Le salut est en vous/Table des matières

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Traduction par inconnu.
Perrin (p. 379-389).

TABLE DES MATIÈRES


CHAPITRE I
LA DOCTRINE DE LA NON-RÉSISTANCE AU MAL PAR LA VIOLENCE A ÉTÉ PROFESSÉE PAR LA MINORITÉ DES HOMMES DEPUIS L’ORIGINE DU CHRISTIANISME.
pages
Du livre : En quoi consiste ma foi : Communications provoquées par ce livre. — Lettre des quakers. — La proclamation de Harrison. — Adin Ballou, ses œuvres, son catéchisme. — Le Filet de la Foi, de Kheltchitsky. — Attitude du public à l’égard des ouvrages expliquant la doctrine du Christ. — Le livre : La Guerre, de Dymond. — Le livre de Musser: Non-resistance asserted. — Attitude du public à l’égard des insoumis au service militaire, en 1818. — Attitude hostile en général des gouvernements et des libéraux à l’égard des hommes qui refusent de participer aux violences gouvernementales, et leurs efforts pour faire le silence sur ces manifestations de la non-résistance chrétienne 3
CHAPITRE II
OPINION DES CROYANTS ET DES LIBRES-PENSEURS SUR LA NON-RÉSISTANCE AU MAL PAR LA VIOLENCE
Le sort du livre : En quoi consiste ma foi. — Les réponses dilatoires des critiques religieux sur les objections de ce livre. Première réponse : la violence n’est pas en contradiction avec le christianisme ; deuxième réponse : nécessité de la violence pour maîtriser les malfaiteurs ; troisième réponse : nécessité de la violence pour défendre le prochain ; quatrième réponse : la violation du précepte de la non-résistance, considérée comme une simple faiblesse ; cinquième réponse : inutilité de discuter une question déjà résolue depuis longtemps. — Ce mensonge appuyé sur l’autorité de l’église, son autorité et sa sainteté est pour les hommes religieux l’unique moyen d’échapper à la contradiction de la violence et du christianisme, en théorie comme en pratique. — Attitude générale du clergé et des autorités à l’égard de la profession du véritable christianisme. — Caractère général des critiques laïques russes. — Critiques laïques étrangères. — La fausseté des arguments des unes et des autres résulte de l’inintelligence de la véritable signification de la doctrine du Christ 34
CHAPITRE III
LE CHRISTIANISME MAL COMPRIS PAR LES CROYANTS
Le sens de la doctrine chrétienne, clair pour la minorité, est devenu absolument incompréhensible pour la majorité des hommes. La cause en est dans la fausse interprétation du christianisme et la conviction aussi bien des croyants que des non-croyants qu’ils le comprennent. — L’intelligence de la doctrine du Christ est cachée aux croyants par l’église. — Apparition de la doctrine chrétienne. — Son principe et ce qui la distingue des doctrines païennes. — Le christianisme incomplètement compris tout d’abord est devenu de plus en plus clair pour les hommes qui l’ont accepté, grâce à sa conformité avec la vérité. — En même temps s’est produite l’affirmation de l’intelligence du sens véritable de la doctrine, basée sur sa transmission miraculeuse. — L’assemblée des disciples d’après les Actes des apôtres. — L’affirmation autorisée et miraculeuse de la véritable intelligence de la doctrine a abouti logiquement à la reconnaissance du Symbole de la foi et de l’église. — L’église n’a pas pu être fondée par le Christ. — Les définitions de l’église d’après les catéchismes. — Les églises sont toujours multiples et toujours hostiles les unes aux autres. — Qu’est-ce que l’hérésie ? — Les ouvrages de M. Arnold sur l’hérésie. — Les hérésies sont des manifestations du mouvement dans les églises. — Les églises sèment la discorde entre les hommes et sont toujours hostiles au christianisme. — En quoi consiste l’action de l’église russe. — Saint Matthieu, XXIII-23. — Le Sermon sur la Montagne ou le Symbole de la foi. — L’église orthodoxe cache au peuple la véritable signification du christianisme. — Les autres églises agissent de même. — Toutes les conditions matérielles de la vie moderne sont telles qu’elles détruisent la doctrine de l’église, et c’est pourquoi les églises font tous leurs efforts pour maintenir leurs doctrines 54
