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Les Martyrs/Remarques sur le livre III

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Garnier frères (Œuvres complètes de Chateaubriand, tome 4p. 366-377).

LIVRE TROISIÈME.

Voici le livre le plus critiqué des Martyrs. J’ose dire pourtant que si j’ai jamais écrit dans ma vie quelques pages dignes de l’attention du public, elles se trouvent dans ce même livre. Si l’on songe combien les deux premiers sont différents du troisième, et combien le quatrième diffère lui-même des trois premiers, peut-être jugera-t-on que j’aurois mérité d’être traité avec moins d’indécence. La difficulté du sujet, qui varie sans cesse, n’a point été appréciée. Le tableau complet de l’empire romain, une grande action, des scènes dans un monde surnaturel, voilà le fardeau qu’il m’a fallu porter sans que le lecteur s’aperçût de la longueur et des dangers du chemin.

Au reste, on a vu comment j’ai remplacé les discours des Puissances divines dans ce troisième livre. Les notes suivantes prouveront que les chicanes qu’on m’a faites étoient peu fondées en savoir et en raison.


1re Remarquepage 43.

Les dernières paroles de Cyrille montèrent au trône de l’Éternel. Le Tout-Puissant agréa le sacrifice.

Première transition de l’ouvrage. On a trouvé qu’elle lioit naturellement la fin du second livre au commencement du troisième, et pourtant elle amène une scène nouvelle et produit un livre tout entier.


2e. — page 43.

… flotte cette immense cité de Dieu, dont la langue d’un mortel ne sauroit raconter les merveilles.

« Raptus est in paradisum : et audivit arcana verba, quæ non licet homini loqui. » (Epist. iia ad Corinth., c. XII, v. 4.)

« Gloriosa dicta sunt de te, civitas Dei. » (Ps. lxxxvi, v. 3.)


3e. — page 43.

L’Éternel en posa lui-même les douze fondements, et l’environna de cette muraille de jaspe que le disciple bien aimé vit mesurer par l’ange avec une toise d’or.

Il est assez singulier qu’on ait pu croire, ou plutôt qu’on ait feint de croire que j’étois l’inventeur de toutes les pierreries que l’on voit dans le troisième livre.

Un auteur ne peut employer que les matériaux fournis par son sujet. S’il avoit à parler de l’Élysée des anciens, il ne pourroit y mettre que le Léthé, des bois de myrtes, une porte d’ivoire et une porte de corne ; s’il décrit un ciel chrétien, il est encore plus strictement obligé de suivre les traditions de l’Écriture. Alors il ne rencontre que des images empruntées de l’or, du verre, des diamants, et de toutes les pierres précieuses : tout ce qu’on doit exiger de lui, c’est qu’il fasse un choix. Que l’on ouvre donc les Prophètes, l’Apocalypse, les Pères, et l’on verra ce que j’ai écarté, et les écueils sans nombre que j’ai évités. Jamais je n’ai fait un travail plus pénible et plus ingrat. Au reste, le Tasse et Milton ont rempli comme moi leur ciel de perles et de diamants. Ce sont, si j’ose m’exprimer ainsi, des richesses inévitables pour quiconque est obligé de peindre un ciel chrétien. Je vais rassembler ici sous un seul point de vue les autorités, et le lecteur jugera de bonne foi de la loyauté et des connoissances de mes ennemis.

« Et habebat (civitas Dei) murum magnum et altum, habentem portas duodecim…

« Et murus civitatis habens fundamenta duodecim… Et qui loquebatur mecum habebat mensuram arundineam auream ut metiretur civitatem.

« Et erat structura muri ejus ex lapide jaspide : ipsa vero civitas aurum mundum, simile vitro mundo.

« Et fundamenta muri civitatis omni lapide pretioso ornata. Fundamentum primum, jaspis ; secundum, sapphirus ; tertium, chalcedonius ; quartum, smaragdus.

« Quintum, sardonyx ; sextum, sardius ; septimum, chrysolithus ; octavum, beryllus ; nonum, topazius ; decimum, chrysoprasus ; undecimum, byacinthus ; duodecimum, amethystus.

