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Les Jeux rustiques et divins/La Fontaine aux Cyprès

La bibliothèque libre.
Mercure de France (p. 22-23).


LA FONTAINE AUX CYPRÈS


 
La Fontaine pleura longtemps dans la forêt.
mon âme, savais-je que tu pleurerais ?
Me voici revenu pourtant et c’est le soir ;
Nulle rose ne s’enguirlande aux cônes noirs
Des cyprès qui dans l’eau mirent leurs larmes d’ombre.
La Nymphe qui chassait à travers le bois sombre
Le Cerf aux cornes d’or guetté par le Satyre
Est revenue aussi à cette onde et s’étire,
Plus lasse, et le beau cerf blessé est revenu
Boire à la vasque où je me suis un inconnu
À moi-même et j’entends mes larmes en tes larmes,
Ô Fontaine, et le bois funeste où nous errâmes
Fut la Vie où courait mon Désir poursuivant,
Dans la ronce rougie à notre triple sang,
La Nymphe qui chassait le Cerf aux belles cornes ;
Et tes pleurs souriaient, Fontaine, à ces jeux mornes

 
Entre les cyprès noirs où n’étaient pas écloses
De guirlandes, hélas ! qui dédieraient leurs roses
À tes eaux où le sang, hélas ! s’est mélangé
De la Nymphe et du Cerf et du triste Étranger !