CHAPITRE IV
LE CHRISTIANISME MAL COMPRIS PAR LES HOMMES DE SCIENCE
Attitude générale des hommes de la science à l’égard des religions. — Ce qu’est la religion et quelle est sa portée pour la vie de l’humanité. — Trois conceptions de la vie. — La doctrine chrétienne est l’expression de la conception divine de la vie. — L’inintelligence du christianisme par les hommes de la science, qui étudient ses manifestations extérieures, résulte de ce qu’ils l’examinent au point de vue de la conception sociale de la vie. — L’opinion résultant de cette inintelligence est que la doctrine du Christ est exagérée et irréalisable. — L’expression de la conception divine de la vie dans l’Évangile. — Le faux raisonnement des hommes de la science à l’égard du christianisme provient de leur conviction de posséder le moyen infaillible de reconnaître la vérité. D’où résultent deux malentendus relativement à la doctrine chrétienne. — Premier malentendu : l’irréalisation de la doctrine provient de ce qu’elle donne une orientation de la vie autre que celle de la doctrine sociale. — Le christianisme ne donne pas de règles, mais un idéal. — Le Christ ajoute à la force animale la conscience de la force divine. — Le christianisme ne semble exclure la possibilité de la vie que lorsque l’indication de l’idéal est prise pour une indication de règles. On ne peut pas abaisser un idéal. — La vie, d’après la doctrine du Christ, est le mouvement. — L’idéal et les commandements. — Deuxième malentendu relativement à la substitution de l’amour pour l’humanité à l’amour pour Dieu. — Les hommes de la science supposent que leur doctrine de l’amour pour l’humanité et le christianisme sont un. — La doctrine de l’amour pour l’humanité a pour base la conception sociale de la vie. — L’amour pour l’humanité découlant logiquement de l’amour de la personnalité n’a aucun sens parce que l’humanité est une fiction ; l’amour chrétien découlant de l’amour pour Dieu a pour objet non seulement l’humanité, mais le monde entier. — Le christianisme enseigne à vivre conformément à sa nature divine. — Il indique que l’essence de l’âme humaine est l’amour et que le bonheur de l’homme résulte de l’amour pour Dieu, qu’il reconnaît par son amour… 91
CHAPITRE V
CONTRADICTION ENTRE NOTRE VIE ET LA CONSCIENCE CHRÉTIENNE
Les hommes croient possible d’accepter le christianisme sans changer leur vie. — La conception païenne de la vie ne correspond plus à l’âge de l’humanité et, seule, la conception chrétienne peut lui convenir. — La conception chrétienne n’est pas encore comprise par les hommes, mais la vie elle-même les amène à la nécessité de l’accepter. — Les exigences d’une nouvelle conception semblent toujours incompréhensibles, mystiques et surnaturelles. — Telles sont aussi, pour la majorité des hommes, les exigences de la conception chrétienne. — L’assimilation de cette conception s’accomplira inévitablement, pour des causes matérielles et morales. — Par suite de ce que les hommes, connaissant les exigences de la conception supérieure, continuent à conserver les formes inférieures de la vie, se produisent des contradictions et des souffrances qui empoisonnent leur existence et exigent un changement. — Les contradictions de notre vie. — La contradiction économique et les souffrances qui en résultent, aussi bien pour les travailleurs que pour les riches. — La contradiction politique et les souffrances qui en résultent, par suite de l’obéissance aux lois de l’état. — La contradiction internationale et les écrivains modernes qui en ont conscience : Komarovsky, Ferri, Booth, Passy, Lawson, Wilson, Bartlet, Defourny, Moneta. — Acuité de la contradiction militaire… 117
CHAPITRE VI
LES HOMMES DE NOTRE MONDE ET LA GUERRE
