Aller au contenu

Les caisses populaires

La bibliothèque libre.
Cie. D'Imprimerie Ottawa (p. Titre-20).

M. ALPHONSE DESJARDINS,
Président-Fondateur de « La Caisse Populaire de Lévis »,
Directeur Général de « L’Action Populaire Économique. »


Les Caisses Populaires



CONFÉRENCE DONNÉE DEVANT LES DÉLÉGUÉS DE L’ASSOCIATION
CANADIENNE FRANÇAISE D’ÉDUCATION D’ONTARIO


le 15 février 1912.





LA CIE D’IMPRIMERIE OTTAWA
Rue Mosgrove,
Ottawa.

LES CAISSES POPULAIRES


Conférence donnée devant les délégués de l’Association Canadienne Française d’Éducation d’Ontario, le 15 février 1912,


par


M. ALPHONSE DESJARDINS,
Président-Fondateur de « La Caisse Populaire de Lévis »,
Directeur Général de « L’Action Populaire économique ».


Monsieur le Président,

Messieurs,

Il m’a été infiniment agréable d’accepter l’invitation de vous parler d’une œuvre à laquelle je suis très attaché, et dont l’épanouissement naissant dans notre pays est pour moi la plus belle des récompenses. Aussi, ai-je accepté avec empressement une occasion aussi favorable de la faire connaître et apprécier davantage parmi mes compatriotes d’Ontario. Bien qu’il ne me soit pas permis d’entrer dans tous les détails, — le peu de temps à ma disposition et la crainte de vous fatiguer me forçant de traiter la question très sommairement, — j’espère néanmoins en dire assez pour vous donner une idée exacte des Caisses Populaires et vous convaincre de leurs bienfaits pour le peuple travailleur.

L’idée principale de votre admirable Association est de réunir vos énergies afin de fortifier davantage et accroître votre influence mise au service de deux grandes causes qui vous sont également chères : La conservation intacte de votre foi, de vos traditions et de votre belle langue nationale. Or, en venant vous parler d’organisation économique, je crois entrer absolument dans vos vues et dans celles de votre Association. En effet, plus votre situation matérielle s’améliorera, plus s’accroîtront vos forces économiques, plus se développera votre aisance individuelle, pour ne pas parler de la fortune, plus aussi s’augmentera la somme d’influence que chacun de vous pourra exercer dans le milieu où la Providence l’a placé, et plus aussi il vous sera possible de revendiquer et de protéger vos droits légitimes. Ne l’oublions pas : chapeau bas devant le riche, peu importe, hélas ! souvent l’origine suspecte de son opulence. Ce qui est vrai pour les individus, l’est aussi pour les peuples, témoin la fortune nationale de la France et son prestige dû en bonne partie au fait qu’elle est la banquière des autres nations.

La Caisse Populaire est une organisation purement paroissiale, elle nait, elle grandit, elle se développe et prospère au milieu de la famille paroissiale. C’est son berceau tout naturel, c’est son foyer d’activité dont elle ne doit pas franchir les limites ; elle est, en un mot, sur le terrain économique, le prolongement de la paroisse.

C’est vous dire que ce n’est pas une banque, mais elle est mieux qu’une Banque. N’est pas membre qui veut de La Caisse Populaire. Il ne suffit pas de lui offrir des piastres pour obtenir son entrée dans ses rangs. Non, il faut posséder notoirement un capital bien plus précieux, mais que le plus humble travailleur, qu’il soit cultivateur ou ouvrier, peut avoir en abondance : l’honnêteté, l’intégrité, c’est-à-dire être un excellent citoyen et un bon chrétien. Œuvre paroissiale par excellence, elle ne fait pas de distinction de sexe ou d’âge. Tout le monde dans la paroisse fait partie de la paroisse, donc, tout le monde aussi peut faire partie de La Caisse, pourvu qu’il offre les qualités morales que je viens de mentionner. Il s’ensuit que hommes, femmes et enfants peuvent et doivent être sociétaires. L’homme, parce que la Caisse sera le réservoir où il ira verser ses modestes épargnes, où il ira aussi puiser pour suffire à ses besoins dans un moment de crise passagère, ou pour féconder ses initiatives ; la femme parce qu’elle est l’économe du petit royaume qu’on appelle « La Famille », et qu’en cette qualité, elle doit donner l’exemple de la vertu d’Épargne en mettant, elle aussi, de côté les quelques économies qu’elle réussit à faire dans l’administration des fonds qui lui sont confiés ; l’enfant, lui, doit s’initier dès le berceau à cette science des sciences qui consiste à savoir conserver ce que l’on a, à ne pas succomber à la tentation de dépenses futiles et frivoles, à pratiquer la prévoyance dès l’âge le plus tendre. C’est ce que l’on comprend bien et pratique admirablement dans les vieux pays d’Europe, où des organismes créés spécialement pour les enfants fonctionnent par milliers et donnent tous les ans des résultats dépassant notre imagination. Mais ce qui vaut encore mieux que ces résultats matériels immédiats, c’est que, par ce moyen, on forme des générations d’épargnistes qui, grâce à ces légers sacrifices de tous les jours, acquièrent cette énergie inébranlable, cette virilité qui font les peuples forts, assurent leur bien-être individuel et accroissent la fortune publique.

