L’Amant de la morte
Drame en deux actes
L’AMANT DE LA MORTE
ACTE PREMIER
Le boudoir de Simone Darvières. Les lampes sont allumées. Simone sert le thé à Ginette et à Maud, qui sont en visite.
Scène 1
Par instants : LOUIS, le valet de chambre
À propos, Simone, tu seras libre de samedi en huit ?
De samedi en huit ?
Oui. J’aurai, ce jour-là, mon modèle espagnol.
Ah ?
Vous ne vous imaginez pas ce que ce garçon est beau ! Je l’avais rencontré à Cadix, pendant notre voyage, l’an dernier. Il vendait des pastèques, à la porte d’une bodega. Il est venu à Paris chercher fortune. Je lui ai demandé de venir poser chez moi. J’ai commencé par faire des études de son profil, et puis…
Et puis ?…
Et puis il a bien voulu poser l’ensemble. Ah ! quelle merveille, mes petites ! Apollon ! Apollon brun. Et une science instinctive des attitudes !
Vous nous mettez l’eau à la bouche !
C’est une force de la nature ! Il vit nu comme un beau fruit, comme un galet sur la plage.
Ma pauvre Ginette, comme tu t’emballes !
Oh ! toi, tu es incapable de goûter les merveilles de l’art moderne. Tu restes sous l’influence de ton mari, qui n’a jamais pu, de son côté, oublier les leçons des Beaux-Arts. Un peintre officiel ! Guillaume Darvières ne sera jamais qu’un peintre officiel.
Dites tout de suite que c’est un pompier !
Je veux dire que son talent académique…
Évidemment, toi et lui, ce ne sont pas les mêmes académies qui vous intéressent.
Enfin, je compte sur toi, ― sur vous deux, si le maître consent à t’accompagner.
Hélas ! ma petite Ginette, je regrette infiniment, mais, de samedi en huit, je ne serai pas à Paris.
Vous partez ?
Oui. Ordre de la Faculté ! Je n'arrive pas à me débarrasser de ma grippe du jour de l'an ; je tousse encore le matin, et, le soir, j'ai parfois un peu de température. Alors, Guillaume a insisté pour que j'aille me reposer quelques semaines sur la Riviera.
Il t'accompagne là-bas ?
Non. Impossible. Il a commencé le portrait de Lady Hamilton ; il ne peut pas l'interrompre.
Eh bien ! en voilà, une nouvelle ! Le couple étonnant qui se disloque ! Les « amants légitimes », comme on vous surnomme partout, qui vont chacun de son côté !
C'est la première fois que nous nous séparons depuis notre mariage ; et il a fallu, vraiment, que le médecin me fasse peur, pour que j'accepte de quitter Paris sans Guillaume.
Vous ne resterez pas longtemps sur la Côte ?
Oh ! non. Quelques semaines seulement ; juste le temps de me reposer.
Te reposer ? Ah ! là, là ! Est-ce qu'on va dans le Midi pour se reposer ! Je te connais : tu seras chaque jour au Casino !
Bah! tu sais, autant prendre le thé là qu'ailleurs.
Alors, votre mari, vous allez le laisser, comme ça, tout seul. Prenez garde !
J'ai confiance en lui.
Le fait est qu’il t’aime tant !
Justement ! C'est terrible, un homme qui aime sa femme si passionnément. Il a pris l'habitude de l'amour, et cette habitude-là, mes enfants, c'est pis que toutes les autres. Moi, je ne serais pas tranquille, à la place de Simone.
Vous êtes bien bonne, ma chérie ! Je vous remercie. Je suis sans doute très orgueilleuse, mais je laisse Guillaume à Paris sans la moindre appréhension.
D'ailleurs, il est si occupé…
Oui : ses cours, ses leçons, le portrait de Lady Hamilton…
(Entre Louis.)
Madame a sonné ?
Enlevez le plateau… Vous avez mis les housses dans le grand salon ?
Oui, Madame ; on est en train d'envelopper le lustre.
Bien. Merci.
(Louis sort.)
Tu boucles la maison ? Mais alors…
Guillaume compte prendre ses repas au Cercle pendant mon absence. Il s'ennuiera moins au Volney que seul dans notre salle à manger. D'ailleurs, je lui laisse le fumoir…
Son grand ami, Robert Samoy, viendra bien, peut-être, lui tenir compagnie…
Je ne sais pas. Robert Samoy se fait de plus en plus rare. Il y a des siècles que nous ne l'avons vu.
Ça vaut peut-être mieux !
Pourquoi donc ?
Oh ! je dis ça comme ça.
Tu as un drôle d'air… Que veux-tu dire par là ?
Moi ? Rien… Pour qu'on dise, ensuite, que je suis une mauvaise langue !
Tu as rencontré Robert récemment ?
Eh bien, oui, là !
Où l'as-tu rencontré ?
Au Caveau-Géorgien.
