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Jérôme de Stridon/Commentaires sur le prophète Sophonie

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Œuvres complètes
Traduction par Abbé Bareille.
Louis Vivès (Tome neuvièmep. 214-271).
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COMMENTAIRES SUR LE PROPHÈTE SOPHONIE[modifier]

LIVRE UNIQUE.[modifier]

PROLOGUE.[modifier]

Avant d’aborder Sophonie, qui est le neuvième dans l’ordre des douze prophètes, il me paraît bon de répondre à ceux qui croient pouvoir me railler de ce que, laissant de côté les hommes, je vous écris de préférence, ô Paule et Eutochium. Si ces gens-là savaient qu’Olda prophétisa, pendant que les hommes gardaient le silence ; que Débora, à la fois juge et prophétesse, vainquit les ennemis d’Israël, tandis que Barac était tremblant de crainte ; que Judith et Esther, comme figures de l’Église, et firent mourir l’ennemi, et délivrèrent du danger Israël près de périr, jamais ils ne recourberaient derrière mon dos leur doigt, moqueur en cou de cigogne. Je passe sous silence Anna et Élisabeth, et les autres saintes femmes, étoiles dont la tremblante clarté est effacée par la pure et radieuse lumière de Marie. Je descends aux femmes païennes, afin qu’ils reconnaissent que les philosophes profanes eux-mêmes considèrent les différences des esprits, et non des corps. Pluton nous montre Aspasie discutant ; Sapho correspond avec Pindare et Àlcée ; Thémiste disserte de philosophie parmi les plus sages de la Grèce ; les habitants de Rome, jusqu’au dernier de la plèbe, sont plein d’admiration pour la Gornélie des Gracches, c’est-à-dire la vôtre ; Carnéade, philosophe éloquent entre tous et rhéteur des plus subtils, qui avait coutume de soulever les applaudissements chez les personnages consulaires et en pleine académie, ne rougit pas de discuter de philosophie, dans une maison privée, avec une matrone pour auditeur. Rappellerai-je la fille de Caton, l’épouse de Brutus, dont nous admirons la force d’âme à l’égal de la constance du père et du mari ? L’histoire, tant delà Grèce que de Rome, est pleine des vertus de femmes, telles que le récit demanderait des volumes entiers. Pour moi, puisque ceci fait partie de mon œuvre, qu’il me suffise de dire, à la fin de ce prologue, que le Seigneur, après sa résurrection, apparut d’abord à des femmes, Matth. 28 et Luc. 28, 1 seqq. et que ces femmes furent les apôtres des apôtres, puisque ces hommes rougissent de ne point chercher celui qu’un sexe plus faible avait déjà trouvé.

« Parole du Seigneur qui fut adressée à Sophonie, fils de Chusi, fils de Godolias, fils d’Amarias, fils d’Ezéchias, aux jours de Josias, fils d’Ammon, roi de Juda. » Sop. 1, 1. Même traduction dans les Septante. La tradition des Hébreux veut que le père ou les ascendants de tout prophète dont les noms sont énoncés dans un titre de prophétie aient été prophètes eux – mêmes. Aussi Amos, l’un des douze prophètes, qui a dit : « Je ne suis ni prophète, ni fils de prophètes, mais un pasteur de chèvres, qui me nourris du fruit des sycomores », Amos. 7, 14, ne cite-t-il pas le nom de son père dans le titre de son livre. Si cela est vrai, Sophonie, que je m’efforce maintenant de commenter, a été engendré selon une règle prophétique, pour ainsi dire, dans cette glorieuse J souche de ses ancêtres, puisqu’il a eu pour père Chusi, pour grand – père Godolias, pour bisaïeul Amarias, pour trisaïeul Ezéchias, et que lui-même, le dernier venu, a complété, comme cocher, cet illustre quadrige. Les uns ont traduit le nom de Sophonie par « vedette », et les autres par « secret du Seigneur ; » l’une et l’autre interprétation, d’ailleurs, convient à un prophète, puisqu’il est dit à Ézéchiel : « Fils de l’homme, je vous ai établi sentinelle pour la maison d’Israël ; » Eze. 3, 17 ; et ailleurs : oc Le Seigneur ne fera rien qu’il n’ait révélé sa doctrine aux prophètes ses serviteurs ; » et la traduction du titre du psaume neuf est celle-ci : « Pour les secrets du fils. » Ainsi ce prophète, qui était établi en sentinelle sur les hauteurs et qui connaissait les mystères du Seigneur, était fils de Chusi, nom qui veut dire oc humilité » et « mon Éthiopien » et dont je traiterai plus loin, et il avait pour aïeul Godolias, c’est-à-dire « la grandeur du Seigneur », pour bisaïeul, Amarias, nom qui se traduit par « parole du Seigneur », et pour trisaïeul, Ezéchias, ou « la force du Seigneur. » Par conséquent, de la force du Seigneur est née la parole du Seigneur, et de celle-ci la grandeur du Seigneur, et de cette dernière l’humilité, en sorte que celui qui est arrivé à la perfection, s’écrie : « Je ne suis pas digne d’être appelé apôtre ; » 1Co. 15, 9 ; et avec le psaume : « Seigneur, mon cœur ne s’est point enflé d’orgueil, et mes yeux ne se sont point élevés. » Psa. 130, 1. Nous avions marché jusqu’ici sur une pente facile et sur un chemin uni, lorsque nous avons heurté du pied à cet obstacle que Ghusi a aussi la signification de « mon Éthiopien. » Comment, en effet, après de si grandes vertus, le nom d’Éthiopien peut-il faire sa note dans un concert de louanges ? Et vraiment, si l’Écriture avait dit Chus, c’est-à-dire Éthiopien, le nœud de la question paraissait indissoluble, puisque Chus est né de Chain. Mais en ce qu’elle dit Chusi ou mon Éthiopien, semble se cacher cette idée que celui-ci, après avoir été Éthiopien et s’être rangé à la pénitence, selon ce qui est écrit dans le psaume : « L’Éthiopie sera la première à tendre les mains vers Dieu ; » Psa. 67, 31 ; « et les Éthiopiens se prosterneront en sa présence », Psa. 71, 9, s’écrie avec l’épouse du Cantique des Cantiques : « Je suis noire, mais belle, ô fille de Jérusalem. » Can. 1, 4. Nous lisons aussi dans Jérémie que l’eunuque Abdemélec, Éthiopien, fut agréable à Dieu, Jer. 38, 1 seqq, et dans les Actes des Apôtres que l’Éthiopien, eunuque de la reine Gandace, eut un tel zèle pour l’étude des Écritures et de la loi de Dieu, qu’il les lisait sur son chariot et qu’il vint à Jérusalem pour adorer le Seigneur dans son temple. Act. 8, 27 et seqq. Aussi cette grande foi est-elle couronnée d’une digne récompense : l’apôtre Philippe est envoyé vers lui ; l’eunuque est instruit aussitôt, il croit, il est baptisé, il est sauvé. Or, il n’est pas appelé simplement eunuque, mais eunuque, homme d’Éthiopie : parce qu’il était eunuque de Jésus-Christ, et qu’il s’était fait eunuque en vue du royaume des cieux, il n’avait pas perdu le titre d’homme. C’est donc à bon droit que Sophonie, en tant que fils de Chusi, c’est-à-dire d’un Éthiopien converti, écrit dans les livres suivants, au sujet de la pénitence des Éthiopiens : « D’au-delà des fleuves de l’Éthiopie, on m’apportera des hosties. » Voilà pour la généalogie de Sophonie, qui prophétisa aux jours d’Ezéchias. Comme les jours qu’illumina Élie sont appelés jours d’Élie, ainsi en est-il des jours de Josias, qui s’était élevé vers le Seigneur — le nom de Josias veut dire « élévation du Seigneur », – et qui fut un homme juste, dont le livre des Rois et les Paralipomènes ont écrit les louanges. Il eut pour père Ammon et pour grand-père Manassé. 2Ro. 21, 1 seqq. L’histoire nous apprend que Manassé, après bien des crimes et après avoir été captif à Babylone, fit pénitence, et, revenu au bien, obtint le pardon du Seigneur. 2 2Ch, 23, 1 seqq. Aussi donna-t-il à son fils le nom d’Ammon, pris de la foi môme, par laquelle il avait cru à Dieu, puisque Ammon veut dire « foi. » Notons en passant que cette prophétie n’énonce pas, comme les précédentes, les rois des dix tribus ou d’Israël, mais seulement les rois de Juda. C’est que déjà les dix tribus avaient été menées en captivité, à l’époque du roi Ezéchias, père de Manassé. 2Ro. 22, 1 seqq. Ces considérations établies sur le préambule et le titre de Sophonie, au sujet de sa généalogie et de l’époque de la prophétie, voyons maintenant ce que contient cette prophétie elle-même.


« Je réunirai et je rassemblerai tout sur la face de la terre, dit le Seigneur, rassemblant l’homme et la bête, rassemblant l’oiseau du ciel et les poissons de la mer ; et ce seront les ruines des impies, et je ferai disparaître les hommes de la face de la terre, dit le Seigneur. » Sop. 1, 2-3. Les Septante : « Qu’il tombe dans la dernière défaillance sur la surface de la terre ! dit le Seigneur ; qu’ils tombent en défaillance l’homme et les bêtes ; qu’ils tombent en défaillance les oiseaux du ciel et les poissons de la mer ; et ÷ les impies seront frappés d’impuissance, et *⁎ j’ôterai les injustes de la face de la terre, dit le Seigneur. » Ces mots de la version des Septante : « Et les impies seront frappés d’impuissance », ont été ajoutés d’après la traduction de Théodotion. Au lieu de cela, Symmaque a dit : « Et les scandales avec les impies », en sous entendant « seront rassemblés », ou bien « tomberont en défaillante ; et la cinquième Édition : « Et la faiblesse même perdra ses dernières forces avec les impies. » Nous devons donc, fidèles à notre habitude, rétablir d’abord l’histoire, et ensuite discuter le texte selon l’esprit. Tout le monde sait que Josias fut, à dire vrai, le dernier roi des deux tribus appelées Juda et Benjamin. Après sa fin tragique, ses fils, qui régnèrent après lui et ses descendants, doivent être regardés moins comme des rois que comme les jouets du roi d’Égypte ou des Chaldéens, qui multiplièrent les écrasantes servitudes et les morts violentes. Comme le peuple aurait pu prendre pour excuse l’impiété de ses rois, et dire : Nous voulons servir Dieu, mais nous en sommes empêchés par nos rois, il leur est donné un roi juste, et comme, pendant que Josias déploie le plus grand zèle pour le Seigneur, le peuple n’en persiste pas moins dans le culte des idoles, le Seigneur oppose au peuple un juste motif de colère, et il le menace prophétiquement du renversement de Jérusalem, de la captivité de Juda et de la victoire de Nabuchodonosor. Or, le Seigneur dit par la voix du prophète : Je n’accorderai plus aucun délai pour la pénitence, et j’exterminerai tout sur la face de la terre : pas un seul homme, pas une seule bête, pas un seul oiseau, pas un seul poisson de la mer n’y restera. Car les brutes elles-mêmes sentent le poids de la colère du Seigneur, et les villes dévastées et les hommes massacrés, la disparition ou la rareté des bêtes, des oiseaux et des poissons se produit aussi ; j’en prends à témoin l’Illyrie, j’en prends à témoin la Thrace, j’en prends à témoin le sol où je suis né : il n’y reste que le ciel et la terre nue, et sauf les ronces qui s’y multiplient de plus en plus, tout y a péri. Ces maux, s’écrie le prophète, arriveront, parce que la multitude des impies a été trop grande. Les impies tomberont donc, les hommes seront exterminés, et la solitude régnera sur la surface de la terre.

Nous pouvons aussi entendre par ce même texte qu’à la consommation du monde, et les hommes, et les bêtes, et les oiseaux, et les poissons de la mer, tout périra de faiblesse ; que les impies verront leur force anéantie, et que l’impiété sera ôtée de la face de la terre. Mais si nous voulons nous élever plus haut, à la faveur de ce que disent les Septante : « Que tout périsse de la faiblesse la plus extrême sur la face de la terre ! et entendre en bonne part cette défaillance, conformément à cet exemple : « Et les forces lui manquant. Abraham mourut dans une heureuse vieillesse, étant parvenu à un âge avancé et à la plénitude de ses jours, et il fut réuni à son peuple », Gen. 25, 8, et, conformément à ce que l’Écriture rapporte d’Isaac et de Jacob, nous voyons qui sont ceux qu’une défaillance extrême fait périr à la face de la terre, et qui accomplissent ce précepte : Ceux qui ont leur conversation dans les cieux, et qui militent dans la chair, mais non pas selon la chair, parce qu’ils savent que ceux qui vivent dans la chair ne peuvent plaire à Dieu, font toutes choses, autant qu’il est en eux, afin de n’être pas dans la chair, mais dans l’esprit, et s’éloignant de la terre, ils disent : « Dieu nous a ressuscités avec Jésus-Christ, et il nous a fait asseoir dans le ciel avec lui. » Eph. 2, 6. Opposera-t-on à ce que j’ai pris le texte en bonne part, ce qui est écrit au sujet d’Ismaël : « Voici les années de la vie d’Ismaël : cent trente-sept ; et les forces lui manquant, il mourut et il fut réuni à sa race ? » Gen. 25, 17. Je réponds d’abord qu’Ismaël lui-même était fils d’Abraham, et qu’il avait reçu les dons et la part d’héritage de son père, selon sa mesure ; en second lieu, il est écrit de lui seulement : « Les forces lui manquant, il mourut », et l’Écriture n’ajoute pas, comme pour Abraham : « Dans une heureuse vieillesse, étant parvenu à un âge avancé et à la plénitude de ses jours, et il fut réuni à son peuple ; » ou pour Isaac : « Les jours que vécut Isaac formaient cent quatre-vingt-cinq ans, et les forces lui manquant, Isaac mourut, et il fut réuni à sa race, étant parvenu à un âge avancé et à la plénitude de ses jours ; » Gen. 35, 28-29 ; ou pour Jacob : « Après avoir achevé de donner ses ordres à ses enfants, élevant les pieds sur son lit, les forces lui manquèrent, et il fut réuni à son peuple. » Gen. 49, 32. Ce qui nous montre que la différence est grande entre celui à qui les forces manquent absolument, et celui qui, bien que les forces lui manquent, a en môme temps plusieurs vertus.

Ce que l’Écriture avait d’abord dit en général : « Que tout tombe en défaillance à la face de la terre », elle le divise ensuite par parties : a Que l’homme tombe on défaillance avec les bêtes de somme ; que succombent de faiblesse les oiseaux du ciel et les poissons de la mer. » Il est ordonné de succomber de faiblesse à quatre sortes d’êtres : d’abord l’homme raisonnable, et puis les trois classes soumises à l’homme : les bêtes de somme, les oiseaux et les poissons, qui sont également énumérés dans le psaume huit : « Les troupeaux des champs, les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, qui se promènent dans les sentiers de l’océan. » Psa. 8, 8. Quant à ce que le psaume avait dit d’abord : « Toutes les brebis et tous les bœufs », il les avait séparés comme tenant un rang à part parmi les bestiaux, et il n’avait pas voulu les compter avec tout le reste. Par conséquent, que l’homme tombe en défaillance, que les bestiaux tombent en défaillance, que les oiseaux du ciel tombent en défaillance, et que les poissons de la mer tombent en défaillance. L’Écriture ne dit pas : Que les bêtes féroces tombent en défaillance, que les reptiles delà terre tombent en défaillance, parce que ces sortes d’animaux ne doivent pas tomber en défaillance, mais périr ; elle a dit : Qu’ils tombent en défaillance, les animaux qui sont susceptibles de correction. C’est ainsi que ce qui arrive d’ordinaire aux femmes ayant cessé chez Sara, il est enjoint à Abraham d’écouter tout ce que Sara lui dira. Gen. 18, 1 seqq. xxi. Il tombe en défaillance comme homme, celui qui méprise les choses humaines, qui ne meurt plus désormais comme homme et à qui s’adresse cette parole : « J’ai dit : Vous êtes des dieux. » Psa. 81, 6. Cet autre cesse d’être comme bête de somme, qui, s’élevant plus haut, est à couvert de cette accusation du prophète : « L’homme, tandis qu’il était en honneur, ne l’a point compris, et il a été comparé aux bêtes qui n’ont aucune raison, et il leur est devenu semblable. » Psa. 48, 21. Il cesse d’être comme oiseau, celui qui se fait des plumes d’aigle, et retourne riche à la maison de son précepteur, et abandonne toute pauvreté. Pro. 21, 1 seqq. Il cesse d’être comme poisson de la mer, celui qui étant pris par les filets du Seigneur, est mis à part avec les bons poissons. Mat. 23, 1 seqq. Lorsque ces choses auront été accomplies selon le précepte du Seigneur, les impies seront frappés d’impuissance, n’ayant plus autant de force qu’auparavant. Et les injustes seront ôtés. L’Écriture ne dit pas qu’ils seront mis à mort, mais qu’ils seront ôtés, en sorte que ramenés à des voies meilleures, transportés de l’impiété et de l’iniquité à la piété et à la justice, ils redeviennent ce qu’ils étaient auparavant. Voilà le sens figuré ; car j’ai le de voir de faire connaître aussi le sens le plus élevé. Il appartient dès maintenant au lecteur de décider si la prophétie incline à la vérité ou à la clémence.


« J’étendrai ma main sur Juda et sur tous les habitants de Jérusalem, et j’exterminerai de ce lieu les restes de Baal, les noms de ses ministres avec les prêtres ; ceux qui adorent les astres du ciel sur les toits, ceux qui, adorant le Seigneur et jurant en son nom, jurent aussi au nom de Melchom ; ceux qui, se détournant du Seigneur, ne veulent point marcher après lui ; ceux qui ne cherchent point le Seigneur et ne se mettent point en peine de le trouver. » Sop. 1, 4 et seqq. Les Septante : « J’étendrai ma main sur Juda et sur tous ceux qui habitent Jérusalem, et j’ôterai de ce lieu les noms des statues de Baal, et les noms des prêtres avec les prêtres ; ceux qui adorent les astres du ciel sur les toits ; ceux qui, jurant par le Seigneur, jurent aussi par leur roi ; ceux qui s’éloignent du Seigneur ; ceux qui ne cherchent point le Seigneur, et ceux qui ne conservent point le Seigneur. » Après la ruine des impies et l’enlèvement des impies de la face de la terre, il est conséquent que le langage soit tenu contre Juda et contre Jérusalem, au nom du Seigneur :

« J’étendrai ma main sur Juda et sur tous les habitants de Jérusalem », – l’extension de la main nous montre le geste de celui qui frappe, — « et j’exterminerai de ce lieu les restes de Baal ; » non que, comme le veulent les Septante, les noms des statues de Baal soient par là complètement effacés ; mais, d’après le texte hébreu, il menace de retrancher les adorateurs de Baal d’entre le peuple qui était resté en petit nombre dans Juda et Jérusalem après le massacre par les ennemis. Il effacera aussi les noms des ministres avec les prêtres, parce que Juda et Benjamin étaient tombés dans une impiété si grande, qu’ils avaient érigé dans le temple du Seigneur, comme l’écrit Ézéchiel et comme le prouve le quatrième livre des Rois, la statue de Baal, que le Seigneur appelle image de Zélus, et qu’ils vénéraient en même temps, dans le même sanctuaire, les idoles et le Seigneur. Eze. 8, 1 seqq. Aussi les prêtres des idoles sont-ils significativement, non pas prêtres, mais téménites, ministres des haut-lieux, 2Ro. 10 et 17, en hébreu Acchumarim. Le Seigneur ôtera donc de Jérusalem, c’est-à-dire exterminera ces téménites et ceux qui étaient autrefois prêtres de Dieu ; ceux qui adorent sur les toits la milice céleste, le soleil, la lune et les autres astres ; ceux qui jurent en même temps, parle nom du Seigneur et par le nom de l’idole des Ammonites, Melchom, que les Septante ont traduit par roi. « J’exterminerai de ce lieu les restes de Baal, et j’exterminerai les noms des téménites avec les prêtres, et j’exterminerai ceux qui adorent sur les toits les astres du ciel, et j’exterminerai ceux qui adorent en même temps le Seigneur et Melchom, et jurent en môme temps par l’un et par l’autre, et j’exterminerai ceux qui se détournent », ou « s’éloignent des traces du Seigneur, et qui ne le cherchent pas », ou « ne le conservent point. » Ils se détournent des traces du Seigneur d’Israël, ceux qui abandonnent son culte pour jurer par Melchom, qui adorent les astres du ciel, et qui vénèrent Baal, idole des Sidoniens. Jusqu’ici, c’est le sens littéral qui a été analysé ; voyons aussi le sens figuré.