Pourquoi La Caisse doit-elle restreindre ses activités au rayon de la paroisse ? Parce que dans un pareil foyer chacun se connait et, au cas de prêt, il est plus facile d’assurer la sécurité des fonds que si on avait affaire à des personnes plus ou moins étrangères ou inconnues, le prêt, dans ce cas-là, ne reposant que sur des garanties matérielles. Or, comme cet organisme fonctionne surtout pour le bien des travailleurs et que ceux-ci n’ont pas toujours de telles garanties matérielles à donner, il s’ensuivrait qu’ils ne pourraient pas jouir de tous les bienfaits d’une telle association, bien que leur bonne réputation, leur conduite irréprochable seraient une garantie amplement suffisante. Comme on ignorerait l’existence de ces hautes vertus morales, on refuserait de venir en aide à un ouvrier qui, d’ailleurs, le mériterait à tous égards.

Le but de la Caisse est de provoquer et de stimuler l’esprit d’épargne d’un côté, de l’autre, d’aider ses membres par des prêts judicieux dont l’emploi, préalablement communiqué à qui de droit, est de nature à aider et à améliorer la situation de l’emprunteur, car la Société ne saurait encourager, même indirectement, toutes dépenses inutiles ou toutes tentatives trop hasardeuses à raison de l’inexpérience de celui qui solliciterait un tel prêt.

L’administration de la Société est confiée à trois Conseils ou Commissions ayant chacune leurs attributions spéciales et bien distinctes. Le Conseil d’Administration voit à la gestion générale. La Commission de Crédit est exclusivement chargée des prêts et de tout ce qui s’y rattache. Enfin, le Conseil de Surveillance joue le rôle d’auditeurs, mais avec des pouvoirs et des devoirs beaucoup plus étendus, puisqu’il représente d’une façon spéciale l’Assemblée Générale des membres, siégeant en permanence pour ainsi dire. Un trait caractéristique sur lequel je dois appeler votre attention, c’est que l’Assemblée Générale des Sociétaires garde, de fait, un contrôle direct sur l’administration des affaires sociales.

C’est là une garantie et une sauvegarde dont l’efficacité doit frapper tous les esprits, et ce contrôle de l’Assemblée Générale est d’autant plus immédiat et effectif que la Société, n’étant composée que de personnes demeurant dans une seule paroisse, rien de plus facile de les convoquer et de les réunir à quelques heures d’avis même, les fatigues d’un déplacement étant réduites à une quantité vraiment négligeable.

Pour stimuler l’épargne, la Société crée de très petites parts, généralement de cinq piastres au plus, payables non pas en un seul versement, mais successivement par des paiements hebdomadaires ou mensuels de quelques sous, liberté entière étant laissée à la Société de fixer elle-même le montant de ces paiements. Les membres peuvent, à part de ces petites actions, faire des économies qu’ils déposent dans leur propre Caisse, et sur lesquelles celle-ci s’engage à payer un intérêt annuel égal à celui que l’on peut avoir partout ailleurs. Ces parts et ces dépôts d’épargne sont retirables à volonté, de sorte que le sociétaire n’est pas obligé d’immobiliser un seul sou.

Vous le voyez, je passe très rapidement sur tous les points touchant l’organisation et le fonctionnement de ces Caisses, croyant que ce que je viens d’en dire suffit pour vous donner une idée juste de la nature de cet organisme économique.

Il me reste à vous rassurer sur un point qui pourra peut-être vous préoccuper, c’est qu’il n’y a rien de plus facile à faire fonctionner dans une paroisse qu’une telle Caisse. Ce que je vous affirme là est basé sur une expérience de plus de onze années, par conséquent assez longue pour être bien certaine, puisqu’elle se dégage d’une pratique répétée. On me dira peut-être que l’expérience faisant défaut chez ceux qui pourraient être appelés aux fonctions administratives d’une telle Caisse, il pourrait devenir dangereux de leur confier une pareille gestion. À cela, je réponds qu’il ne s’agit, après tout, que de la gestion d’un organisme très simple et que l’expérience ordinaire acquise par la généralité des citoyens suffit amplement. Il va sans dire qu’avec le temps, de nouvelles connaissances viennent compléter cette première compétence et la rendre plus fructueuse pour La Caisse. Un vieux proverbe dit que : « ç’est en forgeant que l’on devient forgeron. » Il en est de même ici, et l’expérience de chaque jour vient confirmer la sagesse de ce proverbe. Si on ne commence jamais, évidemment on ne peut espérer jamais finir. De même aussi la pratique du fonctionnement d’une Caisse ajoute, sans doute, une certaine somme de connaissances, mais l’expérience déjà acquise dans le train-train ordinaire de la vie suffit au début, car les opérations ne sont pas nombreuses ni compliquées de leur nature. Au fur et à mesure que les fonds s’accumulent, exigeant des placements fructueux, au fur et à mesure aussi s’acquièrent les connaissances nécessaires pour assurer une parfaite administration. Plus tard, après quelques années de fonctionnement, les anciens officiers comme ceux qui pourraient être appelés à leur succéder ont acquis les uns et les autres une connaissance théorique ou pratique absolument rassurante. Du reste, tous les officiers ne sauraient être remplacés en bloc, de sorte qu’il en reste toujours un certain nombre pour guider les nouveaux venus, si besoin en est.

