Grammaire égyptienne (Champollion, 1836)/01

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GRAMMAIRE
égyptienne
ou
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE L’ÉCRITURE SACRÉE ÉGYPTIENNE
APPLIQUÉE À LA REPRÉSENTATION DE LA LANGUE PARLÉE.
Séparateur


CHAPITRE PREMIER.

noms, formes et dispositions des caractères sacrés.


§ Ier. Formes des caractères.

1. Les caractères qui, dès l’origine, composèrent le système entier de l’écriture sacrée, furent des imitations plus ou moins exactes d’objets existants dans la nature.

2. Ces caractères, consistant en images de choses réelles, reproduites dans leur ensemble ou dans quelques-unes de leurs parties, reçurent des anciens auteurs grecs le nom de ΓΡΆΜΜΑΤΑ ἹΕΡᾺ, caractères sacrés, et plus particulièrement celui de ΓΡΆΜΜΑΤΑ ἹΕΡΟΓΛΥΦΙΚᾺ, caractères sacrés sculptés. De là est dérivé le nom de hiéroglyphes ou de caractères hiéroglyphiques qu’on leur a conservé jusqu’à notre temps[1].

3. Le nom d’hiéroglyphes ne doit, à la rigueur, être appliqué qu’aux seuls caractères sacrés ; sculptés ou peints, représentant des objets naturels dessinés ou sculptés avec quelque soin, ainsi que l’exigeait la bonne décoration des monuments publics ou privés à laquelle ils furent spécialement employés. On les distinguera ainsi des hiéroglyphes linéaires, et des signes hiératiques, méthodes abréviatives dont il sera parlé au second paragraphe de ce chapitre.

4. Les anciens Égyptiens comprenaient sous le nom général de     caractères sacrés, non-seulement les hiéroglyphes proprement dits, mais encore les hiéroglyphes linéaires et les caractères hiératiques : c’est dans une acception tout aussi étendue qu’il faut prendre les mots Γράμματα ἱερἁ dans certains auteurs grecs.

5. Il est démontré que les hiéroglyphes proprement dits furent les premiers caractères dont les Égyptiens se servirent. Pour nous du moins, ils doivent former l’écriture primitive égyptienne, puisque les trois autres méthodes graphiques, la linéaire, l’hiératique et la démotique, n’en sont évidemment que des abréviations.

6. Dès l’origine, les images d’objets réels, premiers éléments de l’écriture hiéroglyphique, n’offraient sans doute point à l’œil cette naïveté d’imitation unie à la finesse élégante de travail, qu’on admire dans les inscriptions des obélisques et des grands monuments de Thèbes ; mais quelque grossiers que fussent ces premiers essais de sculpture, ils avaient pour but essentiel l’imitation des objets, portée aussi loin que le permettaient l’inexpérience de la main et le défaut d’instruments perfectionnés. On chercherait d’ailleurs vainement dans l’Égypte entière des traces réelles de l’enfance de l’écriture. La plupart des édifices existants sur ce sol antique appartiennent, non aux premiers essais, mais à une renaissance des arts et de la civilisation qu’avait interrompus une invasion de Barbares antérieure à l’an 2000 avant l’ère chrétienne. Les inscriptions qui décorent ces monuments nous montrent, en effet, l’écriture hiéroglyphique tout aussi développée, tout aussi complète, pour la forme et pour le fond, que les dernières légendes sculptées par les Égyptiens au second et au troisième siècles après J. C.[2].

7. Quelle que soit l’époque à laquelle remonte l’invention des caractères hiéroglyphiques, leur série entière considérée quant à la forme matérielle seulement, abstraction faite de la valeur propre à chacun d’eux, reproduit des images distinctes de toutes les classes d’êtres que renferme la création ; on y observe successivement en effet seize genres d’objets figurés :

A. Des images de corps célestes aussi reconnaissables qu’il est possible de les tracer lorsqu’il s’agit de figurer isolément des objets de cet ordre. Tels sont par exemple[3] :
                      •            •            •     

B. L’homme de tout âge, de tout sexe, de tout rang, et dans les différentes attitudes que son corps est susceptible de prendre ;
  •    •    •    •    •    •    •    •    •   