Tu lui as parlé ?
Impossible.
Pourquoi ?
Il était affalé, les coudes sur la nappe, à côté d’une affreuse petite rousse aux yeux pochés, au regard vide… Je te jure que c’était un spectacle lamentable.
Robert… Lui !
Il avait une de ces figures ! Dame, les femmes, l’alcool, les stupéfiants… Tout lui est bon, paraît-il, pour s’étourdir.
Comment, s’étourdir ?…
Ce n’est pas possible, ce que tu me racontes ?
Je l’ai vu !
Oh ! un garçon si gentil, si prévenant, si affectueux… En être tombé là !… Pourquoi, mais pourquoi donc a-t-il changé à ce point ?
Des embêtements, sans doute. La drogue tue les peines…
Même les peines d’amour !
Oh ! Vous croyez que Robert…
Maud a raison. Il n’y a qu’un grand, qu’un désespérant chagrin d’amour pour expliquer la transformation de ce garçon-là.
C’est épouvantable, Guillaume va être désolé lorsqu’il saura que son ami...
(Entre Louis.)
Madame…
Quoi ?
M. Robert Samoy demande si Madame peut le recevoir.
Qu’il entre ! Qu’il entre ! (Aux deux jeunes femmes. ) C’est lui !
(Ginette et Maud échangent un sourire.)
Scène 2
Ma chère Simone… J’ai rencontré Guillaume tout à l’heure. Il m’a appris votre prochain départ. Je n’ai pas voulu vous laisser quitter Paris sans vous faire mes adieux…
C’est tout à fait gentil… Vous connaissez ces dames, je crois ? Mme Ginette Barjot, Mlle Maud Risner.
J’ai déjà eu l’honneur d’être présenté à Mlle Risner, au dernier vernissage des Humoristes. Quant à Mme Barjot, nous sommes de jeunes vieilles connaissances !
Alors, tout est pour le mieux.
Ma petite Simone, il ne nous reste plus qu’à vous souhaiter un bon voyage…
Et un heureux retour.
Comment ? Vous me laissez déjà ?
Je ne pense pas que ce soit mon arrivée qui vous fasse fuir ?
Mais non, cher ami…, j’ai rendez-vous à six heures avec un modèle.
Un modèle de vertu ?
Vous êtes bien impertinent, Monsieur Samoy ! (À Simone.) Allons, au revoir, chérie. Ne nous oublie pas trop vite ; envoie-nous quelquefois de tes nouvelles !
Entendu. Au revoir, chérie… Au revoir, ma petite Maud.
Au revoir !
(Ginette et Maud sortent. Simone les accompagne et rentre en scène presque aussitôt.)
Scène 3
Par instants, LOUIS
Excusez-moi. Il fallait que je reconduise mes amies…
Vos amies, ça ?
Dame ! Je crois !
Vous n’êtes pas difficile !
C’est le secret du bonheur.
Alors, vous êtes heureuse, vous ?
Pleinement.
(Entre Louis.)
Du porto, je vous prie. Et vous direz à Justine que M. Samoy dîne avec nous.
Bien, Madame.
Mais non, mais non…
On ne vous demande pas votre avis. Guillaume serait furieux de ne pas vous revoir… Je pense, d’ailleurs, que vous n’allez pas l'abandonner pendant mon absence ? Je compte absolument sur vous pour lui tenir compagnie.
(Louis, ayant déposé sur la table à thé un plateau chargé d’un carafon et de verres se retire pendant les répliques suivantes.)
Vous pouvez être tranquille. Je veillerai sur le pauvre solitaire… — C’est toujours demain que vous partez ?
Toujours.
Et quand revenez-vous ?
Dans cinq semaines. Exactement, le lundi gras.
Parfait, parfait ! Voilà, en effet, de l’exactitude, et je reconnais là votre nature précise, ponctuelle… soigneuse !
Un verre de porto ?
Non, merci.
Alors, une tasse de thé…
Non, non, rien. Merci… (Allumant une cigarette, non sans nervosité.) Vous permettez ?
Mais qu’est-ce qu’il y a donc, mon pauvre ami ?
Il y a… que vous partez. Voilà ce qu’il y a.
Ce n’est pas un événement bien terrible… Nous nous sommes décidés brusquement…
La soudaineté de ce voyage n'en exclut pas le désagrément.
Pour vous, peut-être…, parce que moi, vous savez, je suis enchantée de quitter Paris, sa petite pluie, son brouillard gluant, pour ce beau pays sec qui m’attend là-bas. Si je n’avais pas le regret de laisser Guillaume à ce maudit portrait, je partirais le cœur léger.
Vous êtes égoïste, comme tous les gens heureux.
Mon Dieu ! que c’est agaçant de vous entendre gémir sans cesse !… Vous avez tout pour être heureux, vous aussi !
Oui !… (Concentré :) Croyez-vous que j’aie tout, Simone ?