D’ailleurs, nous sommes tous aussi intelligents pour le moins que la plupart des peuples européens, où ce régime s’est établi et chez lesquels on ne pouvait, au début, pas plus trouver que parmi nous des experts en la matière, et où, pourtant, ces institutions se sont développées merveilleusement depuis soixante ans, à tel point que l’on compte aujourd’hui, en Europe seulement, 56,000 de ces Caisses, sans inclure celles qui, depuis quelques années, s’organisent aux Indes et au Japon, en Asie. Or, personne ne prétendra assurément qu’un Canadien Français est moins intelligent qu’un Indou ou un Japonais. Ayons au moins la fierté de notre race et n’allons pas, par une timidité enfantine, par une peur des fantômes, nous mettre plus bas que les autres peuples. Ce serait nous décerner bien injustement un certificat d’imbécilité et d’ignorance que nous ne méritons pas. Quant à moi, je suis absolument confiant dans l’intelligence et l’honnêteté de mes compatriotes et je n’ai aucune crainte de leur confier le soin de diriger un pareil organisme quand je vois les succès qu’il a eu ailleurs, dans des groupements n’offrant pas plus de garanties que les nôtres.

D’ailleurs, l’expérience est faite, même au Canada, et bien loin de démentir mes prévisions, elle est venue les confirmer avec éclat et fortifier encore ma conviction. Il existe dans la seule province de Québec plus de soixante et seize de ces Caisses Populaires, et partout elles ont répondu à mon attente comme à celle des citoyens éclairés qui avaient pris l’initiative de leur organisation. Et, remarquez-le bien, ce mouvement d’expansion, de créations nouvelles, compte à peine deux ans et quelques mois d’existence, bien que la première Caisse Populaire Canadienne ait été fondée il y a plus d’onze ans à Lévis. Mais pendant huit ou neuf longues années j’ai refusé positivement d’organiser de telles Caisses ailleurs, répondant toujours aux invitations pressantes qui m’étaient faites, que le temps n’était pas venu de répandre ailleurs cet organisme, que je voulais faire une expérimentation complète afin d’être bien certain du succès et en position de répondre victorieusement par des faits indéniables à toutes les objections que les peureux ou les intéressés pourraient faire. Ce n’est donc qu’après des années et des années d’études et d’expérimentation pratique couronnée de succès toujours grandissants, que je me suis décidé enfin à faire bénéficier les autres paroisses de ce régime bienfaisant. Vous allez voir par les chiffres que je vais mettre sous vos yeux si, oui ou non, mon attente a été confirmée ou mes espérances déçues.

Prenons d’abord La Caisse de Lévis, la première organisée dans la province de Québec. Fondée le 6 décembre 1900, elle commença ses opérations le 23 janvier 1901. On comprend un tel délai lorsque l’on songe que tout était à créer dans une œuvre aussi nouvelle, mais tel n’est plus le cas aujourd’hui. Le premier versement que je reçus — car on avait bien voulu me confier la gérance en même temps que la présidence — fut un pauvre dix sous ! Voilà bien l’humble début qui convenait à une telle Caisse, puisqu’elle s’adressait surtout et avant tout aux travailleurs sans ressource, qui n’ont d’autre capital que leur honnêteté, leur amour du travail et des bras vigoureux. À ces qualités, il fallait en ajouter une autre sans laquelle rien ne réussit : l’Épargne persévérante, et c’est la Caisse qui la leur donna.