À cause du Seigneur qui est issu de la tribu de Juda, et à cause de Jérusalem, où régna Juda, c’est-à-dire notre Seigneur et Sauveur, disons que, lorsque l’iniquité se sera multipliée, que la charité de plusieurs se sera refroidie, Mat. 24, 1 seqq. et que, le Seigneur venant, il trouvera la foi rare sur la terre, au point que les élus même seront tentés, Luc. 18, 1 seqq. alors le Seigneur, pour le châtiment des pécheurs, étendra sa main sur Juda, qui se flatte de confesser le nom du Seigneur, et sur Jérusalem, l’Église qui a reçu ce nom à cause de la vision de la paix, et il ôtera de l’Église les noms des idoles de Baal, qui veut dire « dans les plus élevés. » Or, le Seigneur ôtera les noms de la vaine gloire et de l’admiration fausse qui habitent dans l’Église, dans laquelle, comme le dit l’apôtre Jacques, on honore celui qui a un anneau d’or et l’on méprise le pauvre, alors qu’à l’arrivée d’un juge et d’un sénateur, et en général d’un riche quelconque, tout le peuple se lève, tandis qu’on n’accorde même pas au pauvre, qui est saint, une place pour se tenir debout au milieu des troupes des puissants mollement assis. Il ôtera aussi les noms des prêtres, avec ces prêtres qui s’applaudissent en vain de leur titre d’évêques et de leur dignité de prêtres, sans en faire les œuvres. . 2, 1 seqq. Aussi l’Écriture, toujours précise, ne dit-elle pas : « Et les œuvres des prêtres avec les prêtres ; » mais « les noms des prêtres », ceux qui préfèrent à tous les noms creux des dignités, et qui détruisent leurs noms parleurs mauvaises œuvres. Il ôtera ceux qui adorent sur les toits la milice céleste et qui s’élèvent contre la science de Dieu ; et tout ce qui se fait dans le temps, au nom de la fausse science qu’ils s’arrogent, ils le rapportent au lever et au coucher des étoiles, suivant en cela les erreurs des mathématiciens. Il ôtera ceux qui adorent à la fois le Seigneur et Melchom : ils pensent pouvoir servir en même temps le monde et le Seigneur, et satisfaire deux maîtres, Dieu et l’argent ; soldats du Christ, ils s’assujettissent aux affaires du temps, 2 Tim. 2, 1 seqq. ils offrent la même image à Dieu et à, César, et pendant qu’ils se disent prêtres de Jésus-Christ, ils consacrent leurs enfants à Melchom, c’est-à-dire « à leur roi. » Il est juste qu’ils aient un homme pour roi, ayant perdu le Seigneur à ce titre ; et, s’éloignant du Seigneur par leurs mauvaises œuvres et ne le cherchant pas, ils retiennent leurs péchés qu’il fuit.

Si l’on veut, conformément à l’interprétation des noms de Juda et de Jérusalem, entendre ce même texte sur l’âme de chacun, on ne se trompera pas en disant que le Seigneur ôtera tout ce qui a été dit, soit à la consommation du monde, soit à la mort de chacun, quand retentira cette parole : « Insensé, cette nuit même votre âme vous sera ôtée. Et Dieu étendra la main sur l’âme qui ne confesse pas le Seigneur, et sur celle qui se flatte d’avoir le sens de la paix, pour ôter de cette Jérusalem et pour exterminer tout orgueil, et les cultes faux offensants pour Dieu, et les doctrines des diverses erreurs, et l’assujettissement simultané à Dieu et au monde, et, par les péchés de chaque jour, l’éloignement de Dieu et l’oubli de son service.


« Demeurez en silence devant la face du Seigneur Dieu, car le jour du Seigneur est proche : il a préparé la victime ; il a sanctifié ceux qu’il a appelés. » Sop. 1, 7. Les Septante : « Soyez pleins de crainte devant la face du Seigneur Dieu, parce que le jour du Seigneur est proche et que le Seigneur a préparé sa victime ; il a sanctifié ceux qu’il a appelés. » Là où les Septante ont mis « soyez remplis de crainte », et nous, « demeurez dans le silence », l’hébreu porte une interjection que pousse celui qui veut ordonner de se taire, et dont les comiques usent fréquemment ; or, un silence absolu est ordonné à tous, parce que le jour du Seigneur va venir. Par jour du Seigneur, entendons le jour de la captivité et de la vengeance contre le peuple pécheur ; par victime de la ruine, entendons Jérusalem ; quant à ceux qui sont sanctifiés, ce sont ceux que Dieu a voués au massacre, conformément à ce qui est dit dans Jérémie : « Sanctifiez-les au jour où ils seront massacrés. » Jer. 12, 3. Voici donc le sens : La captivité autrefois prédite vient contre le peuple impie, elle est imminente. Car c’est sous le roi Josias qu’a lieu cette prophétie : lui mort, craignez devant la face du Seigneur Dieu, parce que le jour du Seigneur est proche, que le Seigneur a préparé sa victime, qu’il a sanctifié ceux qu’il a appelés. La dévastation complète est là, dont Ézéchiel a dit : « La fin vient, la fin est venue, », etc. Eze. 7, 2. Voici la victime qui me plaît, voici les hosties que j’ai sanctifiées pour moi. Cette parole : « Il a sanctifié ceux qu’il a appelés », peut aussi s’entendre des Babyloniens, qu’il appelle encore les serviteurs de sa vengeance contre le peuple, les vengeurs de son injure. « J’ai appelé », dit-il, « mon serviteur Nabuchodonosor. » Jer. 25, 9. Et dans le même Jérémie, non content de l’appeler serviteur, il l’appelle colombe : « En présence du glaive de la colombe. » Jer. 46, 16.

Dans le sens figuré, parce que la face du Seigneur est sur ceux qui font le mal, afin d’exterminer de la terre leur mémoire, et que le jour du jugement est proche, car en comparaison de l’éternité, tout le temps d’ici-bas est court, ou bien la mort de chacun est proche, que tous soient saisis de crainte et se taisent, de peur que la face du Seigneur, dont un saint a dit : « Seigneur, la lumière de votre visage a mis son sceau sur nous », Psa. 4, 7, ne consume l’herbe, la paille et le bois des péchés. Car le Seigneur a préparé son hostie, tout le mystère du Lévitique, quand par le feu et l’effusion du sang, et par la véritable oblation, seront sauvés ceux qui doivent être sauvés, et que ceux qui sont appelés seront sanctifiés. Quelques-uns des nôtres rapportent le jour du Seigneur, et son hostie, et la sanctification de ceux qui sont appelés, à l’avènement du Sauveur, lorsque l’Agneau fut immolé, et que dans son sang furent sanctifiés les apôtres et ceux qui furent appelés par eux.


« En ce jour de l’hostie du Seigneur, je visiterai les princes, les enfants du roi et tous ceux qui s’habillent de vêtements étrangers. Et je punirai en ce jour-là tous ceux qui entrent insolemment dans le temple, et qui remplissent d’iniquité et de tromperie la maison du Seigneur leur Dieu. » Sop. 1, 8-9. Les Septante : « Au jour de l’hostie du Seigneur, je me vengerai des princes, et de la maison du roi, et de tous ceux qui sont vêtus de vêtements étrangers, et, en ce jour-là, j e me vengerai ouvertement contre tous ceux qui sont dans les vestibules, et qui remplissent d’impiété et de tromperie la maison du Seigneur leur Dieu. » Au jour de la captivité de Juda, quand tout le peuple doit être immolé, le Seigneur fera sa visite, et contre les princes qui le matin buvaient la bière, et contre les fils du roi, soit tous ceux de la race royale, soit, assurément, en particulier, les enfants de Josias, qui, nous dit l’histoire, furent mis à mort ou faits captifs, et contre ceux qui sont revêtus d’un vêtement étranger, c’est-à-dire qui ont remplacé le culte de Dieu par l’adoration des idoles, et contre ceux qui entrent insolemment sur le seuil en ce jour-là, c’est-à-dire contre les orgueilleux, qui, avec un certain faste et le front hautain de la dignité, montent les degrés du temple et franchissent le seuil du sanctuaire. Or, comme là où nous avons traduit : « Ceux qui entrent insolemment sur le seuil », on peut dire d’après l’hébreu : « Qui passent par-dessus le seuil », il faut encore admettre cette interprétation historique : « Je me vengerai de ceux » qui, d’après le premier livre des Rois, ne foulent point aux pieds le seuil des idoles, qui sont esclaves des superstitions, et qui ont rempli la maison du. Seigneur leur Dieu, non-seulement du culte des idoles, mais encore d’iniquités, de crimes et de mensonges de toute sorte, de manière qu’à la fausseté de la religion se sont ajoutés l’iniquité contre leurs inférieurs et le mensonge envers le prochain. Venons maintenant au sens figuré jusqu’ici.

Le Seigneur fera sa visite, dans l’avènement et la Passion du Sauveur, c’est-à-dire au jour de l’immolation de son Fils, contre les pontifes et les prêtres du peuple juif, et contre leur maison royale. Jusques à ce temps existèrent les rois de Juda de la race de David, selon la prophétie de Jacob : « Le sceptre ne sortira point de Juda, ni le prince de sa postérité, jusqu’à ce que celui qui doit être envoyé soit venu, et c’est lui qui sera l’attente des nations. » Gen. 49, 10. Et en effet, après l’immolation du Seigneur, le sceptre a été ôté du milieu des Juifs. « Et contre tous ceux qui sont revêtus de vêtements étrangers », qui se sont dépouillés de la protection et du vêtement de Dieu, et qui se sont couverts de leur erreur. « Je me vengerai ouvertement contre tous ceux qui sont dans les vestibules », c’est-à-dire, qui sont sortis du temple de Dieu ; qui, lorsqu’ils devraient être à l’intérieur, à cause de leurs péchés, sont sortis au-dehors, et se sont éloignés de l’Église de Dieu, remplissant son temple d’impiété et de tromperie. Voilà qu’elle est l’application de ce texte au premier avènement du Sauveur.

Puisque nous avons aussi appliqué déjà la prophétie à la consommation du monde et au jour du jugement, que tous regardent comme le jour du Seigneur, apprenons qu’en ce temps-là le Seigneur fera sa visite contre les princes et contre les pasteurs, qui mangent le lait des brebis, et tondant les laines, n’ont aucun souci des souffrances du troupeau ; contre les fils du roi, qui conçoivent un orgueil coupable de ce qu’ils sont chrétiens, et une vaine gloire de ce qu’ils sont les fils du roi Jésus-Christ ; et contre tous ceux qui sont revêtus de vêtements étrangers. Le vêtement des fils du roi.æt le manteau des princes, c’est Jésus-Christ, la robe que nous avons reçue au baptême, selon l’enseignement de l’apôtre : « Revêtez-vous de Jésus-Christ. » Rom. 13, 14… « Revêtez-vous d’entrailles de miséricorde, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience », Col. 3, 12, etc. En cela, il nous est donné le précepte de nous revêtir du nouvel homme, de l’homme céleste, selon notre Créateur, et de rejeter loin de nous le vêtement du vieil homme avec ses œuvres. Eph. 4, 1 seqq. Or, alors que nous devons nous revêtir de ces vêtements, au lieu de miséricorde, nous nous revêtons de cruauté ; au lieu de patience, d’impatience ; au lieu de justice, d’iniquité ; pour tout dire, en un mot, au lieu des vertus, des vices ; c’est-à-dire, au lieu de Jésus-Christ, nous nous revêtons de l’Antéchrist. Aussi est-il dit d’un tel homme : « Il est revêtu de la malédiction comme d’un vêtement. » Psa. 108, 18. Le Seigneur dans, son avènement se vengera aussi avec éclat contre ceux qui, alors qu’ils devraient être dans le temple avec les bonnes œuvres, s’en sont exclus eux-mêmes par leur horrible conduite et, livrés à Satan, habitent dans les vestibules, ou plutôt, non point au dedans, mais devant les vestibules. Il se vengera contre tous ceux qui remplissent l’Église d’iniquités et de péchés de toute sorte, d’impiété et de mensonge, et qui mêlent le sang au sang.

Si maintenant nous rapportons le même texte à l’âme – de chacun, par princes et maison du roi entendons les pensées et l’âme même, qui doit avoir le roi pour hôte. Et d’après l’exposition qui précédé, rapportons les vêtements étrangers, et tout ce qui suit, à chacun des fidèles, qui, alors qu’ils devaient être revêtus de Jésus-Christ, et habiter toujours au-dedans, se sont affublés des haillons disparates, des péchés, et étant sortis de l’Église, c’est-à-dire de la congrégation des saints, ont rempli le temple de leur corps d’iniquité et de tromperie, au lieu de vertus.


« En ce temps-là, dit le Seigneur, on entendra de la porte des poissons un grand cri, et de la seconde, des hurlements, et le bruit d’un grand carnage retentira du haut des collines. » Sop. 1, 10. Les Septante : « En ce temps-là, dit le Seigneur, on entendra de la porte des repentants un grand cri, et de la seconde, des hurlements, et le bruit d’un grand carnage du haut des collines. » Au jour de la victime du Seigneur, lorsqu’il étendra sa main contre Juda et contre tous les habitants de Jérusalem, et que l’armée ennemie l’entourera de toutes parts, il s’élèvera une grande clameur de la porte des poissons, et des hurlements partiront de la seconde, et le bruit d’un grand carnage retentira du haut des collines. On appelait porte des poissons celle qui conduit à Diospolis et à Joppé, qui était entre toutes les voies de Jérusalem la plus voisine de la mer, et dont Esdras parle ainsi : « Les enfants d’Asnaa bâtirent la porte des poissons, ils la couvrirent, et y mirent les deux battants, les serrures et les verroux. » Neh. 3, 3. Quant à la seconde porte d’où s’élèveront des hurlements, c’est celle du second mur du même côté, au sujet de laquelle il est écrit clans le livre des Rois : « Alors le grand-prêtre Helcias, Ahicam, Achabor, Saphan et Asaïas, allèrent trouver la prophétesse Olda, femme de Sellum, fils de Thécuas, fils d’Haras, gardien des vêtements, qui demeurait à Jérusalem, dans la seconde enceinte. » 2Ro. 22, 14. Et pour le bruit du grand carnage, il viendra des collines de la montagne de Sion, et de la partie la plus élevée de la ville, parce que, lorsque les points les plus élevés et la citadelle seront occupés, l’ennemi fondra sur la ville avec plus de facilité par les pentes.

Si maintenant, par ce jour dont le Seigneur fait la menace, nous entendons, comme plus haut, le jour du jugement, ce temps où l’Ancien des jours s’assoira sur le tribunal, Dan. 7, 1 seqq. où les livres seront ouverts, où toutes les consciences seront mises à nu, alors s’accomplira la prophétie de l’immense clameur qui doit s’élever de la porte de la componction. Car la porte des yeux sera la première par laquelle nos péchés seront exhibés à nos regards, et tout l’appareil et l’image de nos anciens crimes, de nos vices et de notre luxure seront produits devant tous. Alors se réalisera ce qui est écrit : « L’homme sera là avec toutes ses œuvres en sa présence. Sa conscience le torturera, et après que, frappé de componction, il aura jeté un grand cri de la première porte des yeux, il poussera aussi des hurlements de la seconde, qui est, pouvons – nous dire, celle des oreilles. Ce sera surtout par ces deux sens, par où le plus grand nombre de vices s’étaient glissés dans l’âme, qu’elle en ressentira la peine, lorsque nous verrons ce que nous avons fait ; qu’instruits par l’accusation et entendant le récit de tous nos péchés, nous ne pourrons contenir un hurlement de douleur, et qu’en nous sera réduit en poudre tout ce qu’il y avait d’élévation orgueilleuse que nous ignorions, à cause de notre aveuglement et de notre surdité ; ou assurément, lorsque la parole sublime et la correction venant d’en haut, nous écraseront et nous briseront, et que s’accomplira cette parole : « Je rugissais à cause des gémissements de mon cœur », Psa. 37, 9, en sorte que notre esprit troublé soit offert à Dieu en sacrifice, Psa. 50, 1 seqq. alors en nous, qui sommes hommes, et qui n’avons pas commis des péchés si grands, qu’ils puissent être comparés à des montagnes, les collines seront réduites en poudre. C’est dans le diable et dans ses anges que les hautes montagnes des péchés seront brisées.

La plupart des interprètes pensent que ce que nous avons rapporté, pour l’histoire, au temps de la puissance de Babylone, doit l’être au premier avènement du Sauveur, lorsque, à cause des crimes trop grands du peuple et de cette clameur impie : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » Mat. 37, 25, Jérusalem fut assiégée par l’armée romaine, et que les deux ours, Vespasien et Titus, dévorèrent la troupe des enfants railleurs. 2Ro. 2, 1 seqq. Cette interprétation convient mieux à notre foi, sons la réserve cependant de ne pas oublier que la prophétie peut aussi s’accorder avec l’histoire antérieure, ou que la première captivité est assurément la figure de la seconde et de l’entière destruction de Jérusalem. Ajoutons encore cette remarque, puisqu’il est évident que le mot hébreu Adajim veut dire, non point « porte de componction », mais bien « porte des poissons », qu’au sens figuré, cette porte des poissons à Jérusalem est celle par où sont apportés dans la ville les bons poissons qui ont été séparés des mauvais, et ce sont ces derniers, demeurés dehors, qui pousseront des cris de douleur en voyant entrer les autres. Ou assurément, à la fin du monde et à la consommation des choses, ils pousseront des cris de douleur de la première porte des poissons, ceux qui n’auront pas conservé la pureté du baptême, et ils feront entendre des hurlements de la seconde, ceux qui n’auront pas fait une digne pénitence de leurs péchés. Et il y aura une grande contrition sur les collines, sur ceux qui ne se sont pas abaissés à cause de leurs péchés, pour soumettre leur tête au joug et déplorer leurs crimes. C’est en effet par ces deux portes du baptême et de la pénitence, ou que l’on entre ou que l’on revient dans Jérusalem, qui est l’Église de Dieu.


« Hurlez, vous qui serez comme en un mortier ; toute cette race de Chanaan sera réduite au silence. » Sop. 1, 11. Les Septante : « Poussez des plaintes, vous qui habitez une terre déchirée, parce que tout ce peuple est devenu semblable à Chanaan. » Le mot hébreu Machthes doit être lu, non pas avec la première syllabe brève, ce qui lui donnerait le sens de « sphère », mais avec une syllabe longue, et il désigne alors un mortier où l’on écrasait le blé. C’est un vase concave, maintenant à l’usage des médecins, et dans lequel ils ont coutume surtout d’écraser l’orge mondée. Ce que c’est qu’un mortier, me dira-t-on, nul ne l’ignore ; mais que vient faire ici ce mortier, voilà la question à résoudre. Comme la prophétie a entamé la description d’une ville prise, et qu’il est dit : « Il s’élèvera de la porte des poissons une grande clameur,.et de la seconde porte un hurlement, et du haut des collines le bruit d’un grand carnage », elle suit l’ordre de cette description, et parle maintenant des cris de ceux qui habitent dans la vallée de Siloé. C’est avec raison qu’au lieu de dire : Vous qui habitez dans la vallée, dans le bas-fond, l’Écriture a dit : Vous qui habitez dans le mortier ; comme le pilon tombe lourdement pour écraser, le blé, ainsi l’armée fondra sur vous de la porte des poissons, de la seconde porte et du haut des collines. Elle appelle peuple de Chanaan le peuple juif, dans le sens de ce mot de Daniel : « Race de Chanaan et non de Juda », Dan. 13, 55, et comme lorsqu’il est dit à Jérusalem : « Votre père est Amorrhéen et votre mère Céthééenne », Eze. 16, 3, et encore : « Chanaan, votre main tient une balance d’iniquité. » Ose. 12, 7.

Abordons le sens figuré d’après l’une et l’autre traduction. C’est à bon droit qu’ils sont excités à hurler et à gémir, ceux qui habitent dans la lie la plus fétide des péchés, et qui disent du fond de l’abîme de leurs forfaits, où ils sont engloutis : « Je suis enfoncé dans une boue profonde, et je n’y trouve pas où poser le pied. » Psa. 68, 3. Aussi la prophétie ajoute-t-elle : « Vous qui habitez une ville en lambeaux », c’est-à-dire une âme percée des nombreuses blessures de l’iniquité, ou l’Église, qui est déchirée par les schismes et les hérésies, et qui, à chaque blessure, pleure sur ses enfants mis à mort. Quant aux mots : « Tout ce peuple de Chanaan s’est tû » ou « tout ce peuple est devenu semblable à Chanaan », ils signifient que leurs blasphèmes cesseront au jour du jugement, et que leur bouche qui affectait l’élévation et leur langue qui pénétrait jusqu’à la terre, seront condamnés à un éternel silence. Parce que Jérusalem a accumulé les péchés et qu’elle a été à cause de cela ébranlée, son peuple est appelé Chanaan ou « commotion. » Car il ne peut pas dire : « Dieu a affermi mes pieds sur la pierre » ; Psa. 39, 3 ; mais il est toujours incertain et flottant, et toujours ébranlé. C’est pour cela que le saint homme Noé, lorsqu’il se fut éveillé, fit retomber sa malédiction sur le nom de Chanaan, en disant : « Que l’enfant Chanaan soit maudit ; qu’il soit l’esclave de ses frères. » Gen. 9, 25. Ce n’est pas à Chanaan seul que les pécheurs sont assimilés ; selon la qualité et la diversité du péché, l’un est assimilé à Pharaon, l’autre au géant Nemrod. Au contraire, par les bonnes œuvres et les vertus, l’un prend l’esprit d’Abraham, l’autre de Moïse, un autre d’Élie ; aussi l’Apôtre dit-il : « Rivalisez pour atteindre aux dons les meilleurs. » 1Co. 12, 31. Quant à celui qui est parfait, dans la mesure toutefois de la perfection dont l’humaine condition est capable, il est marqué du sceau de la ressemblance de Dieu.

