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La Cité de Dieu (Augustin)/Livre II/Chapitre VIII

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La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 30).
CHAPITRE VIII.
LES JEUX SCÉNIQUES, OÙ SONT ÉTALÉES TOUTES LES TURPITUDES DES DIEUX, LOIN DE LEUR DÉPLAIRE, SERVENT À LES APAISER.

Mais, dira-t-on, ce sont là des inventions de poëtes, et non les enseignements de la religion. Je ne veux pas répondre que ces enseignements sont encore plus scandaleux ; je me contente de prouver, l’histoire à la main, que ces jeux solennels, où l’on représente les fictions des poëtes, n’ont pas été introduits dans les fêtes des dieux par l’ignorance et la superstition des Romains, mais que ce sont les dieux eux-mêmes, comme je l’ai indiqué au livre précédent, qui ont prescrit de les célébrer, et les ont pour ainsi dire violemment imposés par la menace. C’est, en effet, au milieu des ravages croissants d’une peste que les jeux scéniques furent institués à Rome pour la première fois par l’autorité des pontifes. Or, quel est celui qui, pour la conduite de sa vie, ne se conformera pas de préférence aux exemples donnés par les dieux dans les cérémonies consacrées par la religion, qu’aux préceptes inscrits dans les lois par une sagesse toute profane ? Si les poëtes ont menti, quand ils ont représenté Jupiter adultère, des dieux vraiment chastes auraient dû se courroucer et se venger d’un pareil scandale, au lieu de l’encourager et de le prescrire. Et cependant, ce qu’il y a de plus supportable dans ces jeux scéniques, ce sont les comédies et les tragédies, c’est-à-dire ces pièces imaginées par les poëtes, où l’immoralité des actions n’est pas du moins aggravée par l’obscénité des paroles[1], ce qui fait comprendre qu’on leur donne place dans l’étude des belles-lettres, et que des personnes d’âge en imposent la lecture aux enfants.

  1. Comme par exemple dans les Atellanes, pièces populaires et bouffonnes dont les anciens eux-mêmes ont blâmé l’obscénité.