Le résultat total de notre première perception s’éleva à vingt-deux piastres et quelques sous. C’est avec un aussi modeste début que nous avons commencé nos opérations. Aussi, ce n’est pas sans orgueil et sans une légitime fierté que je me rappelle de ces faits qui me paraissent lointains, lorsque je reporte mes yeux sur les chiffres indiquant le volume de nos affaires d’aujourd’hui. À ceux qui me gouaillaient peut-être en me demandant d’une façon sceptique si, avec $22.00, encaissés la première journée, j’espérais encore pouvoir fonder une banque, je répondais hardiment, avec une confiance entière et profonde : « Oui, et si les fonds ne viennent pas avec plus d’abondance, nous y mettrons de la persévérance, une persévérance acharnée qui ne se lassera jamais, que rien ne rebutera et qui saura attendre le succès final qu’il me semble être impossible de ne pas atteindre. » Or, ce succès ne s’est pas fait attendre aussi longtemps que je le croyais, puisque dès l’année suivante nos fonds s’élevaient déjà à plus de $4,000. Mais je passe rapidement sur ces années pour en arriver aux chiffres recueillis à la clôture de nos comptes, au 31 janvier dernier.

Après avoir débuté avec quelques sous seulement, nous avions au 31 janvier — vous voyez que c’est tout récent — un actif général de $153,320.58, comprenant $96,404.33 pour les parts sociales qui sont de cinq piastres chacune, et $44,548.14 de dépôts d’épargne, formant un total de $140,952.47. Déjà nos réserves accumulées par une sage prudence s’élèvent à $10,716.83.

Le mouvement total de nos fonds atteignait au 31 janvier dernier la somme de $1,281,150.64. La totalité de nos prêts était de plus de 4,775, représentant une somme globale de $800,825.89. Et pour vous prouver combien cette Caisse mérite bien le nom de Populaire, comme toutes ses sœurs, du reste, il me suffira de vous dire que sur ce total de 4,775 prêts, plus de 3,325 étaient pour des sommes variant de $1.00 à $100.00, que les prêts de $10.00 et moins se chiffraient par 556, que ceux de dix piastres à vingt-cinq s’élevaient à 812, que ceux de vingt-cinq à cinquante étaient au nombre de 875, donc plus de 2,200 prêts de cinquante piastres et moins.

Mais, me demanderez-vous, vous ne nous parlez pas d’un point bien important, celui du résultat final de ces prêts, c’est-à-dire, des pertes que vous avez sans doute éprouvées. Ah ! si je n’ai pas encore parlé de ce point-là, c’est pour la meilleure raison du monde. Des pertes, nous n’en avons pas eu une seule. Oui, je le proclame à la gloire de nos travailleurs de Lévis, et je suis convaincu que ceux d’ailleurs ne le cèdent en rien aux nôtres, leur Caisse n’a pas perdu un seul sou en leur prêtant, c’est-à-dire en leur manifestant la confiance dont ils se sont montrés dignes en tous points. Pourquoi, je vous le demande, la signature d’un honnête ouvrier ne vaudrait-elle pas autant que celle d’un commerçant ou d’un industriel quelconque ? Or, c’est par millions tous les jours que les grandes Banques prêtent au commerce et aux industries, sur la simple signature de gens, après tout, pas plus honnêtes, pas plus respectables qu’un ouvrier consciencieux, qu’un cultivateur intègre et laborieux. L’honnêteté et l’honorabilité, partout où elles se trouvent, que ce soit à l’humble foyer du travailleur, que ce soit dans la riche demeure du bourgeois, ne méritent-elles pas la même somme de confiance ? Nous en avons fait l’expérience à Lévis, et nos classes laborieuses sont sorties triomphantes de cette épreuve décisive. Les faits parlent en leur faveur et témoignent hautement combien on a eu raison de compter sur elles.

Si vous étiez tentés de croire que Lévis offre une exception, heureuse du reste, mais une exception tout de même, je m’empresserais de vous prouver votre illusion par des faits aussi éclatants que ceux dont je viens de vous entretenir. Le nombre des Caisses fonctionnant dans la Province de Québec est aujourd’hui de soixante et seize — et j’ajouterai ici que plus de quarante demandes de nouvelles fondations attendent mon concours — et dans chaque cas le même succès a répondu et dépassé l’attente des plus enthousiastes.

J’ai en main les états financiers d’un bon nombre de ces Caisses. Je ne me propose pas de vous les lire tous, car ce serait trop long. Permettez-moi cependant de vous citer les résultats obtenus par quelques-unes de ces Caisses répandues un peu partout, à la ville comme dans les campagnes, dans des centres miniers comme dans des centres de colonisation. Je prends celle de S. Jean des Piles, petite paroisse située au pied des Laurentides, en arrière des Trois-Rivières, comptant à peine 140 familles. Fondée à la fin d’août de 1910, cette Caisse avait déjà au 30 septembre 1911 un actif de $8,669.32 et avait prêté $13,490.27. Son mouvement général de fonds avait atteint en douze mois $26,227.22.

Celle de S. Charles de Bellechasse, paroisse agricole, fondée le 10 janvier 1909, avait, au 31 décembre 1911, un actif de $33,680.98 et son mouvement de fonds se chiffrait par $122,537.00 ; elle avait fait des prêts pour un montant de $50,000.00 au-delà.

