Lettres à Alfred de Musset et à Sainte-Beuve/Texte entier

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Texte établi par S. RocheblaveCalmann Lévy, éditeur.
GEORGE SAND



LETTRES
À
ALFRED DE MUSSET
ET À
SAINTE-BEUVE

INTRODUCTION DE S. ROCHEBLAVE

SIXIÈME ÉDITION


PARIS
CALMANN LÉVY, ÉDITEUR
rue auber, 3, et boulevard des italiens, 13
À LA LIBRAIRIE NOUVELLE
1897
LETTRES


À


ALFRED DE MUSSET


ET À


SAINTE-BEUVE

Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous pays, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.


IMPRIMERIE CHAIX, RUE BERGÈRE, 20, PARIS. — 12962-6-97. — (Encre Lerilleux).


GEORGE SAND



LETTRES
À
ALFRED DE MUSSET
ET À
SAINTE-BEUVE

INTRODUCTION DE S. ROCHEBLAVE

QUATRIÈME ÉDITION


PARIS
CALMANN LÉVY, ÉDITEUR
rue auber, 3, et boulevard des italiens, 13
À LA LIBRAIRIE NOUVELLE
1897


INTRODUCTION


LA FIN D’UNE LÉGENDE

Rien d’impur ne restera dans le sillon de ma vie où tu as passé… Celui qui n’a pas su t’honorer quand il te possédait peut encore y voir clair à travers ses larmes, et t’honorer dans son cœur, où ton image ne mourra jamais[1].
(Lettres d’adieu de Musset à G. Sand en quittant Venise, 1834.)


… Une histoire vraie, qui masque peut-être la folie de l’un et l’affection de l’autre, la folie de tous deux si l’on veut, mais rien d’odieux ni de lâche dans les cœurs, rien qui doive faire tache sur des âmes sincères[2].
(Lettres de G. Sand à Sainte-Beuve à propos des Lettres, le 6 février 1861.)


Pendant près de soixante ans, une légende a régné sur l’amante de Musset. Cette légende, le beau petit livre d’Arvède Barine sur Alfred de Musset[3] était en train d’en faire sûre et discrète justice auprès des lettrés, quand la question, qu’on pouvait tenir pour résolue, s’est bruyamment rouverte dans la presse quotidienne. On sait ce qu’il en est advenu. Les « révélations » de certains journaux ont excédé le lecteur, le pagellisme l’a écœuré. Quant au fond du débat, qui devenait confus, il s’en est à peu près désintéressé, tout simplement. Musset fut-il un martyr ? George Sand fut-elle un bourreau ? N’y eut-il qu’une victime ? Y en eut-il deux ? Questions chaudement discutées d’abord, puis noyées dans la marée montante du reportage, puis abandonnées par lassitude. Déçu dans sa curiosité naturelle, rebuté par des scandales inattendus, le public n’a bientôt demandé qu’une chose, c’est qu’on lui laissât la paix, et qu’on la laissât aux morts, par surcroît.

Mais est-ce là un jugement ? Le dernier mot n’a pas été prononcé, le débat demeure ouvert. L’opinion s’est lassée, soit ; mais la fatigue est-elle une conclusion ?

Ce ne sera pas, croyons-nous, fatiguer beaucoup plus le public que de rassembler ici sous ses yeux, de façon qu’il puisse conclure de lui-même, les textes décisifs du procès. Ces textes sont pour la plupart connus. Mais, épars dans divers récits, mal groupés jusqu’ici pour une conclusion précise, peut-être tireront-ils cette fois d’un rapprochement logique une certaine nouveauté. De plus, autant que possible, on les a complétés, L’inédit qui les accompagne leur apporte un supplément de clarté : nous citons des textes nouveaux toutes les fois que ceux-ci nous ont paru nécessaires, rien de plus.

Dans ce « résumé », que nous voudrions impartial, nous suivrons l’exemple que George Sand a donné elle-même. Sa volonté fut formelle : « Voulant assurer l’existence des lettres, je n’ai pas voulu qu’elles fissent du mal ». De là les coupures qu’elle pratiqua dans la correspondance, non pour se mieux défendre, pour « ne pas être tentée de punir, même après sa mort ». Ce droit de nuire qu’elle s’est refusé, nous ne prétendons pas nous l’accorder davantage. Il ne faudra donc chercher dans ces quelques pages ni une attaque indirecte ni une apologie déguisée. Nous n’avons à exercer aucunes représailles ; et nous ne présentons aucune défense que celle de la justice et de la vérité.

Parmi les griefs présentés de face ou de biais contre George Sand, les uns sont si invraisemblables que tout le monde les a aujourd’hui abandonnés. Tel est celui de jalousie littéraire envers Musset. Telle est encore l’accusation « d’avoir été la cause d’une grave maladie en suscitant à Alfred de Musset des chagrins antérieurs à cette maladie ». D’autres insinuations, hasardées sous le couvert de Paul de Musset, ne méritent qu’une faible créance. Comment ajouter foi à certaines dépositions même « écrites sous la dictée d’Alfred », alors que rien dans l’œuvre, ou les lettres, ou les propos tenus par Alfred aux amis de toute sa vie, ne corrobore ces dépositions, quant au contraire tout proteste contre elles, et la conduite de George Sand, sa vie entière, et sa parole qui valait celle d’un homme d’honneur, et tout ce que nous savons enfin du drame de Venise ? L’autorité de Paul de Musset, réduite à elle-même, est notoirement insuffisante. C’est « un homme d’esprit, qui empoisonne ses armes ». Le mot est de Sainte-Beuve, qui prévenait George Sand de ce qui allait arriver[4]. L’événement a justifié ce mot. Passons.

Il faut s’arrêter, au contraire, sur les deux ou trois questions qui, seules, offrent de l’intérêt et font la moralité (ai-je dit la moralité ?), en tout cas la vérité de l’affaire.