Il me semble !… Que vous êtes triste, aujourd’hui ! (Changeant de ton :) Eh bien, pour vous dérider, je vais vous faire un cadeau !
Un cadeau ?
Oui. Tenez : regardez ce que j’ai trouvé tout à l’heure, en rangeant des tiroirs.
Une photo de l’École !
Je vous la donne.
Je vous remercie… Quel vieux souvenir !
J’étais sûre de vous faire plaisir. Cela remonte à quelle date ?
1910. Nous faisions partie de l’atelier Lalou, votre mari et moi… Elle est un peu ridicule, cette photo ! Chacun de nous y arbore l’attribut de son talent particulier, ou fait le geste qui symbolise le mieux ses habitudes ou ses manies…
Pourquoi Guillaume porte-t-il cette couronne de navets ?
Parce que « navet » et « aquarelle » sont synonymes en argot d’atelier. La famille de votre mari exigeait qu’il devînt architecte et l’avait fourré d’autorité dans l’atelier Lalou. Mais Guillaume ne rêvait déjà que peinture. Cela explique son diadème de navets.
Et vous, pourquoi allongez-vous les deux mains vers ce petit pâlot qui est assis devant vous, les yeux fermés ?
Je commençais à m’occuper d’hypnotisme, à cette époque.
Et vous n’avez pas continué ?
Si.
Vous ne me l’avez jamais dit. Guillaume non plus. Le sait-il ?
Non.
Ça existe donc, l’hypnotisme ? Ça existe vraiment, les tables tournantes, les médiums, les apparitions ? Ah ! Ah ! Voyons, Robert, vous ? Vous tombez dans ce panneau ? (Elle rit.)
Ne riez pas, ne riez pas. D’abord, je ne vous parle, moi, que d’hypnotisme, et non de spiritisme. Il n’est ici question que du sommeil hypnotique, provoqué par la volonté de l’hypnotiseur, — le sommeil étrange pendant lequel des ordres sont dictés au sujet pour sa conduite future…
Est-ce possible, allons ?
Vous voyez combien j’avais raison de garder le silence. Je vous donne ma parole d’honneur que l’hypnotisme n’est pas un simple champ de mystification, et qu’il faut y voir une science, à peine naissante mais authentique, une science dont les profondeurs entrevues nous épouvantent, — une science aux limites insoupçonnables !… Pour ma part, j’ai vu, de mes yeux vu…
Quoi donc ?
Parlons d’autre chose, voulez-vous ?
Oh ! Racontez, Robert, je vous en prie ! Racontez, pour que je croie à l’hypnotisme. Je voudrais y croire ! Cela doit être passionnant !
C’est plus que passionnant, c’est angoissant. Ceux qu’on endort battent des paupières si éperdues, leur visage se dépouille d’expression… si totalement… que cela m’a toujours fait frémir. Cette emprise d’une volonté sur une autre, il me semble que c’est une sorte d’assassinat…
Et pourtant, cet assassinat, il vous arrive de le commettre !
Je l’avoue. Oui, je provoque l’hypnose, souvent, pour des expériences, parce que l’hypnotisme, mieux connu, peut rendre d’immenses services… Et puis, voyez-vous, rien que pour l’amour de la vérité, il faut qu’on sache, un jour, ce que c’est, au juste, que l’état magnétique ; quelle force s’y développe, fluide ou vibrations, et quelles conséquences peuvent en résulter… Car, un soir, figurez-vous…
Un soir ?… Allons, racontez, racontez…
À quoi bon vous effrayer ? Je voulais dire, simplement, que l’hypnotisme est une arme terrible et singulière.
On l’utilise pourtant en médecine ?
Comme certains poisons, comme les décharges électriques. Mais c’est un venin qu’il faut doser au millième de milligramme ; c’est un courant dont le voltage doit être soigneusement surveillé…
Oh ! que c’est énervant ! Vous savez mille choses, je le sens, et vous ne voulez rien dire !
… Oui, l’électricité, cela ressemble beaucoup à l’hypnotisme. On s’en sert, et on ne sait pas ce que c’est. Mais peu à peu, à force de travail, d’observations, — grâce au hasard aussi, — on découvre à l’étincelle, aux courants, des énergies stupéfiantes et une… une portée incalculable…
Oh ! je voudrais assister à des expériences d’hypnotisme ! II existe des sociétés, n’est-ce pas, qui organisent des séances ? Comment cela se passe-t-il ?
Décidément, vous voudriez que je vous fasse un peu peur, pour rire ? Eh bien, non ; il ne faut pas rire de ces mystères-là. Quand vous serez revenue, nous en causerons sérieusement. Aujourd’hui, je vous le demande en grâce, parlons d’autre chose.
Soit ! Comme vous voudrez ; parlons d’autre chose. Seulement, en représailles, je garde la photographie !
Simone !