La Caisse de S. Prospère de Dorchester, autre paroisse agricole, fondée le 12 juin 1910, avait, au 31 décembre 1911, un actif de $4,459.91 et un mouvement de fonds de $21,032.85.

Celle de S. Narcisse de Champlain, paroisse toute agricole, fondée le 4 juillet 1909, avait, au 31 janvier 1912, un actif de $20,494.15, et son mouvement général de fonds s’élevait à $128,438.49. Les prêts atteignaient $117,030.00.

S. Damase de Matane est une petite paroisse de colons et La Caisse, après quelques mois d’existence seulement, puisqu’elle ne fut fondée qu’en septembre 1910, et que l’état que j’ai en main s’arrête au mois de septembre 1911, avait déjà accumulé un actif de $3,421.49 et son mouvement de fonds atteignait $9,697.99. C’est là peut-être l’un des cas les plus étonnants que je puisse vous citer. Je vous l’avoue, quand je visitai cette paroisse et que je fus en état de réaliser la position difficile des braves colons formant cette paroisse, je me sentis pris d’un certain découragement et ce fut avec inquiétude que je me demandai si La Caisse Populaire pourrait réussir dans un pareil milieu. Évidemment je ne connaissais pas encore, comme je la connais aujourd’hui, l’incomparable fécondité de cette œuvre sociale, et les chiffres que je viens de vous donner sont là comme preuve de l’exactitude de mon appréciation.

S. Martin-de-Beauce est une petite paroisse de mille âmes environ. Comme toujours grâce à l’initiative de M. le curé désirant le bien matériel aussi bien que le bien spirituel de ses paroissiens, S. Martin possède sa Caisse depuis le 27 juillet 1910. Or, le 30 avril 1911, l’actif était déjà de $6,062.00, et le mouvement général de fonds de $27,860.00.

La Caisse Populaire de S. Maurice, près des Trois-Rivières, en deux ans, au milieu d’une population de moins de mille âmes, a fait des affaires au montant de $227,728.00 et le nombre de ses sociétaires était, au premier août 1911, de 432.

L’un des cas les plus frappants est peut-être celui de la paroisse d’Armagh, dans le comté de Bellechasse. La Caisse y fut fondée en février 1910, et le 31 décembre 1911 l’actif était de $22,058.99 et le mouvement général de fonds, de $233,463.68. Cette paroisse compte à peine deux cents familles de braves cultivateurs qui se sont fait, depuis trente ou quarante ans, une trouée à travers la forêt vierge et se sont acquis, à force de labeurs, un modeste avoir. Mais admirez avec moi leur esprit d’économie et louez leur intelligence d’avoir si bien compris l’excellence de cette organisation paroissiale qu’on appelle La Caisse Populaire. Je vous ai fait voyager un peu à travers toute la province de Québec, en vous citant ce qui a été accompli dans diverses paroisses prises au hasard. Mais voici deux exemples tout aussi étonnants que je recueille aux portes même de cette salle, puisqu’il s’agit de deux paroisses de la ville d’Ottawa.

Sainte-Famille a sa Caisse Populaire depuis quelques mois, et vous n’ignorez pas que cette paroisse est encore bien modeste quant au chiffre de sa population. Or, déjà son actif atteint $1,950.00 et tout indique un développement certain pour l’avenir.

La Caisse de S. François d’Assise, autre paroisse d’Ottawa, possède aussi sa Caisse Populaire. Elle y fut organisée le 10 janvier 1911 et le 31 janvier 1912, son actif était de $6,465.47, et son mouvement général de fonds, de $19,939.02.

Je pourrais multiplier encore les exemples et vous parler de La Caisse Populaire de l’Avenir, dans le comté de Drummond, qui en deux mois a réalisé un actif de $1,109.00, de celle de S. Joseph du Témiscamingue, paroisse de colons, qui en deux mois, elle aussi, a accumulé un actif de $1,362.83, mais en voilà assez, je crois, pour vous prouver que les résultats de Lévis ont été même surpassés ailleurs, si on tient compte du chiffre de la population et du temps écoulé.

Si, maintenant, nous tournons nos regards vers l’Europe — et ici je n’entrerai dans aucun détail, me contentant de vous donner des chiffres en bloc — nous constatons que ce nouvel organisme financier mis au service du peuple travailleur a pris, dans ces quarante dernières années, un développement vraiment prodigieux, si l’on tient compte des obstacles qu’il a dû surmonter et des circonstances adverses qui ont maintes fois paralysé ses énergies. La statistique nous montre que le nombre de ces Caisses — là-bas on les appelle des Banques Populaires, ici on se sert du mot plus modeste de « Caisse » — s’élève à au moins 56,000 et que pour quatre pays seulement, l’Allemagne, l’Autriche, la France et l’Italie, le chiffre des opérations en 1908 s’élevait à la somme formidable de plus de quatre milliards six cents millions de piastres, et que le nombre des sociétaires dépassait trois millions d’individus. Ces organismes sont tellement féconds et les avantages qu’ils offrent sont si évidents que le Japon, qui s’ouvre à peine à la civilisation occidentale, les a adoptés et en favorise l’expansion par une loi votée en 1904, donnant, sous ce rapport, un exemple au Canada qui, par son Parlement, est resté en arrière et n’a pas su encore comprendre tout le parti que nos classes populaires pouvaient retirer de ces groupements économiques.