Et d’abord, George Sand a-t-elle trahi Musset, ce qu’on appelle trahi ? Au sens rigoureux du mot, non. M. Spoelberch de Lovenjoul a justement fait ressortir ce point. Il y eut chez l’amante (et nous ne disons pas cela pour l’en louer), amours successifs, ou liaisons successives, mais après rupture complète avec Musset et en toute liberté de fait. Il y eut, chez l’amant, rupture volontaire, et qu’il devait croire définitive, surtout après ces mots par lui prononcés : « Je ne t’aime pas. » Les torts de Musset étaient graves, de ceux qu’une femme, si indulgente soit-elle, ne peut pardonner. On vivait néanmoins ensemble, du moins le jour. Si George Sand se fût enfuie alors comme elle en avait le droit, qu’eût-on dit à Paris, qu’eût dit la mère de Musset à qui elle avait promis de veiller sur son fils ? La maladie survint. Leur seul tort, si c’en est un, fut de ne pas la prévoir, de ne pas prévoir aussi que la résurrection physique de Musset entraînerait celle de son amour. L’âme du poète, d’ailleurs, éprouvée au creuset de la maladie, allait en ressortir neuve, comme vierge ; et l’exaltation de la reconnaissance le pousserait à ressaisir l’autre âme qu’il avait détournée de lui et dont il s’était échappé dans un jour de folie. Telle fut cette convalescence tragique : lui aux prises avec un amour renaissant, imprévu, elle aux prises avec ses regrets, car il était trop tard, et tous deux étaient en face de l’irréparable.

Laissons maintenant la parole aux textes : — George Sand : « De quel droit m’interroges-tu sur Venise ? Étais-je à toi, à Venise ?… N’est-ce pas du premier jour que date notre rupture ?… La porte de nos chambres fut fermée entre nous, et nous avons essayé là de reprendre notre vie de bons camarades comme autrefois ici, mais cela n’était plus possible. Tu t’ennuyais, je ne sais ce que tu devenais le soir… Pierre venait me voir et me soignait, tu ne pensais guère à être jaloux, et certes je ne pensais guère à l’aimer. Mais quand je l’aurais aimé dès ce moment-là, quand j’aurais été à lui dès lors, veux-tu me dire quels comptes j’avais à te rendre, à toi[5] ?… »

— De Musset : « Tu ne mens pas, voilà pourquoi je t’aime… Mais, dis-moi, quand tous mes soupçons seraient vrais, en quoi me trompais-tu ? Me disais-tu que tu m’aimais ? N’étais-je pas averti ? Avais-je aucun droit ! Ô mon enfant chérie, lorsque tu m’aimais, m’as-tu jamais trompé ? Quel reproche ai-je eu à te faire pendant sept mois que je t’ai vue, jour par jour ?… Le mensonge, voilà ce que j’abhorre, ce qui me rend le plus défiant des hommes, peut-être le plus malheureux. Mais tu es aussi sincère que tu es noble et orgueilleuse[6]. » Orgueilleuse, elle ne l’était pas en la circonstance, mais seulement fière et digne. Quant à sa sincérité, si souvent attestée par Musset, elle arrache à son amant cette phrase, devant laquelle s’arrête la citation de M. Mariéton : « Voilà pourquoi je crois en toi, et je te défendrai contre le monde entier, jusqu’à ce que je crève[7]. »

Et pourtant, cette grande sincère, elle a été obligée un instant de feindre, voire de mentir. Mais ici la feinte était imposée par l’état de Musset. Dans ses recrudescences de passion, le convalescent, malgré ce rêve d’amour idéal à trois qu’a si bien retracé Arvède Barine, était saisi tout à coup de transports de jalousie : et ses questions étaient proférées sur un tel ton que certaines réponses le pouvaient tuer. Que ne souffrit-elle pas à soutenir ce rôle ! Les révélations de son Journal intime, écrit à la fin de décembre 1834, le disent assez éloquemment : « Et je n’ai pas pu mourir ! car on ne meurt pas ; on vit, on souffre tout cela, on boit son calice goutte à goutte[8]. » Un peu plus loin : « C’est le retour de votre amour à Venise, qui a fait mon désespoir et mon crime. Pouvais-je parler ? Vous n’auriez plus voulu de mes soins, vous seriez mort de rage en les subissant. Et qu’auriez-vous fait sans moi, pauvre colombe mourante ? Ah ! Dieu ! je n’ai jamais pensé un instant à ce que vous aviez souffert à cause de cette maladie et à cause de moi sans que ma poitrine se brisât en sanglots. Je vous trompais, et j’étais là entre ces deux hommes, l’un qui me disait : « Reviens à moi, je réparerai mes torts, je t’aimerai, je mourrai sans toit » et l’autre, qui disait tout bas dans mon autre oreille : « Faites attention, vous êtes à moi, il n’y a plus à y revenir. Mentez, Dieu le veut ! Dieu vous absoudra ! » Ah ! pauvre femme, pauvre femme ! C’est alors qu’il fallait mourir[9] !… »

Elle a cependant essayé d’avouer ; mais devant l’effet qu’elle obtenait, elle a dû rengorger son aveu : « Au premier [mot], comme tu m’as traitée ! Tu voulais me souffleter, m’appeler c… devant tout le monde, et tu mourais de colère si je n’avais menti[10]. »

Ainsi, l’un mourait d’amour et de fureur jalouse, l’autre mourait de honte. En même temps, l’amour la ressaisissait à son tour. Voilà désormais, et pour tous les deux, voilà « Vénus attachée à sa proie ». La folie de l’amour les tenaille, et le troisième, l’intrus n’occupera pas une très fière place dans leurs pensées. Comment, au reste, celui-ci en est-il arrivé à ses fins ? On connaît sa version. Il serait surprenant qu’elle ne lui fût pas avantageuse. Le morceau En Morée a été enregistré comme pièce probante, par des critiques assurément faciles à contenter. Que dire pourtant de la confession de George Sand, de ce journal qu’elle écrit tout en larmes, dans le silence d’une nuit de décembre, quand la femme désespère de ravoir jamais l’amour de Musset, et ne cherche qu’un épanchement à sa douleur ? M. Mariéton, qui le cite, ne marque pas la contradiction qu’il offre avec les dires de l’autre ? Or entre les deux, l’hésitation est-elle possible ? Est-ce un accent menteur que celui-ci :