« Ils ont tous été exterminés, enveloppés de leur argent. » Sop. 1, 11. Les Septante : « Tous ceux que l’argent a enorgueillis ont été exterminés. » Ceux qui mettaient leur confiance dans leurs richesses, et qui possédaient tant de bien qu’ils s’estimaient comme enveloppés et fortifiés dans leurs richesses ; ou certainement, d’après les Septante, ceux qui étaient enflés d’orgueil, et qui méprisaient les pauvres, ont été anéantis, quand la colère divine a fondu sur eux. Il est à remarquer que l’Écriture ne dit pas : « Ils périront, ceux que l’argent a enflés d’orgueil ; » mais dès maintenant, avant que le jour du supplice vienne pour eux, en cela même qu’ils sont enflés d’orgueil, que leur pensée est sans cesse occupée de leurs trésors et qu’ils les servent, ils ont péri et ils sont tombés. Quiconque comprendra la portée de ce fait, se gardera sans doute de désirer plus qu’il n’est permis ces richesses, dans lesquelles ceux qu’elles enorgueillissent ne périront pas, mais ont déjà péri. Et il ne faut pas croire qu’il n’y ait que ceux que l’argent enfle d’orgueil qui aient péri ; il périra celui qui tire vanité de la noblesse delà race ; il périra celui qui se glorifie des dignités ; il périra celui qui est superbe ; il périra celui qui est glorieux de sa force ; il périra celui qui, rival d’un autre sexe, pour la mollesse, nourrit d’huile sa chevelure, s’épile, parfume sa peau et s’adonise au miroir, ce qui est particulièrement la passion et la folie des femmes. Que si l’on veut s’élever dans un saint orgueil, il faut s’élever avec les apôtres, et quand on sera digne de souffrir l’outrage pour le nom de Jésus-Christ, on peut se glorifier avec l’apôtre, qui était rempli de joie dans les tribulations, sachant que la tribulation produit la patience, la patience, l’espérance, et que cette espérance n’est point trompeuse. Rom. 5


« En ce temps-là je porterai la lumière, des lampes jusque dans les lieux les plus cachés de Jérusalem* et je visiterai ceux qui sont enfoncés dans leurs ordures, et qui disent en leurs cœurs : Le Seigneur ne fera ni bien ni mal. » Sop. 1, 12. Les Septante : En ce jour-là je porterai la lumière des lampes dans les lieux les plus cachés de Jérusalem, et je me vengerai des hommes qui méprisent les ordonnances qu’ils ont à garder, et qui disent en leur cœur : Le Seigneur ne fera pas de bien, le Seigneur ne fera pas de mal. » Au temps et au jour de la captivité de Jérusalem soit par les Babiloniens, soit par les Romains (parce qu’elle a abandonné le Seigneur, et qu’elle a agi avec impiété contre le Seigneur son Créateur), le Soigneur scrutera à la lumière de sa lampe les lieux les plus cachés de Jérusalem, et ne souffrira que personne échappe à la punition. Qu’on lise les histoires de Josèphe et l’on y trouvera qu’on arracha des cloaques, des cavernes, des antres ou des sépulcres, des princes, des rois, des grands et des prêtres qui s’y étaient cachés par crainte de la mort. Je visiterai, dit le Seigneur, ceux.qui mettent leur confiance dans leurs corps et dans leurs forces, qu’il appelle satiriquement des ordures ou péchés, dans lesquels sont entièrement enfoncés ceux qui, enlevant la Providence, ont prétendu que Dieu n’était l’auteur ni du bien ni du mal, c’est-à-dire que, ni il ne rendait le bien pour le bien, ni le mal pour le mal ; mais que tout était régi par le caprice de la fortune et entraîné par le hasard.

À la fin du monde, qui n’est autre que le jour du Seigneur, le Seigneur visitera Jérusalem avec sa lampe ; et il se vengera sur les contempteurs qui n’ont pas voulu garder ce qu’ils devaient garder, c’est-à-dire qui ont méprisé les commandements du Seigneur, et en outre, en prétendant qu’ils péchaient avec raison, ils ont blasphémé dans leurs cœurs, quand ils ont prétendu qu’il ne sert de rien de bien faire, qu’il n’est pas nuisible de faire le mal, puisque le Seigneur ne rendait ni la récompense des bonnes œuvres, ni le châtiment des mauvaises. C’est à bon droit que Jérusalem, c’est-à-dire l’Église, qui était d’abord appelée Jébus, « foulée aux pieds », quand elle était foulée aux pieds par les nations, était appelée Jébus, et après que la paix du Seigneur eut habité en elle, et que son lieu eut été établi dans la paix, c’est le nom de Jérusalem qui lui fut donné. Ainsi parce que, dans le dernier temps, ce que j’ai souvent dit déjà, l’iniquité s’étant multipliée, la charité se refroidira, et la lumière du soleil s’éloignera de Jérusalem, et les ravages de l’ennemi seront si grands, que les élus de Dieu eux-mêmes seront difficilement sauvés ; Mat. 24, 1 seqq. alors le Seigneur, à la lumière de sa parole et de la raison, recherchera tous les vices dans Jérusalem et les dévoilera devant tous, et le jugement et le châtiment atteindront même une parole oiseuse, non contre les pécheurs, (car le pécheur peut mériter le pardon), mais contre les contempteurs, dont il est dit dans Habacuc : « Jetez les yeux sur les contempteurs, et voyez ; » Hab. 1, 5 ; et ailleurs : « Pourquoi vos yeux en courroux ne se tournent-ils pas contre les contempteurs ? » et plus loin : « Celui qui est arrogant et contempteur, homme superbe, », etc. La vengeance s’exercera sur ceux qui n’ont pas gardé les commandements du Seigneur, et qui disent dans leurs cœurs : « Le Seigneur ne fera pas de bien, le Seigneur ne fera pas de mal. » Ce n’est pas que Dieu soit malfaisant ; mais la peine paraît mauvaise à celui qui la souffre. Sans cela, le scalpel du médecin serait mauvais, parce qu’il taille les blessures et coupe les chairs pourries. Et le père serait méchant, quand il châtie son fils pour le corriger, et le maître, méchant, quand il reprend son disciple pour l’instruire : « Car tout châtiment, sur le moment, parait n’être pas un sujet de joie, mais de tristesse ; plus tard, cependant, elle produira un fruit de paix pour ceux qui ont été instruits par elle. » Heb. 12, 11.


« Leur force sera pillée, et leurs maisons seront changées en désert. Ils bâtiront des maisons et ils n’y demeureront pas, ils planteront des vignes et ils n’en boiront point le vin. Le grand jour du Seigneur est proche ; il est proche, et il ne s’avance que trop promptement. » Sop. 1, 13-14. Les Septante : « Leur force sera détruite, et leurs maisons seront pillées. Ils bâtiront des maisons et ils n’y demeureront pas, ils planteront des vignes et ils n’en boiront pas le vin, parce que le grand jour du Seigneur est proche ; il est proche et ne s’avance que trop promptement. » Il est évident que, et dans l’une et dans l’autre captivité, toute leur armée a été taillée en pièces, que leurs maisons ont été détruites, leurs champs et leurs vignes dévastés, et que la patience de Dieu ne leur accorda pas un plus long délai. Comme ils ne cessaient de dire aux prophètes : Cela arrivera dans le temps, après de longs jours, le grand jour du Seigneur vint et fondit sur eux avec la dernière rapidité.

Au figuré, quand viendra le temps du jugement, ou de la mort de chacun et de sa sortie du monde, toute la force de l’homme sera au pillage, afin que tout ce qui était vigoureux pour le mal et se dressait contre le Seigneur, infirme et brisé, se tourne vers le bien. Comme si l’on brise la force des bandits, des pirates, des voleurs, leur infirmité leur est utile : leurs membres débilités, dont ils mésusaient auparavant, cesseront désormais de servir au mal. Au sujet de ce qui suit : « Et leurs maisons ne seront plus qu’un désert », disons qu’ils sont nombreux dans l’Église, ceux qui bâtissent Sion dans le sang, et Jérusalem dans l’iniquité, et à qui il est utile que de telles maisons soient détruites. Qu’on lise le Lévitique, où il est ordonné que la maison du lépreux soit démolie, Lev. 14, 1 seqq. et comme la lèpre est permanente et contagieuse, il est ordonné que les pierres et les bois et toute la poussière de cette maison soient rejetés hors delà ville dans un lieu immonde. Il y a aussi quelque chose de cette sorte au commencement de Jérémie : « Je mets présentement mes paroles dans votre bouche ; je vous établis aujourd’hui sur les nations et sur les royaumes, pour arracher, pour détruire et pour dissiper, et pour bâtir et pour planter. » Jer. 1, 9-10. La construction mauvaise est détruire, afin que la bonne s’élève ensuite ; le plant de l’iniquité est arraché, pour que celui de la justice prenne sa place. De là le langage de Salomon : « Il vaudrait mieux demeurer sur le toit, que d’habiter dans une maison neuve bâtie avec la chaux gagnée dans d’injustes procès. » Pro. 21, 9. C’est donc dans sa bonté que Dieu détruit les maisons de ceux qui étaient enfoncés dans leurs ordures et qui avaient dit dans leur cœur : « Le Seigneur ne fera ni bien ni mal ; » Sop. 1, 12 ; il ne permet pas qu’ils habitent dans des maisons impures et qu’infecte la lèpre, il ne souffre pas qu’ils boivent le vin des vignes qu’ils ont plantées. S’ils avaient planté la vigne de Sorec, toute de plant véritable et choisi, ils auraient bu leur vin, et ils se seraient enivrés avec le patriarche Noé et avec Joseph, sur le midi ; Genes. 9 et xlii ; mais puisqu’ils ont dit : « Le Seigneur ne fera ni bien ni mal », que leur vigne est de la vigne de Sodome, et leur plant du plant de Gomorrhe, « que leurs raisins ne sont que des raisins de fiel et leurs grappes ne sont qu’amertume, que leur vin est un fiel do dragons et un venin d’aspics qui est incurable », Deu. 32, 32-33, ils ne boiront pas le vin des vignes qu’ils ont plantées. C’est mystiquement qu’il est dit de Sodome et de Gomorrhe que toute leur plantation périra. S’ils avaient persévéré dans ce qu’ils avaient commencé d’être, c’est-à-dire semblables au paradis de Dieu, et qu’ils n’eussent pas mal fini et ne fussent pas devenus semblables à la terre d’Égypte, assurément leur plantation eût subsisté. C’est dans 10 même sens que résonne cette parole des psaumes contre les Égyptiens : « Il a fait mourir leurs vignes par la grêle et leurs mûriers par la gelée. » Psa. 67, 47. Dans sa clémence infinie, Dieu fait mourir et arrache tout plant qui, ayant ses racines en Égypte, porte des fruits de sang, afin que ceux qui ont planté la vigne et les arbres du mai, n’en boivent pas le vin et n’en mangent pas le fruit. Il est proche le jour du Seigneur, ce grand jour d’une rapidité sans égale, à qui nul ne peut résister ; il est proche, soit à cause de l’éternité de Dieu, parce que rien n’est loin pour lui, soit à cause de la grandeur du châtiment, parce que, dans sa patience, le supplice qui doit être infligé ne lui paraît jamais loin ; ou bien il est proche, je l’ai déjà dit, eu égard à notre sortie de ce monde, quand la mort mettra fin à cette existence pour chacun de nous. Il est proche, et il a de plus une rapidité qui n’est que trop grande, cette expression « trop grande » montrant bien la soudaineté de sa venue.


« J’entends déjà des bruits lamentables de ce jour du Seigneur, où les plus puissants seront accablés de maux. Ce jour sera un jour de colère, un jour de tristesse et de serrement de cœur, un jour d’affliction et de misère, un jour de ténèbres et d’obscurité, un jour de nuage et de tempêtes, un jour où le son de la trompette retentira contre les villes fortes et les angles élevés. » Sop. 1, 15-16. Les Septante : « Ô fort, la voix du jour du Seigneur a été faite amère et dure ; ce jour est un jour de colère, un jour de tribulation inévitable, un jour de misère et de perdition, un jour de ténèbres et de tempête, un jour de nuage et d’obscurité, un jour où la trompette retentira contre les villes fortes et les angles élevés. » Comme plus haut, on peut entendre ceci, soit de la captivité de Babylone, soit de la dernière que les Juifs souffrirent de la part des Romains, et au sujet de laquelle Notre-Seigneur pleura sur Jérusalem, en s’écriant : « Jérusalem, Jérusalem, qui mettez à mort les prophètes et qui lapidez ceux qui vous ont été envoyés », Mat. 23, 37, etc. Et vraiment, la vengeance était demandée contre eux depuis le sang d’Abel le juste, Gen. 4, 1 seqq. jusqu’au sang de Zacharie qu’ils mirent à mort entre le temple et l’autel ; 2Ch 24, 1 seqq. et enfin, lorsqu’ils poussèrent ce cri contre le Fils de Dieu : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants », Mat. 27, 23, ils éprouvèrent le jour amer, parce qu’ils avaient provoqué le Seigneur à l’amertume : le jour marqué par le Seigneur, où ce seront, non les faibles, mais les hommes les plus forts qui seront terrassés ; et où la colère fondra sur eux à la fin. Souvent, avant cela, ils avaient porté le poids de la colère du Seigneur, mais cette colère n’avait pas été celle de la consommation et de la fin. Qu’est-il nécessaire à présent de décrire quelles grandes calamités ils eurent à souffrir dans l’une comme dans l’autre captivité, et comment, pour avoir repoussé la lumière du Seigneur, ils demeurèrent plongés dans les ténèbres et l’obscurité profonde, et comment, pour n’avoir pas voulu entendre la trompette des jours solennels, ils entendirent retentir celle des combats ? Touchant les villes fortes et les hautes tours de la Judée, qui ont été rasées jusqu’au sol, je crois qu’il appartient plutôt aux yeux qu’aux oreilles d’en juger ; à nous surtout qui sommes à présent dans cette province, il est facile de voir, facile de contrôler la preuve de ce qui est écrit. C’est à peine si l’œil peut découvrir quelques vestiges de ruines à la place des grandes villes d’autrefois. À Silo, où furent le tabernacle et l’Arche d’alliance du Seigneur, à peine montre-t-on les fondements de l’autel. Gabaa, la cité de Saul, a été détruite jusqu’en ses fondements. Jug. 20, 20. De Rama et de Béthoron et des autres villes célèbres construites par Salomon, il ne reste que de pauvres villages. Lisons Josèphe en même temps que la prophétie de Sophonie, et dans celle-ci nous trouverons l’histoire qu’a écrite celui-là. Et cela n’est pas à dire seulement de la captivité : aujourd’hui même, ces colons perfides, qui ont mis à mort les serviteurs de Dieu et enfin son Fils même, réduits aux sanglots, se voient interdire l’entrée de Jérusalem, et pour qu’il leur soit permis de pleurer la ruine de leur cité, ils achètent cette entrée à prix d’or, en sorte que, autrefois, ceux qui avaient acheté le sang de Jésus-Christ achètent leurs larmes, et il n’y a pas jusqu’aux pleurs qui soient gratuites pour eux. On vit, le jour où Jérusalem fut prise et détruite par les Romains, venir ce peuple à l’extérieur lugubre, s’écouler le cortège des femmes décrépites, et les vieillards, chargés de haillons et d’années, offrir dans leurs corps et leur attitude la vivante image des effets de la colère du Seigneur. On rassemble cette foule de malheureux, et pendant que le gibet du Seigneur resplendit des rayons de sa résurrection, et que du mont des Oliviers brille l’étendard de la croix, voilà ce peuple malheureux, sans pouvoir pourtant émouvoir la pitié, qui pleure sur les ruines de son temple ; les larmes arrosent encore ses joues, les bras sont livides, les cheveux épars, et le soldat exige une contribution, moyennant laquelle il leur est permis de pleurer davantage ; et l’on pourrait, devant ce spectacle, avoir un doute au sujet du jour de l’affliction et du serrement de cœur, du jour de calamité et de misère, du jour de ténèbres et d’obscurité, du jour de nuages et de tempêtes, du jour du retentissement delà trompette ? Car à leur deuil aussi se mêle le retentissement des trompettes, et, conformément à la prophétie, la voix des solennités s’est changée en gémissements. Ils poussent des hurlements sur les cendres du sanctuaire et sur l’autel détruit, sur les villes fortes autrefois et sur les hautes tours du temple, du haut desquelles ils précipitèrent autrefois Jacob, frère du Seigneur. Voilà ce qui est dit au sujet de la captivité des Juifs.

D’autre part si, comme précédemment, nous rapportons le jour du Seigneur à la consommation du monde ou à la sortie de la vie pour chacun de nous, il en résultera cette interprétation évidente, que la voix du jour du Seigneur est amère, pleine de maux inévitables et de colère, où les plus puissants seront accablés d’affliction, alors que ceux qui sont saints seront sauvés sans doute, mais seulement comme en passant par le feu. Ce jour sera un jour de tribulation, d’angoisses, de calamité et de misère, où les pécheurs s’écrieront : Malheur à nous, parce que nous sommes tombés dans la misère ! un jour de ténèbres, « car quiconque fait le mal, hait la lumière et n’arrive pas à elle ; » Jn. 3, 20 ; et nécessairement, celui qui hait la lumière est enveloppé de ténèbres. Ce sera un jour de nuages et de tourbillons ; la tempête du Seigneur fondra sur le méchant, et aussi le retentissement de la trompette prédit par l’Apôtre : « Au son de la dernière trompette. » 1Co. 15, 52. Ce sera le jour du retentissement de la trompette contre les villes fortes, que les hommes s’étaient bâties avec Caïn dans la multitude des péchés ; et contre les angles élevés des tours, les œuvres d’iniquité qui s’éloignent de la droite voie du Seigneur. De là le reproche du Sauveur aux pharisiens hypocrites, sur ce qu’ils prient aux angles des places. Mat. 6, 1 seqq. La voie étroite et resserrée qui aboutit au paradis et mène à la vie est étroite, tandis que la voie large et spacieuse qui mène à la mort est brisée par des angles et tortueuse. Mat. vii. 1 seqq. Et voyez, au milieu des paroles de sévérité du Seigneur, sa clémence, en ce que son jour est un jour d’amertume, un jour de colère, un jour de tribulation, un jour de retentissement de la trompette, afin que les villes fortes dans le mal et les angles de l’iniquité soient détruits.


« J’accablerai d’affliction les hommes, et ils marcheront comme des aveugles, parce qu’ils ont péché contre le Seigneur ; leur sang sera répandu comme de la poussière, et leurs corps morts seront comme du fumier. Tout leur or et leur argent ne pourront les délivrer au jour de la colère du Seigneur ; le feu de son indignation va dévorer toute la terre, parce qu’il se hâtera d’exterminer tous ceux qui l’habitent. » Sop. 1, 17-18. Les Septante : « J’accablerai d’affliction les hommes, et ils marcheront comme des aveugles, parce qu’ils ont péché contre le Seigneur ; leur sang sera répandu comme de la poussière, et leurs chairs seront comme un fumier de bœufs. Leur argent et leur or ne pourront les délivrer au jour de la colère du Seigneur. Le feu de son indignation va consumer toute la terre ; car il se hâtera d’exterminer tous ceux qui l’habitent. » Il est facile, pour le sens historique, de voir que Jérusalem souffrit et endura tous ces maux pour avoir crucifié Notre Seigneur : la visitation du Seigneur s’étant retirée d’eux, tous les habitants de la Judée furent accablés d’affliction, et, à cause de la grandeur de leurs tribulations, ils marchaient comme des aveugles, ne sachant ce qu’ils faisaient. Et ils portèrent le poids de ces calamités, parce qu’ils avaient péché contre le Seigneur, c’est-à-dire contre le Fils de Dieu. C’est parce qu’ils répandirent le sang des prophètes et celui de Jésus-Christ, que leur propre sang a été répandu comme la poussière dans tout leur pays, et que leurs corps sont demeurés sans sépulture, comme des excréments à la surface de la terre. Les riches d’entre eux, qui avaient multiplié à l’excès les iniquités pour amasser de l’argent et de l’or, n’ont pu être délivrés par leurs trésors du jour de la colère, le feu de la jalousie du Seigneur allumé contre eux ayant dévoré tout le pays. Et le temps du répit ne fut pas long : quarante-deux ans après le crucifiement de Notre Seigneur, Jérusalem fut entourée par l’armée romaine, et non seulement sa ruine, mais aussi celle de tous les habitants de la Judée fut promptement consommée.

