LEÇON TREIZIÈME.
(Continuation de la Leçon précédente.)
Théorie des multiplicateurs des équations dérivées.
La manière la plus naturelle de trouver l’équation primitive d’une équation d’un ordre quelconque est de la préparer de façon que son premier membre devienne une fonction dérivée exacte ; car alors il n’y aura qu’à prendre sa fonction primitive et y ajouter une constante pour avoir l’équation primitive d’un ordre inférieur ; et, en opérant ainsi successivement, on pourra parvenir à l’équation primitive entre les deux variables et autant de constantes arbitraires que l’ordre de la proposée le comportera.
Or je vais prouver que cette préparation est toujours possible par le moyen d’un multiplicateur, lorsque l’équation dérivée de l’ordre est réduite à la forme
étant la plus haute des fonctions dérivées de
D’un côté, il est clair que cette réduction est toujours possible ou censée possible, quelle que soit la forme de l’équation proposée ; car il n’y a qu’à en tirer la valeur de en par les règles connues.
De l’autre côté, nous avons déjà observé plus haut que, quelle que puisse être l’équation primitive de l’ordre immédiatement inférieur, si l’on dégage la constante arbitraire, et qu’on prenne ensuite les fonctions dérivées, on a une équation dérivée où la plus haute des fonctions dérivées de ne sera qu’à la première dimension, et qui devra, par conséquent, être identique avec la proposée.
Ainsi, ayant réduit l’équation primitive à la forme
où est la constante arbitraire, on aura l’équation dérivée
laquelle, en séparant la partie qui se rapporte à la variation de d’après la notation abrégée indiquée dans la Leçon VI, peut se mettre sous la forme
d’où l’on tire
Comme la constante a disparu, cette équation devra être identique avec l’équation proposée, puisque la valeur de doit être la même dans les deux équations. Donc la fonction sera identique avec la fonction
Ajoutant de part et d’autre la quantité la fonction
deviendra identique avec la fonction
c’est-à-dire avec la fonction
Donc l’équation
étant multipliée par la fonction deviendra
en sorte que son premier membre sera une fonction dérivée exacte.
Ainsi il existe toujours une fonction d’un ordre inférieur à celui (le l’équation proposée, par laquelle cette équation étant multipliée, son premier membre devient une fonction dérivée exacte.
Comme cette proposition est fondamentale, et donne lieu à des conséquences importantes, nous allons la considérer sous un point de vue plus étendu.
Soit
l’équation primitive de la même équation dérivée
étant la constante arbitraire.
Par la théorie générale, on aura l’équation dérivée de la primitive supposée, en éliminant au moyen de l’équation
et de sa dérivée immédiate
étant regardée comme constante.
De là il est facile de conclure, comme ci-dessus, que la fonction
deviendra identique avec
en substituant ici, à la place de
sa valeur en
tirée de l’équation primitive.
Considérant donc comme une pareille fonction déterminée par l’équation primitive
on aura, pour la détermination de l’équation dérivée
laquelle, en séparant la partie qui se rapporte à suivant la notation employée ci-dessus, devient
d’où l’on tire
équation qui sera identique en substituantpour sa valeur en
Si donc on multiplie l’équation
par la fonction son premier membre deviendra une fonction dérivée exacte, dont la fonction primitive sera en supposant déterminé par l’équation
On est donc assuré, de cette manière, de l’existence d’un multiplicateur qui peut rendre le premier membre de l’équation proposée une fonction dérivée exacte.
La même équation identique nous fait voir aussi que ce multiplicateur n’est pas le seul qui jouisse de cette propriété, et nous donne en même temps le moyen de trouver tous les multiplicateurs qui auront la même propriété ; car il est évident que, le premier membre de l’équation devenant égal à il sera toujours une fonction dérivée exacte, étant multiplié par une fonction quelconque de et qu’il ne pourra l’être qu’autant que le multiplicateur ne contiendra que Donc le second membre deviendra aussi une fonction dérivée exacte, étant multiplié par une fonction quelconque de
D’où il est aisé de conclure que la formule générale de ce multiplicateur sera
dénotant une fonction quelconque de et la quantité étant une fonction de déterminée par l’équation primitive
étant ici la constante arbitraire ; car le premier membre de l’équation proposée de l’ordre ième deviendra, par la multiplication de la formule précédente, identique avec la quantité de sorte qu’en dénotant par la fonction primitive de on aura tout de suite l’équation primitive d’où l’on tirera aussi Or étant ici la fonction de qui résulte de l’équation
il est visible que l’équation n’est autre chose que cette même équation, dans laquelle on suppose que devient une constante arbitraire.