«L’homme qui vient de dire à une femme : Vous êtes abandonnée, méprisée, chassée, foulée aux pieds ; mais vous l’avez peut-être mérité. Eh bien, moi, je n’en sais rien… Je vous plains et je vous aime… Je vous aiderai à remplir vos devoirs près d’un convalescent. » Un homme qui disait cela pouvait-il me sembler coupable à ce moment‑là ? Et si, après avoir conçu l’espérance de persuader cette femme, emporté, lui, par l’impatience de ses sens, ou bien par le désir de s’assurer de sa foi avant qu’il fût trop tard, il l’obsède de caresses, de larmes, il cherche à surprendre ses sens par un mélange d’audace et d’humilité ? Ah ! les autres hommes ne savent pas ce que c’est que d’être adorée, et persécutée, et implorée des heures entières !… Cet Italien, vous savez, mon Dieu, si son premier mot ne m’a pas arraché un cri d’horreur ! Et pourquoi ai-je cédé ? Pourquoi, pourquoi ! Le sais-je[11] ? »

« Voilà dix semaines que je meurs jour par jour et, à présent, minute par minute… » Aussi, quand l’ancien amour a repris le dessus, quelle hâte à congédier ce tiers importun, à se laver de son mensonge involontaire et de sa chute, quel cri d’égoïsme amoureux que celui-ci : « Je me souciais bien de l’estime de l’autre quand il est parti ! Lui ai-je fait un mensonge, à lui ? Me suis-je donné la peine de feindre un instant pour ne pas avoir en lui un ennemi ? Ne m’a-t-il pas fait tout le mal qu’il pouvait me faire[12] ? »

Nous voilà bien loin du rôle que d’aucuns prêtent à l’heureux Pagello. Et nous voilà fort près de cette vérité, qu’il n’y eut entre les deux amants ni trahison matérielle, ni traîtrise morale. Ils se trompèrent l’un et l’autre sur la profondeur de cet amour, enfoncé beaucoup plus avant dans leur cœur qu’ils ne le pensaient. Ils se croyaient guéris et détachés. La convalescence de Musset, puis la renaissance de son amour, ravivèrent tout. Il était trop tard. Il ne leur restait plus qu’à souffrir.

Les souffrances de Musset sont connues. De bonne heure, dès l’année même de la rupture il les a rendues publiques. Il a ainsi contribué, sans le vouloir, à fortifier une légende dont la mémoire de Georges Sand a longtemps souffert. Le monde, n’entendant qu’une plainte, crut qu’il n’y avait qu’une victime. Il y en avait deux. Les lettres de George Sand et surtout son journal mettent les douleurs égales des deux côtés. Non seulement l’amour a été chez George Sand aussi fort, aussi violent même que chez Musset, mais on ne peut douter un instant, quand on lit attentivement ces lettres, de l’influence bienfaisante qu’eut l’amour de George Sand sur Musset. Toujours, avant comme après la crise, elle n’a voulu que son bien, et elle a fait au poète tout ce qu’il était en son pouvoir de lui faire. En d’autres termes, après les courtes ivresses du début, de très bonne heure elle l’a aimé pour lui. C’est par ce côté fraternel ou « maternel », pour trancher le mot délicat, que sa passion composite devient intéressante, puisque l’objet de cette passion est un être frêle, un poète de génie dans un très jeune homme, une de ces âmes trop précoces qui font craindre pour leur maturité.

Et d’abord, ses soins lui ont sauvé la vie. Certes, le dévouement lui fut facile, car cette femme avait appétit de dévouement. Mais, si nulle part elle ne prend avantage du service rendu, ce n’est pas une raison pour l’oublier, La mère du poète ne s’y trompa point : « J’ai une bien grande reconnaissance pour madame Sand et pour les soins qu’elle t’a donnés. Que serais-tu devenu sans elle ? C’est affreux à penser[13]. »

Ce que furent ces nuits de délire fiévreux, on le sait par les lettres à Boucoiran, inédites en partie : « Je suis toujours bien à plaindre… Les médecins me disent : « Poco a sperare, poco a disperare… » La nuit dernière a été horrible. Six heures d’une frénésie telle, que, malgré deux hommes robustes, il courait nu dans la chambre. Des cris, des chants, des hurlements, des convulsions, ô mon Dieu, mon Dieu, quel spectacle ! Il a failli m’étrangler en m’embrassant. Les deux hommes ne pouvaient lui faire lâcher le collet de ma robe. Les médecins annoncent un accès du même genre pour la nuit prochaine, et d’autres peut-être, car il n’y aura pas à se flatter avant six jours encore. Aura-t-il la force de supporter de si horribles crises ? Suis-je assez malheureuse, et vous, qui connaissez ma vie, en connaissiez-vous beaucoup de pires[14] ? Quant à Musset, ce qu’il a vu, à travers son délire, ce n’est point la scène odieuse que Paul de Musset a décrite, vingt ans plus tard, c’est l’irréprochable sœur de charité : « Je le verrai longtemps, mon George, ce visage pâli par les veilles qui s’est penché dix-huit nuits sur mon chevet ! Je te verrai longtemps dans cette chambre funeste, où tant de larmes ont coulé. Pauvre George ! pauvre chère enfant ! »

La reconnaissance est si vive chez lui qu’elle amène le remords : « J’ai été presque un bourreau pour toi, du moins dans les derniers temps. Je t’ai fait beaucoup souffrir. Mais Dieu soit loué ! ce que je pouvais faire de pis encore, je ne l’ai pas fait… » Enfin, mêlant ensemble amour, amitié, reconnaissance, il la quitte sur cette parole qui dit assez dans quel esprit ils se séparèrent : « Tu est le fil qui me rattache à Dieu. Pense à la vie qui m’attend[15]. »

« Pense à la vie qui m’attend ! » Prédiction à demi-mot, car Musset se savait faible, se sentait faible au moment même où il se disait fort. De son côté, George s’épanchait avec le fidèle Boucoiran : « S’il conservera de l’amour pour moi, j’en doute et je n’en doute pas, C’est‑a-dire que ses sens et son caractère le porteront à se distraire avec d’autres femmes, mais son cœur me sera fidèle, je le sais, car personne ne le comprendra mieux que moi et ne saura mieux s’en faire entendre[16]. »