D’autre part, dans la consommation du monde ou de chacun de nous, tous les hommes, qui étaient demeurés hommes et qui sont morts comme hommes, seront abreuvés de tribulations. Ils marcheront comme des aveugles, parce qu’ils ont perdu la lumière des vertus, et qu’ils n’auront pas le temps de faire pénitence ; et ils subiront ce sort, parce qu’ils ont péché contre le Seigneur. Puisque le Seigneur est la justice même, la vérité, la sainteté et les autres vertus, quiconque a agi injustement, s’est livré au mensonge, et s’est fait l’esclavage de l’impureté et des vices, a péché, contre le Seigneur. Quant à ce qui suit : « Leur sang sera répandu comme la poussière, et leurs corps seront semblables à des excréments de bœufs », il paraît absurde de dire qu’à la résurrection des morts, à la consommation du monde et au jour du jugement, leur sang sera répandu et leurs corps seront semblables à du fumier. Ainsi donc, ce qui est dit à Noé : « Je vengerai le sang de vos âmes de toutes les bêtes qui l’auront répandu, et de la main de l’homme, et je vengerai l’âme de l’homme de la main de son frère, et quiconque aura répandu le sang de l’homme sera puni par l’effusion de son propre sang », Gen. 9, 5-6, il serait ridicule d’en attendre l’accomplissement dans la résurrection, quoique cependant on ne puisse l’appliquer à cette vie ? Combien, en effet, qui ont répandu le sang, et dont le sang n’a pas été répandu ? et d’autres qui ont mis à mort l’homme par le poison ou par la corde, en sorte qu’il y a eu mort d’homme, sans qu’il y ait eu de sang versé ? Comment donc le Seigneur répandra-t-il leur sang selon la peine du talion, alors que celui qui a tué n’a pas répandu le sang ? Par sang de l’homme, il faut donc entendre le principe de la vie, par lequel on a la vigueur, la' sève et la vie. Quiconque répandra ce principe vital, soit par le scandale, soit par sa doctrine perverse, verra le sien répandu par le Seigneur au jour du jugement, c’est-à-dire qu’il perdra de force tout ce qu’il se flattait d’avoir de vie. Dans le sens de sang de cette sorte s’entend aussi la chair, dont Isaïe a dit : « Toute chair est de l’herbe ; » Isa. 40, 6 ; et le Seigneur dans la Genèse : « Mon esprit ne demeurera pas dans ces hommes, parce qu’ils sont chair ; » Gen. 11, 3 ; et l’Apôtre, de l’un et de l’autre : « La chair et le sang ne pourront posséder le royaume de Dieu, et la corruption n’héritera pas de l’incorruptibilité de Dieu », 1Co. 15, 50. Par conséquent, au jour de la consommation, soit générale, soit particulière, tout sang qui a été répandu criera vers le Seigneur et se montrera aux yeux de tous ; les œuvres de sang et de terre seront répandues comme la poussière et semblables à du fumier, et l’argent et l’or ne pourront délivrer les riches du jour de la colère, puisqu’il est dit à celui qui meurt : « Insensé, cette nuit môme on vous redemandera votre âme, et à qui donc appartiendront les trésors que vous avez entassés ? » Luc. 12, 20. Nié-je par là que l’or et l’argent délivrent les riches de la mort ? Nullement, puisque « les richesses de l’homme sont la rançon de l’âme ; » Pro. 13, 8 ; mais elles ne peuvent les sauver au temps où ils sont contraints de les abandonner. Car toute terre et tout ce qui est terrestre sera dévoré par lé zèle jaloux du Seigneur. Dire « zèle jaloux », c’est faire entendre qu’il y a même en cela amour du Seigneur : s’il n’aimait pas l’âme humaine, assurément il ne serait point jaloux d’elle, et il ne tirerait pas vengeance de la faute de cette épouse infidèle, comme un mari ne s’irrite de l’adultère de sa femme que parce qu’il l’aime. C’est ce que le Seigneur se hâtera de faire contre tous les habitants de la terre, contre tous ceux qui se sont entièrement donnés à la terre, et qui n’y ont pas été étrangers et voyageurs, comme le juste qui dit : « Je suis étranger sur la terre et voyageur comme tous mes pères ; » Psa. 38, 13 ; et ailleurs, derechef il atteste, d’une voix plaintive, qu’il ne veut pas habiter plus longtemps dans la tente de la chair : « Malheureux que je suis, par ce que mon pèlerinage a été prolongé. » Psa. 119, 5. Par conséquent, nous tous qui sommes dans cette hôtellerie du corps, nous devons pousser ce gémissement : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? » Rom. 7, 24.

« Venez tous, assemblez-vous, peuple indigne d’être aimé, avant que l’ordre de Dieu forme ce jour passant comme un tourbillon dépoussière, avant que la fureur du Seigneur éclate sur vous, avant que la colère et l’indignation du Seigneur ne fonde sur vous. » Sop. 2, 1,2. Les Septante : « Assemblez-vous et soyez enchaîné, peuple ignorant, avant que vous soyez comme la fleur qui passe en un jour, avant que la colère du Seigneur éclate sur vous, avant que ne fasse irruption sur vous le jour de la fureur du Seigneur. » Après la description des maux qui doivent arriver au jour du Seigneur — selon l’application, qui a été faite plus haut, de la prophétie aux deux captivités, – le peuple est exhorté à la pénitence en ces termes : « Venez tous et assemblez-vous », ou bien, d’après les Septante : « Soyez enchaînés », c’est-à-dire, soyez, comme le prescrit l’apôtre, unis étroitement les uns aux autres par les liens de la charité, « peuple non aimable », qui êtes indigne de l’amour de Dieu, ou bien, « peuple ignorant », dont il est dit dans le Deutéronome : « Peuple grossier et sans sagesse », Deu. 32, 6, et dans Jérémie : « C’est en vain que j’ai frappé vos enfants, vous n’avez pas tiré profit de la correction ; » Jer. 2, 30 ; – venez, dis-je, avant que ce qui a été prophétisé n’arrive, avant que l’effet ne suive mon ordre, – ce qui aura lieu aussi facilement qu’un tourbillon de poussière qui passe, – avant que la fureur du Seigneur ne déborde contre vous. Et admirons ici la clémence de Dieu : il suffisait, dans l’intérêt des sages, d’avoir annoncé l’impétuosité des maux près de venir ; mais comme, au lieu d’infliger des supplices, il voudrait se borner à effrayer ceux qu’ils doivent frapper, il les exhorte à la pénitence, pour n’avoir pas à faire ce dont il les a menacés.

Au figuré, et en général, toute la multitude des fidèles et de ceux qui portent le nom de peuple de Dieu, est assemblée dans l’Église, et il lui est dit : « Venez tous dans l’Église, formez entre vous une société clans la charité et la paix, peuple ignorant qui, ne voulant pas ; vous plier à la discipline de Dieu, et avoir la science de ses commandements, mettez votre joie dans les richesses, dans la santé du corps, dans la beauté de ce monde, et aussi dans les délices de la chair, qui passe comme une fleur fanée en un seul jour. Je vous exhorte à vous assembler, à vous unir en société, de peur que, lorsque viendra le jour du jugement et que toute votre gloire sera passée, vous vouliez faire pénitence, quand ce sera l’heure, non pas de la pénitence, mais des châtiments.

On se demande aussi comment ce même texte se peut appliquer à chaque homme, quand il sort de cette vie. Il lui est dit : O vous, qui tout occupé des affaires du siècle, courez à l’aventure de toutes parts, retournez dans l’Église des saints, joignez-vous à la vie et à l’assemblée de ceux que vous savez être agréables à Dieu, réunissez les membres relâchés et sans cohésion de votre âme dans l’unique faisceau de la sagesse, attachez-vous à elle dans un étroit embrassement, écoutez cette mystique consolation : « Fortifiez-vous, mains languissantes, et vous genoux débiles, affermissez-vous », Isa. 35, 5, et ne vous glorifiez pas des biens de la chair et de sa fleur qui passe : « car toute chair est de l’herbe, et toute sa gloire est éphémère comme la fleur de l’herbe ; l’herbe est devenue sèche et la fleur est tombée, mais la parole du Seigneur demeure éternellement. » Nous pouvons recourir à ce verset avec opportunité, lorsque nous rencontrons un homme qui, tout occupé des honneurs de ce monde et de l’entassement des richesses, vient rarement ou ne vient jamais aux assemblées de l’Église, et lui dire : Réunissez-vous à l’assemblée du peuple de Dieu, vous qui n’écoutez point les préceptes du Seigneur, avant que votre gloire s’éclipse, avant que le jour de la colère du Seigneur ne fonde sur vous.


« Cherchez le Seigneur, vous tous qui êtes doux sur la terre, vous qui avez agi selon ses préceptes ; cherchez la justice, cherchez la douceur, afin que vous puissiez trouver quelque asile au jour de la fureur du Seigneur ; car Gaza sera détruite et Àscalon deviendra un désert,- Azot sera ruinée en plein midi, et Accaron sera renversée jusqu’en ses fondements. » Sop. 2, 3-4. Les Septante : « Cherchez le Seigneur, vous tous qui êtes humbles sur la terre ; agissez selon ses préceptes, cherchez la justice, et répondez selon cette justice, afin d’être à couvert au jour de la colère du Seigneur, parce que Gaza sera mise en cendres et Ascalon changée en désert, et qu’Azot sera ruinée en plein midi et Accaron renversée jusqu’en ses fondements. » La prophétie appelle humble sur la terre celui qui est humilié, non par l’humilité qui est une vertu, mais par ses péchés, et qui ne peut répéter avec Jésus-Christ : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. » Mat. 11, 29. Car quiconque s’humilie sera élevé ; et ailleurs ce précepte est donné à l’homme saint : Humiliez-vous d’autant plus que vous serez plus grand, et vous trouverez grâce devant Dieu. Sir. 3, 1 seqq. Au contraire, l’homme qui est humilié et accablé par la conscience de ses fautes, et qui dit : « Elles se sont appesanties sur moi comme un lourd fardeau », Psa. 37, 5, doit prêter l’oreille à cette parole : « Venez à moi, vous tous qui souffrez et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. » Mat. 11, 28. Ces remarques préliminaires ont trait à la version des Septante.

D’après l’hébreu, le sens est tout autre. Il est dit aux saints : 0 vous qui gardez mes commandements, et qui, voyageurs sur la terre et sachant que quiconque s’abaisse sera élevé, avez imité ma douceur et pratiqué la justice, cherchez le Seigneur dans votre mansuétude. Si vous voulez savoir qui est ce Seigneur, cherchez la justice, cherchez la douceur ; « car le Père a donné tout pouvoir de juger au Fils », Jn. 5, 22, qui jugera selon la justice. Puisque vous êtes doux, cherchez la douceur, afin que ce qui manque à votre mansuétude y soit ajouté par celui qui est la source de la douceur. En vérité, je vous le dis ; Par ce moyen seul vous pourrez trouver quelque asile au jour de la fureur du Seigneur, c’est-à-dire, parce que vous avez cherché le Seigneur et agi selon ses préceptes, peut-être pourrez-vous éviter la colère de Dieu, quand elle surviendra, et vous soustraire à la captivité qui doit être infligée au peuple juif, soit par Nabuchodonosor, soit par les Romains. Or, si la prophétie doute au sujet de ceux qui ont pratiqué les préceptes, en disant : « Peut-être trouverez-vous un asile au jour de la colère du Seigneur », qu’adviendra-t-il donc des pécheurs ? Une telle dévastation passera sur la terre de la Judée, l’armée victorieuse de Babylone y poussera si haut ses exploits, que la même captivité assujettira les plus puissantes villes des Philistins, qui vous ont toujours tenu tête dans une lutte à armes égales. Gaza sera détruite, Ascalon sera changée en un désert ; ils emmèneront Azot captive, non par surprise, mais par le droit de la guerre fit parleur victoire en pleine lumière ; et, Accaron, qu’on traduit par « déracinement », endurera la fin indiquée par son nom, c’est-à-dire « sera déracinée. » Voilà pour le sens littéral, d’après l’original hébreu.

D’après les Septante, il est enjoint aux humbles de la terre (au sujet desquels nous nous sommes expliqué plus haut), d’agir selon les préceptes, et de chercher la justice, qui n’est pas autre, je crois, que Jésus-Christ lui-mème. Comme quiconque cherche, trouvera, Mat. 7, 8, ils ont le devoir de répondre aux autres conformément à leur découverte, c’est-à-dire de leur enseigner la justice : car « si la sagesse demeure cachée et que le trésor ne soit pas visible, quel profit tirera-t-on de l’un et de l’autre ? » Sir. 20, 32, Je vous donne ces préceptes, afin que vous soyez à couvert au jour de la colère du Seigneur, soit au temps de la consommation du monde, soit au temps de la sortie de chacun de la vie ; car Gaza, Ascalon, Azot et Accaron seront frappées de supplices divers. Gaza veut dire « sa force ; » tous ceux donc qui s’applaudissent dans la force corporelle et dans la puissance séculière, et qui disent avec le diable : « Je ferai par ma propre force », seront détruits et anéantis au jour de la colère du Seigneur. Ascalon qui veut dire « pesée », ou bien « feu homicide », sera punie, au jour de la colère du Seigneur, selon la mesure de son crime, et sera écrasée par le poids dont elle a opprimé les autres ; parce qu’elle a été brûlante d’ardeur pour verser le sang, qu’elle a scandalisé beaucoup d’âmes, et qu’en elle s’est accomplie cette parole : « Le Seigneur aura en abomination l’homme sanguinaire et trompeur », elle ne sera pas détruite comme Gaza, mais réduite en désert, et sa poussière même sera consumée par les feux de la géhenne. À son tour, Azot, en hébreu Esdod, dont le nom signifie « feu de la génération, sera ruinée en pleine lumière, pour avoir brûlé du feu des passions et avoir agi en folle bacchante dans l’œuvre de la génération. Aussi, parce que les cœurs de tous les adultères sont comme des fournaises, Ose. 7, 1 seqq. et qu’ils ont été blessés par des flèches ardentes, ce n’est point au milieu de la nuit ni dans un jugement occulte, c’est en plein midi, quand les Saints recevront la plénitude de la clarté, que les adultères seront jetés dans les ténèbres extérieures et chassés de la société des Saints. Quant à Accaron, dont le nom veut dire « stérilité » ou « déracinement », parce qu’elle n’a porté aucun fruit et que sa doctrine perverse en a déraciné plusieurs, elle sera déracinée elle-même. Toutes ces variétés, il les faut appliquer aux vices et aux péchés des âmes, en ce sens que le l’eu du jour du jugement prouvera la qualité de l’ouvrage de chacun. 1 Corinth. 3


« Malheur à vous qui habitez sur la côte de la mer, peuple d’hommes perdus ! Chanaan, terre des Philistins, la parole du Seigneur va tomber sur vous ; je vous exterminerai sans qu’il reste un seul de vos habitants. La côte de la mer deviendra un lieu de repos pour les pasteurs et une bergerie pour les brebis ; elle deviendra une retraite pour ceux qui seront demeurés de la maison de Juda ; ils trouveront là des pâturages, ils se reposeront le soir dans les maisons d’Ascalon, parce que le Seigneur leur Dieu les visitera et les fera revenir du lieu où ils étaient captifs. » Sop. 2, 5-7. Les Septante : « Malheur à vous qui habitez sur la côte de la mer, étrangers Crétois ! La parole du Seigneur va fondre sur vous, Chanaan, terre des Allophyles, et je perdrai tous vos habitants. La Crète deviendra un lieu de pâturage pour les troupeaux et un parc pour les brebis ; la côte de la mer appartiendra à ceux qui seront demeurés de la maison de Juda ; ceux-ci seront les pasteurs des habitants mêmes des maisons d’Ascalon, qui avaient cherché après midi une retraite hors de la présence des enfants de Juda, % parce que le Seigneur leur Dieu les visitera et les fera revenir du lieu de leur captivité. » L’interprétation du sens historique est facile. La prophétie ayant dit d’abord : « Gaza sera détruite, Ascalon sera changée en désert, on ruinera Azot en plein midi, et Accaron sera déracinée », après avoir nommé les quatre grandes villes des Philistins, il est évident que la parole du Seigneur s’adresse maintenant à tout ce même pays, en général, dans cette prédiction : Malheur à vous qui habitez sur la côte de la mer, quand le Babylonien viendra, parce que même ceux qui habitent sur le littoral périront ou seront faits captifs ! – La terre des Philistins est bien la terre de Chanaan, cela ne fait doute pour personne. – Chanaan, je vous exterminerai, sans qu’il reste un seul de vos habitants ; et vous tomberez dans une telle désolation, vous qui vous réjouissiez de la ruine de la Judée, que toutes vos villes les plus fortes deviendront des bergeries pour les pasteurs. Après que le Seigneur aura visité son peuple, qu’il aura fait retourner, sous la conduite de Zorobabel et de Josué, les habitants de Juda, qui rebâtiront le temple et reconstruiront Jérusalem, vous serez tellement inculte, ô terre des Philistins, et tellement couverte de ronces et d’orties, que les bergers d’entre ceux qui seront restés des Juifs se reposeront dans Ascalon après midi, et feront reposer leurs troupeaux dans cette ville autrefois célèbre. Tout cela aura lieu, parce que le Seigneur visitera son peuple et le fera revenir de la captivité. Cette prophétie est-elle déjà accomplie ou doit-elle s’accomplir un jour, Dieu le sait. Je n’ai pas eu dessein ici de me conformer à la vérité historique, mais de rapporter l’opinion des Hébreux, telle qu’ils nous l’ont transmise.

Selon le sens spirituel et la version des Septante, l’intelligence est difficile, d’autant plus qu’ils sont en désaccord avec l’hébreu. Où nous avons traduit par « peuple d’hommes perdus », ils ont dit : « étrangers Crétois », et quand l’hébreu porte Goi Chorethim, ils ont, au lieu de Goi, « peuple », lu Gar, « étranger », et dans Choretim, « d’hommes perdus », ils ont cru voir le nom de Pile de Crète, Au reste, Aquila, la cinquième édition, Théodotion et Symmaque, abondent dans Je sens de ma traduction, comme plus loin tous se rangent à celle-ci : « Et la côte de la mer deviendra un lieu de repos pour les pasteurs », tandis que les Septante donnent celle-ci : « La Crète deviendra un lieu de pâturages pour les pasteurs et une bergerie pour les troupeaux. » Comparant donc les choses spirituelles aux choses spirituelles, et ne sortant pas du sentier de la Vulgate où nous sommes entrés, nous nous demandons si nous avons lu ailleurs le nom de la Crète dans les Écritures saintes ; et, si je ne me trompe, voici un exemple qui s’offre à propos : « Les Crétois sont toujours menteurs ; ce sont des hôtes cruelles, dos cœurs lâches. Ce témoignage est véritable. » Tit. 1, 12-13. Ceux qui flottent et sont emportés en tous sens par tout vent de doctrine, pour la déception des hommes, dans la fourberie et l’erreur, ont mieux aimé, alors qu’ils eussent dû habiter dans la terre de la confession, c’est-à-dire de Jucha, être colons des Crétois, qui sont de tontes parts assaillis par les flots divers de la mer, et font résonner l’airain des Corybantes, et sont, nous dit l’Apôtre, « comme une cymbale retentissante. » 1Co. 12, 1. Comme ils sont colons des Crétois, la parole de Dieu leur fait entendre ses menaces ; elle les qualifie de terre de Channaan, toujours fichants, toujours dans le mouvement, et de terre des Allophyles, parce que, étrangers à Dieu ? ils demeurent sur la côte dela mer et dans la région de la Crète. La parole de Dieu s’adresse à eux, soit à la consommation et à la fin du monde, soit chaque jour, par les champions de l’Église et par ceux qui peuvent dire avec l’Apôtre : « Est-ce que vous voulez éprouver la puissance de Jésus-Christ qui parle par ma bouche ? » 2Co. 13, 3, afin qu’ils soient chassés hors de la Crète, qu’ils soient perdus pour leurs habitations d’autrefois, que cette région, qui contenait auparavant un troupeau d’égarés, devienne un bercail de brebis de Jésus-Christ, et que Juda, c’est-à-dire la vraie confession, habite sur la côte de la mer. Lorsque le monde sera déjà sur le soir, qu’il y aura et qu’il se trouvera peu d’élus parmi le grand nombre d’appelés, et que ceux qui sont appelés ici les restes de la maison de Juda auront été les pasteurs de ceux qui habitaient auparavant au milieu de la mer et en Crète, où ils paissaient dans le mensonge, ils trouveront une retraite dans ces mêmes maisons d’Ascalon où jadis demeurait le feu du diable et coulait le sang des hommes mis à mort, car Ascalon veut dire « feu homicide. » Il en sera ainsi, parce que le Seigneur visitera son peuple, et que ceux qui auparavant ôtaient facilement pris aux sophismes des hérétiques, revenant comme dune captivité, vaincront leurs adversaires et habiteront dans leurs tentes. Ces quelques mots des Septante : « À la face des enfants de Juda », je les ai notés comme douteux, parce qu’on ne les trouve ni dans l’hébreu, ni chez aucun interprète, et qu’ils troublent le contexte et le sens ; non pas qu’il fut difficile avec ces mots d’expliquer le texte eu quelque manière, mais j’ai résolu, une bonne fois pour toutes, de suivre la vérité de l’interprétation et de rechercher l’approbation plutôt du lecteur érudit que du vulgaire. »