Et duodecim portæ, duodecim margaritæ sunt per singulas… et platea civitatis aurum mundum, tanquam vitrum perlucidum. » (Apocal., c. XXI, v. 12, 14, 15, 18, 21.)

« Et similitudo super capita animalium firmamenti, quasi aspectus crystalli…

« Et super firmamentum… quasi aspectus lapidis sapphiri similitudo turoni. » (Ezech., c. I, v. 22, 26.)

Voyons maintenant les poëtes :

Weighs his spread wings (Satan), at leisure to behold
Far off th’empyreal heav’n, extended wide
In circuit, undetermin’d square or round,
With opal tow’rs, and battlements adorn’d
Of living saphir, once his native seat :
And fast by hanging in a golden chain
This pendent world, in bigness as a star
Of smallest magnitude close by the moon.
(Milton, Parad. lost, book ii, 1046.)

Now in loose garlands thick thrown off, the bright
Pavement, that like a sea of jasper shone,
Impurpled with celestial roses smil❜d.
(Book iii, 362.)


Far distant he descries
Ascending by degrees magnificent
Up to the wall of heav’n a structure high ;
At top whereof, but far more rich appear’d
The work as of a kingly palace gate,
With frontispiece of diamond and gold
Embellish’d ; thick with sparkling orient gems
The portal shone, inimitable on earth
By model, or by shading pencil drawn.
(Book iii, 501.)

Nous verrons le Tasse, dans une note plus bas, donner à Michel une armure de diamant.

Que deviennent donc les bonnes plaisanteries sur la richesse de mon ciel et la pauvreté que prêche mon Dieu ? N’ai-je pas été beaucoup plus avare de magnificences que l’Écriture et les poëtes qui ont décrit avant moi le séjour des justes ? Il est probable, après tout, que ce n’est pas de moi dont on vouloit rire ici : cela supposeroit dans les critiques une trop profonde ignorance. Je les liens pour habiles, l’impiété leur restera.


4e. — page 43.

Revêtue de la gloire du Très-Haut, l’invisible Jérusalem est parée comme une épouse pour son époux.

« Veni, et ostendam tibi sponsatam uxorem Agni.

« Ostendit mihi civitatem sanctam Jerusalem, descendentem de cœlo a Deo. » (Apocal., c. xxi, 9, 10.)


5e. — page 43.

Cette architecture est vivante.

Milton dit aussi living saphir.

La cité de Dieu est l’épouse mystique : elle descend du ciel, etc. Toutes ces pierres précieuses sont prises, et doivent être prises dans un sens allégorique. « Ces diverses beautés, dit Sacy, représentent les dons divers que Dieu a mis dans ses élus, et les divers degrés de la gloire des saints. Plusieurs interprètes appliquent les propriétés de chacune de ces pierres aux vertus de chaque apôtre. » (Apocal., c. xxi.)


6e. — page 44.

Un fleuve découle du trône du Tout-Puissant.

On lisoit dans les premières éditions quatre fleuves. J’avois voulu rappeler le paradis terrestre. Je suis revenu à une image plus fidèle à la lettre de l’Écriture.

« Et ostendit mihi fluvium aquæ vitæ, splendidum tanquam crystallum, procedentem de sede Dei et Agni. » (Apocal., cap. XXI, v. 4.)


7e. — page 44.

Et font croître, avec la vigne immortelle, le lis semblable à l’épouse, les fleurs qui parfument la couche de l’époux.

« Je suis la vraie vigne. » (Évang.)

« Bostrus Cypri dilectus meus mihi, in vineis Engaddi. » (Cant., c. i, v. 12.)

« Sicut lilium inter spinas, sic amica mea inter filias. » (Cant., c. ii, v. 2.)

« Lectulus noster floridus. » (Cant., c. i, v. 16.)


8e. — page 44.

L’arbre de vie s’élève sur la colline de l’encens.

« In medio plateæ ejus, et ex utraque parte fluminis lignum vitæ, afferens fructus. » (Apocal., c. XXII, v. 2.)