Elle ajoutait : « Je doute que nous redevenions amants. » Ils le redevinrent pourtant, à plusieurs mois de là, après la lettre folle et sublime que Musset écrivit de Baden. Arvède Barine a noté les phases de cette nouvelle torture. Après Venise, il y en eut deux. Pendant la première, George Sand, malgré ses pressentiments, céda aux instances de Musset : « Que ce soient deux âmes qui ont souffert… deux aigles blessés, qui se rencontrent dans le ciel et échangent un cri de douleur avant de se séparer pour l’éternité[17] ». Ce fut, en effet, un cri de douleur atroce qu’ils échangèrent durant cette brève reprise, dont Musset, qui l’avait provoquée, se rebuta le premier. Mais alors, par une sorte de fatalité tragique, c’est George Sand qui fut atteinte jusque dans les moelles d’une frénésie d’amour que le départ de Musset exaspéra. La malheureuse femme passe ainsi trois mois, dans une détresse et une exaltation qui font pitié. Qu’elle n’en soit pas devenue folle, c’est ce qu’on a de la peine à comprendre. Mais aussi, qu’après une crise de cette violence, suivie d’une dernière et encore plus amère reprise de leurs relations, elle se soit guérie relativement vite, non sans une crise physique où sa santé faillit rester, c’est ce qui s’explique très bien par l’épuisement total de ce cœur, pourtant si fort pour souffrir. Cette âme aux abois se montre à nu dans le journal intime auquel Arvède Barine et M. Mariéton ont fait déjà quelques emprunts. Nous en ajoutons ici quelques autres, en réduisant les passages qui feraient longueur.

« Paris, mardi soir, 25 décembre 1834 « 

« Mon désespoir me quittera-t-il ? Hélas ! il augmente tous les jours, comme cette horreur de l’isolement, ces élans de mon cœur pour aller rejoindre ce cœur qui m’était ouvert ! Et si je courais, quand l’amour me prend trop fort ? Si j’allais casser le cordon de sa sonnette jusqu’à ce qu’il m’ouvrît la porte ? Si je m’y couchais en travers, jusqu’à ce qu’il passe ? Si je me jetais, non pas à ses pieds, c’est fou, après tout, car c’est l’implorer, et certes, il fait pour moi ce qu’il peut : il est cruel de l’obséder et de lui demander l’impossible ; mais si je me jetais à son cou, dans ses bras, si je lui disais : Tu m’aimes encore, car tu en souffres, tu en rougis, mais tu me plains trop pour ne pas m’aimer. Tu vois bien que je t’aime, que je ne peux aimer que toi. Embrasse-moi, ne me dis rien, ne discutons pas ; dis-moi quelques douces paroles, caresse-moi, puisque tu me trouves encore jolie malgré mes cheveux coupés[18], malgré les deux grandes rides qui se sont formées l’autre jour sur mes joues. Eh bien, quand tu sentiras ta sensibilité se lasser, et ton irritation revenir, renvoie‑moi, maltraite-moi, mais que ce ne soit jamais avec cet affreux mot : dernière fois ! Je souffrirai tant que tu voudras, mais laisse-moi quelquefois, ne fût-ce qu’une fois par semaine, venir chercher une larme, un baiser, qui me fasse vivre et me donne du courage. Mais tu ne peux pas. Ah ! que tu es las de moi, et que tu t’es vite guéri aussi, toi ! Hélas ! mon Dieu, j’ai de plus grands torts certainement que tu n’en as eu à Venise, quand je me consolai. Mais tu ne m’aimais pas, et la raison, égoïste et méchante, me disait : « Tu fais bien ! » À présent, je suis bien coupable à tes yeux ; mais je le suis dans le passé ; le présent est beau et bon encore. Je t’aime, je me soumettrais à tous les supplices pour être aimée de toi, et tu me quittes ! Ah ! pauvre homme, vous êtes fou ! C’est votre orgueil qui vous conseille ; vous devez en avoir. Le vôtre est beau parce que votre âme est belle. Mais votre raison devrait le faire taire, et vous dire : « Aime cette pauvre femme ; tu es bien sûr de ne pas trop l’aimer, à présent. Que crains-tu ? Elle ne sera pas exigeante, l’infortunée ! Celui des deux qui aime le moins est celui qui souffre le moins. C’est le moment de l’aimer ou jamais. »

Suite inédite ; « Ah ! il a tort, n’est-ce pas, mon Dieu, il a tort de me quitter à présent que mon âme est purifiée, et que, pour la première fois, une volonté sévère s’est arrêtée en moi. Est-ce une volonté ? Je ne sais pas. C’est mieux ; car que sais-je de tous leurs raisonnements humains et de leurs principes sociaux ? Je sens, voilà tout. Je l’aime. Cet amour pourrait me conduire au bout du monde. Mais personne n’en veut, et ma flamme s’éteindra comme un holocauste inutile !… »

Un peu plus loin, elle s’adresse au poète : « Et toi, Poète, belle fleur, j’ai voulu boire ta rosée. Elle m’a enivrée, elle m’a empoisonnée, et, dans un jour de colère, j’ai cherché un contrepoison qui m’a achevée. Tu étais trop suave et trop subtil, mon cher parfum, pour ne pas t’évaporer chaque fois que mes lèvres t’aspiraient. Les beaux arbrisseaux de l’Inde et de la Chine, pliant sur une faible tige et se courbant au moindre vent, ce n’est pas deux qu’on tirera des poutres pour bâtir des maisons ! On s’abreuve de leur nectar, on s’entête de leur odeur, on s’endort et on en meurt. »


Vendredi.

… « Il n’y a que Sainte-Beuve qui ne m’ait pas fait de mal et qui ne m’ait pas dit de sottise. Je lui ai demandé ce que c’était que l’amour, et il m’a répondu : « Ce sont les larmes ! Vous pleurez, vous aimez… »


Minuit.

« Je ne peux pas travailler. Ô l’isolement ! l’isolement ! Je ne peux ni écrire, ni prier. Sainte-Beuve dit qu’il faut me distraire. Avec qui ? Qu’est‑ce que me font tous ces gens-là ? Quand ils ont parlé une heure de choses qui me sont à peu près indifférentes, ils s’en vont. Ce ne sont que des figures qui changent de place. Et moi, seule, seule pour toujours. Je veux me tuer[19]. Qui donc a le droit de m’en empêcher ? Ô mes pauvres enfants, que votre mère est malheureuse ! »


Samedi, minuit.