C. Les divers membres ou parties du corps humain[4] ;
 •    •    •    •    •    •    •    •    •   

D. Les quadrupèdes domestiques ou sauvages[5] ;
  •    •   •    •    •    •    •   

E. Un nombre assez considérable d’oiseaux de différentes espèces[6] ;
  •  •  •  •  •  •  •  • 

F. Divers genres de reptiles[7] ;
•  •  •  •  •  • 

G. Quelques espèces de poissons[8] ;

    •        •      

H. Des insectes, en fort petit nombre[9] ;
              •        •        •        •     

I. Des végétaux, des fleurs et des fruits ;
          •  •  •  •  •  •  • 

J. Des objets d’habillement ou de costume[10] ;
          •  •  •  •  • 

K. Des meubles, armes et insignes divers[11] ;
          •  •  •  •  •  •  • 

L. Des vases et un grand nombre d’ustensiles[12] ;
          •  •  •  •  •  •   

M. Les instruments de la plupart des arts et métiers[13] ;
          •  •  •  •  •  •  •   

N. Quelques édifices, constructions et divers produits des arts[14] ;
          •  •  •  •  •  •  • 

O. Plusieurs formes géométriques, ou plutôt des caractères images d’objets peu reconnaissables pour nous qui sommes si étrangers à tant de détails des usages égyptiens ;
  •    •    •    •    •    •    •   

P. Enfin plusieurs caractères présentant des images monstrueuses, mais dont toutes les parties intégrantes existent néanmoins dans la nature réelle, et tels sont par exemple :
  •    •    •    •    •    •   

8. Il sera difficile, long-temps encore, et à cause des signes figuratifs, d’assigner, d’une manière même approximative, le nombre des caractères de chacune de ces seize subdivisions, et par suite le nombre total des signes employés dans l’écriture sacrée égyptienne. Nous dirons seulement que le tableau des caractères hiéroglyphiques de toutes les classes, résultant du dépouillement attentif des formes différentes recueillies sur tous les monuments originaux qu’il nous a été permis d’étudier, s’élève, au moment actuel, à moins de neuf cents caractères évidemment distincts les uns des autres ; encore doit-on être convaincu d’avance que plusieurs signes notés comme différents de quelques autres, ne sont, au fond, que de simples variantes.

9. L’écriture hiéroglyphique étant, par essence, destinée à la décoration des monuments, on ne négligea rien de ce qui pouvait concourir à la précision, à l’élégance et à la richesse des caractères si nombreux et si variés que ce système graphique avait pour éléments. La plupart des inscriptions en hiéroglyphes existantes sur les édifices de l’Égypte, construits avant la domination des Grecs et des Romains, comme sur les obélisques de l’époque pharaonique, sont des modèles d’un style de sculpture à la fois pur et grandiose ; on ne peut qu’admirer le soin infini avec lequel sont terminés les plus menus détails de chaque signe. (Ils sont exécutés ou en relief, ou en silhouette creuse, ou enfin en relief dans le creux.)

10. La richesse des inscriptions hiéroglyphiques sculptées avec tant de recherche était, outre cela, rehaussée par l’éclat des couleurs que l’on appliquait à chaque signe, ou selon certaines règles, puisées dans la nature même de l’objet figuré, ou purement conventionnelles.

11. On coloriait également les textes hiéroglyphiques tracés en grand, à l’encre noire ou rouge, sur les parois des tombeaux, et en petit sur les cercueils des momies et sur divers autres genres de monuments susceptibles de recevoir des inscriptions.

12. Ainsi les hiéroglyphes, c’est-à-dire les caractères de l’écriture monumentale, furent principalement exécutés de trois manières : 1o sculptés et sans couleur, 2o sculptés et peints, 3o dessinés avec encre de couleur et ensuite peints.

13. Voici les notions générales que nous avons recueillies par l’observation, sur l’emploi des couleurs dans l’écriture hiéroglyphique.

Leur application aux caractères sacrés avait lieu suivant deux systèmes un peu différents : selon qu’il s’agissait de peindre ou des hiéroglyphes sculptés en grand sur des monuments publics, ou bien des hiéroglyphes de petite proportion, qui étaient dessinés seulement au trait, et à l’encre noire ou rouge, sur des sarcophages, des stèles et autres monuments de ce genre moins relevé.