Il n’y a pas de Simone qui tienne ! Je la remets dans son tiroir. Tant pis pour vous. Vous n’aviez qu’à être plus franc avec moi.
Allons donc ! Est-ce qu’un homme peut être franc avec une femme !
Mais pourquoi pas ?
N’est-il pas poussé au mensonge par les nécessités de la vie quotidienne ? Vous imaginez-vous ce que seraient les rapports des hommes et des femmes entre eux, si le mensonge n’était pas à la base de leurs gestes, de leurs paroles, de leurs pensées ?
Mais oui ; j’imagine très bien le monde débarrassé du mensonge.
Vous plaisantez ! Sans le mensonge social, indispensable, où serions-nous en ce moment, vous et moi ?
Que voulez-vous dire ?
Rien… Au revoir, Simone.
Quoi ! Vous partez ?
Oui… Au revoir, ma petite Simone… Soyez heureuse là-bas !…
Comme votre voix tremble…
… Soyez heureuse, vous qui le pouvez ! Amusez-vous… Et pensez quelquefois à ceux qui restent, à ceux qui…
Eh bien ! Robert… Votre visage est bouleversé. Qu’avez-vous donc ?
Rien !
À bientôt. Robert… À mon retour.
Non !
Quoi ?
Non !… Je ne viendrai plus. Je ne veux plus vous revoir.
Mais pourquoi, Robert ? Pourquoi ?
Parce que je vous aime.
Robert !
Non, non, ne m’ordonnez pas de me taire ! Je n’en puis plus ! J’étouffe ! Je ne peux plus garder pour moi ce secret qui me tue ! Je vous aime, Simone ! Je vous aime depuis le premier jour où je vous ai vue !
Taisez-vous !
Ah ! ce premier jour ! Ce premier jour !… Nous avions été invités, Guillaume et moi, à passer la soirée chez les Morel…
Chez les Morel ?…
Oui. Une soirée de musique. Une soirée en votre honneur. Je me souviens. Je me souviens de tout !… Guillaume est venu me chercher en taxi. Sur le quai des Grands-Augustins, un autobus nous a frôlés. La voiture a fait une embardée. Guillaume m’a dit : « Nous l’avons échappé belle ! »… J’ai regretté souvent, depuis ce soir-là, que cet autobus ne nous ait pas broyés !
Ah ! ne dites pas une chose pareille ! Vous n'avez pas le droit de parler ainsi, Robert !
Et puis : le vide des jours qui ont suivi !… J'étais comme frappé de stupeur. Je ne travaillais plus. Je n’avais plus qu’une seule pensée : vous revoir !… Et, un matin, Guillaume qui frappe à ma porte et qui me dit : « Tu sais, la belle blonde de l’autre soir, qui jouait du piano chez les Morel… » — « Oui ! » — « Eh bien ! je l’épouse, mon vieux !… » Et voilà. C'était fait. Le malheur de ma vie était consommé !
Mon pauvre ami !
Ne me plaignez pas !… Votre mariage avec Guillaume était une chose toute naturelle… Guillaume est riche, n’est-ce pas ?
Ho ! Vous n’avez pas cru…
Un Darvières ! Qu’étais-je, auprès de mon camarade ? Un misérable petit architecte de quatre sous, une sorte de maçon distingué, — moins que rien, n’est-ce pas ?… Alors, il n’y avait rien à dire !… Et je n’ai rien dit.
Robert !
Je n’ai rien dit. Et j’ai même été témoin à votre mariage… Mais oui ; le sort a de ces ironies. J’ai mis des gants blancs et j’ai signé sur le registre, à la mairie, puis à l’église… « Tous mes vœux de bonheur ! » Bravo !… Ah ! ils étaient sincères, les vœux que je formais pour vous, à ce moment-là !
Robert, taisez-vous ! Vous me faites peur !
Peur ? Allons donc ! C’est à ce moment-là que vous auriez dû avoir peur, en devinant mon désespoir et mon affolement… Mais vous ne vous souciiez guère de moi ! Vous étiez toute à votre bonheur !… À votre bonheur !… Et peu vous importait qu'un misérable restât sur le quai, à se ronger les poings, tandis que le train vous emportait pour votre voyage de noces !… Ah ! si j’avais pu, à cet instant, vous arracher à Guillaume, m’enfuir avec vous !… Quelle joie ! Quelle joie !
Taisez-vous ! Mais taisez-vous donc !
Ah ! les semaines abominables ! Les semaines que vous ayez passées en Algérie, avec votre mari… J'ai tout essayé pour m’étourdir, durant ces semaines-là : les filles, le jeu… J’ai passé des nuits dans des bouges. J’ai fréquenté un tripot ; et j'ai gagné. Gagné ! Ça, c’était encore une des ironies du sort, ce gain tenace, cette chance qui s'accrochait à moi et qui m’accablait. « Heureux au jeu… » Ah ! Ah ! Toute la lie, quoi !… Et quand le jeu n'a plus suffi, quand l’alcool m’a dégoûté, je me suis rabattu sur les stupéfiants…
Oh !