(Elle parle d’un passage de Joseph de Maistre sur certaines provinces de l’Inde où l’on fait vœu de se tuer si l’on obtient telle ou telle grâce des idoles. « Ô mon Dieu, mon Dieu ! si vous vouliez m’accorder un seul jour de ce bonheur que vous m’avez ôté, je ferais bien ce vœu-là. Mais je mourrai sans l’avoir retrouvé ! »

Un peu plus loin (elle est allée aux Italiens, emportant avec elle, une vipère qui lui mange le cœur) :

« Me voilà en bousingot, seul, désolé d’entrer au milieu de ces hommes noirs. Et moi aussi je suis en deuil. J’ai les cheveux coupés, les yeux cernés, les joues creuses, l’air bête et vieux. Et là-haut, il y a toutes ces femmes blondes, blanches, parées, couleur de rose, des plumes, de grosses boucles de cheveux, des bouquets, des épaules nues. Et moi, où suis-je, pauvre George ? Voilà, au-dessus de moi, le champ où Fantasio va cueillir ses bleuets. Ah ! pauvre jeune homme, pourquoi ne peux‑tu pas m’aimer ? Je sais bien que cela est juste suivant la raison, suivant la justice humaine. Mais vous, mon Dieu, mon Dieu ! vous savez si quelqu’une d’elles l’aimera jamais comme je l’aime aujourd’hui ? Insensé ! tu me quittes dans le plus beau moment de ma vie, dans le jour le plus vrai, le plus passionné, le plus saignant de mon amour ! N’est-ce rien que d’avoir maté l’orgueil d’une femme et de l’avoir jetée à tes pieds ? N’est-ce rien que de savoir qu’elle en meurt ?… »

Elle continue. Elle parle de belles dames qui se moquent d’elle : « Elles disent que je me déguise en homme pour aller vous trouver la nuit, et que je me traîne à genoux dans votre chambre. Mais, ô mon Dieu, qui donc leur dit tout cela si vite ? Ce n’est pas toi qui me railles devant elles ?… »

Elle parle des lettres de Musset : « Oh ! ces lettres que je n’ai plus, que j’ai tant baisées, tant arrosées de larmes, tant collées sur mon cœur quand l’autre ne me voyait pas ! Oh ! je les aimais tant ! Je ne les ai plus ! »

Un peu plus loin : « Je vois bien que le monde est entre nous… Pauvre Alfred, si personne ne le savait, tu me pardonnerais. Mais il y a M. Tattet, qui dirait d’un air bête : Dieu, quelle faiblesse !… (Ici, ce que chacun dirait si Musset lui pardonnait.) « Ah ! si j’avais été sûre que tu dusses m’aimer réellement quand tu as quitté Venise, que tu dusses souffrir ce que je souffre aujourd’hui, je me serais coupé une main, je te l’aurais présentée en te disant : « Voilà une main menteuse et sale. Jetons-la dans la mer, et que le sang qui en coulera lave l’autre. Prends-la, et mène-moi au bout du monde ». Si tu devais accepter cette main ainsi lavée, je le ferais bien encore. Veux-tu ? »

C’est ainsi que l’amante, maintenant méprisée, s’abreuvait de désespoir, s’accusant, se chargeant à plaisir, comme naguère Musset quand il se déclarait le bourreau de sa maîtresse. Qui décidera si les larmes de l’un furent plus amères que celles de l’autre ? Tous deux ont touché jusqu’à l’extrême limite de la souffrance. Et si, suivant le mot de Sainte-Beuve, pleurer, c’est aimer, on ne peut nier que George Sand ait été la plus douloureuse des amantes. C’en est assez pour corriger encore ici la légende, et sur un point essentiel.

Enfin, il semble bien qu’il ne doive plus rien rester de cette légende si l’on peut faire entrevoir comment tout le bien que retira le génie de Musset de cet amour lui vint de George Sand, dès la première étreinte de leurs âmes ; et comment le mal qui lui en vint par la suite, il ne le dut qu’à lui-même. Nous ne ferons que toucher ce chapitre très délicat, et dans l’esprit même qu’imposait George Sand à l’éditeur de ses lettres, « avec un grand respect pour la mémoire d’Alfred[20] ».

L’amour qui les avait précipités l’un vers l’autre avait son origine dans une égale supériorité de génie, sinon, comme ils le crurent, dans une réelle parité de nature. Alfred le dit et le redit, en son style merveilleux : « Le ciel nous avait faits l’un pour l’autre ; nos intelligences, dans leur sphère élevée, se sont reconnues comme deux oiseaux des montagnes : elles ont volé l’une vers l’autre, mais l’étreinte a été trop forte[21]. » Un tel amour, même traversé, quitté, repris, brisé et piétiné devait demeurer longtemps vif et douloureux chez l’un, longtemps chéri et regretté, — quoi qu’on ait pu dire, — chez l’autre.

Ce qui le caractérise, chez George Sand, c’est la longue portée de sa prévoyance, et la noble ardeur de son ambition pour celui qu’elle aime. De tout temps, elle a vu beaucoup plus loin, pour Musset, que la « liaison » elle-même. Il semble même que, ce lien rompu, elle dépouille avec joie, la « maîtresse », pour devenir en quelque sorte l’amie amoureuse, l’instigatrice d’une vie nouvelle, l’inspiratrice d’idéal. Étrange guide, dira-t-on, pour l’auteur de Rolla que l’auteur de Lélia ! Elle en fut un pourtant, et le meilleur qu’alors Musset pût suivre. Car, si Rolla, c’était Musset, Lilia, ce n’était point — heureusement — George Sand. L’une avait seulement rêvé son roman ; l’autre, hélas ! avait vécu son poème. De là, chez lui, ces deux hommes dont l’un attire et l’autre repousse. De là, chez elle, cette double direction qu’elle essayait, avec une sagesse supérieure à ses livres et une bonté passionnée, d’imprimer à la fois à la conduite et à l’esprit de Musset. Nous ne dirons rien qui ne soit connu ; à peine ajouterons-nous çà et là quelques lignes inédites de Musset, dont l’introduction nous paraît nécessaire.