Jusqu’à présent je vous ai mis au courant des faits, des multiples avantages que le peuple a su en retirer. Permettez-moi maintenant d’appeler votre attention sur un autre ordre d’idée qui se rattache intimement à notre sujet. Ces Caisses ont-elles reçu l’approbation des sommités sociales soucieuses du bien-être moral et matériel des classes laborieuses ? Certes oui et il me suffira de vous citer les paroles de lord Grey, ancien Gouverneur-Général du Canada, de vous rappeler l’adhésion de feu Sir Alphonse Pelletier, alors Lieutenant-Gouverneur de la province de Québec, qui est venu s’inscrire comme sociétaire de La Caisse Populaire de Lévis. Voilà pour les autorités civiles. Voyons maintenant ce qu’en pensent les autorités religieuses. Je pourrais faire passer sous vos yeux les approbations et les éloges de bon nombre d’évêques et d’une foule de prêtres. Je me contenterai toutefois de vous citer quelques courts extraits de deux lettres de Mgr l’Archevêque de Québec, qui n’est pas inconnu des Canadiens Français d’Ontario.

Le 10 novembre 1910, Sa Grandeur Mgr L.-N. Bégin écrivait ceci :

« Les maux auxquels ces Caisses Populaires sont appelées à remédier existent depuis longtemps et s’accroîtront encore si l’on ne s’empresse d’y apporter remède… Bien souvent, au cours de mes visites pastorales je me suis élevé fortement contre ce gaspillage insensé et coupable que causent l’intempérance, le luxe et les frivolités de toute espèce, contre cette imprévoyance de certains jeunes gens qui gagnent de forts salaires, mais qui néanmoins dépensent tout sans compter, contractent des dettes partout, font des emprunts à courte échéance, et ne songent pas à économiser pour s’établir et fonder un foyer, pour se prémunir contre les misères possibles de la maladie ou du chômage. Que de fois je me suis demandé, depuis 22 ans que je suis évêque, quel serait le moyen le plus efficace pour enrayer autant que possible cette prodigalité qui engendre tant de ruines matérielles et morales.

« Depuis quelques années, un apôtre infatigable et vraiment désintéressé des œuvres économiques, M. Alphonse Desjardins, après de longues études et une juste adaptation des Caisses Populaires de l’Europe à nos conditions de vie au Canada, a pu résoudre ce problème en créant dans un grand nombre de nos paroisses des Caisses Populaires qui ont déjà fait grand bien et qui sont comme autant de réservoirs où s’agglomèrent et fructifient les économies de nos travailleurs, de notre peuple en général. Ces Caisses offrent plusieurs grands avantages, entre autres d’accoutumer nos jeunes gens à l’économie, de les soustraire aux dangers de l’intempérance et du luxe et de leur fournir, en cas de besoin de crédit, l’argent nécessaire pour payer une dette, acheter une maison, se procurer des instruments aratoires, etc.

« Mais comme une partie de l’argent gagné par la classe ouvrière et agricole se dépense souvent dans la poursuite de satisfactions dangereuses ou coupables, je ne puis m’empêcher de signaler ici non-seulement le point de vue économique de cette œuvre, mais encore davantage son but éminemment moralisateur. Je suis heureux d’apprendre que cinquante » — aujourd’hui le nombre est près de 80 — « Caisses Populaires sont maintenant fondées et qu’elles rendent d’importants services à mes chères ouailles pour lesquelles je travaille depuis si longtemps ; ce sera une de mes grandes consolations de les voir établies partout avant la fin de ma carrière. »

Depuis, Sa Grandeur a-t-elle changé d’avis ? Non, certes, puisque le 22 décembre dernier, il y a moins de trois mois, elle daignait m’écrire ceci :

« Il est très vrai que je me suis toujours intéressé et que je m’intéresse encore vivement au succès des Caisses Populaires et en particulier à celle de Lévis, qui a été comme la mère de toutes les autres. Ces Caisses ont déjà fait un bien considérable partout où on les a établies ; elles accoutument nos populations à l’économie ; elles leur facilitent les emprunts nécessaires ; elles sont une école pratique où l’on apprend à retrancher les dépenses inutiles, à faire de l’épargne pour les mauvais jours et les besoins croissants de la famille, à payer ses dettes et à se procurer les douceurs d’une existence honnête et agréable. Aussi, est-ce toujours avec satisfaction que j’apprends la fondation de nouvelles Caisses Populaires ; je leur donne tout l’encouragement possible et j’exprime souvent le désir de les voir se multiplier dans nos paroisses. Jusqu’à présent elles n’ont mérité et reçu que des éloges ; aucune difficulté financière n’est venue entraver leur développement et j’en rends grâce à Dieu.