Ça vous épouvante ? Il n’y a pas de quoi !
Robert, je vous en conjure…
Eh bien, rien n’y a fait ! Rien n’a pu me guérir de vous. Je me suis retrouvé, les nerfs à vif, mais aussi malheureux qu’auparavant… Tout ! Tout ! J’ai tout essayé, même les sciences maudites… Hélas ! Il n’y a pas de dérivatif possible à une peine comme la mienne. Je vous aime trop, Simone ! Je vous aime trop ! (Il tombe assis sur un fauteuil et sanglote convulsivement.)
Taisez-vous ! Si on vous entendait !
Et après ?… Cela m’est bien égal qu'on m'entende ! (Il la regarde avec une douloureuse intensité.) Je ne veux plus revenir ici ! Jamais ! Jamais ! (Elle tente vainement de se dégager. Il y a de la pitié dans sa faiblesse. Et puis, le regard profond de Robert retient le sien, malgré elle.) Ah ! vos yeux ! Vos yeux !… Baissez-les… Mais baissez-les donc ! Vous me faites mal… Vous prenez plaisir à me faire mal… Un mal horrible… Tournez la tête… Mais voulez-vous tourner la tête… Ah ! mon Dieu, qu’avez-vous ?… (Il laisse retomber les deux mains, et recule d’un pas ; car Simone, immobile et silencieuse, les yeux fixes, semble sa propre statue.) Qu'avez-vous ? Simone !… (À lui-même :) Non ! Non ! Ce n’est pas possible !… Comme cela ? Sans le vouloir ? Rien qu'en la fixant ?… Allons donc ! Elle simule !… (Appelant :) Simone !… (Il éprouve, d’une main experte, le front de la jeune femme, au-dessus des sourcils.) Si, pourtant ! Elle dort !… (Une mauvaise tentation contracte ses traits. Une lutte intérieure vient s’y révéler.) Non ! Il ne faut pas !… Ce serait infâme !… Et pourtant, pourtant…
(Impulsif, rejetant d’un geste toutes les objections de sa conscience, il se rapproche de Simone, et d’une voix autoritaire, plongeant son regard dans les yeux de la dormeuse :)
Simone ! Obéis-moi. Je le veux. Dans cinq semaines, tu seras de retour. Dans cinq semaines, à cette heure-ci, tu viendras chez moi. Et tu seras à moi. Toute à moi ! (Lui reprenant les mains pour un instant :) Réveillez-vous.
(Simone, qui a légèrement tressailli en recevant l’ordre criminel, sort peu à peu de l'hypnose. Elle porte une main à son front. Sa pose s’assouplit. Elle va sourire, inconsciente de ce qui vient de se passer. Robert, cachant son trouble, joue le jeu que lui dicte la situation.)
Eh bien, vous avez raison, Simone. C’est vrai. J’étais fou !
Ah ! enfin ! Vous voilà redevenu vous-même !… C'est que vous me faisiez peur, tout à l’heure, avec vos yeux brillants, vos gestes saccadés…
Je vous demande pardon.
Ah ! je vous pardonne bien volontiers ! Mais à une condition : c’est que jamais — vous m’entendez bien, Robert ! — jamais vous ne me reparlerez de toutes ces folies !
Je vous le promets.
C'est parfait. (On entend une porte se fermer.) Voilà Guillaume.
(Simone va jusqu’à la porte, au-devant de son mari.)
Scène 4
à la fin : LOUIS
Bonsoir, chérie !
Mon grand !
Tiens ! te voilà, toi !
Mais oui, mon vieux. Simone a bien voulu me retenir à dîner…
Elle a bien fait ! Et alors, quoi de neuf ?
Rien de sensationnel. Je suis tombé ici en plein branle-bas de départ, et j’ai joué une fois de plus mon rôle de raseur familier !
Que vas-tu chercher là ? Tu sais bien que tu n’es jamais de trop à la maison. N’est-ce pas, Simone ?
Bien sûr !
J’ai retenu ta place pour demain.
Tu n’as pas eu trop de peine ?
Ouais ! Tout est pris jusqu’au douze. Mais, avec un pourboire glissé à bon escient, on arrive toujours à se caser ! En ce moment, c’est comme un exode vers la Côte d’Azur.
Vous serez plus à l’aise quand vous reviendrez.
Certainement. Les gens restent sur la Riviera jusqu’à la fin du Carnaval, et c’est, je crois, une excellente idée de rentrer à Paris la veille même du mardi gras.
Vous n’êtes pas tentée de rester là-bas pour les fêtes ?
Ah ! non. J’ai horreur des mascarades. Tout ce bruit, ce mouvement, c’est si loin de la vraie joie !
La joie est comme le bonheur ; elle varie selon les tempéraments.