Écoutons-la d’abord :

« Oh ! je t’en prie à genoux ! pas encore de vin ; pas encore de filles ! C’est trop tôt. Songe à ton corps qui a moins de force que ton âme, et que j’ai vu mourant dans mes bras… Ménage cette vie, que je t’ai conservée peut-être… Laisse-moi le croire, laisse-moi être un peu vaine d’avoir consacré quelques fatigues de mon inutile et sotte existence à sauver celle d’un homme comme toi. Songe à ton avenir qui peut écraser tant d’orgueils ridicules, et faire oublier tant de gloires présentes ! Te voir arriver à l’éclat que doit avoir ta destinée, et te voler au monde de temps en temps pour te donner les joies du cœur, c’est ce que j’ambitionne et c’est ce que j’espère. » (29 avril 1834.)

Quinze jours après : « Sois heureux, sois aimé… Mais garde-moi dans un petit coin secret de ton cœur, et descends-y dans les jours de tristesse pour y trouver une consolation ou un encouragement… Aime une femme jeune, belle, et qui n’ait pas encore aimé, pas encore souffert. Ménage-la, et ne la fais pas souffrir…

« Ton cœur, ton bon cœur, ne le tue pas, je t’en prie ; qu’il se mette tout entier ou en partie dans toutes les amours de ta vie, mais qu’il y joue toujours son rôle noble, afin qu’un jour tu puisses regarder en arrière et dire comme moi : « J’ai souffert souvent, je » me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé ; » c’est moi qui ai vécu, et non pas un être » factice, créé par mon orgueil et mon » ennui[22]. » (12 mai 1834.)

Un mois après, la lettre du 15 juin apporte au poète l’exhortation enthousiaste dont il a besoin. Quel noble essor anime ces pages, quelle foi dans l’avenir de Musset, quel encouragement à son génie ! « Tu n’es pas destiné à ramper sur la boue de la réalité. Tu es fait pour créer ta réalité toi-même dans un monde plus élevé, et pour trouver tes joies dans le plus noble exercice des facultés de ton âme. Va, espère, et que ta vie soit un poème aussi beau que ceux qu’a rêvés ton intelligence…


» Vois combien tu te trompais quand tu te croyais usé par les plaisirs… Vois que ton corps s’est renouvelé et que ton âme sort de sa chrysalide. Si, dans son engourdissement, elle a produit de si beaux poèmes, quels sentiments, quelles idées en sortiront, maintenant qu’elle a déployé ses ailes ! Aime et écris, c’est ta vocation, mon ami. Monte vers Dieu sur les rayons de ton génie, et envoie ta muse sur la terre raconter aux hommes les mystères de l’amour et de la foi[23]… » — Presque toute la lettre est emportée du même souffle.

Et lui, que dit-il, de son côté ?

« Sois fière, mon grand et brave George ; tu as fait un homme d’un enfant… Qu’étais-je donc sans toi, mon amour ? Regarde où tu m’a pris, et où tu m’as laissé… Suis ton passage dans ma vie… Regarde comme tout cela est palpable, évident, comme tu m’as dit clairement : Ce n’est pas là ton chemin[24], comme tu m’as pris par la main pour me remettre dans ma route… Songe à cela : je n’ai que toi. J’ai tant nié, tant blasphémé, je doute de tout, hormis de toi. »

« Qu’ai-je fait de ma jeunesse ? Qu’ai-je fait même de notre amour ? Vainement j’ai pleuré une ou deux fois dans tes bras. Que sais-tu de moi, toi que j’ai possédée ? C’est toi qui as parlé ; c’est toi dont la pitié céleste m’a couvert de larmes… Il y avait en moi deux hommes, tu me l’as dit souvent, Octave et Cœlio. J’ai senti, en te voyant, que le Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/45 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/46 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/47 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/48 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/49 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/50 profanateurs d’outre-tombe : « Prenez garde que je n’écrive sur sa tombe qu’elle était sincère, bonne et grande ![25] »

Pourquoi ne pas s’en tenir à ce cri ? Pourquoi ne pas réconcilier dans la mort ceux qui ne se haïrent jamais dans la vie ? Soyez sûrs que, par les nuits calmes, l’if sombre de Nohant et le pâle saule du Père-Lachaise s’inclinent, attirés d’instinct l’un vers l’autre, et que, malgré la distance, la même brise caressante vient les baiser, qui murmure dans leur feuillage des mots fraternels.

S. ROCHEBLAVE.


LETTRES À ALFRED DE MUSSET


AVANT-PROPOS


À MON AMI ÉMILE AUCANTE[26]
Mon cher Émile,

Vous connaissez toutes les lettres qui m’ont été écrites par Alfred de Musset, et toutes celles qu’il a reçues de moi. Vous savez que cette correspondance est la meilleure réfutation des calomnies dont j’ai été l’objet. Parmi toutes ces calomnies, il en est quelques-unes qui m’ont blessée profondément, quelque habituée que je sois à tout supporter en ce genre ; et voici celles que je tiens à réduire à néant : L’accusation de jalousie littéraire ! Celle d’avoir été la cause d’une grave maladie, en suscitant à Alfred de Musset des chagrins antérieurs à cette maladie ; celle de l’avoir mal soigné, négligé, abandonné durant cette maladie ; de l’avoir affligé, menacé, chassé durant sa convalescence ; celle enfin de l’avoir rappelé et ramené à moi pour l’affliger et le menacer encore. Tout cela est odieux et stupide, et si étranger à mon caractère, si contraire à mes instincts, que je n’éprouve aucun besoin de m’en justifier durant ma vie. Il me semble que la plupart de mes contemporains se lèveraient pour me dire que c’est inutile, que l’œuvre de toute ma vie proteste contre la haine de quelques-uns, et que je n’ai rien à prouver devant la conscience publique. Mes contemporains ont su que si, à cause de lui, j’avais été mal jugée, à cause de moi, lui aussi, avait été accusé, parfois condamné. J’ai donc jugé à propos, pour lui comme pour moi, non de raconter notre histoire, mais de présenter, sous le voile de la fiction, une certaine situation, où d’autres que nous ont pu se trouver, et qu’il est facile d’expliquer avec logique, avec droiture, avec le sentiment de l’équité surtout.