« J’ai entendu les insultes de Moab et les blasphèmes des enfants d’Ammon, qui ont traité mon peuple avec outrage et qui ont agrandi leur royaume en s’emparant de leurs terres. C’est pourquoi je jure par moi-même, dit le Seigneur, Dieu des armées, le Dieu d’Israël, parce que Moab deviendra comme Sodome elles enfants d’Ammon, comme Gomorrhe, leur terre ne sera plus qu’un amas d’épines sèches, que des monceaux de sel et une solitude éternelle ; le reste de mon peuple les pillera, les restes de ma nation en seront les maîtres. C’est à cause de leur orgueil que ces maux leur arriveront, parce qu’ils ont blasphémé et se sont élevés contre le peuple du Seigneur des armées. Le Seigneur se rendra terrible dans leur châtiment : il anéantira tous les dieux de la terre, et il sera adoré par chaque homme dans chaque pays, et par toutes les îles des nations. » Sop. 2, 8 et seqq. Les Septante : « J’ai entendu les insultes de Moab et les outrages des enfants d’Ammon, qui ont couvert d’injures mon peuple et se sont élevés en s’emparant de mes terres. C’est pourquoi je jure par moi-même, dit le Seigneur des vertus, le Dieu d’Israël, que Moab sera comme Sodome elles enfants d’Ammon, comme Gomorrhe, et Damas abandonnée comme un tas sur l’aire et dispersée pour toujours ; le reste démon peuple les pillera, et les restes de ma nation en seront les maîtres. Ces maux leur arriveront à cause de leurs insultes, parce qu’ils ont outragé le Seigneur tout-puissant et se sont élevés contre lui : le Seigneur se manifestera contre eux, il anéantira tous les dieux des nations de la terre, et il sera adoré par chaque homme dans chaque pays, par toutes les îles des nations. » Ce qu’à l’exception du prophète Daniel, qui a souvent les visions des quatre royaumes, et qui en expose les différences sous de nombreuses images, Dan. 8, 1 seqq. font Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, qui, après la vision rie Juda, tournent la prophétie contre les autres nations qui sont autour de lui, leur annoncent, d’après le génie propre de chacune d’elles, ce qui doit leur arriver, et s’arrêtent longuement à les décrire, le prophète Sophonie le fait ici dans le même ordre, mais plus sommairement. Après les Philistins, contre lesquels a eu lieu la première menace : Gaza sera détruite, Ascalon changée en désert, Azot ruinée en plein midi et Accaron déracinée ; maintenant, la prophétie se déroule contre Moab et les enfants d’Ammon, et aussi, d’après les Septante, contre Damas, qu’Isaïe appelle Aram, Isa. 17, 1 seqq. parce que, fournissant des secours à Nabuchodonosor, ils ont dévasté. Juda, foulé aux pieds son sanctuaire, renversé son temple, et blasphémé le Seigneur, après avoir subjugué le peuple d’Israël. Or, Nabuchodonosor et les Chaldéens, après avoir ruiné les villes des Juifs, opprimèrent les autres peuples, et il en fut ainsi, afin que ceux qui avaient insulté le peuple de Dieu fussent eux-mèmes accablés des mêmes calamités, et qu’ils eussent pour compagnon d’esclavage Juda, qu’ils avaient eu le dessein d’avoir pour sujet. Ainsi, avant que vienne la captivité, sous Josias, encore roi, Jérusalem et le temple n’étant pas encore renversés, la prophétie est dirigée contre les insulteurs, afin qu’un jour les malheurs du peuple de Dieu fussent allégés par les maux des autres peuples. J’ai entendu, est-il dit, l’insulte de Moab, maintenant appelée Acropolis, et les blasphèmes des enfants d’Ain mon, appelée Philadelphie et la seconde ville de l’Arabie après Bosra, qui ont couvert d’outrages mon peuple, et, après avoir chassé les Juifs, ont agrandi leur royaume aux dépens du territoire des vaincus. Parce qu’ils m’ont blasphémé, et qu’ils ont insulté mon peuple, moi le Seigneur des armées, qui puis accomplir toutes mes menaces, et le Dieu d’Israël, qui souffre moi-môme de l’injure qui est adressée à mon peuple, je ferai que Moab deviendra comme Sodome et les enfants d’Ammon comme Gomorrhe. Qu’on lise les visions correspondantes dans Isaïe et dans Jérémie, et l’on y trouvera les mômes choses qui se lisent ici : « Leur terre ne sera plus qu’un tas d’épines sèches, que des monceaux de sel et une solitude éternelle. » Au lieu de cela, je ne sais ce qu’ont voulu dire les Septante dans cette, interprétation : « Damas sera détruite de fond en comble et abandonnée ; » à mon avis, l’ambiguïté du mot les a induits en erreur : sécheresse en hébreu se dit Mamasac, qui, à l’exception de la première lettre Mem, changée en Daleth, s’écrit pour tout le reste comme le nom de Damas, et peut se lire alors Damasec. On se demande comment ces villes, c’est-à-dire Moab et celle des enfants d’Ammôn, ont été réduites à l’état de Sodome et de Gomorrhe, et comment, semblables à un amas d’épines sèches et à des monceaux de sel, elles ne seront jamais plus rebâties ? Qu’elles ont été ruinées comme Sodome et Gomorrhe, il n’y a pas de difficulté à le démontrer ; pour ce qui suit : « Elles seront réduites à une solitude éternelle », nous l’interpréterons ou par la destruction de leur royaume, puisque, après avoir été renversées par les Chaldéens, elles perdirent leur royauté, et possédées ensuite, soit par les Antiochus, soit par les Ptolémées, elles furent, en dernier heu, sous le joug des Romains ; ou certainement comme une expression hyperbolique, car le nom Lolam répond à la fois à éternité et à siècle ; d’où il suit qu’on peut l’entendre aussi pour un siècle, pour un certain temps et pour une époque. Et ceux qui seront restés du peuple d’Israël les pilleront, et deviendront les maîtres de ces blasphémateurs, autrefois auxiliaires des Chaldéens. C’est à cause de leur orgueil que ces maux les frapperont, parce qu’ils ont blasphémé, et qu’ils se sont enorgueillis contre le peuple du Seigneur des armées, qui sera terrible dans son châtiment ; mais ce châtiment terrible, au lieu de mettre à mort les superbes et de répandre le sang des blasphémateurs, anéantira et réduira en poudre toutes leurs idoles, afin que leurs cœurs, qui étaient auparavant esclaves de l’erreur et insensibles aux bienfaits du Seigneur, accablés par des maux extrêmes, sachent que les idoles ne servent de rien, et que toutes les îles des nations adorent Dieu chacune dans son pays.

Après avoir suivi jusqu’ici le texte hébreu, revenons aux Septante, et obligeons les Juifs, qui veulent ne s’attacher qu’à l’histoire, à nous montrer quand Moab et les enfants d’Ammon sont devenus comme Sodome et Gomorrhe et comme des monceaux do sel et ont été réduits à une solitude : ils doivent nous faire voir les pluies de souffre, les vignes et la terre couvertes de flammes et changées en cendres, enfin la mer, maintenant appelée mer Morte, sortant des puits de sel d’autrefois pour tout inonder ; en quel temps les Juifs les pillèrent, et les peuples d’Israël, qui restaient, s’en rendirent maîtres. Quelle colère du Seigneur y a-t-il, en compensation de leurs blasphèmes et de leurs outrages, à les réduire en poudre et à les perdre, non pas Moab et Ammon, mais tous les habitants de la terre, afin que le Seigneur soit adoré par chacun dans chaque pays, par toutes les îles des nations ? Il agirait plutôt ainsi vis-à-vis des blasphémateurs, pour leur accorder un bienfait, afin qu’ils retournent de l’erreur au salut. Que s’ils veulent prétendre qu’après le retour de Babylone ces nations furent soumises au peuple d’Israël, je demande d’abord sur l’autorité de quels témoignages de l’Écriture ils s’appuient pour en conclure que ce fait est arrivé, et ensuite, quand cette preuve leur aura été impossible à faire, nous leur en ferons grâce comme par surcroît, et nous dirons : Soit, ce que vous dites est arrivé ; mais quelle justice de Dieu y aurait-il, quand ce sont les aïeux qui ont blasphémé et les ancêtres qui ont outragé, que le châtiment soit porté par les descendants ? Puisque assurément cette sentence portée auparavant dans la loi, que les péchés des pères seraient restitués par les descendants jusqu’à la troisième et à la quatrième génération, Exo. 20, 1 seqq. a été retirée dans Ézéchiel : « Je jure par moi-môme, dit le Seigneur, que cette parabole ne passera plus parmi vous en proverbe, car c’est l’âme qui a péché qui mourra elle-même. » Eze. 18, 3-4. Notons en passant que ce qui a été dit n’est qu’une parabole, et n’a pas le sens que fait entendre l’écorce de la lettre. Or, puisqu’il est injuste de faire retomber sur les descendants les fautes des ancêtres, combien n’est-il pas plus injuste d’espérer que la prophétie de Sophonie s’accomplira, à la consommation du monde, en faveur de la folie des Juifs, quand c’est, non pas le Christ, comme ils le croient, mais l’Antichrist, qui doit venir alors. Partout où l’histoire, les serrant de près, les contraindrait d’avouer que ce qui a ôté dit est accompli, ils sautent aussitôt d’un bond aux temps futurs du Christ, et tout ce qu’ils ne peuvent pas expliquer, ils s’en promettent l’avènement après bien des siècles ; et c’est ainsi qu’ils diffèrent à ce temps-là la punition de Moab, des fils d’Ammon, de l’Égypte, des Philistins et de l’Idumée, qui insultent maintenant aux maux des Juifs. Demandons-leur donc pourquoi Dieu punirait de préférence ces peuples, au lieu de punir tout l’univers, à la surface duquel les Juifs sont dispersés de toutes parts. Si Moab, et les enfants d’Ammon et les autres nations voisines, qui insultent les Juifs, méritent d’être châtiés, pourquoi la Gaule n’est-elle pas châtiée aussi ? pourquoi les Bretagnes ne sont-elles pas comprises dans la menace divine ? pourquoi les Espagnes sont-elles exemptes du châtiment ? pour quelle cause n’est-il rien dit de l’Italie ? d’où vient que Dieu se tait au sujet de l’Afrique ? Pour tout dire, en lin mot, puisque c’est l’univers entier qui retient les Juifs captifs, d’où vient que les seuls peuples leurs voisins sont seuls nommés à cet égard, comme s’ils étaient seuls coupables ? Voilà quelle explication il faut opposer aux Juifs sur ce passage, et en général au sujet de tous les prophètes, partout où est omise une prédiction contre les autres peuples.

J’ai avancé qu’il n’était question de Damas ni dans le texte hébreu, ni dans aucun interprète autre que les Septante ; je prouve que l’ordre même des idées le vent ainsi. À ces prémisses : « J’ai entendu l’insulte de Moab et les blasphèmes des enfants d’Ammon », se rattache celte conclusion logique : « Moab sera comme Sodome et les enfants d’Ammon seront comme Gomorrhe. » Pour ce qui suit : « Et Damas déserte sera comme un tas sur l’aire », aurait donc dû avoir quelque prémisse, en sorte que, de même que la prophétie avait dit : « Moab sera comme Sodome et les enfants d’Ammon seront comme Gomorrhe », au sujet de deux peuples dont elle avait d’abord fait connaître les péchés, de môme elle eut commencé par décrire les insultes ou les blasphèmes de Damas, pour que le châtiment parût être ensuite justement appliqué. Enfin, sur ces mots des Septante : « Comme un monceau de l’aire », admettons qu’ils avaient écrit ἀλὁς « de sel », mais que des ignorants, pensant qu’il s’agissait d’un monceau de grains ou de froment, ont ajouté deux lettres, ω et ν, et mis ἀλωνὁς « défaire », comme conséquence de l’idée de fruits de la terre. Arrêtons-nous là au sujet de la différence d’interprétation, de l’erreur des Septante et de la difficulté du sens historique.

D’autre part, l’homme qui a la science, qui compare les choses de l’esprit aux choses de l’esprit, qui cherche, non ce qui est en bas, mais ce qui est en haut, qui ressuscite avec Jésus-Christ des enfers, et qui se dépouille du vieil homme pour se revêtir du nouveau, rapportera les insultes de Moab et les blasphèmes des enfants d’Ammon aux maîtres de l’Église des doctrines ennemies, qui paraissent être, eux aussi, de la race d’Abraham et avoir échappé à l’incendie de Sodome et de Gomorrhe, pour habiter dans Ségor la petite ; mais parce que leur génération est dans les ténèbres, qu’ils ne peuvent regarder la lumière de la vérité, s’ôtant éloignés de Dieu le Père, interprétation qui ressort des noms de Lot et de Moab, qu’ils ont cessé d’être enfants de Dieu, de ceux que Dieu appelle « mon peuple », et que, conçus dans une caverne ténébreuse, ils sont les fruits d’une incestueuse union, – à cause de cela, dis-je, aujourd’hui encore, insultant à la simplicité des enfants de Juda, ils sont avides d’agrandir leur possession aux dépens des frontières de Juda, quand il est dit dans les Proverbes : « Ne passez-point les anciennes bornes qui ont été posées par vos pères. » Pro. 22, 28. Que l’on songe aux hérétiques, s’applaudissant de leur dialectique, de leur rhétorique et de tous leurs sophismes, méprisant le langage inculte de l’Église, le méprisant comme indigne de leurs mystères, qu’ils se sont faits comme des idoles, et n’en faisant aucun cas, et l’on ne cherchera point par quelles insultes et quels outrages Moab et les enfants d’Ammon ont couvert de railleries le peuple de Dieu. Le Seigneur a donc fait s crin eut par lui-même, en disant : « Je suis seul vivant, dit le Seigneur. » C’est bien à propos qu’à la différence des dieux morts appelés idoles, le Dieu d’Israël, c’est-à-dire du peuple qui voit Dieu, se dit seul vivant. Il jure que ces peuples blasphémateurs, Moab et les enfants d’Ammon, dont le texte a dit : « Ils seront comme Sodome et Gomorrhe », bien qu’ils se flattent d’être sortis de Sodome et de Gomorrhe, en ce qu’ils ne sont pas idolâtres, néanmoins, parce, qu’ils blasphèment contre le peuple de Dieu, et qu’ils prennent parti contre Israël, ils seront réputés semblables à Sodome et à Gomorrhe, et seront détruits comme ces villes le furent autrefois, sans qu’il reste en eux le moindre vestige de vigueur et de vie. Qu’on ne s’étonne pas de cette interprétation, que les hérétiques seront considérés comme Sodome et Gomorrhe. Quant aux membres de l’Église qui n’ont point observé les commandements de Dieu et qui se sont écartés de ses préceptes, il est dit par la bouche d’Isaïe : « Écoutez la parole du Seigneur, princes de Sodome, et soyez attentifs à la loi du Seigneur, peuple de Gomorrhe ;» Isa. 1, 10 ; et par la bouche de Daniel, aux vieillards qui brident du désir de corrompre la chasteté de l’Église, figurée par Suzanne : « Ceci est le jugement de Dieu, race de Chanaan et non de Juda. » Dan. 13, 55, 56. Pour ne pas douter que, partout où les prophéties nomment Sodome et Gomorrhe et l’Égypte, il s’agit, non des contrées de ce nom que voient nos yeux, mais de contrées spirituelles que la parole divine menace, il suffit de lire ces mots de l’Apocalypse de Jean : « Le lieu où le Seigneur a été crucifié est appelé spirituellement Sodome et Égypte. » Apo. 11, 8. Puisque Jérusalem, où a été crucifié le Seigneur, est appelée spirituellement Sodome et Égypte, pourquoi, par opposition, l’Égypte et Sodome et Gomorrhe, si elles font les œuvres de Jérusalem et de la terre de Juda, ne seraient – elles pas changées en terre de l’héritage du Seigneur ? Ainsi David n’était pas du nombre des prêtres, et il ne lui était pas permis de manger des pains de proposition ; 1Sa. 21, 1 seqq. mais, parce qu’il croissait en mérite dans chaque œuvre et que la persécution de Saül faisait l’avancement de ses vertus, dans sa fuite, et à son insu, il devient prêtre tout-à-coup, il reçoit les pains de proposition, sans violer le commandement de Dieu. J’ai dit tout cela pour montrer que Moab sera comme Sodome, et que les enfants d’Ammon seront comme Gomorrhe. Damas aussi, dont le nom veut dire « qui boit le sang » ou « sang du sac », sera abandonnée par la miséricorde de Dieu comme un monceau de sel. Parce qu’elle a pour prince le roi Arétha, que les Damascènes ont le désir de mettre à mort Paul, et qu’il est descendu le long de la muraille dans une corbeille, Act. 9, 1 seqq. Damas est appelée, non pas sel du monde, Mat. 5, 13, et sel qui est toujours offert dans les victimes, mais sel qui a perdu sa force, et dont il est dit dans l’Évangile : « Si le sel perd sa force, avec quoi le salera-t-on ? Il n’est plus bon à rien, ni pour la terre, ni comme fumier, à rien qu’à être jeté dehors pour être foulé aux pieds des hommes. » Ibid. Il est donc vrai que Moab.et Am mon et Damas, qui se sont révoltées contre la science du Seigneur, qui ont blasphémé contre le peuple de Dieu, qui ont accumulé les outrages contre lui, et qui ont voulu reculer leurs bornes sur la terre de l’Église et se rendre maîtres du peuple de Dieu, seront changées en désert et détruites ; que les restes du peuple de Dieu, les champions de l’Église, instruits dans les Écritures du Seigneur, les pilleront ; que le reste de la nation du Seigneur deviendra leur maître, et que ce sera là leur honte, parce qu’ils ont outragé le Seigneur tout-puissant et se sont élevés contre lui. Qui n’admirerait la clémence et la miséricorde du Seigneur ? on l’outrage, on le blasphème, on pille son héritage ; et lui, que fait-il ? il remet aux restes de son peuple la mission de se partager les dépouilles des blasphémateurs et de les assujettir en leur possession. H vaut bien mieux pour l’insensé être réduit à servir le sage, afin que sa folie soit corrigée par la sagesse de son maître, que d’être abandonné à sa démence. Le Seigneur tout-puissant viendra donc, et il se manifestera sur eux en pleine lumière, lui qu’ils ignorent maintenant ; il ruinera toutes leurs doctrines, c’est-à,-dire leurs dieux et les idoles des d if Dé – rentes nations, afin qu’a près le renversement des simulacres vains que les infidèles s’étaient faits d’après leur propre cœur, ils se convertissent au Seigneur, et que chacun en chaque pays l’adore, après l’avoir ignoré jusque-là.


« Et vous aussi, Éthiopiens, vous tomberez sous mon glaive ; il étendra sa main sur l’Aquilon et perdra Assur ; il dépeuplera leur ville si belle, il la changera en une terre où personne ne passera et eu un désert. Les troupeaux se reposeront au milieu d’elle, toutes les bêtes des pays d’alentour, le butor, le hérisson, habiteront sur le seuil de ses portes ; l’oiseau criera sur ses fenêtres, le corbeau se fera entendre sur ses portes, parce que j’anéantirai toute sa puissance. Voilà cette cité superbe, qui s’endormait dans la confiance en elle-même et qui disait en son cœur : Moi je suis, et hors de moi, il n’y a pas d’autre ville. Comment a-t-elle ôté changée eu un désert, repaire de bêtes sauvages ? Tous ceux qui passeront auprès d’elle siffleront et battront des mains. » Sop. 2, 12 et seqq. Les Septante : « Vous aussi, Éthiopiens, vous serez blessés par mon glaive. J’étendrai également ma main sur l’Aquilon, je perdrai l’Assyrien, je dépeuplerai Ninive et je la rendrai aride comme un désert. Les troupeaux paîtront au milieu d’elle, et aussi toutes les bêtes de la terre ; les caméléons et les hérissons se coucheront dans ses crèches, les bêtes y crieront dans leurs fosses, et les corbeaux sur ses portes, parce qu’elle s’est élevée à la hauteur du cèdre. Voilà cette ville adonnée au mal, qui habite dans l’espérance, qui dit en son cœur : Moi je sais, et après moi il n’y en a point d’autre. Comment est-elle devenue une solitude où paissent les hôtes ? Tous ceux qui passent auprès d’elle siffleront, et battront des mains. » Les Juifs diffèrent toute cette prophétie, et les deux précédentes contre les Philistins et contre Moab et les enfants d’Ammon, jusqu’à l’avènement du Christ, qu’ils croient devoir venir à la consommation du monde, pour reconstruire Jérusalem et délivrer son peuple de la main des nations qui le tiennent. Cela, disent-ils, ressort de ces paroles : « Il sera adoré par chaque homme dans chaque pays, par toutes les îles des nations. » Outre les peuples nommés déjà, les Éthiopiens aussi et l’Assyrie avec Ninive, sa capitale, seront changées en solitude. Toutes les bêtes de la terre, ou, d’après l’hébreu, toutes les bêles des nations, se reposeront dans cette ville. Les Juifs pensent que les botes des nations désignent tous les peuples qui doivent renverser Ninive. Bien que Ninive se traduise par « belle », en cet endroit, ils appliquent « belle » à Babylone, prétendant que ce qui suit : « Le butor et le hérisson habiteront sur le seuil de ses palais », et le reste, conviennent mieux à Babylone, contre laquelle Isaïe prédit la même désolation. D’autres, au contraire, affirment qu’il s’agit évidemment de l’Assyrie, dont le prophète vient de dire : « Il étendra sa main sur l’Aquilon, il perdra As s lu 1 et il changera Ninive eu solitude. » Or, cette mention expresse des Assyriens veut qu’on entende qu’il s’agit de Ninive, et non pas de Babylone, qui est la ville des Chaldéens. La présence de l’onocrotale et du hérisson dans ses portes et du corbeau sur ses portiques est, continuent-ils, un indice de « dépopulation, et il y a deux sortes d’onocrotales : celui qui est aquatique et celui qui vit dans les déserts. Quant aux paroles : « Une voix chantera sur ses fenêtres », il faut entendre par là, soit les démons, soit les cris des différents oiseaux qui ont coutume de se fixer dans les villes désertes. Les Septante ont traduit comme moi par « corbeau » le mot hébreu Hareb, qui, selon la manière dont on le lit, répond à « corbeau » ou à « sécheresse », qui est la traduction d’autres interprètes, on à « glaive », qui est celle d’Aquila. Après le renversement de Ninive, comme pour insulter à sa ruine, le discours du prophète poursuit : « Voilà cette cité superbe, habitant dans la confiance en elle-même, qui disait en son cœur : Moi je suis, et hors de moi il n’v a point d’autre ville. Comment est-elle devenue un désert, repaire des bêtes ? Quiconque la traversera, sifflera et battra des mains. » D’après ce qui a été déjà dit, ou ce sont des bêtes véritables qui habiteront dans la ville déserte, ou assurément la foule des nations différentes est indiquée sous cette figure des bêtes. Que si quelqu’un demandait comment, appliquée à l’histoire, cette prophétie a trait aux temps de Nabuchodonosor, alors qu’on y nomme aussi les Éthiopiens et les Assyriens, auxquels les Mèdes et les Perses n’ont rien fait, qu’il lise les histoires : il y verra rassujettissement des Assyriens eux-mêmes et des Éthiopiens aux Mèdes, et l’étendue de l’empire de Cambyse, et la puissance de Cyrus, et tous les événements qui curent lieu dans la suite. Voilà comment les Juifs commentent cette prophétie.