Ainsi, lorsqu’une équation dérivée de l’ordre ième est réduite à la forme
chaque équation primitive de l’ordre avec une constante arbitraire, fournit une infinité de multiplicateurs, tous renfermés dans une même formule, lesquels peuvent rendre le premier membre de l’équation une fonction dérivée exacte, et redonner la même équation primitive.
Si l’équation proposée n’est que du premier ordre, il n’y a alors qu’une seule équation primitive ; et par conséquent il n’y aura aussi qu’une seule formule de multiplicateurs.
Si l’équation proposée est du second ordre, nous avons démontré qu’elle est susceptible alors de deux différentes équations primitives du premier ordre ; chacune d’elles donnera donc une formule particulière de multiplicateurs ; mais on pourra aussi renfermer ces formules dans une formule plus générale encore.
Car, soit
l’équation proposée du second ordre, dont les deux équations primitives du premier ordre soient
et étant les deux constantes arbitraires.
En regardant ces deux quantités et comme des fonctions de déterminées par ces mêmes équations, on trouvera, par l’analyse exposée ci-dessus, les deux équations identiques
Soit maintenant une fonction quelconque de sa fonction dérivée sera représentée par de sorte qu’en multipliant la première des équations précédentes par la seconde par et les ajoutant ensemble, on aura
On aura ainsi cette formule générale pour le multiplicateur de l’éduation proposée
en supposant
et
déterminés par les deux équations
et le premier membre de l’équation deviendra alors de sorte que l’on aura sur-le-champ l’équation primitive
De même, si l’on prend une autre fonction quelconque et représentée par on en tirera de même l’équation primitive
Ces deux équations-donneront donc et égales à des constantes, quelles que soient les fonctions désignées par les caractéristiques et ce qui redonnera les mêmes équations primitives d’où l’on était parti ; d’où l’on voit comment ces équations se trouvent indépendantes des fonctions arbitraires qui peuvent entrer dans les multiplicateurs.
On peut appliquer cette théorie aux équations dérivées des ordres supérieurs au second, et en tirer des conclusions semblables.
On peut donc toujours trouver la forme générale des multiplicateurs lorsqu’on connaît les équations primitives ; mais, comme ces multiplicateurs fournissent eux-mêmes un moyen de parvenir aux équations primitives, il serait important de pouvoir les trouver a posteriori, d’après les équations dérivées. Euler et d’autres après lui se sont occupés de cette recherche ; mais c’est un de ces problèmes dont on ne saurait espérer une solution générale.
Pour donner un exemple de ce que nous venons d’exposer, prenons l’équation du second ordre
que nous avons trouvée plus haut. J’observe d’abord que, dans l’état où elle est, son premier membre est déjà une fonction dérivée exacte ; car, puisque
on a
de sorte qu’on peut la mettre sous la forme
d’où l’on tire, sur-le-champ, l’équation primitive du premier ordre
étant une constante arbitraire.
Pour avoir l’équation primitive de celle-ci, je cherche un multiplicateur qui rende son premier membre une fonction dérivée exacte, et il est facile de voir que cela aura lieu en divisant l’équation par de sorte que le multiplicateur sera
En effet, elle devient par là
et la fonction primitive du premier membre est
de sorte qu’on aura l’équation primitive
savoir, en multipliant par
étant une nouvelle constante arbitraire.
Cette équation, contenant ainsi deux constantes arbitraires et sera l’équation primitive complète de l’équation proposée du second ordre ; et l’on voit, en effet, qu’elle coïncide avec l’équation
d’où la proposée avait été dérivée, puisqu’il n’y a qu’à la diviser par et faire
Mais, au lieu de chercher, comme on vient de le faire, l’équation primitive de la primitive du premier ordre, on peut chercher une autre équation primitive de la proposée ; et, pour cela, j’observe que la fonction dérivée de est
ainsi, la proposée étant
on voit qu’en faisant son premier membre deviendra une fonction dérivée exacte, étant multipliée par ou par et l’on aura la nouvelle équation primitive
Combinant donc cette équation avec l’équation
trouvée précédemment, pour en éliminer on aura l’équation en et
qui, à raison des deux constantes arbitraires et sera aussi l’équation primitive complète de la proposée. En effet, elle se réduira à la même forme
étant divisée par et faisant