Les Médailles d’argile/Stances

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Les Médailles d’argileSociété du Mercure de France (p. 184-185).

STANCES


L’hirondelle légère et la rose qui penche
Ont frôlé tes cheveux et caressé ta main,
Et ta vie est venue à la colline blanche
Parce que tu suivais les routes du matin.

Entre ; l’âtre t’accueille et la porte est ouverte ;
La fraîcheur de la paix émane des murs blancs,
Et la vigne qui monte au toit est encor verte.
Entre ; la maison douce est parée et t’attend ;

Mais la douce maison qui regarde l’aurore
S’ouvre aussi sur le soir, sur l’ombre et sur la nuit ;
La fleur se fanera que l’aube vit éclore ;
Le pampre rougira, vert encore aujourd’hui.


Et tu verras saigner les feuilles et les roses ;
L’aurore d’où tu viens mène au soir où tu vas.
Reste à l’âtre fidèle où la paix est éclose,
Ferme la porte lourde et ne la rouvre pas.

Car si tu le redescends de la colline claire
Où t’a mené ta vie en chantant au matin,
Tu trouveras bientôt, sournoise entre deux pierres,
La ronce qui se crispe et te mordra la main.

Et dans l’ombre mauvaise où rôdent les vents louches
Qui soufflent à la face et hurlent au talon,
Tu sentiras, avec leurs bouches à ta bouche,
L’aile d’un oiseau noir en griffes sur ton front.