La Cité de Dieu (Augustin)/Livre IV/Chapitre IX

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La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 76).
CHAPITRE IX.
SI L’ON DOIT ATTRIBUER LA GRANDEUR ET LA DURÉE DE L’EMPIRE ROMAIN À JUPITER, QUE SES ADORATEURS REGARDENT COMME LE PREMIER DES DIEUX.

Mais laissons là, pour quelque temps du moins, la foule des petits dieux et cherchons quel a été le rôle de ces grandes divinités par qui Rome est devenue la dominatrice des nations. Voilà sans doute une œuvre digne de Jupiter, de ce dieu qui passe pour le roi de tous les dieux et de toutes les déesses, ainsi que le marquent et le sceptre dont il est armé, et ce Capitole construit en son honneur au sommet d’une haute colline.

« Tout est plein de Jupiter[1] »

s’écrie Virgile, et ce mot, quoique d’un poëte, est cité comme exactement vrai. Suivant Varron, c’est Jupiter qu’adorent en réalité ceux qui ne veulent adorer qu’un dieu sans image auquel ils donnent un autre nom[2]. Si cela est, d’où vient qu’on l’a respecté assez peu à Rome et ailleurs pour le représenter par une statue ? Superstition blâmée expressément par Varron, qui, tout entraîné qu’il pût être par le torrent de la coutume et par l’autorité de Rome, n’a pas laissé de dire et d’écrire qu’en élevant des statues aux dieux, on avait banni la crainte pour introduire l’erreur.

  1. Virgile, Eclog.iii, vers 60.
  2. Varron voulait-il parler du Jéhovah des Juifs ? c’est ce qui semble résulter de divers autres passages de saint Augustin. Voyez plus bas, ch. 31, et le traité De cons. Evangel., lib. i, n. 30.