Les textes de la politique française en matière ecclésiastique 1905-1908/Extraits du rapport de M. A. Briand (1905)

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Collectif
Librairie critique Émile Nourry (p. 13-15).



I
(1905)


EXTRAITS DU RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION RELATIVE À LA SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L’ÉTAT ET À LA DÉNONCIATION DU CONCORDAT, PAR M. ARISTIDE BRIAND, DÉPUTÉ.


Dans l'Introduction :

La sécularisation des biens du clergé par la Constituante ne fut pas une œuvre de haine, dictée par des principes opposés à ceux du catholicisme, ce fut une œuvre nationale exigée par l'ensemble de la nation, moins les prêtres, et aujourd’hui, ce n’est pas davantage pour satisfaire à des rancunes politiques, ou par haine du catholicisme, que nous réclamons la séparation complète des Églises et de l’État, mais afin d’instaurer le seul régime où la paix puisse s’établir entre les adeptes des diverses croyances.

Commentaire de l’article 16 :

La loi doit laisser les Églises, et c’est pour elles une liberté aussi essentielle que la liberté du culte, s’organiser selon leurs tendances, leurs traditions et leur gré. La constitution de chacune d’entre elles est adéquate à ses principes et comme la conséquence de ses dogmes. Intervenir dans cet organisme serait dans bien des cas — nous le montrerons plus particulièrement à propos de l’article 18 — s’immiscer dans l’expression ecclésiastique des croyances religieuses. Il faut prendre garde aussi que toutes les dispositions transitoires de la loi seront dans quelques années lettre morte et n’appartiendront qu’à l’histoire ; il ne restera en vigueur que l’application de ces deux principes : liberté de conscience et liberté d’association. Le second est le corollaire du premier.

Le projet a eu pour but de laisser ainsi les communautés cultuelles s’organiser librement pour l’accomplissement intégral de leur but strictement religieux. Aucune des exceptions admises ne peut apporter à leur œuvre, ainsi définie et limitée, aucune entrave ; il n’en est pas qui puisse les gêner en aucune manière dans leur indépendance.

Commentaire de l’article 18 :

S’il est une liberté que la loi doive accorder aux églises, c’est la liberté d’organisation. Dans toutes les dispositions légales relatives au droit des associations cultuelles, le principal souci du législateur doit être de respecter les principes ecclésiastiques de toutes les communautés religieuses existant actuellement.

Il n’eut été ni juste ni loyal de refuser aux associations cultuelles la faculté de s’organiser selon des formations qui tiennent aux règles essentielles de l'Église et à sa constitution même. C’eût été faire obstacle à l’exercice de la religion et, par là, porter la plus grave atteinte à la liberté de conscience. L’Église catholique, en effet, n’est pas seulement divisée en paroisses ; elle l’est aussi en diocèses. Cette dernière formation, pour subsister, implique forcément, au profit des associations paroissiales, le droit de se fédérer par région diocésaine. Or, tous les diocèses sont reliés hors de France par une direction unique bien autrement redoutable que celle qui pourrait leur venir de l’association nationale. Alors, à quoi servirait-il d’interdire celle-ci, et comment le pourrait-on ? Ne serait-il pas, au contraire, plus dangereux encore de ne permettre aux associations de prendre contact qu’à Rome pour toute l’administration des affaires ecclésiastiques de France ?

Raisonnablement, il n’était pas possible de refuser à l’Église ce large droit d’association. Mais le lui accordant, il devenait indispensable de prendre des précautions sérieuses contre l’abus qu’elle serait tentée d’en faire. Ces précautions, elles sont dans l’impossibilité pour l’Église de constituer une caisse noire par l’accumulation illimitée de capitaux. Le projet fait obstacle à la main morte par l’interdiction aux associations des cultes de posséder au-delà d’un capital déterminé.