14. Dans le premier système, applicable seulement aux caractères sculptés en grand, on cherchait, par des teintes plates, à rappeler à peu près la couleur naturelle des objets représentés : ainsi, les caractères figurant le ciel étaient peints en bleu (1) ; la terre en rouge (2) ; la lune en jaune (3) ; le soleil en rouge (4) ; l’eau en bleu (5) ou en vert (6).

   

15. Les figures d’hommes en pied sont peintes sur les grands monuments d’après des règles assez constantes : les chairs sont en rouge plus ou moins foncé ; les coiffures généralement en bleu, et la tunique blanche, les plis des draperies étant indiqués par des traits rouges.

   

16. On donnait ordinairement des chairs jaunes aux figures de femmes, et leurs vêtements variaient en blanc, en vert et en rouge.

   

Les mêmes règles sont suivies dans le coloriage des hiéroglyphes dessinés en petit sur les stèles, les sarcophages et cercueils ; mais les vêtements sont tous de couleur verte.

   

17. Dans tous les cas, si les signes hiéroglyphiques retracent les formes des différents membres du corps humain, ils sont toujours peints de couleur rouge,

   


ainsi que certains membres d’animaux, tels que la tête de veau,

   


la cuisse de bœuf, et les côtes de l’un ou de l’autre de ces quadrupèdes, présentées en offrande.

18. On appliquait aux caractères sculptés sur les monuments de premier ordre, des couleurs à peu près analogues à celles qui caractérisent l’être dont ils reproduisent l’image. C’est dans ce système que sont peints les grands hiéroglyphes représentant :

1o Des quadrupèdes, tels que le lion, le taureau, le bélier, etc.

   

2o Des oiseaux ; tels que la chouette ou nycticorax, l’oie, l’ibis, etc.

   

3o Des poissons : tels que le latus, l’oxyrynchus, etc.

   

4o Des insectes ; tels que l’abeille, le scarabée, etc.

   

5o Des plantes, telles que diverses espèces de roseaux, de lotus, le papyrus, etc.

   

19. Mais on n’employait, dans les inscriptions moins détaillées peintes sur les sarcophages ou les stèles, que des couleurs totalement conventionnelles pour les images d’êtres appartenant au règne animal ou au règne végétal.

Ainsi les images de quadrupèdes ou de portions de quadrupèdes, des reptiles et des plantes, étaient peintes en vert et quelquefois rehaussées de bleu

   

20. Les ailes et la partie supérieure du corps des oiseaux sont coloriées en bleu, le reste du corps en vert, et les pattes en bleu ou en rouge.

   

Quelques images d’oiseaux reçoivent aussi, parfois, une teinte rouge sur quelques-unes de leurs parties ;

   


et le signe représentant un oiseau qui vient de naître, totalement dénué de plumes, est peint tout en couleur rouge.

21. Les hiéroglyphes sculptés en grand et figurant des ustensiles, des instruments et des objets de costume, prennent une couleur indiquant la matière dont ils sont formés :

Les objets en bois sont peints en jaune[15].

   

La couleur verte est donnée aux ustensiles en bronze.

   


Il n’en est point ainsi pour les hiéroglyphes peints sur les monuments d’un petit volume ; on ne suit presque à cet égard aucune règle constante ; beaucoup de caractères de cet ordre sont peints en vert, en bleu ou en rouge, indifféremment.

   

22. La couleur bleue est particulièrement réservée aux formes géométriques et aux plans d’édifices.

   

Les images d’édifices sculptés en grand, sont presque toujours de couleur blanche, comme pour indiquer la teinte pâle du grès et de la pierre calcaire.

   

23. Diverses couleurs sont données aux vases, dont la série est fort nombreuse parmi les caractères sacrés ; les différentes teintes indiquent la matière de chaque espèce de vase :

Ceux dont la destination fut de contenir des matières solides, telles que des pains, des viandes, des fruits, etc., étaient en terre cuite et sont conséquemment peints en rouge.

   

Les vases de bronze sont peints en vert ; les objets de fer, le sont en rouge, tels que chars de guerre, sabres, etc.