Ce tableau d’une lutte morale, c’est Elle et Lui, un roman dont le sujet n’a rien de réel, mais dont le fond est profondément vrai et porte avec soi son enseignement utile pour tous : l’historique de certains états de l’âme, au siècle où j’ai vécu.

Mais l’appréciation de tout ceci peut devenir confuse pour ceux qui nous survivront. Quand notre présent sera leur passé, il en sortira un peu de légende, et la légende, qui n’est qu’un ensemble de versions diverses, s’emparera du fait actuel et n’y laissera peut-être plus rien de vrai. Voilà pourquoi je tiens, dans l’intérêt de la vérité, à ce que la correspondance que je vous confie puisse être publiée un jour.

C’est votre avis, c’est celui de tous les amis sérieux que j’ai consultés.

Avant toute autre mesure, il s’agissait de mettre les autographes en sûreté. Nous y avons pourvu ensemble.

Quant à la publication, vous avez bien voulu vous en charger. Pleine de confiance en votre amitié dévouée, je vous donne ce mandat avec reconnaissance.

Mais vous me demandez des instructions écrites, et vous désirez qu’elles soient nettes et précises, autant du moins qu’il est possible de les formuler en pareil cas, sans vous enlever toute liberté d’action.

Il ne faut pas, en effet, qu’on puisse jamais vous accuser d’avoir trahi mes véritables intentions.

Voici donc ce qui est, de ma part, l’expression d’une volonté réfléchie et arrêtée :

1o La correspondance ne pourrait être publiée de mon vivant qu’autant que je viendrais à y consentir. Je tiens, vous le savez, à ce qu’elle soit publiée le plus tard possible. Il ne s’agit pas pour moi de réduire mes ennemis actuels au silence. Je ne m’occupe pas d’eux : il s’agit de rétablir, au moyen de preuves irrécusables, le fait des choses accomplies.

2o Après ma mort, vous serez seul juge de la question de mode et d’opportunité de la publication. S’il vous paraît suffisant de ne faire paraître d’abord qu’une partie de la correspondance, sauf à la publier tout entière plus tard, vous serez libre de le faire. Vous conserverez aux lettres leurs véritables signatures, ou vous emploierez des noms fictifs, ou vous les publierez anonymes.

Au besoin, vous consulterez ma famille et mes autres amis ; mais vous resterez le maître de faire prévaloir votre propre appréciation.

3o Il ne devra être rien changé aux lettres, ni un mot, ni une virgule. Vous respecterez les suppressions, d’ailleurs peu nombreuses, que j’ai cru devoir faire de certains passages relatifs à des tiers, bien que vous me blâmiez énergiquement de ce que vous appelez, à ce propos, mon excès de mansuétude[27].

4o La publication faite, les lettres autographes devront être déposées, pour y rester à tout jamais, soit à la Bibliothèque impériale, soit dans telles autres archives publiques qu’il vous plaira de choisir, afin que toute personne puisse vérifier l’exactitude de la publication.

5o Les sommes formant le produit net de la publication, ou représentant les droits d’auteur seront versées par vous dans la caisse d’un bureau de bienfaisance ou employées à de bonnes œuvres quelconques.

6o En prévision du cas où vous viendriez à mourir avant d’avoir publié ces lettres, j’ai choisi M. Alexandre Dumas fils pour vous remplacer, et, par respect de la vérité autant que par attachement pour moi, il s’est empressé, comme vous, de m’engager sa parole.

Mais une autre éventualité est à prévoir : vous pouvez nous survivre à tous les deux, et cependant mourir vous-même avant d’avoir rempli la mission que je vous confie. Personne n’aurait plus alors aucun pouvoir pour publier.

Donc, je vous autorise, s’il arrivait que, de nous trois, vous fussiez le survivant, à déléguer à M. Louis Maillard, ou, à son défaut, à une personne de votre choix, après vous être assuré de son acquiescement, le mandat que contient cette lettre, afin que cette personne puisse au besoin, après vous, exécuter toutes mes instructions.

Si c’est, au contraire, M. Alexandre Dumas qui nous survit, ce sera lui qui prendra les mêmes précautions.

Tout ceci réglé je me repose sur vous, mon cher Émile, du soin d’accomplir avec une loyale affection pour moi, et un grand respect pour la mémoire d’Alfred, les volontés que je viens d’exprimer.

Signé : AURORE DUPIN
GEORGE SAND

Paris, 10 mars 1864.

I[28]

Non, ne pars pas comme ça ! tu n’es pas assez guéri, et Buloz ne m’a pas encore envoyé l’argent qu’il faudrait pour le voyage d’Antonio[29]. Je ne veux pas que tu partes seul. Pourquoi se quereller, mon Dieu ? ne suis-je pas toujours le frère George, l’ami d’autrefois.

II[30]

Trévise, dimanche, 30 mars 1834.

Je voulais te suivre de loin, mon enfant. En rentrant à Venise je devais partir pour Vicence avec Pagello et savoir comment tu as passé ta première et triste journée. Mais j’ai senti que je n’aurais pas le courage de passer la nuit dans la même ville que toi sans aller t’embrasser encore le matin. J’en mourais d’envie, mais j’ai craint de renouveler pour toi les souffrances et l’émotion de la séparation. Et puis, j’étais si malade en rentrant chez moi que je craignais de n’en avoir pas la force moi-même. M. Rebizzo[31] est venu me chercher et m’a emmenée malgré moi coucher chez lui. Ils ont été très bons pour moi et m’ont parlé de toi avec beaucoup d’intérêt, ce qui m’a fait un peu de bien. À présent je t’écris de Trévise. Je suis partie de Venise ce matin à six heures. Je veux absolument être à Vicence ce soir et aller à l’auberge où tu as couché. J’y dois trouver une lettre d’Antonio à qui j’ai recommandé de me laisser de tes nouvelles. Je suis forcée de m’arrêter ici une heure ou deux parce que Pagello a une visite à faire et m’a priée de prendre cette route qui n’est pas plus longue que l’autre, à ce qu’il dit. Je ne serai tranquille que ce soir, et encore quelle tranquillité ! Un voyage si long et toi si faible encore ! Mon Dieu ! mon Dieu ! Je prierai Dieu du matin au soir, j’espère qu’il m’entendra. Je trouverai ta lettre demain à Venise, j’arriverai presque en même temps qu’elle. Ne t’inquiète pas de moi. Je suis forte comme un cheval, mais ne me dis pas d’être gaie et tranquille. Cela ne m’arrivera pas de sitôt. Pauvre ange, comment auras-tu passé cette nuit ? J’espère que la fatigue t’aura forcé de dormir. Sois sage et prudent et bon comme tu me l’as promis. Écris-moi de toutes les villes où tu coucheras, ou fais-moi au moins écrire par Antonio, si cela t’ennuie. Moi je t’écrirai à Genève ou à Turin selon la route que tu prendras et dont tu m’informeras à Milan.

