des articles tout entiers de personnes encore vivantes, parmi lesquelles on compte de savants pasteurs. Ces morceaux sont depuis longtemps assez connus des savants, comme Apocalypse, Christianisme, Messie, Moïse, Miracles, etc. Mais dans l’article Miracles, nous avons ajouté une page entière du célèbre docteur Middleton, bibliothécaire de Cambridge.

On trouvera aussi plusieurs passages du savant évêque de Glocester, Warburton. Les manuscrits de M. Dumarsais nous ont beaucoup servi ; mais nous avons rejeté unanimement tout ce qui a semblé favoriser l’épicuréisme. Le dogme de la Providence est si sacré, si nécessaire au bonheur du genre humain, que nul honnête homme ne doit exposer ses lecteurs à douter d’une vérité qui ne peut faire de mal en aucun cas, et qui peut toujours opérer beaucoup de bien.

Nous ne regardons point ce dogme de la Providence universelle comme un système, mais comme une chose démontrée à tous les esprits raisonnables ; au contraire, les divers systèmes sur la nature de l’âme, sur la grâce, sur des opinions métaphysiques, qui divisent toutes les communions, peuvent être soumis à l’examen : car, puisqu’ils sont en contestation depuis dix-sept cents années, il est évident qu’ils ne portent point avec eux le caractère de certitude ; ce sont des énigmes que chacun peut deviner selon la portée de son esprit.

L’article Genèse est d’un très habile homme, favorisé de l’estime et de la confiance d’un grand prince : nous lui demandons pardon d’avoir accourci cet article. Les bornes que nous nous sommes prescrites ne nous ont pas permis de l’imprimer tout entier ; il aurait rempli près de la moitié d’un volume.

Quant aux objets de pure littérature, on reconnaîtra aisément les sources où nous avons puisé. Nous avons tâché de joindre l’agréable à l’utile, n’ayant d’autre mérite et d’autre part à cet ouvrage que le choix. Les personnes de tout état trouveront de quoi s’instruire en s’amusant. Ce livre n’exige pas une lecture suivie ; mais, à quelque endroit qu’on l’ouvre, on trouve de quoi réfléchir. Les livres les plus utiles sont ceux dont les lecteurs font eux-mêmes la moitié ; ils étendent les pensées dont on leur présente le germe ; ils corrigent ce qui leur semble défectueux, et fortifient par leurs réflexions ce qui leur paraît faible.

Ce n’est même que par des personnes éclairées que ce livre peut être lu ; le vulgaire n’est pas fait pour de telles connaissances : la philosophie ne sera jamais son partage. Ceux qui disent qu’il y a des vérités qui doivent être cachées au peuple ne peuvent prendre aucune alarme ; le peuple ne lit point ; il travaille six jours de la semaine, et va le septième au cabaret. En un mot, les ouvrages de philosophie ne sont faits que pour les philosophes, et tout honnête homme doit chercher à être philosophe, sans se piquer de l’être.

Nous finissons par faire de très humbles excuses aux personnes de considération, qui nous ont favorisés de quelques nouveaux articles, de n’avoir pu les employer comme nous l’aurions voulu ; ils sont venus trop tard. Nous n’en sommes pas moins sensibles à leur bonté et à leur zèle estimable.


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  1. Cette même préface se retrouve en tête des éditions données sous le titre de la Raison par alphabet. À chaque édition on en changeait seulement le cinquième mot. (B.)