   

Enfin, les vases de verre, d’émail ou de terre émaillée, propres à contenir des liquides, ont leur partie supérieure peinte en bleu, couleur du verre ou de l’émail, et la partie inférieure en rouge, pour indiquer soit le liquide, soit la transparence du vase.

   


§ II. Méthodes d’abréviation des caractères hiéroglyphiques.


A. Hiéroglyphes linéaires.

24. Il était bien difficile de s’en tenir, pour l’usage ordinaire, à un système graphique si compliqué dans son exécution, aussitôt que le développement des principes sociaux rendit de plus en plus nécessaire le secours de l’écriture pour satisfaire aux relations qui se multipliaient entre les individus de tous les ordres. Il fallut donc chercher à rendre l’emploi de l’écriture plus facile, et l’on visa naturellement à une simplification dans les formes des caractères.

25. La première tentative fut de réduire les caractères hiéroglyphiques au plus petit nombre de traits possible, mais de manière, toutefois, à conserver non-seulement l’ensemble général des formes, mais encore, surtout, ce type d’individualité qui distingue chaque image de quadrupède, d’oiseau, de reptile, etc., de l’image de chacun des autres objets de la même classe, employés dans l’écriture hiéroglyphique.

26. Le tableau suivant donnera une idée suffisante de cette importante méthode de réduction :

27. Cette réduction systématique de signes si compliqués à des formes si simples, tout en éloignant un peu le caractère du principe absolu d’imitation, le rapprocha, mais seulement en apparence, de son état primitif. Il est certain, en effet, que les premiers caractères tracés par les inventeurs de l’écriture hiéroglyphique, durent être infiniment moins exacts, dans leurs détails et dans leurs formes générales, que ceux dont nous admirons le galbe si élégant sur les grands monuments de l’Égypte ; et que, s’ils se rapprochaient par leur rudesse de la simplicité des hiéroglyphes abrégés de notre tableau, ils devaient en différer essentiellement par un manque total de correction, de vérité et de proportions dans le tracé des formes naturelles qu’on cherchait à rendre. Les plus anciens caractères chinois, et les tableaux mexicains, donnent d’ailleurs une idée suffisante de ce que peuvent être les premiers essais d’un peuple, dans l’imitation linéaire des objets.

28. Les hiéroglyphes abrégés, que nous désignerons désormais sous le nom de linéaires, portent, au contraire, dans leur ensemble réduit, l’empreinte d’une main très-exercée dans l’art du dessin ; et l’on ne peut s’empêcher, en ouvrant une foule de manuscrits, d’admirer avec combien de finesse et de spirituelle simplicité sont rendus linéairement ces croquis si légers des nombreuses espèces de quadrupèdes, d’oiseaux, de reptiles, etc., dont se composent en grande partie tous les textes hiéroglyphiques.

29. Ces hiéroglyphes linéaires formaient, à proprement parler, l’écriture hiéroglyphique la plus usuelle, c’est-à-dire l’écriture des livres, tandis que les hiéroglyphes purs furent toujours l’écriture des monuments publics. Cette distinction une fois établie, nous n’emploierons dans la suite de cet ouvrage que les hiéroglyphes linéaires, cette sorte de caractères étant d’un tracé plus facile, et occupant moins de place sans rien perdre de sa clarté.

30. On écrivait les hiéroglyphes linéaires, à l’encre noire ou rouge, sur des feuilles lissées de papyrus collées bout à bout, et l’on formait ainsi des volumes ( ϪⲰⲘ, ϪⲰⲰⲘⲈ, djôm, djôome), variés de largeur, et d’une longueur indéfinie. Le roseauⲔⲀϢ, kasch), ou le pinceau ( ⲔⲀϢ Ⲙ̀ ϤϢⲒ, kaschamphôi), furent les instruments employés à tracer les caractères. Outre cela, des inscriptions en hiéroglyphes linéaires décorent des cercueils de momies, des coffrets, des figurines, des vases de bronze, et une foule de monuments de divers genres. Parmi ces caractères, les uns étaient exécutés au moyen du pinceau, et les autres gravés en creux sur le bois, les métaux et les matières les plus dures[16].