D’autre part, si nous observons que dans toutes les Écritures le nom d’Éthiopiens est donné à ceux qui sont complètement plongés dans les vices, selon ce qui est dit dans Jérémie : « L’Éthiopien peut-il changer sa peau ? » Jer. 13, 23, on peut espérer que, si les Éthiopiens retournent au bien, aucun de ceux qui auront consenti à faire pénitence ne sera exclu du salut. Aussi l’âme souillée, l’âme que les ordures des péchés déparent encore, dit-elle d’abord : « Je suis noire ; » Can. 1, 4 ; et plus tard, quand elle a été purifiée et lavée parla pénitence, il est écrit d’elle à la fin du Cantique des cantiques : « Quelle est celle-ci qui s’élève toute blanche ? » Can. 8, 5. Moïse, c’est-à-dire la loi spirituelle du Seigneur, prit pour épouse une Éthiopienne d’entre les nations ; Exo. 2, 1 seqq. et Marie, c’est-à-dire la synagogue des Juifs, et Aaron, c’est-à-dire le sacerdoce selon la chair, et non selon l’ordre de Melchisédech, murmurent contre la loi, mais c’est en vain. Aussitôt la synagogue est envahie de la lèpre, et, après avoir été rejetée hors du camp, au temps révolu, elle y est ramenée à la prière de Moïse lui-même, parce que les mains de l’Éthiopie s’étaient déjà élevées vers Dieu. Psa. 67, 1 seqq. La parole divine menace donc ici ceux qui, étroitement liés aux péchés et noircis par les souillures des vices, ne veulent pas se convertir au bien et laver la couleur ténébreuse qui les couvre ; elle les menace de ce glaive dont parle aussi, à mon sens, la Genèse : « Il établit des Chérubins qui faisaient étinceler une épée de feu pour garder le chemin qui conduisait à l’arbre de vie » ; Genes. 3, 24 ; et Isaïe : « Il suscitera une épée grande et sainte contre le dragon, serpent tortueux, et il le mettra à mort en ce jour-là. » Isa. 27, 1, d’après les Septante. Elle annonce qu’ils seront ou blessés ou mis à mort par le glaive, afin que, redoutant les peines, ils fassent pénitence à l’exemple de Ninive, Jon. 3, 1 seqq. et ne portent pas le poids des maux dont le Seigneur les menace. C’est aussi le sens dont résonne cette prophétie de Jérémie : « Je parlerai contre un peuple et contre un royaume, et je les ôterai et les anéantirai ; mais s’ils font pénitence, à mon tour je me repentirai de tous les maux dont ma parole les avait menacés. » Jer. 18, 7-8. On ne saurait révoquer en doute d’ailleurs que, si le Seigneur menace ici les Éthiopiens du glaive, c’est pour les convertir au Lien, puisqu’il dit un peu plus loin, dans ce livre même : « D’au-delà des fleuves de l’Éthiopie viendront mes suppliants, et mes enfants dispersés m’apporteront leurs dons », Sop. 3, 10, ou, d’après la version des Septante ; « Je ramènerai mes enfants dispersés des confins des fleuves de l’Éthiopie, et ils m’offriront des hosties. »

Après cela, c’est toujours le Seigneur qui parle dans le môme sens que plus haut ; mais l’esprit prophétique dit de lui : « Il étendra sa main sur l’Aquilon et il perdra Assur » ; sur l’Aquilon, dont Jérémie a dit : « De l’Aquilon viendront les maux qui s’allumeront contre tous les habitants de la terre » ; Jer. 1, 14 ; et dont Salomon parle ainsi : « L’Aquilon est le vent le plus dur ; on lui donne le nom de vent de droite. » Pro. 25, 23. Dieu étend sa main qui inflige les supplices, afin que l’Aquilon sente les châtiments avec ceux qui habitent dans sa terre, vers laquelle, d’après Zacharie, vont les chevaux noirs dont il est écrit : « Il y avait des chevaux noirs, et ils allaient dans la terre de l’Aquilon. » Zac. 6, 6. Et vraiment, celui qui change la direction de ses pieds et s’éloignant de l’Orient, dont le même Zacharie a dit : « Voici un homme, l’Orient est son nom », Ibid. 12, se retourne vers l’Occident, celui-là se dirige aussitôt vers l’Aquilon, qui n’est pas à droite, mais auquel on donne faussement le nom de vent de droite. La chose s’explique même physiquement : Quiconque s’arrête à l’Orient et se retourne pour regarder vers l’Occident, a l’Aquilon à sa droite, et ceux qu’atteint alors son souffle froid l’appellent vent de droite ; mais il n’est à droite que de nom, et il est plutôt à gauche tant en réalité qu’eu égard à ses effets. Après que le Seigneur aura étendu sa main sur l’Aquilon, il perdra aussi Assur, dont le nom veut dire, non pas « qui dirige », comme beaucoup le pensent à tort, mais « qui reprend » et « qui convainc. » Le diable est à la fois notre ennemi et l’instrument de la vengeance divine ; il suggère lui-même les péchés et il reproche ensuite les péchés à ceux qui les ont commis ; voilà pourquoi il est dit de lui qu’il reprend et qu’il convainc. C’est lui, à mon avis, qui est ce prince des Assyriens qui habite à l’Aquilon, qui a pour capitale Ninive, et qui dit dans Isaïe : « J’agirai dans ma force ; par ma sagesse et par mon intelligence j’effacerai les limites des peuples et j’anéantirai leurs couvées », Isa. 10, 1 seqq. d’après les Septante. Ce qui suit, au sujet de la dévastation de Ninive : « Les troupeaux, paîtront au milieu d’elle, 150 toutes les bêtes de la terre, les caméléons et les hérissons feront leur couche de ses crèches ; les bêtes se reposeront sur ses portes, elles corbeaux sur ses fenêtres, », etc, me semble devoir être entendu soit d’après ce qui est écrit dans Jonas, soit d’après ce qui est écrit dans Nahum. Dans Jonas, nous avons par Ninive, c’est-à-dire « la belle » qui a fait pénitence à la prédication de Jonas, c’est-à-dire de la colombe », entendu l’Église rassemblée d’entre les nations ; et dans Nahum, c’est au monde que nous avons appliqué le sens figuré de la prophétie. Au sujet du monde d’ailleurs, il n’est pas difficile de dire que, lorsque les Éthiopiens auront été blessés par le glaive du Seigneur, que Dieu aura étendu sa main contre l’Aquilon, et qu’il aura perdu l’Assyrien, prince de ce monde, ce monde lui-même périra avec son prince ; il sera réduit à la solitude, la plus extrême ; il n’inspirera de compassion à personne, et tous, à l’occasion de sa ruine, siffleront et battront des mains.

Il semble tout d’abord que ce soit un blasphème de dire, au sujet de l’Église, qu’elle sera déserte et comme une terre sans chemins, que les bêtes habiteront en elle, et qu’ensuite il lui sera dit avec insulte : Voici la ville plongée dans le mal, qui habitait dans l’espérance, et qui disait dans son cœur : « Moi je suis, et après moi il n’y en a point d’autre. Gomment a-t-elle été changée en un désert, en un pâturage des bêtes ? » Mais celui qui s’arrêtera attentivement à cette parole de l’Apôtre : « Dans la suite il viendra des temps difficiles et périlleux : il y aura des hommes amateurs d’eux-mèmes, avares, fiers, superbes, médisants, désobéissants à leurs parents, ingrats, impies, dénaturés, sans affection, calomniateurs, intempérants, inhumains, ennemis des gens de bien, traîtres, insolents, enflés d’orgueil, ayant plus d’amour pour la volupté que pour Dieu, qui auront une apparence de piété, mais qui en renonceront la vérité et l’esprit ; » 2Ti. 3, 1 et seqq. ; et aussi à ce qui est écrit dans l’Évangile que l’iniquité s’étant multipliée, la charité de plusieurs se refroidira, au point qu’en ce temps-là s’accomplira cette prophétie : « Quand le Fils de l’homme viendra, pensez-vous qu’il trouve un peu de foi sur la terre ? » Luc. 18, 8, ne s’étonnera point de l’extrême désolation de l’Église, et que sous le règne de l’Antéchrist, elle soit changée en solitude 5 et livrée aux bêtes, et qu’elle ait à souffrir tous les maux qu’annonce ici le prophète. Puisque Dieu, à cause de leur infidélité, bien loin d’épargner les rameaux naturels, les a brisés, qu’il a changés les fleuves en désert, les sources d’eaux, en fontaines impuissantes à désaltérer, et la terre fertile, en monceaux de sel, à cause de la malice de ses habitants, pourquoi, d’autre part, ceux dont il a été dit : Il a changé le désert en étangs d’eaux, et la terre sans eaux en sources d’eaux et il y a fait habiter ceux qui y ont faim », etc, et que, de l’olivier sauvage, il a greffés sur la racine de l’olivier franc, ne les renverserait-il pas et ne les réduirait-il point à la soif qui pesait sur eux autrefois, dans le cas où, s’éloignant de leur Créateur, ils oublieraient ses bienfaits pour adorer l’Assyrien ?

Bien que cette prophétie puisse s’entendre en général de la venue de l’Antichrist ou de la fin du monde, on en peut néanmoins, faire chaque jour l’application à ceux qui feignent d’être de l’Église de Dieu et le nient par leurs œuvres ; ils sont auditeurs, mais non observateurs de la loi, ils se vantent en vain d’une apparente beauté, quand les troupeaux habitent en eux, c’est-à-dire la multitude des vices, et les brutes qui sont au service du corps, et toutes les bêtes de la terre qui mangent leurs cœurs, et les caméléons qui prennent d’un instant à l’autre la couleur des divers péchés, ici de l’avarice et là de la luxure, tantôt de la cruauté et tantôt de l’impureté, maintenant de la tristesse et puis de la joie. Dans leurs crèches demeurent les hérissons, animal hérissé de piquants et qui blesse tout ce qu’il touche. Les hôtes coucheront dans leurs palais, c’est-à-dire dans leurs cœurs, et les corbeaux, oiseaux immondes, au-dessus de leurs portes, ou de la bouche ou des oreilles, en sorte qu’ils disent ou entendent sans cesse de mauvaises, paroles. D’où cette conséquence que l’Église souffrira ou a souffert ces maux, parce qu’elle s’est élevée d’orgueil et a porté haut sa tôle comme un cèdre, s’adonnant aux mauvaises œuvres et néanmoins se promettant la béatitude future, méprisant les autres en son cœur et dans la pensée que tout est néant hors elle-même, disant : « Moi je suis, et après moi il n’y en a point d’autre. – Comment donc est-elle devenue une solitude où paissent les bêtes ? » Et en effet, là où était auparavant la demeure du Père et du Fils et du Saint-Esprit et où les anges présidaient au service de Dieu, habiteront alors les bêtes, dont le Psalmiste déplore les ravages en disant : « Seigneur, ne livrez pas aux bêtes l’âme qui vous confesse. » Psa. 73, 19. Quiconque passera près d’elle, sifflera et frappera des mains. Si nous appliquons ce dernier trait aux anges, en voici l’interprétation : Les anges, qui passeront près d’elle et n’y demeureront pas, comme ils avaient coutume de le faire, s’étonneront de sa décadence, et en la voyant tomber, au lieu de la soutenir et de la raffermir, ils passeront en levant les mains ; ou assurément, ils élèveront les mains avec un sifflement plaintif et ils les frapperont l’âme contre l’autre, comme pour se plaindre, à la manière de ceux qui pleurent sur un mort. Si nous appliquons le même passage au diable et à ses anges, qui ont dévasté même la vigne qui avait été transplantée hors de l’Égypte, disons que le serpent passe par l’âme dont Jésus-Christ s’est éloigné, qui ôtait auparavant le temple de Dieu et qui a cessé de l’être, qu’il siffle en elle, qu’il y vomit les poisons de sa malice, et que, non content de cela, il y apporte ses œuvres, dont les mains sont la figure. Et pour qu’on ne croie point, parce que nous avons nommé le serpent, que nous faisons violence à l’interprétation en entendant les œuvres du serpent par ses mains, qu’on se souvienne de ce témoignage de Salomon : « La vie et la mort sont dans les mains de la langue. » Pro. 18, 21. J’ai donné comme j’ai pu cette explication du sens figuré. Si quelqu’un trouve un commentaire plus vraisemblable et plus logique que le mien, que le lecteur se laisse de préférence guider par son autorité.

« Malheur à la ville qui irrite sans cesse et qui, après avoir été rachetée, semblable à une colombe stupide, n’a point écouté la voix et n’a pas reçu l’instruction : elle n’a pas mis sa confiance dans le Seigneur* elle ne s’est point approchée de son Seigneur. Ses princes, au milieu d’elle, sont comme des lions rugissants ; ses juges sont des loups qui dévorent leur proie Je soir, sans rien laisser pour le lendemain matin. Ses prophètes sont insensés et trompeurs ; ses prêtres profanent les choses saintes, et agissent injustement, contrairement à la loi. Le Seigneur juste n’opérera pas l’iniquité au milieu d’elle. Dès le matin, il produira son jugement h la lumière, et ne le cachera pas ; mais l’homme inique ne connaît pas la honte. J’ai exterminé les nations, j’ai, renversé leurs pierres angulaires ; j’ai rendu leurs chemins déserts, personne n’y passera désormais ; j’ai ruiné leurs villes, il n’y reste pas un seul homme, un seul habitant. J’ai dit : Enfin, tu me craindras, tu recevras la correction ; et leur demeure ne périra pas à cause de tous les crimes pour lesquels je l’ai déjà visitée. Et pourtant ils se sont levés dès le matin pour se corrompre dans toutes leurs pensées. » Sop. 3, 1 et seqq. Les Septante : « 0 ville illustre et rachetée ! cette colombe n’a pas entendu la voix, elle n’a pas reçu l’instruction ; elle n’a pas mis sa confiance clans le Seigneur, elle ne s’est point approchée de son Seigneur. Ses princes sont en elle comme des lions rugissants ; ses juges sont comme dos loups d’Arabie, ne réservant rien de leur proie pour le matin suivant ; ses prophètes portent l’esprit et ce sont des hommes pleins, de mépris ; ses prêtres souillent les choses saintes, et agissent en impies contre la loi ; mais le Seigneur sera juste au milieu d’elle, et n’y opérera point l’iniquité. Dès le matin, il produira son jugement à la lumière, lui qui ne se cache pas, qui ne sait point exiger un remboursement inique, ni laisser l’injustice à jamais puissante. J’ai abattu les orgueilleux, j’ai ruiné leurs angles ; j’ai détruit leurs voies, afin qu’on ne puisse plus y passer d’aucune manière ; leurs villes sont tombées eu ruines, parce qu’il n’y restait plus personne qui les habitât. J’ai dit : Enfin, vous me craindrez, vous recevrez la correction, et vous ne périrez point sous ses yeux dans les maux par lesquels j’ai fait la menace de me venger contre elle. Préparez-vous, levez-vous dès le matin ; tous leurs raisins ont péri. » Plusieurs auteurs veulent qu’à cause de la suite du discours, il s’agisse ici de Ninive, dont il a été dit plus liant : « Il perdra l’Assyrien, et il changera Ninive en solitude ; » mais jamais l’Écriture ne donnerait à Ninive la qualification de colombe, bien que d’aucuns pensent que les mots : « En présence du glaive de la colombe », dans Jérémie, s’appliquent à Nabuchodonosor, parce que nous savons qu’on peut ici, comme d’autres l’affirment, interpréter « colombe » par Hellade ou Grèce, en sorte que le sens soit celui-ci : « Devant le glaive de Jona, c’est-à-dire « de la Grèce », le mot Joua voulant dire aussi bien Grèce que colombe, puisque, de nos jours encore, les Hébreux appellent les Grecs de leur ancien nom de Iones, et leur mer de celui do mer Ionienne. De même les princes romains, gardant leur ancien nom chez les nations barbares, sont appelés Césars.

Toute cette prophétie est donc dirigée contre Jérusalem : Malheur à la cité autrefois colombe, qui pèche toujours, qui a été livrée aux captivités et ensuite rachetée par le Seigneur ! Malheur à la cité provocatrice ! ce qui est plus énergiquement exprimé en hébreu par Mara, qui rend Dieu amer, c’est-à-dire : Malheur à vous qui, par votre faute, remplissez d’amertume le Seigneur doux et bon, en sorte que, malgré sa volonté de faire miséricorde, il est contraint de punir ! Elle n’a pas écouté le commandement du Seigneur qui la corrigeait, elle n’a pas voulu accepter sa discipline ; même sous le poids des afflictions, elle n’a pas mis sa confiance dans le Seigneur, elle n’a pas marché sur ses traces, et bien qu’il dit : « Je suis votre Seigneur de près, et non pas de loin », Jer. 23, 23, elle n’a pas voulu s’approcher de lui. La prophétie mentionne expressément les princes de Jérusalem, les juges, les prophètes, les prêtres, afin que par cité nous comprenions le peuple, et les grands, par les noms de dignités. Or, ses princes ne s’industriaient qu’à fondre sur leurs proies comme des lions, et à verser le sang des hommes ; ses juges étaient rapaces, et ne laissaient rien que d’autres pussent prendre ; ses prophètes insensés, ou, d’après Aquila, feignant d’être « stupéfaits d’admiration », en hébreu Phoezim, parlaient comme par la bouche du Seigneur, et ne publiaient que mensonges contre lui ; ses prêtres commettaient le sacrilège dans son sanctuaire, et pendant qu’ils agissaient contrairement à la loi, ils offraient des victimes d’après la loi. C’est pourquoi, puisqu’ils ont agi injustement, le Seigneur juste ne commettra pas l’iniquité, et il rendra à cette ville perverse selon ses mérites. « Dès le matin, dès le matin », c’est-à-dire ouvertement et sans la moindre obscurité, il fera justice d’elle, et il n’y aura rien qui puisse lui être caché. Le Seigneur agira ainsi, afin que cette correction ramène la ville au bien. Mais Israël, dans sa perversité, n’a pas connu sa honte ; il n’a pas compris qu’il était frappé de plaies pour être amené à faire pénitence. Je vous ai vengé des nations, s’écrie ensuite le Seigneur, et j’ai détruit leurs empires, afin que, puisque vous ne voyiez point ma main dans vos maux, vous la reconnussiez du moins dans mes bienfaits ; ou assurément le sens est celui-ci : J’ai détruit toutes vos villes, ô Juda, tous les bourgs et les tribus qui vous étaient soumis, et la dépopulation a été si grande, qu’il ne demeurait pas un seul habitant dans vos villes ; et après cela, me levant dès le matin pour vous exhorter à la pénitence, j’ai dit : Je vous ai, il est vrai, traitée de la sorte, ô Jérusalem, mais je l’ai fait pour vous inspirer la crainte de ma colère, pour vous faire recevoir ma correction, et pour que votre habitation, c’est-à-dire votre temple, ne périsse pas à cause de tous les crimes que vous avez commis. Or, au contraire, les habitants de Jérusalem, alors que je les exhortais à la pénitence, comme si l’esprit do querelle les rendait diligents, se sont levés dès le matin, afin d’accomplir, avec la môme hâte qu’ils auraient dû mettre à retourner à moi, toutes leurs pensées, et de montrer par leurs œuvres ce que leur esprit avait conçu. Voilà le commentaire du texte hébreu.

D’autre part, d’après ce qui a été dit plus haut, cette ville illustre et rachetée par le sang de Jésus-Christ, c’est évidemment l’Église, qui est aussi appelée colombe, à cause de la simplicité de la foi de la multitude des fidèles qui l’habitent. Elle n’a pas écouté la voix du Seigneur, elle a refusé de se plier à la discipline, elle n’a pas mis sa confiance dans le Seigneur, elle n’a pas voulu s’approcher du Seigneur son Dieu, pour mériter le pardon de ses péchés. Et en effet, c’est en vain qu’un homme prétend écouter la voix du Seigneur son Dieu et mettre en lui sa confiance, lorsqu’il détruit la foi par les œuvres, qu’il est plus uni à ses intérêts temporels qu’au Seigneur son Dieu, qu’il s’approche de lui avec un cœur double et qu’il croit pouvoir servir sous les étendards de deux maîtres, celui du monde et celui de Dieu. Les princes de cette cité sont comme des lions rugissants. Nous ne saurions avoir de doute sur ce rugissement et cette impétuosité des lions, lorsque nous voyons les princes de cette Jérusalem tonner contre les peuples qui lui sont soumis, et les effrayer pas leur voix despotique et par leurs outrages furieux, au point qu’on croirait avoir affaire, non pas à un berger au milieu de son troupeau, mais à un lion frémissant au milieu de timides brebis. Ses juges sont comme des loups d’Arabie, déchirant leur proie le soir, et n’en laissant rien pour le lendemain matin ; ne tournant pas leurs yeux vers le lever du soleil, mais demeurant toujours dans les ténèbres, et tournant à leur profit les minces possessions de] l’Église et ce qui est apporté dans le trésor de Dieu, en sorte que les pauvres n’ont pas de quoi manger le matin, tandis que ces juges, comme à la faveur de la nuit et hors des regards, dévastent tout et pillent tout à la manière des loups, ne laissant pas le plus maigre aliment aux indigents. Les prophètes aussi, c’est-à-dire les maîtres qui se flattent d’enseigner les peuples et de raisonner d’après les Écritures « portant l’esprit » ou étant « spirituels » – ce qui doit s’entendre ironiquement, – sont des hommes pleins de mépris : c’est qu’il importe, dans l’Église, non pas seulement d’enseigner, mais de faire, et de ne pas détruire les paroles par les actions. Au reste, celui qui instruit autrui, et qui ne pratique point ce qu’il enseigne, est moins un docteur qu’un contempteur, et c'est de lui qu’il est écrit dans Habacuc : « Prévaricateurs, regardez, soyez attentifs ; admirez et pâlissez d’effroi. » Hab. 1, 5. Les prêtres enfin qui servent l’Eucharistie et distribuent le sang du Seigneur aux peuples de l’Église, agissent en impies contre la loi de Jésus-Christ, pensant que, les paroles de la consécration faisant l’Eucharistie et la prière solennelle étant seule rigoureusement nécessaire, la vie et les mérites des prêtres importent peu, quand il est dit à leur sujet : « Le prêtre en qui sera une tache ne s’approchera pas pour offrir des oblations au Seigneur », Lev. 21, 1 seqq. d’après les Septante. Bien que les princes, les juges, les prophètes et les prêtres de Jérusalem agissent ainsi, néanmoins le Seigneur est clément et juste. Clément, en ce qu’il ne se retire pas de son Église ; juste, en ce qu’il rend à chacun ce qu’il mérite. Lorsque viendra le matin, et que la nuit de ce siècle sera passée, il produira son jugement en pleine lumière, et ils ne seront cachés, ni lui, ni son jugement. Lorsqu’il exigera de chacun l’argent qu’il lui avait confié, il ne sera pas injuste, il ne permettra pas que l’injustice prévaille toujours : il fera tomber de leurs sièges les princes superbes, auxquels Dieu résiste, et leurs angles seront détruits, c’est-à-dire leurs volontés perverses, qui s’écartent du droit chemin, et dans lesquels avaient accoutumé de prier toujours les Pharisiens, au mépris de la pierre angulaire. Je pense qu’il est utile aux orgueilleux eux-mêmes d’être arrachés du haut de leur arrogance, et dé voir leurs impasses et leurs angles détruits, afin qu’ils marchent ensuite dans le droit chemin.