La colline de l’encens.

« Ad montem myrrhæ, et ad collem thuris. » (Cant., c. iv, v. 16.)

J’espère qu’on ne me reprochera plus des descriptions où il n’y a pas un mot sans une autorité, et pourtant il m’a fallu trouver dans ces passages si courts de l’Écriture le germe de ma composition et les couleurs de mes tableaux. C’est ce qu’une critique éclairée auroit remarqué, sans s’arrêter à me chicaner sur un fonds qui n’est pas à moi.

J’ai été bien mal attaqué : ce n’étoit pas comme cela que m’ont combattu les censeurs du Génie du Christianisme. Au moins étoient-ce des littérateurs éclairés, qui savoient distinguer l’œuvre de la matière de l’œuvre.


9e. — page 44.

Les deux grands ancêtres du genre humain.

Ceci est de moi, et on l’a trouvé bon.


10e. — page 44.

La lumière qui éclaire ces retraites fortunées.

Ce passage sur la lumière du ciel a été généralement approuvé. J’avois deux comparaisons à craindre : l’une, avec les vers de Virgile sur les astres des champs Élysées ; l’autre, avec le beau morceau de Télémaque sur la lumière qui nourrit les ombres heureuses. Il falloit ne point ressembler à ces deux modèles, et trouver quelque chose de nouveau dans un sujet épuisé. Au reste, je ne m’écarte point des autorités sacrées : on va le voir.


11e. — page 44.

Aucun astre ne paroît sur l’horizon resplendissant.

« Et civitas non eget sole, neque luna, ut luceant in ea ; nam claritas Dei illuminavit eam. » (Apocal., c. xxi, 23.)


12e. — page 44.

C’est dans les parvis de la cité sainte.

Ici commence le morceau sur les fonctions des anges et le bonheur des élus, que plusieurs critiques regardent comme ce que j’ai écrit de moins faible jusque ici.

Quant aux fonctions des anges, je n’ai plus rien à ajouter à l’explication que j’ai donnée de cette admirable doctrine. Observons seulement que sur l’office des anges auprès des plantes, des moissons, des arbres, etc., on a l’opinion formelle d’Origène. (Cont. Cels., lib. VIII, p. 398-9.) Quant au bonheur des élus, mon imagination étoit plus à l’aise, et j’ai pu, sans blesser la religion, me livrer davantage à mes propres idées : encore va-t-on voir que je me tiens dans les justes bornes des autorités.


13e. — page 44.

Nés du souffle de Dieu, à différentes époques.

Plusieurs Pères ont cru que les anges n’ont pas tous été créés à la fois, et j’ai suivi cette opinion : elle est conforme à la puissance de Dieu, toujours en action. Selon saint Jean Damascène, il y a plusieurs sentiments sur le temps de la création des anges. (De Fide, lib. ii, cap. iii.) Saint Grégoire de Nysse croit que les anges se sont multipliés ou ont été multipliés par Dieu. (De Hominis opificio, p. 90-94, tom. I.)


14e. — page 45.

Le souverain bien des élus.

Je me suis demandé quel seroit le suprême bonheur s’il étoit en notre puissance. Il m’a semblé qu’il se trouveroit dans la vertu, l’héroïsme, le génie, l’amitié noble et l’amour chaste, tout cela uni et prolongé sans fin. Je puis me tromper, mais mon erreur est pardonnable. Au reste, saint Augustin appuiera ce que je dis ici sur l’amitié et sur l’éternité du bonheur :

« In æterna felicitate, quidquid amabitur aderit ; nec desiderabitur quod non aderit ; omne quod ibi erit bonum erit ; et summus Deus summum bonum erit, atque ad fruendum amantibus præsto erit ; et quod est omnino beatissimum ita semper fore certum erit. » (Trinit., cap. vii.)


15e. — page 45.

Tantôt les prédestinés, pour mieux glorifier le Roi des rois, parcourent son merveilleux ouvrage.