Les hommes ne s’efforcent pas de supprimer la contradiction entre la vie et la conscience, en modifiant les conditions de l’existence, et les hommes instruits mettent tous leurs efforts à cacher les exigences de la conscience et à justifier leur manière de vivre ; ils entraînent ainsi la société vers l’état, non pas même païen, mais barbare. — L’attitude mal définie des hommes instruits vis-à-vis de la guerre, l’armement universel et le service obligatoire. — Les uns considérant la guerre comme un phénomène politique accidentel et facile à éviter par des mesures extérieures. — Le Congrès de la Paix. — L’article de la Revue des Revues. — La proposition de Maxime du Camp. — La valeur des tribunaux d’arbitrage et le désarmement. — Attitude des gouvernements vis-à-vis des hommes de cette catégorie et de leurs œuvres. — Les autres considérant la guerre comme un phénomène douloureux, mais inévitable. — Guy de Maupassant. — Édouard Rod. — Les troisièmes considérant la guerre comme un phénomène utile et nécessaire. — Camille Doucet. — Jules Claretie. — Émile Zola. — M. E. de Vogüé 144
CHAPITRE VII
SIGNIFICATION DU SERVICE OBLIGATOIRE
Le service obligatoire n’est pas un accident politique, mais la dernière limite de la contradiction qu’enferme la conception sociale de la vie. — Origine du pouvoir dans la société. — La base du pouvoir est la violence physique. — Pour accomplir ces violences, le pouvoir a besoin d’une institution particulière : l’armée. — Le pouvoir dans la société, c’est-à-dire la violence, détruit peu à peu la conception sociale de la vie. — Attitude du pouvoir et des masses populaires, c’est-à-dire des hommes soumis. — Les gouvernements s’efforcent de maintenir les ouvriers dans la conviction que la violence gouvernementale est nécessaire pour les protéger contre l’ennemi extérieur. — Mais l’armée est nécessaire surtout pour défendre le gouvernement contre ses propres sujets, les travailleurs opprimés. — Le discours de M. de Caprivi. — Tous les privilèges des classes dirigeantes sont assurés par la violence. — La progression de l’armée jusqu’au service obligatoire. — Le service obligatoire détruit tous les avantages de la vie sociale que l’état est appelé à garantir. — Le service obligatoire est la dernière limite de la soumission puisqu’il exige au nom de l’état le sacrifice de tout ce qui peut être cher à l’homme. — L’état est-il nécessaire. — Les sacrifices qu’il demande aux citoyens par le service militaire n’ont plus aucune raison. — Il vaut mieux pour l’homme ne pas se soumettre aux exigences de l’état que de s’y soumettre 181
CHAPITRE VIII
ACCEPTATION INÉVITABLE PAR LES HOMMES DE NOTRE MONDE DE LA DOCTRINE DE LA NON-RÉSISTANCE AU MAL
La doctrine du Christ n’est pas un recueil de lois, mais une nouvelle conception de la vie, c’est pourquoi elle n’est pas obligatoire et n’est pas acceptée par tous dans toute sa portée ; quelques-uns seulement l’ont admise dans sa véritable signification. — Le christianisme est de plus une prophétie de la disparition de la vie païenne et, par suite, de la nécessité d’adopter la conception chrétienne. — La non-résistance au mal par la violence est un des principes de la doctrine du Christ et doit être admise inévitablement par les hommes de notre époque. — Deux moyens de mettre un terme à toute lutte : le premier est de trouver des définitions générales du mal, obligatoires pour tous, et de lutter contre lui par la violence ; le deuxième — chrétien — est de ne pas employer du tout la violence contre le mal. — Quoique l’insuccès du premier moyen soit déjà constaté depuis les premiers siècles du christianisme, on a continué à l’appliquer et c’est seulement à mesure que l’humanité a avancé qu’il est devenu de plus en plus évident qu’il n’y a pas et ne peut y avoir de définition générale du mal. Aujourd’hui cela est évident pour tous et si la violence est toujours un moyen de lutter contre le mal, ce n’est pas parce qu’elle est toujours considérée nécessaire, mais parce que les hommes ne savent pas s’en affranchir. — La difficulté de cet affranchissement résulte de l’habileté avec laquelle le gouvernement emploie la violence. — La violence est maintenue par quatre moyens : l’intimidation, la corruption, l’hypnotisation et la force armée. — On ne peut pas s’affranchir de la violence gouvernementale par le renversement du gouvernement. — Par les épreuves de la vie païenne les hommes sont amenés à la nécessité d’adopter la doctrine