Le texte continue ainsi : « Je rendrai leurs voies désertes, personne n’y passera plus désormais », selon ce qui est écrit dans le psaume un : « Le chemin des impies périra ; » Psa. 1, 6 ; et aussi dans Osée, où il est dit de Jérusalem adultère : « Je fermerai ses voies avec des épines, je mettrai des barrières à ses chemins, et elle ne trouvera point sa voie ; elle poursuivra ses amants et elle ne les atteindra point, elle les cherchera et elle ne les trouvera point, et elle dira : J’irai, je retournerai auprès de mon premier époux, parce que j’étais plus heureuse alors qu’aujourd’hui. » Ose. 2, 6-7. Remarquez que si les voies n’avaient pas été fermées et les chemins barricadés, et si le Seigneur n’avait pas détruit ses sentiers, l’âme tombée dans la fornication n’aurait jamais pu dire : » J’irai, je retournerai vers mon premier époux. Par conséquent, les chemins des orgueilleux et les angles de ces chemins sont détruits, afin qu’ils cessent de marcher dans leur arrogance et dans leur perversité, et que leurs villes, qui avaient été mal bâties dans l’orgueil et l’insolence, soient ruinées, en sorte qu’avec leur existence finisse celle des méchants qui y habitent. La suite d’ailleurs va montrer que nous ne violentons point le sens de l’Écriture. Dieu dit, en effet : J’ai agi delà sorte, afin de leur dire : Voilà que les chemins de la malice sont détruits ; désormais, craignez-moi et apprenez ma doctrine, de peur que ma correction elle-même ne périsse, ne trouvant pas en vous des fruits de conversion, que tous les moyens par où j’ai voulu vous reprendre ne soient vains, et que cette parole qui est écrite dans Jérémie, ne puisse vous être appliquée : « C’est inutilement que j’ai frappé vos enfants, vous ne vous êtes pas rangés à ma discipline ; » Jer. 2, 30 ; ou assurément : Craignez-moi et rangez-vous à ma discipline, de peur que tout ne périsse en présence de Jérusalem, et qu’elle ne soit complètement changée en désert par les maux dont je l’ai menacée.

Qu’on ne se scandalise pas – j’en ai fait bien souvent la remarque – de ce que j’interprète cette prophétie comme proférée contre l’Église, quand on sait que, dans les Écritures saintes, l’Église est toujours figurée dans Jérusalem, dans laquelle celui qui a péché, ou est emmené à Babylone, ou, s’il a voulu en descendre volontairement, est blessé par les voleurs sur la route de Jéricho. Y a-t-il en effet société aussi illustre que l’Église, qui est fondée dans tout l’univers ; autant rachetée par le sang de Jésus-Christ et autant colombe, à cause de la grâce de l’Esprit saint, que l’Église rassemblée d’entre les Gentils ? mais il y en a plusieurs en elle qui se vantent de croire en Jésus-Christ, et qui n’écoutent point sa voix, qui ne se plient point à sa discipline et qui ne veulent pas être ses imitateurs. Quant à ces paroles : « Ses princes sont en son sein comme des lions rugissants », je ne me dissimule pas que j’en offense plus d’un, en les interprétant sur les évêques et les prêtres, alors que les vieillards qui tentèrent de souiller Suzanne ne condamnent nullement les autres anciens qui ont bien vécu, et que les mauvais princes, dont parle la prophétie, ne sont nullement un sujet de honte pour les bons princes ; « car l’insensé ôtant châtié, le fou deviendra plus sage ; » Pro. 19, 22 ; et si l’insensé devient plus sage, combien plus le deviendra celui qui est sage déjà ? Mais ses juges et ses princes recevant des présents et vendant Injustice, ne sont-ils pas à juste titre appelés loups d’Arabie ou du soir, d’après la traduction de Symmaque ? C’est qu’ils ne méritent pas d’être appelés loups de Benjamin, qui ravissent leur proie le matin et le soir donnent la nourriture aux autres ; Gen. 49, 1 seqq. ils sont appelés loups du soir, qui dévorent tout pendant la nuit, et ne laissent rien pour le matin. Sur ce passage : « Ses prophètes portant l’esprit, sont des hommes pleins de mépris », qu’on ne s’émeuve point de nous le voir appliquer aux docteurs, les qualifiant à la fois de prophètes et de contempteurs, lorsqu’il y a ce précepte de l’Apôtre : « Gardez-vous de contrister l’Esprit saint de Dieu, du sceau duquel vous avez été marqués pour le jour de la Rédemption ; Eph. 4, 30 ; et que David parle ainsi dans le psaume cinquante : « Ne retirez point de moi votre Esprit saint. » Psa. 50, 13. S’il n’arrivait pas que l’Esprit saint contristé fuie le séjour qu’il occupait d’abord et ne sortit de sa demeure, jamais Paul n’eût donné le précepte que j’ai cité, et David, après son adultère, n’eût pas redouté de perdre ce qu’il avait reçu ; et à ce sujet nous lisons dans l’Épître aux Hébreux : Songez combien mérite de plus grands supplices celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu, qui aura profané le sang de l’alliance par lequel il a été sanctifié, et qui aura outragé l’esprit de la grâce ? » Heb. 10, 29. Il est également écrit dans le troisième livre des Rois, qu’un homme de Dieu, – on ne peut douter qu’il ne fût prophète, – qui avait poussé ce cri contre l’autel de Samarie : « Autel, autel, il naîtra dans la maison de David un fils », 2Sa. 13, 2, etc, parce qu’au mépris de l’ordre du Seigneur il mangea chez un faux prophète, – c’est ainsi que Josèphe a expliqué ce passage, – fut mis à mort par un lion. D’ailleurs, pour que le fait ne parût point accidentel et fût considéré comme un châtiment du Seigneur, le faux prophète qui avait trompé l’homme de Dieu prédit ce qui devait arriver à ce dernier, et le lion lui-même, tout en punissant le prévaricateur, ne fit aucun, mal à son âne. Il ne faut donc point s’étonner de ce que des docteurs qui avaient été plein de l’Esprit saint, puissent devenir prévaricateurs, alors que chez les négligents, qui n’exercent pas une garde rigoureuse sur leur cœur, la cause fréquente de leur orgueil contre le Seigneur et de leur mépris, est qu’ils ont la science de Dieu, qu’ils connaissent sa bonté infinie, cachée en faveur de ceux qui le craignent, et qu’ils dédaignent les richesses de cette bonté pour amasser contre eux des trésors de colère pour le jour de la colère et de la révélation. À leur tour, que les prêtres, qui donnent le baptême, qui implorent la venue de notre Seigneur dans l’Eucharistie, qui font l’huile du saint chrême, qui imposent les mains, qui instruisent les catéchumènes, qui établissent prêtres les Lévites et d’autres, au lieu de s’indigner contre nous et contre les prophètes dont nous exposons le texte prophétique, prient le Seigneur et consacrent toute leur application à être dignes de n’être point comptés au nombre des prêtres qui profanent les choses saintes. Ce n’est point la dignité, ce n’est point les titres, c’est l’accomplissement des devoirs de la charge qui sauve les princes, les juges, les prophètes et les prêtres. « Celui, dit l’Apôtre, « qui désire l’épiscopat, désire un ministère très-saint. » 1Ti. 3, 1 seqq. Remarquez bien le mot : « Il désire le ministère », – le ministère, et non pas le titre. Mais si, méprisant les devoirs, on n’a en vue que la dignité seule, aussitôt s’écroule la tour dans Siloe, la haute cime du cèdre est frappée de la foudre, le front allier est brisé, et le cygne au cou tendu et portant haut sa tête est mis au rang des oiseaux immondes. Au lieu de ce passage de l’hébreu : « Mais, se levant dès le point du jour, ils ont corrompu toutes leurs pensées », que j’ai commenté, les Septante disent : « Préparez-vous, levez-vous dès l’aube : tout leur feuillage a été anéanti ; » comme cette traduction diffère beaucoup de l’hébreu, et que, d’après les Septante, elle semble se rattacher à ce qui suit, je l’expliquerai plus tard.


« Attendez-moi donc, dit le Seigneur, au jour où je me lèverai dans l’avenir, parce que j’ai résolu que je rassemblerai les nations, que je réunirai les royaumes, et que je répandrai sur eux mon indignation et tous les flots de ma fureur : Toute la terre sera dévorée par le feu de ma colère jalouse, parce qu’alors je purifierai les lèvres des peuples, afin que tous invoquent le nom du Seigneur et qu’ils le servent d’un seul mouvement. » Sop. 3, 8-9. Les Septante : « Attendez-moi donc, dit le Seigneur, au jour où je me lèverai en témoignage, parce que mon jugement s’exercera sur les nations assemblées,

afin que je prenne les rois, afin que je répande sur eux toute mon indignation, tous les flots de ma fureur. Toute la terre sera consumée par le feu de ma colère jalouse, parce qu’alors je ramènerai les peuples à la langue de leur génération, afin que tous invoquent le nom du Seigneur, et qu’ils le servent sous un même joug. » Les Juifs appliquent ces choses à la venue du Christ qu’ils attendent, et disent que, toutes les nations ayant été assemblées et la fureur du Seigneur répandue sur elles, toute la terre sera dévorée par le feu de sa colère jalouse ; et qu’à l’exemple du temps où, avant l’édification de la tour, tous les peuples parlaient une même langue, après que les hommes auront été convertis au culte du vrai Dieu, ils parleront tous hébreu, l’univers entier ôtant alors sous le joug du Seigneur. Pour nous qui suivons, non pas la lettre qui tue, mais l’esprit qui vivifie, et qui rejetons les fables juives, nous écoutons cette exhortation du Seigneur : « Préparez-vous, levez-vous dès le point du jour ; car tous leurs raisins ont été détruits ; » et quand nous sommes prêts, nous répondons : « Mon cœur est prêt, ô mon Dieu, mon cœur est prêt. » Psa. 56, 8. Nous prêtons l’oreille à cette injonction des Proverbes : « Préparez votre ouvrage pour sortir ; » Pro. 24, 27 ; et à ce qui est dit mystiquement dans le Lévitique, Lev. 16, 1 seqq. lorsque, le septième mois et le dixième jour du mois, Aaron offre pour le peuple un bouc émissaire et vivant ; que posant les mains sur sa tête, il le charge de tous les péchés du peuple d’Israël ; qu’il le livre aux mains d’un homme prêt d’avance, et qu’il le chasse dans le désert, – nous comprenons en nous ;— et nous préparant au commandement du prêtre véritable, nous ôtons le mal du milieu de l’Église. Quand nous avons ainsi fait, la nuit passe, le jour approche, et marchant honnêtement comme en pleine lumière, nous disons : « O Dieu, mon Dieu, je veille et j’aspire vers vous dès que la lumière paraît ; » Psa. 62, 2 ; et nous ajoutons aussitôt : « Dès le matin vous exaucerez ma prière ; dès le matin, je me présenterai devant vous, et je verrai. » Psa. 5, 4-5. Si nous ne sommes point prêts, le soleil de justice ne se lèvera pas pour nous. Le soleil levé, tous les raisins de là vigne de Sodome sont détruits et périssent, en sorte que non seulement les grosses grappes du mal, mais les moindres grapillons périssent sous les rayons de la lampe de Jésus-Christ.

En récompense de tout cela, Dieu nous fait cette promesse : « Attendez-moi au jour de ma résurrection en témoignage ; » car, après l’expulsion des vices et des péchés, Dieu ressuscitera en nous. Selon cette maxime d’Isaïe : « Soyez mes témoins, dit le Seigneur Dieu, et je serai votre témoin à mon tour, avec le serviteur que j’ai choisi », Isa. 43, 10, le Père est notre témoin avec le Fils et le saint Esprit, afin que toute sentence repose sur la déposition de deux ou de trois témoins. Deu. xvii. 1 seqq. C’est ainsi que cette dernière maxime me paraît explicable, et c’est par ces trois témoins que se confirme toujours la vérité, plutôt que d’après la lettre. Il y eut en effet deux témoins contre Suzanne, Dan. 13, 1 seqq. et contre le Sauveur lui-mème. Mat. 26, 1 seqq. et pourtant la vérité du témoignage ne fut pas dans leur bouche. Contre Naboth, ce fut presque toute la ville qui déposa, et le consentement de tous ces témoins pervers réalisa, non pas la fermeté de la vérité, mais la conjuration d’un crime. 2Sa. 21, 1 seqq. Parce que, continue la prophétie, mon jugement s’exercera sur les nations assemblées, afin que je reçoive les rois dans le lieu de leurs supplices, pour répandre sur eux ma colère, tous les flots de ma fureur. Celui qui est petit mérite promptement le pardon et est près de la miséricorde, tandis que « les puissants endureront des châtiments puissants. » Sap. 6, 7. De là vient que les peuples et la multitude des nations sont assemblés pour le jugement, quand les rois, c’est-à-dire les princes des doctrines perverses, sont amenés pour le châtiment, afin que toute la fureur du Seigneur se répande sur eux. Cela n’est l’effet d’aucune cruauté, comme le pensent les Juifs sanguinaires, mais l’effet de la miséricorde et de la prudence du médecin, puisque l’Écriture ajoute aussitôt : « Toute la terre sera consumée dans le feu de mon zèle. » Les nations ayant été rassemblées pour être jugées, et les rois pour leur supplice, afin que ma colère se répande sur eux, et non pas en partie, mais toute, et avec elle ma fureur, que dans tout l’uni vers soit consumé tout ce qu’il y a de terrestre, tout ce qui concerne les œuvres de la terre, c’est-à-dire de la chair ; ravageant toutes ses ronces et ses broussailles épineuses, le feu de mon zèle les dévorera. Alors je ramènerai la langue des peuples à l’idiome de son origine, en sorte que chacun, s’étant dépouillé de son erreur, retourne à son ancienne manière de confesser la foi du Seigneur : « qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les deux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse le Seigneur Jésus dans la gloire de Dieu le Père. » Phi. 2, 10. Rejetant les briques et le bitume que nous avions pour pierres et pour argile, avec lesquelles nous élevions l’orgueil de notre erreur contre le Seigneur, nous recouvrerons le langage que nous avions perdu auparavant, et nous serons sous le joug de Jésus-Christ, qui dit : « Mon joug est doux, et mon fardeau léger. » Mat. 11, 30. Il est à remarquer qu’au lieu de notre traduction : « Je rendrai pure la lèvre des peuples, les Septante ont dit : « Je ramènerai les peuples à la langue de sa génération », c’est-à-dire, de la génération de la terre. Cette erreur est venue de ce qu’au lieu de Barura, « choisi », d’après Aquila et Théodotion, et « pur », d’après Symmaque, ils ont lu Badura, prenant le Res pour un Daleth, ces deux lettres ayant entre elles la plus grande ressemblance. Sur cet autre passage : « Au jour de ma résurrection dans l’avenir », où tous ont dit, « en témoignage », l’hébreu qui m’a instruit sur le texte des Écritures assurait qu’en cet endroit, Laed doit se traduire plutôt par « dans l’avenir » que par « en témoignage », bien que Ed, écrit par les deux lettres Ain et Daleth signifie également « avenir » et « témoignage. » On peut aussi appliquer cet endroit du texte au premier avènement de Jésus-Christ, lorsque, toute erreur étant ôtée, les démons foulés aux pieds et les œuvres terrestres détruites, les Apôtres parlèrent toutes les langues, et que, l’antique confusion étant finie, une seule langue a été rendue pour la confession de la foi. Act. 2, 1 seqq. Quant aux rois qui sont détruits et consumés par le feu divin, il faut entendre par là les princes des doctrines perverses.


« D’au-delà des fleuves de l’Éthiopie viendront mes suppliants, et mes enfants dispersés m’apporteront leur don. En ce jour, vous ne rougirez plus de toutes les inventions que vous avez opposées contre moi, parce qu’alors j’enlèverai de votre sein les flatteurs de votre orgueil, et vous ne vous enorgueillirez plus sur ma montagne sainte. Je laisserai au milieu de vous un peuple faible et pauvre, et il espérera au nom du Seigneur. Les restes d’Israël ne se livreront plus à l’iniquité, et ne proféreront plus le mensonge ; la langue trompeuse ne se trouvera plus dans leur bouche, parce qu’ils reposeront comme des brebis dans leur pâturage, et nul ne les troublera. » Sop. 3, 10 et seqq. Les Septante : « Des confins des fleuves de l’Éthiopie, je ramènerai mes enfants dispersés ; ils m’apporteront des victimes. En ce jour, vous ne rougirez pas de toutes les inventions que vous avez accomplies en impies contre moi, parce qu’alors je vous ôterai toute la médisance qui faisait votre ignominie, et vous ne vous enorgueillirez plus désormais sur ma montagne sainte. Je laisserai en vous un peuple doux et humble, qui révérera le nom du Seigneur ; ce seront les restes d’Israël, qui ne se livreront plus à l’iniquité, et qui ne proféreront plus de vains discours. La langue trompeuse ne se trouvera plus en leur bouche, parce qu’ils se reposeront comme des brebis dans leur pâturage, et que nul ne les troublera. » Lorsque le Seigneur aura rendu aux peuples des fidèles une lèvre pure, que tous invoqueront le nom du Seigneur, et qu’ils porteront son joug, alors aussi, d’au-delà des fleuves de l’Éthiopie, d’où la reine de Saba vint écouter la sagesse de Salomon, 2Sa. 10, 1 seqq. on portera des victimes au Seigneur, car « la main de l’Éthiopie ira au-devant de Dieu. » Psa. 67, 32, et avec le vrai législateur, qui frappa l’Égypte des dix plaies, Exo. 2, 1 seqq. se mariera une Éthiopienne, à la grande jalousie de la synagogue des Juifs », Quant à ce qui est dit d’après l’hébreu : « De là mes suppliants, mes enfants dispersés m’apporteront leurs présents », en voici le sens : O Israël, ô synagogue autrefois ma fille, que j’ai dispersée dans tout l’univers, bien que tu sois jalouse, bien que l’envie te tourmente, néanmoins, des victimes me seront apportées de l’Éthiopie, c’est-à-dire par le peuple des gentils. En ce jour, c’est-à-dire lorsque la multitude des nations croira, vous-même vous ne serez point entièrement couverte de honte pour toutes les erreurs par lesquelles vous avez prévariqué contre moi, en préférant Barabbas et en crucifiant le Fils de Dieu. Alors, j’ôterai du milieu de vous les scribes, les prêtres, les pharisiens, les flatteurs de votre orgueil, et vous ne vous enorgueillirez plus sur ma montagne sainte ; mais vous aurez un peuple pauvre, des hommes illettrés, des pêcheurs qui espéreront dans le nom du Seigneur. Les restes d’Israël, non point la multitude qui cria : « Crucifiez, crucifiez-le », Jn. 19, 6, non pas les pontifes et les grands, mais les restes d’Israël, ne commettront plus l’iniquité, ni ne proféreront lé mensonge, parce qu’ils croiront à la vérité. On ne trouvera point en leur bouche la langue menteuse, parce qu’ils sauront que tout mensonge vient du diable, Jn. 8, 1 seqq. et ils paîtront eux-mêmes et ils diront : « Le Seigneur est mon pasteur, et rien ne me manquera ; c’est dans le lieu du pâturage qu’il m’a placé. Il m’a élevé au – dessus de l’eau de réfection, il a changé mon âme. » Psa. 22, 1,2 ; nul ne les troublera, la foi des fidèles étant victorieuse de l’orgueil des persécuteurs. Entendons cela comme accompli au premier avènement de Jésus-Christ, tandis que les Juifs le diffèrent jusqu’à la fin du monde, espérant habiter dans Jérusalem, où, il la manière des troupeaux, ils seront comblés des dons corporels et des richesses de Juda et nourris dans de verts pâturages, pendant que, toutes les nations étant abolies et tous les hommes étant leurs sujets, il ne pourra se trouver personne pour troubler leur possession.