Vous avez raison. Je sais que, pour ma part, je ne la conçois que d’une seule manière : chez moi, dans ma maison, près de Guillaume.
Simone !
Il n’y a pas d’autre joie, il ne peut y en avoir d’autre… (Portant la main à son front :) … pour moi… (Sa main étreint son front, et son visage exprime la souffrance.)
Qu’est-ce qu’il y a ? Tu es toute pâle…
Rien… Une espèce de migraine… C’est extraordinaire ; ça m’a pris tout d’un coup…
Robert, veux-tu sonner ?
Certainement.
Tu t’es éreintée à vouloir mettre toi-même ta maison en état…
Oui… Oui… C’est cela, sûrement… C’est cela…
(Entre Louis.)
Vite, un cachet, un verre d’eau !
(Louis sort.)
(Simone lutte douloureusement contre l’angoisse mystérieuse qui l’envahit.)
Ma chérie ! Qu’est-ce qu’il y a ?… Simone !… Qu’est-ce que tu as ?
Je ne sais pas ! Je ne sais pas ! Je ne sais pas !
ACTE DEUXIÈME
Un atelier d’architecte, au rez-de-chaussée, à Montmartre. Au fond, à droite ; fenêtre donnant sur le boulevard. Porte à droite. À gauche, au bas d’une bibliothèque plaquée contre le mur, un divan. Près du divan, une petite table avec une lampe allumée. Dans le soir qui tombe, la chambre n’est éclairée que par la faible lumière de cette lampe et la clarté du feu qui brûle dans la cheminée. À la fin de l'acte, la nuit s’est faite complètement.
Au lever du rideau, Robert, soucieux, est assis sur une chaise, au coin de la cheminée.
Scène 1
Cela n’est pas possible… Cela n’est pas ! C’est un cauchemar… (Il se lève et va au hasard, lentement, autour des meubles. Puis, brusquement :) Ah ! j’étouffe ! J’étouffe ici !… (Il ouvre la fenêtre dont les rideaux flottent au vent. Un bruit de chants et de rires, venant de la rue, envahit la chambre.) Des chants ! Des masques ! Toute la gaieté grossière du Carnaval !… Quelle misère !… (Le bruit s’éloigne. Robert, laissant la fenêtre ouverte, prend un livre sur la petite table, le feuillette et lit :)
« Les secrets de la Mort sont terribles et sombres
« Et Jésus devant Elle a lui-même pâli.
« Sépulcre ! Qui dira, dans tes abîmes d’ombres,
« Ce qui s’est accompli ? »
La Mort !… (Il pose le livre et, avec épouvante :) La Mort !…
(Soudain, deux masques, déguisés en clowns, l’un noir, l’autre rouge, enjambent la barre d’appui de la fenêtre et font irruption dans l’atelier, bruyamment. À leur vue, Robert se lève, d’un jet.)
Scène 2
Bonjour !
Vôlez-vos jouer avec moâ ?
Quoi ? Qu’est-ce que c’est ?
Mais c’est nous !… Tiens ! pas très aimable avec les copains, aujourd’hui ! Pas vrai, Master Bob ?
Yes, Master !
Enfin, que voulez-vous ? Quelle est cette plaisanterie ?
Oh ! pardon !… Excusez-nous, Monsieur… C’est donc pas ici le sculpteur Pradel ?
Mais non, Messieurs ! Retirez-vous.
Nous sommes invités à la fête costumée…
Ce n’est pas ici. C’est là… dans le pavillon à côté…
On s’est trompés...
Voyant cette fenêtre ouverte…
Oui… oui… (Il désigne la porte.) L’atelier de Pradel est au fond du jardin. Passez par là. Ça vous évitera de faire le tour…
Monsieur… excuses…
C’est le Carnaval ; vous êtes tout excusés…
(Les deux masques sortent. Un temps, une bouffée lointaine de musique et de cris joyeux parvient aux oreilles. Robert s'est approché de la fenêtre.)
Le Carnaval !… Ils dansent… Ils chantent !…
(Il ferme la fenêtre avec violence. Tout se tait. Puis, dans ce calme, on frappe à la porte. Robert sursaute. On frappe de nouveau. Après une hésitation où se manifeste l'état nerveux de Robert, il va à la porte, anxieusement, et l'ouvre, d'abord en l’entre-bâillant, puis toute grande, quand il a reconnu le visiteur.)
Scène 3
Guillaume !
(Guillaume est en grand deuil. Il entre lentement, traverse l’atelier et va s’asseoir en silence sur le divan.)
Mon pauvre Guillaume !
Oui. Ton pauvre Guillaume. Je viens du cimetière. J'ai été prier.
Mon pauvre ami !
Je viens te dire adieu.
Comment, adieu ?
Oui. Je ne peux plus vivre ainsi. J’ai essayé… Mais non. Impossible !
