Français, reprenez le pouvoir !/Partie 2/Chapitre 4

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Pour rendre le pouvoir au peuple, il faut d’une manière générale offrir une plus grande place aux mécanismes de démocratie directe à tous les échelons institutionnels. Le référendum est, n’en déplaise à Nicolas Sarkozy qui a clairement rappelé son opposition à son utilisation dans son discours consacré aux institutions, le seul moyen pour réconcilier les Français et la politique. Grâce à ce dispositif, le général de Gaulle a pu trouver une solution à la crise algérienne et épargner au pays une guerre civile imminente. Aussi, je propose que tout engagement européen entraînant un abandon de souveraineté y soit soumis, puisqu’on voit mal de quel droit les représentants de la nation seraient autorisés à dessaisir le peuple d’un attribut qui, en tant que tel, ne leur appartient pas. De plus, je crois nécessaire d’introduire le référendum d’initiative populaire dans nos communes pour parachever la démocratie locale et, au niveau national, pour permettre au peuple de bousculer la bulle médiatico-politique. Avec le rassemblement de deux millions de signatures, les citoyens pourraient conduire le Président, après consultation du Parlement, à interroger directement les Français sur tel ou tel sujet d’importance. Cette procédure donnerait un sérieux coup de fouet à la mobilisation civique. Pour obtenir ces signatures, les Français se réinvestiraient dans l’action militante. Le débat public sortirait des schémas imposés par les médias dominants. Enfin, la convocation du référendum redonnerait au peuple, comme en Suisse, la capacité d’arbitrage sans laquelle il n’y a pas de réelle démocratie.

La démagogique réforme du quinquennat oblige aussi à s’interroger sur la place de la fonction présidentielle. Loin d’affaiblir le Président, le raccourcissement de son mandat renforce son emprise. Pour en sortir il n’y a que deux solutions. Soit revenir au septennat, qui a le mérite de dissocier le temps des mandats pour éviter la confusion des rôles entre Président, Premier ministre et Parlement, soit passer à un régime séparant définitivement l’exécutif du législatif et supprimant de fait la fonction de Premier ministre. J’ai toujours été sceptique quant à cette dernière solution qui risque d’aboutir à un face-à-face permanent, une nouvelle cohabitation d’un autre genre, arbitrée par les médias. Il me semble préférable de revenir au septennat. Quelle que soit la solution retenue, elle devra s’accompagner du renforcement du rôle du Parlement. Après les excès de la IVe puis ceux de la Ve, n’est-il pas temps de trouver un équilibre?

Plusieurs réformes me semblent indispensables. Interdire tout d’abord le recours aux ordonnances dans certaines matières1, notamment dans la transposition des directives communautaires qui permettent de faire avaliser par le Parlement, sans discussion ni délibération, des trains entiers de mesures législatives.

Il faudra surtout modifier l’article 88-4 de la Constitution, pour encadrer strictement les compétences de négociation du gouvernement à Bruxelles.

L’affaiblissement du Parlement tient en effet princi­palement à son évincement du processus d’élaboration et d’examen des normes européennes, décidées par le gouvernement et la Commission de Bruxelles, sans le consulter. J’ai été reçu au Parlement danois pour comprendre enfin comment leur système de mandat fonctionnait. Chaque semaine, les députés membres de la commission des affaires européennes rejoints par tous les députés danois qui siègent au Parlement européen examinent les projets de directives qui vont venir en négociation aux différents Conseils des ministres. Ils reçoivent alors les ministres concernés et débattent avec eux de la position gouvernementale. Ils peuvent encadrer la marge de négociation en fixant une limite à ne pas franchir, évitant ainsi les mauvaises surprises comme celle de la directive Bolkestein que ni le commissaire Barnier ni le ministre français ne semblaient avoir vue passer! Instaurons un mandat de négociation clair afin de réintroduire le Parlement national dans l’élaboration des normes européennes, lesquelles touchent bien plus souvent au domaine commun de la loi nationale qu’à la diplomatie proprement dite.

Au-delà de ces deux réformes fondamentales, plusieurs mesures simples permettraient de renforcer le poids des assemblées représentatives. Un meilleur partage de l’ordre du jour entre le gouvernement et les députés, la création de commissions d’enquête sans l’accord de la majorité et donc du gouvernement, le renforcement des moyens d’expertise mis à la disposition de chaque député par un crédit d’étude supplémentaire strictement contrôlé par la questure.

Pour revitaliser notre démocratie et replacer le débat politique au cœur du Parlement, ne faut-il pas aussi instiller une faible dose de proportionnelle en complément du scrutin majoritaire? Réforme à manier avec prudence pour éviter de revenir à l’instabilité politique antérieure! Enfin, au-delà de la question de l’équilibre des pouvoirs, il est temps de réhabiliter la loi. La sédimentation législative a créé un système normatif d’une opacité contre-productive. Puisque « nul n’est censé ignorer la loi », cette dernière doit être simple, intelligible et pérenne. Le travail de codification entrepris doit être accéléré et replacé sous l’autorité du Parlement. De même, il est temps de limiter le nombre des fameuses autorités administratives dites indépendantes. Leurs décisions les plus importantes devraient rester du ressort soit de l’exécutif soit du législatif. Bien évidemment la loi sera réhabilitée et le peuple avec si l’on clarifie les rapports entre la France et l’Union européenne. Vaste sujet dont nous reparlerons.

En définitive, en matière institutionnelle, il faut éviter les changements brutaux. Contrairement à ce qu’on peut croire, une correction apparemment minime peut modifier rapidement l’équilibre de l’ensemble.

En redonnant au Président durant un septennat le temps d’agir, en l’obligeant à consulter les Français pour les grandes questions européennes ou de société, en renforçant les droits du Parlement, en oxygénant la vie partisane, je suis convaincu que l’on peut replacer le peuple au cœur du système et ainsi redonner à la Ve République son souffle d’origine et l’adapter à la soif de participation des citoyens d’aujourd’hui.

Tous ceux qui rêvent du grand soir et louchent vers les États-Unis ou l’Angleterre devraient se souvenir que ces deux pays ont toujours fait évoluer leur système par des ajustements à la marge plus efficaces que nos grands chocs.

N’oublions pas, à cet égard, que la Ve République est le régime qui, après deux cents ans de guerres civiles, de révolutions et de coups d’État, a enfin refermé la querelle institutionnelle ouverte par la Révolution française. Sachons alors réformer ce régime avant qu’il ne soit trop tard et ce pour assurer enfin un équilibre fécond entre les aspirations parfois contraires des Français à l’égard du pouvoir politique. L’abattre d’un coup conduirait immanquablement à ressusciter les vieilles disputes, dont le peuple ne ressortirait probablement pas vainqueur.

Un peuple qui, pour exercer ses responsabilités, doit aussi reconquérir la démocratie locale.