Pour nous, prenant de cette fable des Juifs l’occasion de la vérité, nous disons que, la lèvre choisie ou blanche ou pure, comme a traduit Symmaque, nous étant rendue, nous laissons la noirceur de l’âme, la couleur ténébreuse et le venin du dragon dont nous avions été teints par les vices et les péchés, dans les fleuves de l’Éthiopie, avec les maîtres des dogmes pervers, dont nous étions arrosés auparavant, et que nous porterons nos présents à Jésus-Christ, avec Israël, autrefois dispersé. En ce jour, où se lèvera pour nous la lumière de Jésus-Christ, il sera dit à chacun de nous : Vous ne rougirez plus de toutes les inventions, de toutes les pensées mauvaises qui vous faisaient agir en impies contre le Seigneur ; tout l’orgueil et toute l’insolence qui nous insurgeaient contre Dieu et contre sa montagne sainte, le Seigneur notre Sauveur, nous seront 6tés, et au lieu d’orgueilleux et vains titres sera laissé en nous, un peuple doux et humble, en sorte que nous n’ayons aucune pensée arrogante ou orgueilleuse qui déplaise à Dieu. Remarquons qu’au jour du jugement et à la consommation du monde, tous les noms de dignités sont effacés et qu’il ne reste qu’un seul peuple doux et humble, et qu’un môme troupeau sous le bon Pasteur. Alors aussi le peuple d’Israël, là plénitude des nations étant entrée, et Dieu ayant enfermé tous les hommes sous le péché, afin de faire miséricorde à tous, Rom. 11, 52, craindra le nom du Seigneur : les restes d’Israël ne tomberont plus ensuite dans l’iniquité de nier le Seigneur, ils ne proféreront plus de vaines paroles, ne fondant plus leurs espérances sur des fables ineptes ; et la langue menteuse ne se trouvera point dans leur bouche, le Christ qui est la vérité, parlant par leur voix. Alors, ils paîtront, eux aussi, avec Tunique troupeau ; ils se reposeront dans l’Église, et ils ne craindront pas les attaques du vrai Nabuchodonosor. À la vue et à la lecture de mystères si grands, écrions-nous avec l’Apôtre : « O profondeur des trésors de la sagesse et de la science de Dieu ! que vos jugements sont incompréhensibles et vos voies impénétrables ! » Ibid. 33. Ce que sentant et méditant, le Roi-Prophète s’exprime ainsi au sujet des commandements de Dieu : « Je méditais durant la nuit au fond de mon cœur et je roulais dans mon esprit plusieurs pensées : Dieu nous rejettera-t-il donc pour toujours, ou ne pourra-t-il plus se résoudre à nous faire miséricorde, ou sa colère arrêtera-t-elle le cours de ses miséricordes ? et j’ai dit : C’est maintenant que je commence ; ce changement est l’ouvrage de la droite du Très-Haut. » Psa. 76, 7 et Seqq. Le sens est celui-ci : Sur ce que je pensais, que le Seigneur abandonne éternellement les pécheurs et que sa colère arrête le cours de ses miséricordes, j’ai compris que cet abandon a lieu, afin que sa droite, qui est la droite du Très-Haut, change toutes choses, et qu’il fasse miséricorde à ceux qu’il avait d’abord rejetés. Nous donc, et avec nous les restes d’Israël, sachant qu’il faudra rendre compte de toute parole oiseuse, Mat. 12, 1 seqq. et que le Seigneur perdra toutes les lèvres menteuses, gardons-nous de dire de vaines choses ; car « vanité des vanités, tout n’est que vanité », Ecc. 1, 2 : « Tout homme qui vit sur la terre n’est que vanité. » Psa. 38, 6. Que notre bouche ne profère point le mensonge, et recevant le pouvoir de fouler aux pieds les serpents et les scorpions, et toute la force de l’ennemi, Luc. 10, 1 seqq. n’ayons plus aucune crainte, ne redoutons plus les embûches des loups, quand Jésus-Christ est notre pasteur, et chantons : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut ; qui puis-je craindre ? » Psa. 26, 1, le reste qui est ensuite contenu dans le psaume cent vingt-six.


« Fille de Sion, faites entendre des hymnes de louange ; Israël, poussez des cris de joie ; réjouissez-vous de tout votre cœur, tressaillez d’allégresse, ô fille de Jérusalem. Le Seigneur a effacé vos iniquités, il a dissipé vos ennemis. Le Seigneur roi d’Israël est au milieu de vous, vous ne – craindrez plus rien. En ce jour, on dira à Jérusalem : Ne craignez point ; et à Sion : Que vos mains ne soient pas défaillantes. Le Seigneur votre Dieu est au milieu de vous ; il est le Dieu fort, il est votre Sauveur ; il se réjouira en vous, il se reposera en votre amour, il tressaillira d’allégresse dans votre louange. Je rassemblerai ces hommes vains qui avaient abandonné la loi, parce qu’ils vous appartenaient, afin que vous n’ayez plus en eux un sujet de honte. » Sop. 3, 14 et Seqq. Les Septante : « Réjouissez-vous, fille de Sion ; chantez, fille de Jérusalem ; tressaillez d’allégresse et réjouissez-vous de tout votre cœur, fille de Jérusalem. Le Seigneur a effacé vos iniquités, il vous a rachetée de la main de vos ennemis. Le Seigneur roi d’Israël est au milieu de vous, désormais aucun mal ne vous atteindra. En ce temps-là, le Seigneur dit à Jérusalem : Ayez confiance ; et à Sion : Que vos mains ne soient point défaillantes. Le Seigneur, le Dieu fort, votre Dieu est au milieu de vous et il vous sauvera. Il amènera sur vous la joie, il vous renouvellera dans sa charité, il se réjouira en vous et tressaillira d’allégresse comme en un jour solennel. Je rassemblerai vos enfants dispersés. Malheur à quiconque a reçu l’opprobre contre elle ! « On ne doit pas s’étonner, je l’ai dit souvent, de ce que les sections de chapitre du texte hébreu et celles de la version des Septante ne finissent pas toujours de la même manière. Où il y a différence de traduction dans le sens, il se trouve nécessairement que les commencements ou les fins diffèrent. Les Juifs se promettent avec le Christ, dont ils attendent la venue, l’accomplissement de toutes les choses que nous avons déjà obtenues, nous qui avons reçu notre Christ. Si donc quelqu’un d’entre les chrétiens, et notamment d’entre ces sages de fraîche date dont je tais les noms, pour ne point paraître blesser qui que ce soit, estime que cette prophétie n’est point accomplie encore, il usurpe, qu’il le sache bien, le titre de chrétien : il a une âme juive ; sauf qu’il n’a pas la circoncision corporelle ; car si ces choses n’avaient pas eu lieu encore, mais devaient arriver, ce serait en vain que nous aurions embrassé la foi en la venue du Sauveur ; mais notre foi n’étant point vaine, nous comprenons que s’est accompli en nous un mystère qui avait été caché dans tous les âges qui ont précédé, mais qui est maintenant découvert par les Écritures prophétiques et par l’avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ.Col. 1.

Enfin, étudions l’ordre de la prophétie, et nous reconnaîtrons qu’elle vise, non pas les Juifs, mais l’Église de Jésus-Christ. Après tout ce qui précède : « Je jugerai les nations assemblées, afin d’entreprendre les rois », jusqu’à l’endroit où il est dit ; « Afin que tous invoquent le nom du Seigneur et servent sous un joug unique ; » et encore : « Je prendrai d’au-delà des fleuves de l’Éthiopie de mes enfants dispersés qui m’apporteront des victimes ; » et après avoir annoncé l’entrée dans la foi de Jésus-Christ et le salut des restes d’Israël, dont il est dit : « Ceux qui resteront d’Israël craindront le nom du Seigneur, sans qu’il y ait personne qui les épouvante », l’Esprit saint, prophétisant au sujet de la consommation générale du monde, s’écrie : « Réjouissez-vous, fille de Sion, publiez ces choses, fille de Jérusalem, soyez dans l’allégresse et réjouissez-vous de tout votre cœur, fille de Jérusalem. » C’est que toute âme fidèle, qui est établie à son poste de sentinelle et qui contemple la paix, est pleine de joie et tressaille d’allégresse, parce que ses iniquités ont été effacées et rachetées par celui dont le sang précieux a été la rançon de tous ; « car Jésus-Christ nous a été donné de Dieu pour être notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption. » 1Co. 1, 30. Nous avons été rachetés par le roi d’Israël, qui habite au milieu de nous et qui dit : « Mon Père et moi, nous viendrons, et nous ferons en lui notre demeure. » Jn. 14, 23. Et : « J’habiterai et je marcherai en eux ; » Lev. 35, 12 ; et désormais nous ne verrons plus le mal, nous consacrant uniquement à la pensée et à la pratique des vertus. En ce jour-là, – lorsque nous voyons la paix et que nous sommes établis sur le faîte, – que vos mains ne tombent pas en défaillance, dit le Seigneur, qui nous a dit également par la bouche d’Isaïe : Fortifiez-vous, mains défaillantes, et que vos œuvres soient énergiques. » Isa. 35, 3. Carie Seigneur fort, à qui nul ne peut résister, qui est votre sauveur, vous rendra lui-môme la joie que vous avez perdue ; quand vous aurez rejeté le vieil homme, il vous fera marcher dans l’homme nouveau, et il agira ainsi, clans son amour pour vous, non point à cause de votre mérite, mais par l’effet de sa miséricorde. Il mettra en vous sa joie et son plaisir, acceptant votre salut comme l’hostie la plus grasse de votre solennité, et il vous dira : Je rassemblerai vos membres brisés ; car ce Dieu ne méprise point un cœur contrit et humilié », Psa. 50, 19, et : « Il n’achève pas de rompre un roseau brisé. » Isa. 42, 3. Cette explication est suffisante pour l’application du texte au second avènement du Sauveur. D’autre part, parce que le prophète Zacharie exhorte Sion et Jérusalem à cette môme joie, et que Matthieu dit que cette même prophétie a été accomplie dans le premier avènement de Jésus-Christ, Mat. 21, 1 seqq. nous sommes dans la nécessité, et c’est la logique de la vérité qui nous y contraint, de regarder, non pas comme à venir, mais comme arrivé, ce qui est écrit dans Sophonie, puisque Zacharie s’exprime ainsi : « Tressaillez d’allégresse, fille de Sion, et vous, fille de Jérusalem, poussez des cris de joie : voilà que votre roi vient vers vous, juste et sauveur, lui-même pauvre et monté sur une ânesse et sur le poulain de l’ânesse. » Zac. 9, 9. Tel est le commentaire du texte d’après les Septante.

D’après l’hébreu, il est enjoint à l’Église d’entonner un cantique de louanges ; à Israël, qui voit Dieu en esprit, d’être dans la jubilation, et au lieu de paix, à qui il a été dit : « Je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix », Jn. 14, 27, d’exulter de joie de tout son cœur ; car le Seigneur, à la fin et à la consommation du monde, a effacé l’arrêt de sa condamnation, ne la jugeant ni ne la châtiant, mais lui accordant le salut, et il a éloigné d’elle ses ennemis, les bataillons des démons. Le Seigneur roi d’Israël sera au milieu d’elle, et elle ne craindra plus de mal. En ce jour, il sera dit à Jérusalem libre, non point celle qui sert avec ses enfants, mais celle qui est la mère des saints, Galat. iv : Ne craignez plus, Sion – Sion est la même que Jérusalem, – vos œuvres ne seront plus anéanties, et vous ne ferez point ce que vous vous repentiriez d’avoir fait. Le Seigneur votre Dieu, qui vous sauvera, fort et puissant, habitera au milieu de vous, il mettra en vous son plaisir et sa joie, et il passera vos péchés sous silence, à cause de la charité avec laquelle il vous chérira ; il exultera à votre occasion dans un chant de louanges, soit parce que vous êtes digne de ces louanges, soit parce que vous chanterez ses louanges. « Je rassemblerai, parce qu’l ils vous appartenaient, les hommes vains », ou, d’après Aquila, « les transportés qui s’étaient éloignés de vous », c’est-à-dire que ceux qui, par leurs vices et leurs péchés, avaient fui de votre sein et étaient tombés au pouvoir des démons, lorsque tous les hommes seront rétablis en leur premier état, retourneront à vous, et vous n’aurez plus un sujet d’opprobre dans vos enfants perdus. Il est à remarquer que le mot latin nugas, « hommes vains », est le mot hébreu lui-même, et je n’ai fait que la transcrire sans y rien changer, afin que l’on puisse se convaincre que la langue hébraïque est la source de toutes les langues, question dont la discussion ne serait pas ici en son lieu. Je m’étonne aussi qu’Aquila et les Septante, au lieu de étaient, dans le passage : « Je les rassemblerai, parce qu’ils étaient à vous », aient cru pouvoir écrire οἴ, « malheur à » ou bien « Oh ! » exclamation qu’Aquila emploie toujours, non pas dans un sens de lamentation, mais comme cri pour appeler ; le mot haja, dont le commencement est « je suis », signifie, au temps prétérit et au pluriel, « étaient » ou « avaient été. » Ces remarques peuvent paraître ennuyeuses ; mais que l’on considère que j’écris, non pas des controverses et des déclamations, pour triompher sur des lieux communs, mais des commentaires, et des commentaires des prophètes, et le blâme que je mériterais, s’il m’arrivait de vouloir jouer avec les mots à la manière des rhéteurs, je ne l’encourrai point pour avoir insisté, comme il est nécessaire, sur des matières si obscures.


« En ce temps-là, je ferai mourir tous ceux qui vous avaient affligée, je sauverai celle qui boitait, je ferai revenir celle qui avait été rejetée, et je rendrai le nom de ce peuple glorieux dans tous les pays où il avait été en opprobre. En ce temps-là, où je vous ferai venir à moi et où je vous rassemblerai tous, je vous établirai en honneur et en gloire devant tous les peuples de la terre, lorsque j’aurai fait revenir devant vos yeux toute la troupe de vos captifs, dit le Seigneur. » Sop. 3, 19-20. Les Septante : « J’agirai sur vous, à cause de vous, en ce temps-là ; je sauverai l’opprimée, je rappellerai celle qui avait été repoussée, et j’établirai mon peuple dans la gloire et le renom par toute la terre. Ils seront confondus en ce temps-là, où je vous comblerai de bienfaits, et en ce temps où je vous rappellerai, parce que je rendrai votre nom célèbre et glorieux parmi tous les peuples de la terre, lorsque j’aurai ramené tous vos captifs devant vos yeux, dit le Seigneur. » De ceci encore la synagogue, qui, plus que boiteuse, est mutilée des deux jambes, se promet l’accomplissement au temps de son Christ, dont elle espère la venue ; elle pense que toutes les nations qui ont affligé Israël seront mises à mort par le Seigneur, que la synagogue sera sauvée, que celle qui avait reçu l’arrêt de répudiation sera rappelée, et que les Juifs seront établis en honneur et en renom dans tous les pays où ils avaient été captifs auparavant et couverts d’opprobre ; tout cela, ajoutent-ils, doit arriver au temps où les captifs auront été ramenés à Jérusalem, lorsque le temple sera rebâti et que leurs cérémonies abandonnées seront observées de nouveau. Voilà l’illusion dont elle se berce, et voilà pourquoi elle ne fait point pénitence : pendant qu’elle espère l’incertain, elle perd le salut certain. Je ne m’étonne pas de ce langage de la synagogue, qui, parce qu’elle n’admet pas Jésus-Christ, elle a les yeux malades et faibles comme Lia, et n’est pas aimée de Jacob, et est laissée dans l’abandon dès que Rachel lui succède ; Gen. 29, 1 seqq. je m’étonne que des chrétiens, ou plutôt des semi-juifs, qui se flattent de faire partie de l’Église, disent et proclament ces choses, alors que, si elles étaient vraies, c’est en vain que nous croirions en Jésus-Christ, tout notre sacrement étant détruit, et que nous serions les plus à plaindre de tous les hommes, à cause de notre croyance en la venue du Messie, qui ne serait pas venu. Mais notre espérance est certaine, et ce sont les vœux des Juifs qui sont vains. Expliquons donc ce verset, le dernier de Sophonie, d’après le sens que nous avons suivi jusqu’à présent.

Recourons à ce témoignage de Jésus, fils de Sirach : « Si un homme jette une pierre en haut, elle retombera sur sa tête. » Sir. 27, 28. Sion et Jérusalem étant placées en haut, quiconque se fait le détracteur de Sion et de Jérusalem, et lance contre elles les pierres des outrages, lance ces pierres contre sa propre tête ; c’est sur sa tête que retombera l’opprobre, c’est sur sa tête que descendront la douleur qu’il a voulu causer et son injustice. » Psa. 7, 17. Que d’hommes aujourd’hui déversent l’injure sur l’âme qui recherche les mystères de Dieu et qui veut voir la paix de Dieu, et disent : C’est un insensé, un homme ivre et plein de vin nouveau ; il fuit l’assemblée des hommes, il méprise les plaisirs, l’or est à ses yeux aussi vil que la fange, il n’aime que la pauvreté seule. Les incrédules vont même jusqu’à lui faire un opprobre de la croix de Jésus-Christ, et s’il arrive qu’ils le voient dans les angoisses et les épreuves : Où sont, lui crient-ils, les œuvres de miséricorde et de justice que vous avez faites ? Que parlé-je d’incrédules, lorsque des princes mêmes des Églises ne ménagent pas leurs railleries à des âmes de cette sorte, et taxent de folie leur conduite, et ne louent pas leur vie présente, mais leur reprochent amèrement leurs péchés passés ? Ils ferment l’oreille à ce précepte : « Ne faites point de reproche à un homme qui se retire du péché. » Sir. 8, 6. Malheur donc à celui qui a déversé l’opprobre et qui a pris à tâche, comme un vil esclave, l’office de détracteur de Sion et de la cité de Dieu, parce que le Seigneur sera le vengeur de cette injure faite à sa ville, et qu’il dira à Sion ; « Voilà que j’agirai en vous à cause de vous », c’est-à-dire, je serai l’artisan de votre vengeance, « et je sauverai celle qui était affligée », ou, comme porte le grec, « pressurée », avec ce sens : Je sauverai celle qui, en Cette vie, comme le raisin et l’olive sont écrasés par le pressoir, était broyée par les épreuves et les serrements de cœur, et affligée, afin qu’elle rendit du vin et de l’huile, et que Jésus bût de ce vin dans le royaume de son Père, et fut oint de cette huile d’une manière plus excellente que tous ceux qui y ont part avec lui. À mon avis, c’est pour qu’il sortît de ce vin du pressoir que Job endura tant de maux, et qu’après avoir donné de ce vin et de cette huile, il lui fût dit : « Vous pensez que j’aie pu vous répondre d’une manière qui ne vous justifierait pas », Job. 40, 1 seqq. selon les Septante. C’est comme s’il tenait ce langage au raisin et a l’olive : Croyez-vous que je puisse vous avoir pressés, affligés et contrits d’une autre façon que celle par où vous produirez du vin et de l’huile ? Le texte poursuit : « Et je recevrai celle qui avait été repoussée. » Dieu nous repousse en quelque sorte, quand il nous abandonne à la tentation. De là le langage de Job : « La visite du Seigneur s’est détournée de moi. » Job. 10, 12. Et ce ne sont pas les justes seuls qui disent : « Maintenant vous nous avez repoussés et couverts de confusion », comme cela est écrit dans le psaume quarante-trois ; mais notre Seigneur et Sauveur lui-même, dans le rôle de la personne humaine dont il s’était revêtu, s’exprime ainsi ; « Vous m’avez repoussé et couvert de dédain ; vous avez éloigné votre Christ ; vous avez renversé l’alliance avec votre serviteur. » Ce sont d’ailleurs bien les justes qui disent dans le psaume quarante-trois : « Maintenant vous nous avez repoussés et couverts de confusion », cela ressort de la suite du psaume : « Tous ces maux sont venus fondre sur nous, et cependant nous ne vous avons point oublié, nous n’avons point commis d’iniquité contre votre alliance, et notre cœur ne s’est point retiré en arrière. » Le Seigneur recevra donc à la fin celle qui avait été mise au pressoir, et il établira en renom et en gloire dans toute la terre les enfants de celle qui était éprouvée et repoussée, c’est-à-dire de l’Église. Mais ces hommes – dont il a rendu le nom célèbre, qui sont-ils, si ce n’est les Apôtres ? Voyez Pierre et Paul et Matthieu et Jean, et vous reconnaîtrez que la promesse faite à Abraham : « Je glorifierai votre nom », a été réalisée en eux. Chaque jour est proclamé dans l’Église, chaque jour est glorifié leur nom ; ce n’est pas qu’il y ait profit pour eux à ce que nous célébrions leur nom – dans l’Église, mais c’est nous-mêmes, qui, en proclamant leur gloire et en lisant leurs écrits, obtenons notre salut. En ce temps-là, continue le texte, lorsque celle qui était dans l’épreuve et repoussée aura été reçue, et que ses enfants auront été établis dans la gloire — car le Seigneur se glorifie de ses athlètes, quand il les voit remporter la couronne, comme il se glorifia contre le diable au sujet de Job ; et c’est pourquoi l’Apôtre, dans la joie que lui donnent les progrès de ses disciples, s’écrie : « Et aussi par votre gloire », – en ce temps-là seront couverts de confusion ceux qui avaient été vos adversaires et qui avaient déversé sur vous l’opprobre ; alors ils reconnaîtront que vous, qu’ils croyaient malheureux, vous avez le bonheur ; que vous, qu’ils estimaient pauvres et vils, vous êtes devenus puissants et pleins de gloire. Alors ils verront les captifs, qui avaient été en ce monde soumis au plus tyrannique empire, ramenés dans la céleste Jérusalem, tandis qu’eux ressusciteront dans l’opprobre et dans la confusion éternelle. Faites-nous la grâce, Seigneur Jésus-Christ, de nous recevoir et de nous établir dans la gloire, après que nous aurons été éprouvés, affligés et repoussés en ce monde ; que l’hydre soit confondue au temps marqué, que cessent ses sifflements, que ses poisons soient sans effet, et que sa honte serve au salut de tous. J’ai commenté la version des Septante ; mais comme l’hébreu, à l’exception du commencement, dont j’ai traité à la fin de la citation précédente, ne diffère pas beaucoup des Septante, j’estime qu’il n’a pas besoin d’explication.