Le Sol et les Labours/Introduction de Paul Regnard

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Agriculture Générale
Librairie J.-B. Baillières et Fils (Le Sol et les Laboursp. 5-8).

INTRODUCTION


Si les choses se passaient en toute justice, ce n’est pas moi qui devrais signer cette préface.

L’honneur en reviendrait bien plus naturellement à l’un de mes deux éminents prédécesseurs :

À Eugène Tisserand, que nous devons considérer comme le véritable créateur en France de l’enseignement supérieur de l’agriculture : n’est-ce pas lui qui, pendant de longues années, a pesé de toute sa valeur scientifique sur nos gouvernements et obtenu qu’il fût créé à Paris un Institut agronomique comparable à ceux dont nos voisins se montraient fiers depuis déjà longtemps ?

Eugène Risler, lui aussi, aurait dû, plutôt que moi, présenter au publie agricole ses anciens élèves devenus des maîtres. Près de douze cents ingénieurs agronomes, répandus sur le territoire français, ont été façonnés par lui : il est aujourd’hui notre vénéré doyen, et je me souviens toujours avec une douce reconnaissance du jour où j’ai débuté sous ses ordres et de celui, proche encore, où il m’a désigné pour être son successeur[1].

Mais, puisque les éditeurs de cette collection ont voulu que ce fût le directeur en exercice de l’Institut agronomique qui présentât aux lecteurs la nouvelle Encyclopédie, je vais cher de dire brièvement dans quel esprit elle a été connue.

Des Ingénieurs agronomes, presque tous professeurs d’agriculture, tous anciens élèves de l’Institut national agronomique, se sont donné la mission de résumer, dans une série de volumes, les connaissances pratiques absolument nécessaires aujourd’hui pour la culture rationnelle du sol. Ils ont choisi pour distribuer, régler et diriger la besogne de chacun, Georges Wery, que j’ai le plaisir et la chance d’avoir pour collaborateur et pour ami.

L’idée directrice de l’œuvre commune a été celle-ci : extraire de notre enseignement supérieur la partie immédiatement utilisable par l’exploitant du domaine rural et faire connaître du mème coup à celui-ci les données scientifiques définitivement acquises sur lesquelles la pratique actuelle est basée.

Ce ne sont pas de simples Manuels, des Formulaires irraisonnés que nous offrons aux cultivateurs ; ce sont de brefs Traités, dans lesquels les résultats incontestables sont mis en évidence, à côté des bases scientifiques qui ont permis de les assurer.

Je voudrais qu’on puisse dire qu’ils représentent le véritable esprit de notre Institut, avec cette restriction qu’ils ne doivent ni ne peuvent contenir les discussions, les erreurs de route, les rectifications qui ont fini par établir la vérité telle qu’elle est, toutes choses que l’on développe longuement dans notre enseignement, puisque nous ne devons pas seulement faire des praticiens, mais former aussi des intelligences élevées, capables de faire avancer la science au laboratoire et sur le domaine.

Je conseille donc la lecture de ces petits volumes à nos anciens élèves, qui y retrouveront la trace de leur première éducation agricole.

Je la conseille aussi à leurs jeunes camarades actuels, qui trouveront là, condensées en un court espace, bien des notions qui pourront leur servir dans leurs études.

J’imagine que les élèves de nos Écoles nationales d’agriculture pourront y trouver quelque profit et que ceux des Écoles pratiques devront aussi les consulter utilement.

Enfin, c’est au grand publie agricole, aux cultivateurs, que je les offre avec confiance. Ils nous diront, après les avoir parcourus, si, comme on l’a quelquefois prétendu, l’enseignement supérieur agronomique est exclusif de tout esprit pratique. Cette critique, usée, disparaîtra définitivement, je l’espère. Elle n’a d’ailleurs jamais été accueillie par nos rivaux d’Allemagne et d’Angleterre, qui ont si magnifiquement développé chez eux l’enseignement supérieur de l’agriculture.

Successivement, nous mettons sous les yeux du lecteur des volumes qui traitent du sol et des façons qu’il doit subir, de sa nature chimique, de la manière de la corriger ou de la compléter, des plantes comestibles ou industrielles qu’on peut lui faire produire, des animaux qu’il peut nourrir, de ceux qui lui nuisent.

Nous étudions les manipulations et les transformations que subissent, par notre industrie, les produits de la terre : la vinification, la distillerie, la panification, la fabrication des sucres, des beurres, des fromages.

Nous terminons en nous occupant des lois sociales qui régissent la possession et l’exploitation de la propriété rurale.

Nous avons le ferme espoir que les agriculteurs feront un bon accueil à l’œuvre que nous leur offrons.

Dr Paul Regnard,
Membre de la Société nationale
d’Agriculture de France,
Directeur de l’Institut national
agronomique.

  1. Depuis que ces lignes ont été écrites, nous avons eu la douleur de perdra notre éminent maître, M. Risler, décédé, le 6 août 1005, à Calèves (Suisse), Nous tenons à exprimer ici les regrets profonds que nous cause cette perle, M. Eugène Risler laisse dans la science agronomique une œuvre impérissable.