Les Médailles d’argile/Pégase

La bibliothèque libre.
Les Médailles d’argileSociété du Mercure de France (p. 91-92).

PÉGASE


Regarde, haletant et farouche au soleil,
Se dresser devant toi le beau groupe vermeil.
L’étreinte des genoux presse le flanc fougueux,
Une brume d’or roux en fumée autour d’eux
Confond superbement en sa splendeur poudreuse
Le torse qui se cambre et le rein qui se creuse
Et mêle en un seul bloc de force et de clarté
Le Héros triomphant et Pégase dompté.
Vois-tu, terrestre encor, prêt à quitter le sol,
Ce cabrement déjà qui va devenir vol,
Car le divin cheval à son épaule éploie,
Faites de pourpre en flamme où la gloire flamboie,
Prodigieusement, deux ailes de lumière ?
Les cordes d’une lyre aux crins de la crinière
S’entremêlent. Debout toujours, toujours pareil,
Le beau groupe toujours cabre dans le soleil,
Immobiles tous deux, toujours sans qu’aucun bouge.

L’éblouissement nu de leur beauté d’or rouge ;
Et le soir est venu qu’ils étaient encor là ;
Mais, avec le soleil disparu, leur éclat
S’était éteint, laissant de leur splendeur vivante
Un bloc inerte et noir de songe et d’épouvante
Qui semblait à jamais se tordre dans la nuit.
Et quand, les bras tendus, je m’approchai de lui
Jusqu’à toucher du doigt le flanc et la crinière,
Je vis que le cheval et l’homme étaient de pierre.