B. Écriture hiératique.

31. Les hiéroglyphes linéaires étant des images abrégées d’objets physiques, et devant toujours présenter la forme générale de ces objets, très-distinctement exprimée, exigeaient encore, ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer (suprà, no 28), une certaine habitude du dessin et une assez grande sûreté de main pour esquisser lestement et sans confusion tant de caractères qui, souvent, ne se distinguent entre eux que par de très-légères différences dans leurs contours. L’emploi de l’écriture sacrée linéaire exigeant quelque habileté dans la main, et rendant nécessaire un exercice préalable assez long, ne pouvait être ni très-facile ni très-rapide ; on chercha donc, avec le temps, à soumettre les caractères linéaires à un second degré d’abréviation, et l’on simplifia leur forme au point de produire une écriture d’un aspect tout nouveau, mais qui rachetait, par l’extrême facilité avec laquelle on pouvait tracer les signes qui la composent, ce qu’elle perdait réellement en élégance et en richesse dans ses formes élémentaires.

32. Cette seconde simplification des caractères hiéroglyphiques, produisit le genre d’écriture sacrée que les auteurs grecs ont désignée sous le nom de ἹΕΡΑΤΙΚἩ, hiératique, parce qu’elle fut principalement en usage parmi les membres de la caste égyptienne la plus éclairée, celle qui s’adonnait à la culture des lettres ou des sciences, et que nous connaissons sous le nom un peu trop vague de caste sacerdotale.

33. L’écriture hiératique, inventée dans le but bien marqué d’abréger considérablement le tracé des signes sacrés linéaires, n’est au fond qu’une véritable tachygraphie hiéroglyphique.

34. Considérés dans leur seule forme matérielle, les signes hiératiques doivent être divisés en quatre séries très-distinctes, selon leur degré d’éloignement ou d’abréviation des formes de l’hiéroglyphe linéaire qui est leur primitif.

35. Une première classe se compose des signes hiératiques qui s’éloignent le moins des contours du caractère hiéroglyphique que chacun de ces signes est destiné à remplacer dans le nouveau système d’écriture : ce sont des charges d’hiéroglyphes, tracées d’une manière large et au moyen du plus petit nombre de traits possible ; en voici des exemples :

36. Les signes hiératiques de la seconde classe, quoique toujours calqués sur les caractères hiéroglyphiques linéaires, dont ils tiennent la place, s’en éloignent cependant beaucoup au premier aperçu ; on devrait même les regarder comme des signes arbitraires, si un examen attentif n’apprenait qu’ils sont réellement formés du contour principal de l’hiéroglyphe, dont le reste des traits caractéristiques est entièrement omis.

Le tableau suivant rendra notre remarque plus sensible : il renferme d’abord le signe hiéroglyphique linéaire d’où il dérive, et dont nous avons tracé en noir plein le contour principal devenu le type du signe hiératique, la partie supprimée étant seulement pointée. Le nombre des signes hiératiques de cette classe est assez borné.

37. L’imitation n’est plus que partielle dans la troisième classe de signes hiératiques, lesquels ne présentent seulement qu’une seule ou plusieurs des portions du caractère hiéroglyphique linéaire ; exemples :

38. La quatrième classe des signes hiératiques, l’une des plus nombreuses, ne renferme que des formes tellement éloignées de l’hiéroglyphe primitif, qu’on peut en quelque sorte donner à plusieurs d’entre eux, et à bon droit, le nom de signes arbitraires, comme il est facile de s’en convaincre par l’examen des exemples qui suivent :


§ III. Disposition des caractères sacrés.


39. Les caractères hiéroglyphiques purs et hiéroglyphiques linéaires, étant rapprochés et combinés pour exprimer la pensée, pouvaient être disposés de plusieurs manières diverses et même opposées. On les rangeait :

1o De haut en bas en colonnes verticales. Voyez les exemples A et B ;

2o En lignes horizontales. Voyez C et D ;

40. Suivant le plus de largeur ou de hauteur dans leur forme, les caractères hiéroglyphiques sont tracés isolément, ou bien deux à deux, ou trois à trois sur la hauteur de la ligne, si on les range en lignes horizontales comme C et D ; ou sur la largeur de la colonne, si on les dispose en colonnes verticales comme A et B.