« Je ne saurai assez vous remercier du zèle inlassable que vous ne cessez de déployer pour cette belle œuvre. Grâce à votre travail persévérant, le nombre de ces Caisses va toujours croissant et partout on est satisfait de la manière correcte dont elles fonctionnent.

« À l’Assemblée Générale de vos sociétaires, on a bien voulu me nommer Patron de La Caisse Populaire de Lévis. Il m’est vraiment agréable d’accepter ce patronage d’une œuvre qui est un honneur et un bienfait pour ma chère paroisse natale et dont les résultats sont de plus en plus favorablement appréciés au Canada et aux États-Unis.

« Veuillez agréer, cher monsieur Desjardins, l’expression de ma sincère gratitude et de mes sentiments les plus dévoués en N. S.

« L. N. Archevêque de Québec. »

Et le 11 février courant, accusant réception de notre onzième rapport annuel, Mgr Bégin ajoutait : « Vous avez droit aux encouragements du public et à nos plus sincères félicitations. Courage donc et que Dieu bénisse et continue à faire prospérer votre belle œuvre. »

Il ne saurait donc y avoir de doute sur la haute appréciation de Sa Grandeur Mgr l’Archevêque de Québec et de son désir de voir cette œuvre se répandre partout.

Allant encore plus haut, je pourrais vous citer l’appréciation du Chef même de la catholicité, le pape Pie x qui, lorsqu’il était patriarche de Venise, a contribué à la fondation de soixante et dix de ces Caisses parmi la population confiée à sa sollicitude, qui est même resté sociétaire de l’humble Caisse Populaire de S. Joseph de Venise, tout en occupant la charge la plus auguste que l’on puisse concevoir, et qui tout récemment encore, après avoir pourvu aux besoins les plus pressants de la population de Messine si terriblement éprouvée par la catastrophe qui a ruiné cette cité, faisait, par l’entremise de Mgr Cottafavi, restaurer les institutions économiques et créait une banque ou Caisse Populaire comme celles existant au Canada, et cela pour le plus grand avantage du peuple de Messine.

Voilà ce que pensent de telles Caisses toutes ces autorités éminentes dignes de tous nos respects. Laissez-moi ajouter que lord Grey, lorsqu’il était Gouverneur-Général du Canada, est venu tout exprès à Lévis pour s’inscrire comme sociétaire de notre Caisse et que Sa Grandeur Mgr Bégin en fait également partie.

J’aurais voulu passer en revue avec vous les objections que ne manquent pas de faire les timides ou ceux qui ne se soucient guère du sort de leurs compatriotes, pourvu qu’eux-mêmes n’aient pas à se plaindre.

Vous ne manquerez pas d’entendre dire : pourquoi de telles Caisses, n’avons-nous pas les Banques ? Oui, nous avons les Banques et même des milliers de succursales de Banques, qui drainent l’épargne du peuple et la font refluer vers quelques grandes villes, mais n’est-il pas vrai aussi que les Banques ne font pas crédit au peuple travailleur, ne lui prêtent jamais et ne sont que des réservoirs où s’engloutissent les épargnes populaires pour aller ensuite enrichir les commerçants et les industriels, tandis que le peuple est la victime des usuriers et des cormorans de toute espèce qui spéculent sur son dénuement et profitent de son isolement économique. Dans l’organisation financière actuelle il manque une cellule indispensable, celle où le peuple pourrait lui aussi se grouper, mettre en commun ses modestes épargnes et s’entr’aider par des prêts dans des moments difficiles, ou encore féconder ses énergies productives. Or, la Caisse Populaire offre cette cellule nécessaire. Elle est véritablement la banque des travailleurs où ils doivent mettre leurs modestes épargnes et à laquelle ils doivent s’adresser soit pour féconder leurs initiatives, soit pour satisfaire à leurs besoins de crédit. S’imagine-t-on par hasard que dans les pays d’Europe où, comme je l’ai dit tout à l’heure, il y a tant de milliers de Caisses Populaires, il n’y a pas de Banques et que c’est ce qui explique la multiplicité de ces Caisses ? Que l’on se détrompe, que l’on chasse bien vite cette illusion, puisqu’en France seule on compte au moins trois mille banques et succursales de Banques sur un territoire bien plus petit que celui du Canada. Et quand Léon XIII, cet illustre Pontife que l’on a surnommé à juste titre le Pape des ouvriers, recommandait, en insistant auprès du clergé de tous les pays, de favoriser l’organisation de telles Caisses, ignorait-il l’existence des Banques ? Non, assurément. Cet argument n’en est pas un, ou cette objection est absolument nulle.