du Christ, avec sa loi de la non-résistance au mal évitée jusqu’ici. — La conscience de la vérité de la doctrine chrétienne répandue dans notre monde amène aussi à cette nécessité. — Cette conscience se trouve en désaccord complet avec notre vie, ce qui est rendu particulièrement évident par le service obligatoire ; mais les hommes, sous l’influence de l’habitude et des quatre moyens de la violence gouvernementale, ne voient pas cette contradiction entre le christianisme et les obligations du soldat. Les hommes ne la voient pas même lorsque, avec une évidence complète, les autorités elles-mêmes montrent toute l’immoralité des devoirs du soldat. — L’appel sous les drapeaux est l’épreuve suprême pour chaque homme, c’est une proposition de choisir entre l’adoption de la non-résistance chrétienne et la soumission servile à l’organisation sociale actuelle. — Les hommes, en sacrifiant tout ce qui leur est sacré, se soumettent généralement aux exigences de l’organisation sociale et semblent ne pas voir d’autre issue. — Les hommes de la conception païenne de la vie n’ont et n’auront pas, en effet, d’autre issue, malgré toutes les horreurs de la guerre. — La société composée de tels membres doit périr ; aucune transformation sociale ne la sauvera. — La vie païenne est arrivée à ses dernières limites, elle se suicide 201
CHAPITRE IX
l’acceptation de la conception chrétienne de la vie préserve les hommes des malheurs de notre vie païenne
La vie extérieure des peuples chrétiens reste païenne, mais ils sont déjà pénétrés de la conscience chrétienne. — L’issue de cette contradiction est dans l’adoption de la conception chrétienne de la vie. — C’est par elle seule que l’homme est libre, c’est elle seule qui l’affranchit de tout pouvoir humain. — Cet affranchissement s’accomplit non pas par le changement des conditions extérieures de la vie, mais par la modification de la notion de la vie. — La conception chrétienne exige la suppression de la violence et, en affranchissant l’homme qui l’a adoptée, elle affranchit aussi le monde de tout pouvoir extérieur. — Le moyen de sortir de la situation actuelle, qui semble sans issue, est d’accepter et de pratiquer la conception chrétienne. — Mais les hommes considèrent cette voie comme trop longue et voient le salut dans le changement des conditions matérielles de la vie à l’aide du pouvoir gouvernemental. Cela ne conduira à rien parce que les hommes commettent eux-mêmes le mal dont ils souffrent. — Cela est rendu particulièrement évident par la soumission au service obligatoire, qu’il serait profitable pour chacun de refuser. — L’affranchissement des hommes ne s’accomplira que par l’affranchissement personnel de chaque individu, et les cas de cet affranchissement qui se produisent déjà menacent de renverser l’organisation sociale. — Le refus de se soumettre aux exigences antichrétiennes du gouvernement compromet son pouvoir et affranchit les hommes. — C’est pourquoi ces cas de refus sont plus menaçants pour les gouvernements que tous les complots et attentats. — Refus, en Russie, de prêter serment, de payer l’impôt, de prendre des passeports, d’occuper des fonctions de police, de participer à la justice, de servir dans l’armée. — Cas analogues dans les autres pays. — Les gouvernements ne savent quelle attitude prendre vis-à-vis des hommes qui refusent de se soumettre à leurs exigences, en se basant sur la doctrine chrétienne. — Ces hommes, sans lutter, détruisent intérieurement les bases gouvernementales. — Punir ces hommes, c’est renier soi-même le christianisme et aider à la propagation de la vérité au nom de laquelle ces refus sont faits. — C’est pourquoi la situation des gouvernements est désespérée, et les hommes qui prêchent l’inutilité de l’affranchissement personnel ne font que retarder la ruine de l’organisation sociale actuelle basée sur la violence 225
CHAPITRE X
INUTILITÉ DE LA VIOLENCE GOUVERNEMENTALE POUR SUPPRIMER LE MAL. — LE PROGRÈS MORAL DE L’HUMANITÉ S’ACCOMPLIT NON SEULEMENT PAR LA CONNAISSANCE DE LA VÉRITÉ, MAIS ENCORE, PAR L’ÉTABLISSEMENT DE L’OPINION PUBLIQUE.