Que vas-tu faire ? Voyager ?
Oui, c’est cela : voyager. Loin, Très loin.
Depuis cinq semaines… depuis l'affreux malheur, je t’attendais… puisque tu ne voulais recevoir personne…
Personne !
… Pas même moi…
Pas même toi ! (Se reprenant :) Je te demande pardon… Vois-tu, il ne faut pas m’en vouloir. Mon malheur m’a exaspéré. Je vis dans une sorte d’égarement… et aussi de révolte ! J’en veux au monde entier !… Je suis injuste, je le sais. Mais ma douleur est si atroce ! Il me semble que c’est de ma faute ; que j’aurais pu prévoir cette catastrophe ; que je n’aurais pas dû la laisser partir, elle que j’adorais, qui était toute ma vie… et que j’ai retrouvée brûlée, défigurée…
Ah ! Tais-toi !
Quel cauchemar ! qui me poursuivra jusqu’à ma tombe ! Quel calvaire !
Tais-toi ! Tais-toi !… (Un temps.) Lorsque j’ai appris par les journaux du soir, la terrible catastrophe du train par lequel ta femme était partie à Nice, j’ai couru chez toi… Tu savais déjà le malheur, tu n’étais plus là…
Oui. J'étais au Cercle quand j’ai entendu crier dans la rue l'épouvantable nouvelle. Je suis descendu comme un fou. Une auto passait. J’ai dit au chauffeur : « Laroche ! » Il ne comprenait pas. Il a fallu que je le supplie pour qu’il me conduise… Nous sommes arrivés le lendemain matin !… Ah ! mon pauvre ami, quelle horreur ! Quelle horreur !… Des heures et des heures, je me suis traîné parmi les décombres, les cadavres, pour chercher son corps… J’avais les vêtements, les mains rouges de sang… Ah ! ces faces défoncées ! Ces yeux crevés qui pendaient sur les joues broyées ! Ces mâchoires aux dents cassées, qui semblaient encore hurler au secours !… Tiens ! à un moment, parmi les débris, j’ai aperçu une main blanche qui se tendait vers moi, — une main de femme… Je l’ai prise… j’ai tiré… J’ai ramené la main avec le bras !… Et je n’ai jamais su à qui celle pauvre petite main-là appartenait.
C’est épouvantable !
Comment ai-je eu la force de continuer mes recherches à travers ce charnier ? Je ne sais pas ! Les ressources nerveuses sont inépuisables… Enfin, je l'ai reconnue… parmi les morts. On avait transporté son pauvre corps défiguré dans une salle de la gare. On l’avait recouvert d’un drap mortuaire… Tout mon bonheur tenait, sous ce linceul !…
Tu es sûr ?… C’était elle ?… Tu l’as bien reconnue ?
Oui.
Son visage ?…
Oh ! bien sûr, je n’ai pas reconnu ses traits… ni son corps… puisqu’elle était écrasée… Elle avait été serrée, paraît-il, entre deux banquettes…
Oh !
Oui, c’est horrible… Mais, à certains détails, je ne pouvais pas me tromper… Tiens, voilà ce que j’ai retrouvé sur elle.
Quoi ?
Ceci.
Un porte-cigarettes en or ? Mais cela pouvait appartenir à une autre femme. Si tu n'as trouvé que…
Et cela ?
Son petit sac !
Tu vois ! Il ne peut pas y avoir de doute. Tu reconnais toi-même que ce sac appartenait à Simone… Elle crispait — là — ses doigts raidis… Il a fallu briser les petits os pour avoir le sac !…
Ah !
Le lendemain, je suis reparti pour Paris avec le corps de ma pauvre chérie… Je l’ai fait enterrer dans notre caveau, auprès de ma mère. Je n’ai voulu avertir personne…
Et depuis, qu’as-tu fait ?
Depuis, je me suis enfermé chez moi. J’y ai connu des heures de révolte, de folie… J’étalais ses robes, ses bijoux, toutes les choses qu’elle a portées. Je les respirais. Et je restais là, des heures, comme un maniaque, comme un fou, à chercher le parfum de son âme, son âme si droite…
Oui, oui, c’était une adorable créature !
Tu ne peux pas savoir, toi !
Mais si ! C’est une affreuse perte…
Une perte irréparable !… (Un temps.) Tiens, regarde sa petite glace… Tu sais : cette petite glace qu’elle avait si peur de casser. Elle était là, intacte, — avec ce revolver, que je lui avais donné par précaution, à cause de la villa isolée de là-bas…
Il est chargé ?
Oui, il est chargé. Il y a là-dedans de quoi se défendre contre la vie, contre le souvenir, contre la douleur…
Guillaume !
… Et le jour où je ne pourrai plus la supporter, cette douleur…, ce jour-là… (Il appuie le canon du revolver contre sa poitrine.)
Guillaume !
La vie n’est plus possible ! Laisse-moi !