Toute l’Écriture dit que les justes contempleront les ouvrages de Dieu, et l’abbé Poule, suivant comme moi cette idée, s’écrie :

« Ils ne seront plus cachés pour nous, ces êtres innombrables qui échappent à nos connoissances par leur éloignement ou par leur petitesse ; les différentes parties qui composent le vaste ensemble de l’univers, leur structure, leurs rapports, leur harmonie : ils ne seront plus des énigmes pour nous, ces jeux surprenants, ces secrets profonds de la nature, ces ressorts admirables que la Providence emploie pour la conservation et la propagation de tous les êtres. » (Sermon sur le Ciel.)

Milton, qui a peint les demeures divines au moment de la création du monde, n’a pu représenter le bonheur des saints. Voici le tableau du ciel dans La Jérusalem ; on peut comparer et juger :

Gli occhi frattanto alla battaglia rea
Dal suo gran seggio il Re del ciel volgea.

Sedea colà dond’ egli e buono e giusto
Dà legge al tutto, e’l tutto orna e produce ;
Sovra i bassi confin del mondo angusto,
Ove senso o ragion non si conduce :
E dell’eternità nel trono augusto
Risplendea con tre lumi in una luce.
Ha sotto i piedi il Fato e la Natura,
Ministri umili ; e’l moto, e chi’l misura ;

E’lloco ; e quella che, qual fumo o polve,
La gloria di quaggiuso e l’oro e i regni,
Come piace lassù, disperde e volve,
Nè, Diva, cura i nostri umani sdegni.
Quivi ei così nel suo splendor s’involve,
Che v’abbaglian la vista anco i più degni ;
D’ intorno ha innumerabili immortali,
Disegualmente in lor letizia eguali.

Al gran concento de’ beati carmi
Lieta risuona la celeste reggia.

Chiama egli a se Michele, il quai nell’ armi
Di lucido diamante arde e lampeggia :
E dice lui : non vedi or come s’ armi
Contra la mia fedel diletta greggia
L’empia schiera d’Averno, e insin dal fondo
Delle sue morti a turbar sorga il mondo ?

Va ; dille tu, che lasci omai le cure
Della guerra ai guerrier, cui ciò conviene ;
Nè il regno de’ viventi, nè le pure
Piagge del ciel conturbi ed avvelene
Torni alle notti d’Acheronte oscure,
Suo degno albergo, alle sue giuste pene ;
Quivi se stessa, e l’anime d’Abisso
Crucii. Così comando, e così ho fisso.
(Gerus. lib., canto ix, stanz. 55.)

Si j’avois écrit quelque chose d’aussi sec, si j’avois fait parler Dieu si froidement, si longuement, si peu noblement pour si peu de chose, comme j’aurois été traité ! Qu’on lise encore Le Paradis du Dante. J’ose dire qu’on a prononcé sur le troisième livre des Martyrs sans la moindre connoissance de cause et sans la moindre justice. Mais qu’importe ? le parti étoit pris, et s’il eût été nécessaire, on m’auroit mis au-dessous de Chapelain et du père Lemoine.


16e. — page 46.

Asaph, qui soupira les douleurs de David.

Asaph étoit le chef des musiciens qui devoient chanter devant l’arche des psaumes de David ; il a composé lui-même plusieurs cantiques, et l’Écriture lui donne le nom de prophète. (Voyez D. Calmet.)


17e. — page 46.

Et les fils de Coré.

On ne sait si les fils de Coré descendoient de ce Coré qui périt dans sa rébellion contre Moïse, ou s’ils étoient les enfants de quelque lévite du même nom. Quoi qu’il en soit, on les trouve nommés à la tête de plusieurs psaumes, comme devant les chanter dans le tabernacle. Les divers instruments que je soumets à Asaph et aux fils de Coré semblent indiqués par quelques mots hébreux à la tête des psaumes.


18e. — page 46.

Les fêtes de l’ancienne et de la nouvelle Loi sont célébrées tour à tour.

Saint Hilaire dit positivement que les anges célèbrent dans le ciel différentes solennités (in Ps., p. 281). Théodoret assure que les anges remplissent des fonctions dans les saints mystères (de Hœres., lib. v, num. 7). Milton a suivi comme moi cette opinion.