41. Dans ces deux cas, les caractères peuvent se succéder soit en partant de la droite à la gauche (A et C), soit de la gauche à la droite (B et D). La plupart des livres sont écrits en colonnes verticales, procédant de la droite à la gauche, ou en lignes horizontales, dont les signes sont aussi rangés de droite à gauche.

42. On reconnaîtra généralement dans quelle direction marchent les caractères composant un texte hiéroglyphique, en observant le côté vers lequel sont tournées les têtes des figures d’hommes et d’animaux, ou les parties saillantes, anguleuses, renflées ou courbées des images d’objets inanimés qui font partie de l’inscription. Ainsi dans la colonne verticale A et la ligne horizontale C, les signes sont successivement coordonnés de droite à gauche, puisque la tête de l’épervier et les fers des trois haches sont dirigés vers la droite. La tête de l’épervier et les fers des haches étant dirigés en un sens inverse dans les exemples B et D, marquent suffisamment que les signes se succèdent de gauche à droite.

43. En représentant ici chacun des hiéroglyphes formant les exemples cités A, B, C et D, par son numéro d’ordre dans l’inscription dont il fait partie, on saisira avec plus de facilité les règles énoncées ci-dessus § 40, 41 et 42.

44. On rencontre, mais fort rarement, des manuscrits hiéroglyphiques dont les colonnes se succèdent de la gauche à la droite, quoique les caractères soient tracés de manière à ce que les têtes d’animaux regardent la droite. Le cabinet du roi et le Musée royal du Louvre possèdent des papyrus qui offrent cette particularité.

45. Les signes hiératiques sont constamment disposés en lignes horizontales et se succèdent de droite à gauche (voir l’exemple E). Ces caractères se superposent d’après les convenances de forme, de la même manière que les caractères hiéroglyphiques disposés horizontalement (suprà, no 40).

46. Il est infiniment rare de voir des caractères hiératiques disposés en colonnes verticales. Nous ne connaissons qu’un fort petit nombre d’exemples d’une telle pratique.

47. Nous citerons également comme une singularité certains manuscrits funéraires présentant le mélange de caractères hiéroglyphiques et de signes hiératiques employés simultanément dans le même texte.


  1. Tous les monuments égyptiens portent des hiéroglyphes, à peu d’exceptions près, grands ou petits, depuis le colosse jusqu’à l’amulette.
  2. Monuments antérieurs à l’invasion, parfaits. Depuis, beaux ; mais la décadence commence à Sésostris, continue sous Sabacon et les Saïtes ; très-avancée sous les Lagides ; complète sous les Romains.
  3. Le soleil, la lune, une étoile, le ciel.
  4. Tête d’homme, tête de femme, un œil, une oreille, la bouche, un bras, la main, une cuisse et la jambe, les pieds, la jambe.
  5. Le taureau, la vache, le veau, le cheval, le lion, la girafe, la gazelle, le cynocéphale.
  6. Le vautour, l’aigle, l’épervier, la chouette, un gallinacé, l’hirondelle, l’oie, l’ibis, la demoiselle de Numidie.
  7. Le lézard, le crocodile, la grenouille, des couleuvres, la vipère hayyé, le céraste, etc.
  8. Le latus, le lépidote, l’oxyrynchus, etc.
  9. Le scarabée, le scorpion, la mante, une espèce d’abeille, etc.
  10. Diverses coeifures, un collier, un bracelet, des sandales, etc., etc.
  11. Un trône, un coffre, un lit funèbre, un arc, une flèche, un trait, des sceptres.
  12. Trois sortes de vases, un vase à brûler l’encens, un bassin, une corbeille, une natte.
  13. Un théorbe, les instruments pour écrire, un volume de papyrus, un couteau, une scie, une hache, etc.
  14. Un propylon, un naos, une bari, un obélisque, une statue, une stèle, des autels, etc.
  15. Un arc, une barque, une houe, une charrue, une paire de sandales en feuilles de palmier.
  16. On écrivit aussi sur toile, sur papyrus de trois espèces : royal, hiératique, démotique ; sur peau d’animal ou parchemin, sur pierres brutes ; sur des tessons, particulièrement sous les Romains et les Coptes.