Le christianisme détruit l’état. — Mais qu’est-ce qui est le plus nécessaire : le christianisme ou l’état ? — Il y a des hommes qui défendent la nécessité de l’organisation sociale, et d’autres qui la nient en se basant sur les mêmes arguments. — On ne peut prouver ni l’un ni l’autre par une argumentation abstraite. — Cette question décide du degré de la conscience de l’homme, qui lui défend ou lui permet de participer à l’organisation gouvernementale. — La conscience de l’inutilité et de l’immoralité de cette participation, contraire à la doctrine chrétienne, résout cette question pour chaque homme, abstraction faite de l’état. — Argument des défenseurs de l’état, nécessaire pour protéger les bons contre les mauvais jusqu’au moment où toutes les nations et tous les membres de chaque nation deviendront chrétiens. — Les plus mauvais sont toujours au pouvoir. — L’histoire de l’humanité est l’histoire de l’accaparement du pouvoir par les méchants au détriment des bons. — La reconnaissance par les autorités de la nécessité de lutter contre le mal par la violence équivaut à leur propre suicide. — La suppression de la violence gouvernementale ne peut pas augmenter le nombre des violences individuelles. — Non seulement il est possible de supprimer la violence, mais encore cela a lieu de nos jours. — Ce n’est pas par l’intervention gouvernementale qu’elle est supprimée, c’est par ce fait que les hommes, arrivant au pouvoir par la violence, en reconnaissent la vanité et deviennent meilleurs et moins aptes à employer la violence. — Par ce processus passent aussi bien les individus que les peuples entiers. — Par cette voie, le christianisme pénètre dans la conscience des hommes et cela non seulement malgré la violence employée par l’autorité, mais encore par son intermédiaire ; c’est pourquoi la suppression de l’autorité, loin d’être dangereuse, s’accomplit sans cesse par la vie elle-même. — Objection des défenseurs de l’organisation gouvernementale qu’il est douteux que l’extension du christianisme se réalise jamais. — La diffusion des vérités chrétiennes interdisant la violence s’accomplit non seulement par la voie intérieure, progressive, de la reconnaissance de la vérité, par le sentiment prophétique, par la conscience de la vanité du pouvoir et par l’abandon du pouvoir par des individus isolés, mais encore par la voie extérieure par laquelle de grandes masses d’hommes, inférieurs comme développement intellectuel, adoptent d’un coup, par la seule confiance pour les premiers, la nouvelle vérité. — La diffusion de la vérité arrivée à un certain degré crée une opinion publique qui oblige la grande masse des hommes, réfractaire jusqu’alors, à adopter d’un coup la nouvelle vérité. — C’est pourquoi la renonciation de tous les hommes à la violence peut se produire très vite et précisément au moment où s’établira l’opinion publique chrétienne. — La conviction de la nécessité de la violence empêche l’opinion publique chrétienne de s’établir. — La violence oblige les hommes à ne pas croire à la puissance morale qui seule les fait agir. — Ni les peuples ni les individus n’ont été soumis par la violence, mais seulement par l’opinion publique contre laquelle ne peut agir aucune force. — On ne peut soumettre les sauvages que par la propagation parmi eux de l’opinion publique chrétienne, tandis que les peuples chrétiens font tout pour détruire cette opinion publique chrétienne qui s’établit. — On ne peut pas citer ces tentatives infructueuses comme preuve de l’impossibilité de maîtriser les hommes par le christianisme. — La violence, en corrompant l’opinion publique, ne fait qu’empêcher l’organisation sociale de devenir ce qu’elle doit être. — En supprimant la violence, l’opinion publique chrétienne s’établirait. — Quoi qu’il arrive, en supprimant la violence, cet avenir inconnu ne peut pas être pire que la situation actuelle et, par suite, on ne doit pas le redouter. — Pénétrer l’inconnu et marcher à lui est le sens de la vie 248
CHAPITRE XI
LA CONCEPTION CHRÉTIENNE DE LA VIE NAÎT DÉJÀ DANS NOTRE SOCIÉTÉ ET DÉTRUIT INFAILLIBLEMENT L’ORGANISATION DE NOTRE VIE BASÉE SUR LA VIOLENCE. — QUAND CELA ARRIVERA.
La situation et l’organisation de notre société sont terribles, mais elles sont toujours maintenues par l’opinion publique, et c’est par elle aussi qu’elles peuvent être détruites. — Les hommes changent déjà d’opinion sur la violence, et le cercle de ceux qui sont prêts à servir le gouvernement se rétrécit de plus en plus, et les serviteurs même de l’état ont honte de leur position, au point de ne pas remplir souvent leurs obligations. — Tous ces faits sont des indices d’une opinion publique qui naît et qui, en se répandant de plus en plus, amènera finalement l’impossibilité de trouver des fonctionnaires. — Il devient en outre de plus en plus évident que les fonctions administratives et les hommes qui les occupent ne servent à rien. — Les hommes commencent déjà à comprendre l’inutilité de toutes les institutions de violence, et puisque quelques-uns l’ont déjà comprise, tous la comprendront. — Le moment de l’affranchissement des hommes est inconnu, mais il dépend des hommes eux-mêmes, et n’arrivera que lorsque chacun d’eux vivra de la lumière qui est en nous 274
CHAPITRE XII
CONCLUSION
FAITES PÉNITENCE, CAR LE RÈGNE DE DIEU EST PROCHE.