19e. — page 47.

Marie est assise sur un trône de candeur.

Cette description est fondée sur une histoire et sur une doctrine dont tout le monde connoît les autorités.


20e. — page 47.

Des tabernacles de Marie on passe au sanctuaire du Sauveur des hommes.

Ici se trouvoient les cent degrés de rubis qui ont fait faire des plaisanteries d’un si bon goût à des esprits délicats. On a vu, dans la note iiie, que Milton a placé aussi un grand escalier de diamant à la porte du ciel : c’est de là que Satan jette un premier regard sur la création nouvelle. On convient que c’est un des plus beaux morceaux de son poëme. Ainsi les Prières boiteuses doivent être aussi bien fatiguées, quand elles entrent dans le Paradis de Milton. Il est triste de voir la critique descendre si bas. Au reste, j’ai coupé court à ces ignobles bouffonneries, en retranchant deux lignes qui ne faisoient pas beauté.


21e. — page 47.

Il est assis à une table mystique : vingt-quatre vieillards, etc.

Personne n’ignore que cette table et ces vieillards se trouvent dans l’Apocalypse. Veut-on avoir une idée juste du choix que j’ai fait des matériaux ? qu’on lise le même passage dans saint Jean. On y verra des cheveux de laine blanche, une mer de verre très-clair, des animaux étrangers, etc. Une critique impartiale m’eût loué de ce que j’ai omis, en observant que je n’ai pas employé un seul trait qui ne soit approuvé par le goût. Franchement je suis humilié d’avoir si souvent et si pleinement raison.


22e. — page 47.

Près de lui est son char vivant.

« Totum corpus oculis plenum in circuitu ipsarum (rotarum) quatuor… spiritus vitæ erat in rotis » (Ezech., cap. i, v. 18, 20). « Species autem rotarum erat quasi visio lapidis chrysolithi » (cap. x).

Milton a décrit le char du Messie d’après cette autorité.


23e. — page 47.

Les élus tombent comme morts devant sa face.

« Cecidi ad pedes ejus tanquam mortuus. Et posuit dexteram suam su me, dicens : Noli timere : ego sum primus et novissimus. » (Apocal., cap. v, 17.)


24e. — page 48.

Là sont cachées les sources des vérités incompréhensibles.

Je ne pouvois me dispenser de dire un mot de ces hautes vérités métaphysiques qui distinguent les dogmes chrétiens des mystères ridicules du paganisme, et qui donnent à notre ciel cet air de grandeur et de raison si convenable à la dignité de l’homme. Cela a été senti par tous les poëtes qui m’ont précédé ; c’est pourquoi ils ont omis, très-mal à propos, l’espace, la durée, etc., aux pieds de Dieu. Je ne sais si j’ai mieux réussi.


25e. — page 48.

Le Père tient un compas à la main, etc.

Je suis ici les idées des peintres et des poëtes. On a beaucoup loué Milton d’avoir imaginé le compas d’or avec lequel Dieu trace la création dans le néant. Il me semble que l’idée primitive appartient à Raphaël. Milton l’aura prise au Vatican. On sait qu’il voyagea en Italie, et qu’il pensa se faire une querelle sérieuse à Rome, en disputant sur la religion.


26e. — page 48.

À la voix de son vénérable martyr, le Christ s’inclina devant l’arbitre des humains.

Ici commencent dans les éditions précédentes les discours des Puissances : c’est au lecteur à juger si j’ai fait un changement heureux. J’ai été obligé de conserver la substance de ces discours, puisque ces discours sont l’axe sur lequel tourne toute ma machine : ils n’auroient jamais dû être examinés que sous ce rapport ; mais il semble qu’on n’entende plus rien à la composition d’un ouvrage.


27e. — page 49.

Le moment est arrivé où les peuples, soumis aux lois du Messie, etc.

Exposition du sujet, cause de la persécution.


28e. — page 49.

Les justes connoissent ensuite l’holocauste demandé et les conditions qui le rendent agréable au Très-Haut.

