Discussion:Comment s’en vont les reines
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Critiques, résumés[modifier]
- Le Temps, 11 novembre 1905 [1]
LIBRAIRIE
Comment s’en vont les reines, le curieux roman de Colette Yver, vient d’atteindre en quelques jours sa 3e édition, et la 9e édition du Bel avenir, de René Boylesve, vient de paraître.
- 01 janvier 1906 La Quinzaine : revue bimensuelle [2]
Comment s’en vont les reines, par Mme Colette YVER, in-12, 361 pages, Calmann. — Le nouveau roman de l’auteur des Cervelines nous donne le plaisir assez rare de découvrir sous une plume féminine un talent vraiment viril. Les ambitions de l’auteur vont bien moins à rendre les nuances du sentiment qu’à ordonner son récit et à nous faire comprendre les agitations intimes du cerveau d’un homme d’État. Et cependant, au milieu du drame politique qui se déroule en ce livre, c’est le petit drame intime, la tragi-comédie sentimentale qui est la partie la plus vivante, la plus précise du livre. Comme si la nature de la femme voulait prendre sa revanche des ambitions de l’écrivain.
- Mercure de France, 15 décembre 1905 [3]
Comment s’en vont les reines, par Colette Yver. Il n’y a pas que les femmes d’hommes politiques qui sont reléguées au second plan par la raison d’État. Presque toutes les femmes ne sont jamais que les femmes, mettons les poupées, pour leurs époux, et que si par impossible elles prennent un amant pour se distraire de n’être qu’une distraction, un personnage sans importance, c’est la même chose avec l’amant. Or, les femmes joyeuses encombrent les trottoirs et la concurrence n’a rien de bien flatteur. La reine qui s’en va, dans le livre de Colette Yver, pour être fictive n’en n’est pas moins très majestueuse, et cette histoire de fine psychologie mêlée à l’histoire de la révolution d’un peuple forme un récit absolument captivant. On oublie presque, ma foi, que cette Poméranie (comme la Pologne d’Ubu roi) ne doit être située nulle part.
- La Vie heureuse, 15 janvier 1906 [4]
COLETTE YVER. -- COMMENT S’EN VONT LES REINES, ROMAN (Calmann-Lévy, éditeur).
On sait que le beau livre de Colette Yver a rallié six voix sur sept au jury du prix Vie Heureuse, dont on peut dire qu'il reflète assez exactement l’opinion, composé comme il l’est de l’élite des femmes de lettres françaises. C’est donc un des meilleurs livres de l’année. Ce livre de femme est un roman politique; on y trouve de nombreuses pages sur les constitutions, les séances parlementaires, les formations de ministères, et ces pages ne sont pas sans force et sans vérité.
Les séances du parlement poméranien ressemblent beaucoup à celles du parlement français. Elles sont extrêmement bruyantes.
Faut-il dire que cependant Mme Colette Yver conçoit de façon un peu naïve les députés poméraniens ou français : ils sont tous, même ceux de l’extrême gauche, amoureux de leur Reine ; un seul échappe à cette contagion d'amour, c’est Wartz, et peut-être tout simplement parce qu’il est amoureux de sa femme, la jolie et douce et délicate Madeleine.
C’est la beauté éclatante et noble de la Reine, en même temps que son charme très féminin, qui a retardé pendant plusieurs années l’avènement de la République en Poméranie.
Mais lorsque le livre commence, dans une séance houleuse, Wartz, par son intervention à la tribune, renverse le ministère et devient lui-même ministre de l’intérieur avec un ministère nettement républicain. La Reine, superbement, prononce la dissolution de la Chambre. Révolution !
Wartz est l’homme du coup d’État. Il obtient l’abdication de la Reine. Il lui signifie son congé et l’envoie poliment en exil.
Autre drame. Drame intime dont Wartz est le héros ou la victime. Madeleine, sa jeune femme, souffre dans son amour. En effet, la passion politique domine Wartz tout entier. Il dégage toujours sa volonté de son autre amour. « Sa volonté, c’était le grand souffle de l'Histoire, c’était l’inflexible ligne de la destinée. » Mais Madeleine, la douce Madeleine, a rêvé de moins de gloire et de plus de bonheur. Samuel lui dissimule tout de son œuvre politique. Elle s’attriste. Un vieil ami la console, le docteur Saltzen qui l’aime, qui l’a toujours aimée platoniquement. La bonté de Saltzen la touche. Il a toutes les délicatesses sentimentales que n’a pas le politicien. La conscience de Madeleine s’émeut, et elle avoue son trouble à son mari.
C’est au retour de son entretien avec la Reine, entretien orageux et historique, que Wartz reçoit cette confidence inattendue. Il venait chercher chez lui le repos. Il y trouve une crise et pire que la crise politique.
Madeleine le supplie d’abandonner la politique. Mais il refuse, elle se résigne.
Colette Yver a dédié son livre :
Aux femmes d’hommes politiques reléguées par la raison d’État au second plan des préoccupations de l’époux et qui devront vivre dans la solitude de leur cœur.
Ces femmes-là ne sont pas très nombreuses. Et le livre de Colette Yver mérite d’avoir beaucoup d’autres lectrices, car il est très délicatement féminin, et s'il simplifie un peu trop les combinaisons de la grande politique, il analyse avec raffinement les complications des cœurs de femmes. Il est charmant, quelquefois profond. C’est un beau livre, incomplet peut-être, mais émouvant.