IL EST À NOTRE PORTE
1. — Rencontre d’un train qui amenait des soldats pour rétablir l’ordre parmi les paysans souffrant de la famine. — Cause du désordre. — Comment sont exécutées les décisions du pouvoir supérieur en cas d’insoumission des paysans. — L’affaire d’Orel comme exemple de violences et de meurtres commis pour faire respecter les droits des riches. — Tous les privilèges des riches se basent sur les mêmes violences. 290
2. — Composition du train de Toula et conduite des personnes qui s’y trouvaient. — Comment ces hommes peuvent commettre des actions semblables. — La cause n’en est ni dans l’ignorance, ni dans les convictions, ni dans la cruauté, ni dans le manque de sens moral. — Ils commettent ces actes parce qu’ils sont nécessaires pour le maintien de l’ordre de choses actuel qu’ils considèrent comme un devoir de défendre. — Sur quoi est basée l’assurance de la nécessité et de l’immutabilité du régime actuel. — Pour les classes supérieures, cette assurance est basée sur les avantages qu’elles en retirent. — Mais les hommes des classes inférieures, qui n’en retirent aucun profit et qui commettent de leurs propres mains, pour maintenir cet ordre de choses, des actes contraires à leur conscience, qui les force de croire à sa nécessité ? — La raison en est que les classes inférieures sont trompées par les classes supérieures en ce qui concerne la nécessité du régime actuel, de même qu’à l’égard de la légitimité des violences nécessaires pour son maintien. — Mensonge général. — Mensonge particulier : militarisme. — La conscription 301
3. — Comment les hommes admettent-ils la légitimité du meurtre en même temps qu’ils enseignent la morale, et comment admettent-ils l’organisation militaire qui menace sans cesse la sécurité publique ? — Seules les classes supérieures, pour lesquelles cette organisation est profitable, l’admettent. — Les classes supérieures l’admettent et les classes inférieures exécutent, malgré la conscience qu’elles ont de l’immoralité de la violence, parce que, grâce à l’organisation gouvernementale, la responsabilité de ces actes s’étend sur un plus grand nombre de complices et que chacun d’eux la rejette sur les autres. — En outre, l’inconscience de la responsabilité provient de l’inégalité des hommes et de l’aberration qui en résulte pour les supérieurs par le pouvoir et pour les inférieurs par la servilité. — L’état de ces hommes qui commettent des actes contraires à leur conscience est pareil à celui des hypnotisés agissant sous l’influence de la suggestion. — Quelle est la différence entre la soumission à la suggestion gouvernementale et la soumission à des hommes supérieurs par leur conscience et à l’opinion publique. — Le régime actuel, qui est né de l’ancienne opinion publique et qui est déjà en contradiction avec la nouvelle, ne se maintient que grâce à la torpeur de la conscience, produite par l’autosuggestion des classes supérieures et l’hypnotisation des classes inférieures — La conscience de ces hommes peut se réveiller et cela arrive quelquefois. — C’est pourquoi on ne peut pas dire si les hommes feront ce qu’ils se disposent à faire. — Tout dépend du degré de conscience de l’illégitimité des actes de violence et cette conscience peut se réveiller spontanément ou sous une influence des hommes plus conscients 321
4. — Tout dépend du plus ou moins de conscience qu’a chaque individu de la vérité chrétienne. — Mais les hommes avancés de notre époque ne considèrent pas comme nécessaire de rendre évidente pour tous la vérité chrétienne et de la pratiquer ; pour améliorer les conditions de la vie ils regardent comme suffisant de changer les conditions extérieures dans les limites permises par le pouvoir. — Sur cette théorie scientifique de l’hypocrisie, qui a remplacé l’hypocrisie religieuse, les classes riches basent la justification de leur situation. — Grâce à cette hypocrisie, employant la violence et le mensonge pour assurer leurs privilèges, les hommes des classes riches peuvent mutuellement se dire chrétiens et se tranquilliser. — La même hypocrisie permet aux hommes qui prêchent le christianisme de participer à un