Grand Traité d’instrumentation et d’orchestration modernes/Le Bugle ou clairon
LE BUGLE OU CLAIRON.
Nous terminerons l’étude des instruments à vent par quelques mots sur la famille des Bugles.
Le Bugle simple ou Clairon, s’écrit sur la clé de Sol,
comme la Trompette. |
Il possède en tout huit notes, encore la dernière, l’Ut n’est-elle
guère praticable que sur le Clairon le plus bas, et la plus grave est d’un très mauvais timbre.
Il y a des Clairons dans trois tons : en Si ♭, en Ut et en Mi ♭ ; on en trouve plus rarement dans les autres tons.
Les fanfares qu’on leur fait exécuter, roulant toujours exclusivement sur les trois notes de l’accord parfait sont nécessairement d’une monotonie voisine de la platitude.
Le timbre de cet instrument est assez disgracieux ; en général il manque de noblesse, et il est difficile d’en jouer très juste ; comme il ne peut exécuter aucune succession diatonique il en résulte nécessairement que les trilles lui sont interdits.
Les Clairons ne me paraissent pas beaucoup plus haut placés dans la hiérarchie des instruments de cuivre, que ne le sont les Fifres parmi les instruments de bois. Les uns et les autres ne peuvent guère servir qu’à conduire des conscrits à la parade ; bien qu’à mon sens, une pareille musique ne dut jamais être entendue par nos soldats jeunes ou vieux : il n’y a point de nécessité de les accoutumer à l’ignoble. Comme le son du Clairon est très fort, il n’est pas impossible que l’occasion se présente de l’employer dans l’orchestre, pour accroitre la violence de quelque cri terrible des Trombones, des Trompettes, et des Cors unis ; c’est probablement tout ce qu’on en peut attendre.
Le Bugle, instrument beaucoup plus court que la Trompette, ne possède que les notes des trois octaves inférieures de celle-ci :
EXEMPLE : | mais en raison du |
peu de longueur de son tube, ces notes sortent à l’octave supérieure.
C’est pourquoi on écrit : |
Ainsi le Bugle ou Clairon en Ut, est un instrument non transpositeur, les Bugles en Si ♭, et en Mi ♭, au contraire, s’écrivent en transposant, comme on écrit des Trompettes en Si ♭, et en Mi ♭.
LE BUGLE À CLEFS.
Dans les musiques de cavalerie et même dans certains orchestres d’Italie on trouve des Bugles à sept clés qui parcourent chromatiquement une étendue de plus de deux octaves, à partir du Si ♮ au dessous des portées jusqu’à l’Ut au dessus
Le Bugle à clés peut faire le trille sur toutes les notes de sa gamme, à
l’exception de celui-ci : | . Il ne manque pas d’agilité, plusieurs |
artistes en jouent même d’une façon remarquable, mais son timbre ne diffère pas de celui du Clairon ou Bugle simple.
LE BUGLE À PISTONS
OU À CYLINDRES.
A plus d’étendue au grave que le précèdent ; c’est un faible avantage, car ses notes basses sont d’un timbre fort mauvais, encore ne sortent-elles aisément que sur le petit Bugle en Mi ♭ dont l’étendue, en conséquence, est celle-ci :
Cet instrument vaut beaucoup mieux que le Bugle à clé, il peut produire un bon effet en chantant certaines mélodies d’un mouvement large, ou tout au moins modéré, son timbre présente, pour les phrases vives ou gaies, le même inconvénient que nous avons déjà signalé pour les Cornets à pistons, celui de manquer de distinction ; toutefois il peut être favorablement modifié par le talent
de l’exécutant. À partir du Mi | du médium, tous les trilles majeurs et |
mineurs sont bons sur le Bugle à pistons, à l’exception de celui-ci :
L’OPHICLÉÏDE BASSE.
Les Ophicléïdes, sont les Altos et les Basses du Bugle. L’Ophicléïde basse offre de grandes ressources pour tenir la partie grave des masses d’harmonie ; c’est aussi le plus usité. On l’écrit sur la clé de Fa et son étendue est de trois octaves et une note.
Entre les mains d’un artiste habile, les trilles majeurs et mineurs sont possibles sur cette partie de sa gamme, ainsi que M. Caussinus l’a prouvé dans l’excellente Méthode qu’il vient de publier.
Autrefois le Fa ♭ grave | ne pouvait se faire que d’une manière |
incomplète avec les lèvres, cette note manquant essentiellement de justesse et de fixité.
Mr Caussinus a ajouté à l’instrument une clé qui la rend aussi bonne que les autres.
Les traits d’une certaine rapidité, diatoniques et même chromatiques, sont praticables dans les trois octaves supérieures de l’Ophicléïde, mais excessivement difficiles dans le grave, où ils ne produisent en outre qu’un détestable effet.
Les traits détachés sont beaucoup plus mal aisés et à peine possibles dans un mouvement vif. Il y a des Ophicléïdes basses dans deux tons, en Ut et en Si ♭ ; on en fait même maintenant en La ♭. Ceux-là seraient d’une grande utilité, à cause de la gravité extrême de leurs notes inférieures qui en font l’unisson des contre-Basses à trois cordes. Toutefois l’Ophicléïde en Si ♭ rend déjà d’éminens services sous ce rapport. On les écrit l’un et l’autre, en transposant, comme tous les instruments transpositeurs.
Ce premier Sol grave est, on le voit, l’unisson de celui-ci | de la |
contre-Basse.
Il est malheureux que l’Ophicléïde en La ♭ soit si peu répandu.
Le timbre de ces sons graves est rude, mais il fait merveilles, dans certains cas, sous des masses d’instruments de cuivre. Les notes très hautes ont un caractère sauvage dont on n’a peut être pas encore su tirer parti. Le médium, surtout lorsque l’exécutant n’est pas très habile, rappelle trop les sons du Serpent de Cathédrale et du Cornet à bouquin ; je crois qu’il faut rarement les laisser à découvert. Rien de plus grossier, je dirai même de plus monstrueux et de moins propre a s’harmonier avec le reste de l’orchestre, que ces passages plus ou moins rapides, écrits en forme de solos pour le médium de l’Ophicléïde dans quelques opéras modernes : on dirait d’un Taureau qui, échappe de l’étable, vient prendre ses ébats au milieu d’un salon.
L’OPHICLÉÏDE ALTO.
Il y a des Ophicléïdes altos en Fa et en Mi ♭ leur étendue est la même que celle des Ophieléïdes basses ; on les écrit l’un et l’autre sur la clé de Sol, comme les Cors ; et de même que pour les Cors, cette clé représente pour eux
l’octave-Basse de la note écrite. Ainsi cet Ut | correspond à |
celui de la clé de Fa | qui en réalité fait entendre |
celui là de la clé de Sol | En tenant compte maintenant de la |
transposition produite par le diapason de leurs tons spéciaux voici, en sons réels, le résultat de leur gamme écrite :
On les emploie dans quelques musiques militaires pour remplir l’harmonie et même pour exécuter certaines phrases de chant ; mais leur timbre est généralement désagréable et peu noble et ils manquent de justesse ; de là l’abandon à peu près complet où ces instruments sont tombés aujourd’hui.