Tu es fou ! Je ne veux pas…
Tu n’as pas le droit de m’empêcher…
Si !
Puisque je te dis que je n’en peux plus !
À la longue, ta douleur s’apaisera. Guillaume, je t’en supplie, calme-toi !
Rends-moi ce revolver !
Non !
Si tu as un peu de pitié pour moi, rends-le-moi !
Plus tard. Quand tu seras tout à fait calme ; Guillaume, il faut vivre ! Du moins, il faut essayer de vivre !
Ah ! c’est fini, maintenant. Ma vie est brisée… Je l’aimais tant !… Adieu !
(Ils se serrent la main avec une grande émotion. Guillaume sort.)
Scène 4
La nuit est venue. La lampe et le foyer ne répandent sur la scène qu’une faible lumière rougeâtre. Beaucoup d’ombre dans les coins, derrière les choses.
Ma douleur vaut la tienne, va !… Mais moi, je n’ai pas le droit de la crier !… Quelle chose abominable, mon Dieu ! Aimer un être plus que tout au monde, le voir disparaître, et ne pouvoir crier la souffrance qu’on endure !
(Scène muette. Au paroxysme de la douleur, Robert semble lutter contre une tentation. Il hésite quelques instants, et se détermine. Il va s’asseoir sur le divan, fouille dans le tiroir de la petite table, prépare une seringue de Pravaz, relève sa manche gauche, et se fait une piqûre à l’avant-bras. Puis il rabat lentement sa manche, s’allonge à demi sur les coussins, et bientôt parle dans un rêve :)
On l’a trouvée… écrasée entre deux banquettes… Et… pour reprendre son sac, il a fallu… briser… les petits os… de ses doigts !… Ah ! je les entends craquer !…
Je ne veux pas… Je ne veux plus les entendre craquer ! (Il enfonce sa tête dans les coussins. Puis, saisi peu à peu par une idée désespérante :) Dire que si tu étais vivante…, je t’attendrais !… C’est le jour, c’est l’heure que je t’avais fixés…
(Sous une poussée de bourrasque, la fenêtre, mal refermée, s’ouvre tout à coup, les carreaux se brisent. Robert, horrifié, se dresse, hagard, comme si quelqu’un venait d’entrer avec le vent, — quelqu’un dont il semble fixer l’horreur, dans le vide, — quelqu’un qu’il écoute, dans le silence.)
Scène 5
Robert !… Robert !!… Robert !!!…
Qui est là ?
Moi, Simone.
Simone ?… Ce n’est pas vrai !
Si, c’est moi. Tu ne reconnais plus ma voix ?
Mais c’est impossible !
Je t’ai obéi.
Partez ! Partez !
C’est toi qui m’as ordonné… J’avais peur d’être en retard. J’ai eu tant de peine à sortir de là-bas !
Sortir de là-bas !… (Essayant de raisonner et s’armant de scepticisme :) Ah ! Ah ! c’est un cauchemar ! Il n’y a pas de loi qui prolonge au delà de la mort les ordres donnés dans l’hypnose !
Ah ! Ah ! Ah !… La mort !…
Va-t’en !
Tu me chasses ?
N’approchez pas !
Je t’ai obéi. Je serai à toi, toute à toi !
Oui, c’est un cauchemar abominable. (Mais il recule encore :) Grâce ! Va-t’en ! Grâce !
Es-tu coupable de quelque chose ?
Oui !… Par pitié, laisse-moi… laisse-moi !
Je t’appartiens, comme tu le voulais.
N’approchez pas !
L’amour doit survivre à tout, même à la mort !
Je vous ordonne de retourner là-bas…
On ne commande pas aux morts. On leur obéit.
Oh ! je me délivrerai de ce cauchemar ! Car c’est, c’est un cauchemar, une folie de mon cerveau !…
Tu ne peux plus rien contre moi : je suis morte.
Mais je puis vous échapper, moi ! moi qui suis vivant !
Toi, m’échapper ? Tu ne pourras pas. Je vais vers toi... Je vais vers toi...
(Robert, fou d’épouvante, recule encore devant l’irréelle visiteuse. Il heurte la petite table, tombe au pied du divan et entraîne dans sa chute la lampe, qui s’éteint. Ténèbres, où les lueurs du feu ne jettent qu’un rougeoiement.)
Ah ! non ! Pas cela !
Je vais vers toi !
(À ce moment, dans l’obscurité, les spectateurs distinguent, à leur tour, la vision qui est apparue à Robert : la morte hideuse qui, penchée vers lui, le touche déjà de ses mains décharnées.)
Non ! Pas cela ! Pas cela ! Laissez-moi ! Aaaah ! Non ! Pas cela !
(Il se tire un coup de revolver au cœur. Pendant qu’il expire, la vision s’efface avec la pensée qui l’a enfantée. On entend, par la fenêtre, les rires et les chants du Carnaval.)