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Dieu et les hommes/Édition Garnier/Chapitre 7

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Dieu et les hommesGarniertome 28 (p. 143-145).

CHAPITRE VII.
Des Chaldéens.

On n’est pas assez étonné des dix-neuf cent trois ans d’observations astronomiques que les Chaldéens remirent entre les mains d’Alexandre.

Cette suite, qui remonte à deux mille deux cent cinquante ans, ou environ, avant notre ère, suppose nécessairement une prodigieuse antiquité précédente. On a remarqué ailleurs[1] que, pour qu’une nation cultive l’astronomie, il faut qu’elle ait été des siècles sans la cultiver. Les Romains n’ont eu une faible connaissance de la sphère que du temps de Cicéron. Cependant ils pouvaient avoir recours aux Grecs depuis longtemps. Les Chaldéens ne durent leurs connaissances qu’à eux-mêmes. Ces connaissances vinrent donc fort tard. Il fallut perfectionner tous les arts mécaniques avant d’avoir un collége d’astronomes. Or, en accordant que ce collége ne fut fondé que deux mille ans avant Alexandre, ce qui est un espace bien court, sera-ce trop que de donner deux mille ans pour l’établissement des autres arts avant la fondation de ce collége ?

Certainement il faut plus de deux mille ans à des hommes, comme on l’a souvent observé, pour inventer un langage, un alphabet, pour se former dans l’art d’écrire, pour dompter les métaux. Ainsi, quand on dira que les Chaldéens avaient au moins quatre mille ans d’antiquité au temps d’Alexandre, on sera très-circonspect et très-modéré. Ils avaient alors une ère de quatre cent soixante et dix mille ans. Nous leur en retranchons tout d’un coup quatre cent soixante et six mille : cela est assez rigoureux. Mais, nous dira-t-on, malgré cet énorme retranchement, il se trouve que les Chaldéens formaient déjà un peuple puissant mille ans avant notre déluge. Ce n’est pas ma faute, je ne puis qu’y faire. Commencez par vous accorder sur votre déluge, que votre Bible hébraïque, celle des Samaritains, celle des prétendus Septante, placent dans des époques qui diffèrent d’environ sept cents années. Accordez plus de soixante systèmes sur votre chronologie, et vous vous moquerez ensuite des Chaldéens.

Quelle était la religion des Chaldéens avant que les Perses conquissent Babylone, et que la doctrine de Zoroastre se mêlât avec celle des mages de Chaldée ? C’était le sabisme, l’adoration d’un Dieu, et la vénération pour les étoiles, regardées dans une partie de l’Orient comme des dieux subalternes.

Il n’y a point de religion dans laquelle on ne voie un Dieu suprême à la tête de tout. Il n’y en a point aussi qui ne soit instituée pour rendre les hommes moins méchants.

Je ne vois pas pourquoi le chaldaïsme, le sabisme, pourraient être regardés comme une idolâtrie. Premièrement, une étoile n’est point une idole, une image ; c’est un soleil comme le nôtre. Secondement, pourquoi ne pas vénérer Dieu dans ces admirables ouvrages, par qui nous réglons nos saisons et nos travaux ? Troisièmement, toute la terre croyait que nos destinées dépendaient de l’arrangement des constellations. Cette erreur supposée, et les mages étant malheureusement astrologues de profession, il leur était bien pardonnable d’offrir quelques prières à ces grands corps lumineux, dans lesquels la puissance du grand Être se manifeste avec tant de majesté. Les astres valent bien saint Roch, saint Pancrace, saint Fiacre, sainte Ursule, sainte Potamienne, dont les catholiques romains adorent à genoux les prétendus ossements. Les planètes valent bien des morceaux de bois pourri qu’on appelle la vraie croix. Encore une fois, que les papistes ne se moquent de personne, et gardons-nous-en bien aussi, car si nous valons mieux qu’eux, ce n’est pas de beaucoup. Les mages chaldéens enseignaient la vertu comme tous les autres prêtres, et ne la pratiquaient pas davantage.


  1. Tome XI, page 28.