régime basé sur la violence. — Aucune amélioration extérieure de la vie ne la rendra pas moins misérable. La misère de cette vie provient de la désunion ; la désunion provient de ce qu’on suit le mensonge et non la vérité. — L’union n’est possible que dans la vérité. — L’hypocrisie empêche cette union, car les hommes se cachent à eux-mêmes et cachent aux autres la vérité qu’ils connaissent. — L’hypocrisie change en mal tout ce qui est destiné à améliorer l’existence. — L’hypocrisie dénature la notion du bien et du mal, c’est pourquoi elle est un obstacle à la perfectibilité des hommes. — Les malfaiteurs et les criminels déclarés font moins de mal aux hommes que ceux qui vivent par la violence légale dissimulée par l’hypocrisie. — Tous les hommes ont conscience de l’iniquité de notre vie et elle serait modifiée depuis longtemps si cette iniquité n’était pas dissimulée par l’hypocrisie. — Mais nous sommes arrivés — il le semble — à la limite extrême de l’hypocrisie et il suffirait d’un effort de conscience pour, comme l’homme dans un cauchemar, se réveiller à une autre réalité 342
5. — L’homme peut-il faire cet effort ? — D’après les théories hypocrites d’aujourd’hui, l’homme n’est pas libre de modifier sa vie. — L’homme n’est pas libre dans ses actes, mais il est libre dans la reconnaissance ou la négation de la vérité qui lui est déjà connue. — La vérité reconnue est la cause des actes. — Triple attitude de l’homme à l’égard de la vérité. — La cause de la prétendue insolubilité de la question de la liberté de l’homme. — La liberté de l’homme n’est que dans la reconnaissance de la vérité qui lui est dévoilée, il n’y a pas d’autre liberté. — La reconnaissance de la vérité donne la liberté et indique la voie que doit suivre l’homme volontairement ou involontairement. — La reconnaissance de la vérité et de la liberté réelle permet à l’homme de participer à l’œuvre de Dieu et d’être non pas l’esclave, mais le créateur de la vie. — Il suffirait aux hommes de renoncer aux soucis de l’amélioration des conditions extérieures de la vie et d’employer toute leur énergie à la reconnaissance et à la profession de la vérité qu’ils ont reconnue, pour que disparaisse aussitôt l’organisation sociale actuelle, si misérable, et que soit atteinte l’étape du règne de Dieu accessible aux hommes. — Il suffirait pour cela de cesser de mentir et de feindre. — Mais alors qu’est-ce qui nous attend dans l’avenir ? — Que deviendra l’humanité si elle se conforme aux indications de la conscience, et comment vivra-t-elle sans les conditions habituelles de la civilisation ? — L’anxiété de ces questions est écartée par cette raison que rien de vrai et de bon ne peut disparaître par la réalisation de la vérité, puisque la vérité ne fait disparaître que ce qui est faux 359
6. — Notre vie est arrivée aux dernières limites de la détresse et ne peut être améliorée par aucune organisation païenne. — Toute notre vie et toutes nos institutions n’ont aucun sens. — Faisons-nous bien ce que Dieu nous demande en conservant nos privilèges et nos obligations actuels ? — Nous nous trouvons dans cette situation, non parce que le monde est ainsi fait, parce que c’est inévitable, mais parce que nous le voulons, parce que c’est profitable à quelques-uns d’entre nous. — Notre conscience est en contradiction avec notre situation et nos actes, et l’issue est dans la reconnaissance de la vérité chrétienne : ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît. — Comme les obligations envers soi-même doivent être subordonnées aux obligations envers les autres, de même ces dernières doivent être subordonnées aux obligations en vers Dieu. — L’issue de notre situation est, sinon d’abandonner sa position et ses droits, du moins de reconnaître sa faute, ne pas la justifier et ne pas mentir. — L’unique sens de la vie est dans la reconnaissance et la profession de la vérité, tandis que la reconnaissance de la situation et de l’action gouvernementale enlève tout sens à la vie. — Dieu veut que nous le servions, c’est-à-dire que nous établissions la plus grande union de tous les êtres vivants, possible dans la vérité seule 370