Mais vous, de la province d’Ontario, me direz peut-être qu’il n’y a pas de loi dans votre Province pour autoriser l’organisation de ces Caisses Populaires. Je le sais, et je le regrette, mais ce n’est pas une objection insurmontable. Pendant six années La Caisse de Lévis a fonctionné sans une loi et ne s’en est pas portée plus mal. C’est même ses succès qui ont éclairé nos législateurs et les ont engagés à voter la loi de 1906, loi dont je leur suis reconnaissant et qui est vraiment à l’avantage du peuple. Organisez de ces Caisses dans vos paroisses, groupez-vous et bientôt vos députés vous donneront une loi. J’en vois deux à mes côtés ici (MM. Mageau et Racine) et j’espère qu’ils sauront réveiller leurs collègues de la Législature et leur faire voir que la province d’Ontario n’est pas tout l’univers, et qu’il se passe ailleurs des choses qu’on ferait bien de méditer et d’imiter. Je le dis avec orgueil et une fierté que vous me pardonnerez facilement, la province de Québec, par sa loi de 1906, s’est mise à la tête de la Confédération, en suivant l’exemple de tous les autres pays civilisés. Qu’Ontario se hâte si elle ne veut pas être trop en retard et passer pour une province arriérée. Déjà le grand État du Massachusetts l’a devancée en votant sa loi de 1908. J’en connais quelque chose puisque j’ai eu l’honneur d’être invité à comparaître, précisément à propos de cette loi, devant le comité des Banques de la Législature, à Boston. Fondez donc des Caisses et la Législature d’Ontario ne tardera pas à leur donner le baptême légal. On ne baptise pas un enfant avant sa naissance, mais après. Il en sera de même de vos Caisses. Allez donc de l’avant sans crainte. Depuis quand faut-il une loi pour se faire du bien les uns aux autres ?

Je vous ai signalé tout à l’heure les avantages matériels des Caisses Populaires : permettez-moi un mot maintenant sur les bienfaits moraux qu’elles offrent. Elles sont un excellent réservoir d’épargne grâce à leur accessibilité, parce qu’elles fonctionnent à vos portes. C’est là peut-être sa caractéristique la plus frappante et la plus intéressante. Je n’ai pas besoin de vous vanter les bienfaits de l’épargne. C’est grâce à elle que les capitaux se forment et que la richesse nationale d’un peuple grossit. Sans l’épargne, impossible de former des capitaux, et sans capitaux, on reste aussi dépourvu que les sauvages qui habitaient ce pays lorsque nos ancêtres sont venus le défricher et le civiliser en y plantant la croix du Christ.

L’administration d’une Caisse est toute locale et le contrôle, par conséquent, des intéressés est constant et facile à exercer. C’est aussi un superbe foyer de formation économique ; on y apprend comment avec des sous on forme des milliers de piastres et comment ces piastres peuvent être sagement utilisées. Elles développent les initiatives heureuses, les provoquent et les fécondent. Elles forment la mentalité sociale puisque tous les officiers doivent la servir gratuitement, à l’exception toutefois du gérant qui, seul, peut être indemnisé.

Les bénéfices réalisés ne s’en vont pas ailleurs ; non, ils sont répartis parmi les sociétaires et restent dans la paroisse.

Vous n’avez que des sous, me direz-vous. Je suis tenté de dire : tant mieux, car c’est avec des sous que l’on fait des prodiges. En quatre ans, les enfants des écoles de Lévis ont accumulé $6,228.00. N’est-ce pas que c’est beau, surprenant même. Et vous pouvez faire bien mieux que ces écoliers qui ne gagnent pas.

Je vous ai fait connaître les résultats obtenus par un bon nombre de Caisses. Ce que les autres ont fait, vous pouvez le faire à votre tour. Vous êtes aussi honnêtes, aussi intelligents que ceux-là. Créez dans tous vos groupements ce foyer d’épargne et de crédit. Il sera le trésor où se multiplieront vos forces, vos énergies et vous méritera le respect de tous. À côté du clocher paroissial, fondez la banque populaire où s’épanouiront vos activités économiques, où vos vertus civiques trouveront un champ d’action admirable. Organisons-nous sur ce terrain ; si nous ne sommes pas des millionnaires, devenons au moins un peuple millionnaire. Par là nous centuplerons nos forces, et nous accroîtrons notre légitime influence. Le jour où nous passerons pour un peuple économe et riche, il n’y aura pas d’obstacles que nous ne surmonterons pas, pas d’opposition que nous ne briserons pas, pas de conquêtes qui nous seront inaccessibles !  !  !