Choix du héros et motif de ce choix.


29e. — page 50.

En lui la religion va triompher du sang des héros païens et des sages de l’idolâtrie ; en lui seront honorés par un martyre oublié de l’histoire ces pauvres ignorés du monde.

Ceci est ajouté, d’après la critique très-fondée d’un homme de talent, qui trouvoit, avec raison, que je n’avois pas assez insisté sur cette idée. Par là mon personnage d’invention acquiert toute l’importance nécessaire à mon sujet.


30e. — page 50.

Âme de tous les projets des fidèles, soutien du prince qui renversera les autels des faux dieux, etc.

Voilà tout le rôle d’Eudore tracé et la victoire de Constantin formellement annoncée.


31e. — page 50.

Il faut encore que ce chrétien appelé ait scandalisé l’Église.

Préparation aux erreurs du héros.


32e. — page 50.

L’ange du Seigneur l’a conduit par la main, etc., etc.

Voilà le récit : la religion d’Eudore, ses voyages, Velléda, Paul ermite, etc. ; voilà cent fois plus de motifs qu’il n’en faut pour autoriser le héros à raconter son histoire, et voilà surtout ce qui lie essentiellement le récit à l’action.


33e. — page 50.

Cette victime sera dérobée au troupeau innocent des vierges, etc.

Voilà pourquoi Cymodocée est païenne, pourquoi elle est fille d’Homère et prêtresse des Muses, etc. On doit remarquer ici un changement considérable. Cymodocée n’est point demandée par un décret irrévocable, et elle n’aura ni le mérite ni l’éclat de la première victime. Ainsi, je pourrai montrer la fille d’Homère un peu foible, selon la nature, sans blesser les convenances de la religion, etc.

Je demande si un juge équitable et un homme sans passion peuvent trouver quelque chose de raisonnable à dire contre un morceau qui fait naître et justifie tout l’ouvrage ? Une phrase nouvelle introduite ici sur les anges : « Il leur confie l’exercice de sa miséricorde, » prépare le lecteur au rôle que les messagers de Dieu joueront dans la suite.


34e. — page 51.

Les palmes des confesseurs reverdissent dans leurs mains.

Ce mouvement du ciel a semblé plaire à des hommes de goût ; ils ont trouvé qu’il ranimoit bien le tableau en finissant.


35e. — page 51.

Entre Félicité et Perpétue.

Fameuses martyres, qui furent exposées, dans l’amphithéâtre de Carthage, aux attaques d’une génisse furieuse. Perpétue n’est point ici placée au hasard ; elle reparoîtra au dénoûment, dans le vingt-quatrième livre.


36e. — page 51.

Les chérubins roulent leurs ailes impétueuses.

« Et sonitus alarum cherubim audiebatur usque ad atrium exterius. » (Ezech., cap. x.)


37e. — page 51.

Qui présentent à sa bénédiction deux robes nouvellement blanchies.

Allusion à la catastrophe.


38e. — page 51.

Gloire à Dieu dans les hauteurs du ciel, etc.

« Gloria in excelsis Deo, et in terra pax hominibus bonæ voluntatis… Agnus Dei, qui tollis peccata mundi. » S’il est facile de donner un tour ridicule aux choses les plus graves, on voit qu’il est plus aisé encore de laisser aux choses nobles en elles-mêmes leur noblesse. Plusieurs personnes auront lu peut-être ce chant religieux, sans se douter qu’elles lisoient le Gloria in excelsis, tant il est vrai que l’expression fait tout ! Il y a dans le reste de Thymne quelques imitations des Psaumes, surtout du LXXIIe, mais tellement appropriées à mon sujet et mêlées à mes propres idées, que je puis les réclamer comme à moi. Le cantique est tourné de manière qu’il s’applique à la persécution prochaine et aux destinées du martyr. « Ô miracle de candeur et de modestie ! vous permettez à des victimes sorties du néant de vous imiter, de se dévouer… Heureux celui à qui les iniquités son : pardonnées et qui trouve la gloire dans la pénitence ! etc. » Ainsi le sujet n’est jamais oublié.