L’Encyclopédie/1re édition/AVARICE

La bibliothèque libre.
Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 862).
◄  AVANTAGE
AVARIES  ►

AVARICE, s. f. (Morale.) Ainsi que la plûpart des passions, l’amour desordonné des richesses n’est vice que par son excès : corrigé par une sage modération, il redeviendroit une affection innocente. L’or ou l’argent étant, en conséquence d’une convention générale, la clé du commerce & l’instrument de nos besoins ; il n’est pas plus criminel d’en desirer, que de souhaiter les choses mêmes qu’on acquiert avec ces métaux.

Tout amour immodéré des richesses est vicieux, mais n’est pas toûjours avarice. L’avare, à proprement parler, est celui qui, pervertissant l’usage de l’argent, destiné à procurer les nécessités de la vie, aime mieux se les refuser, que d’altérer ou ne pas grossir un thrésor qu’il laisse inutile. L’illusion des avares est de prendre l’or & l’argent pour des biens, au lieu que ce ne sont que des moyens pour en avoir.

Ceux qui n’aiment l’argent que pour le dépenser, ne sont pas véritablement avares ; l’avarice suppose une extreme défiance des évenemens, & des précautions excessives contre les instabilités de la fortune.

L’avarice produit souvent des effets contraires : il y a un nombre infini de gens qui sacrifient tout leur bien à des espérances douteuses & éloignées ; d’autres méprisent de grands avantages à venir pour de petits intérêts présens. (X)