Adieu, adieu, mon ange, que Dieu te protège, te conduise et te ramène un jour ici si j’y suis. Dans tous les cas, certes, je te verrai aux vacances, avec quel bonheur alors ! Comme nous nous aimerons bien ! n’est-ce pas, n’est-ce pas, mon petit frère, mon enfant ? Ah ! qui te soignera, et qui soignerai-je ? Qui aura besoin de moi, et de qui voudrai-je prendre soin désormais ? Comment me passerai-je du bien et du mal que tu me faisais ? Puisses-tu oublier les souffrances que je t’ai causées et ne te rappeler que les bons jours ! le dernier surtout, qui me laissera un baume dans le cœur et en soulagera la blessure. Adieu, mon petit oiseau. Aime toujours ton pauvre vieux George.

Je ne te dis rien de la part de Pagello, sinon qu’il te pleure presque autant que moi, et que quand je lui ai redit tout ce dont tu m’avais chargée pour lui, il a fait comme avec sa femme aveugle. Il s’est enfui de colère et en sanglotant.

III
Venise, 15 avril 1834

J’étais dans une affreuse inquiétude, mon cher ange. Je n’ai reçu aucune lettre d’Antonio. J’avais été à Vicence exprès pour savoir comment tu aurais passé cette première nuit. J’avais appris seulement que tu avais traversé la ville dans la matinée. J’avais donc, pour toute nouvelle de toi, les deux lignes que tu m’as écrites de Padoue, et je ne savais que penser. Pagello me disait que certainement, au cas où tu serais malade, Antonio nous écrirait ; mais je sais que les lettres se perdent ou restent six semaines en route dans ce pays-ci. J’étais au désespoir. Enfin j’ai reçu ta lettre de Genève. Oh ! que je t’en remercie, mon enfant ! qu’elle est bonne et qu’elle m’a fait de bien ! Est-ce bien vrai que tu n’es pas malade, que tu es fort, que tu ne souffres pas ? Je crains toujours que, par affection, tu ne m’exagères cette bonne santé. Oh ! que Dieu te la donne et te la conserve, mon cher petit ! cela est aussi nécessaire à ma vie, désormais, que ton amitié. Sans l’une et sans l’autre, je ne puis pas espérer un seul beau jour pour moi. Ne crois pas, ne crois pas, Alfred, que je puisse être heureuse avec la pensée d’avoir perdu ton cœur. Que j’aie été ta maîtresse ou ta mère, peu importe ; que je t’aie inspiré de l’amour ou de l’amitié, que j’aie été heureuse ou malheureuse avec toi, tout cela ne change rien à l’état de mon âme à présent. Je sais que je t’aime, et c’est tout[32]… Veiller sur toi, te préserver de tout mal, de toute contrariété, t’entourer de distractions et de plaisirs, voilà le besoin et le regret que je sens depuis que je t’ai perdu. Pourquoi cette tâche si douce et que j’aurais remplie avec tant de joie, est-elle devenue peu à peu si amère et puis tout à coup impossible ? Quelle fatalité a changé en poison les remèdes que je t’offrais ? Pourquoi, moi qui aurais donné tout mon sang pour te donner une nuit de repos et de calme, suis-je devenue pour toi un tourment, un fléau, un spectre ? Quand ces affreux souvenirs m’assiègent (et à quelle heure me laissent-ils en paix ?) je deviens presque folle. Je couvre mon oreiller de larmes, j’entends ta voix m’appeler dans le silence de la nuit. Qu’est-ce qui m’appellera à présent ? qui est ce qui aura besoin de mes veilles ? à quoi emploierai-je la force que j’ai amassée pour toi, et qui maintenant se tourne contre moi-même ! Oh ! mon enfant ! mon enfant ! que j’ai besoin de ta tendresse et de ton pardon ! ne parle pas du mien, ne me dis jamais que Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/69 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/70 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/71 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/72 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/73 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/74 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/75 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/76 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/77 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/78 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/79 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/80 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/81 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/82 Page:Sand - 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Mes larmes t’irritent. Ta folle jalousie à tout propos, au milieu de tout cela ! Plus tu perds le droit d’être jaloux, plus tu le deviens ! cela ressemble à une punition de Dieu sur la pauvre tête. Mais, mes enfants, à moi, oh ! mes enfants, mes enfants, adieu, adieu, malheureux que tu es, mes enfants, mes enfants !…

XVIII

1836 ou 1887[33].

Mon cher enfant, avec les gens qu’on n’aime ni n’estime, on peut avoir des exigences et ne pas se donner la peine de les motiver. De moi à toi, il n’en sera jamais ainsi, et je ne te demanderai jamais rien, sans savoir de toi-même à quel point tu approuves ma demande. Malgré ton reproche, je persiste à penser que j’ai dû te dire la cause d’une inquiétude qui ne me serait jamais venue, si la personne dont je t’ai parlé n’y avait donné lieu. Pouvais-je inventer un motif ? Je ne pense pas que tu eusses trouvé fort agréable et fort délicate une réclamation impérieuse et sèche. J’ai dû tout te dire. C’est mon cœur qui me l’a conseillé ; et il me semble qu’une injure par moi reçue en silence, et lavée entre toi et moi dans le secret d’une lettre, n’est pas subie sans modération et sans dignité.

Pour en finir au plus vite avec le chapitre des explications, je crois pouvoir affirmer qu’on s’est trompé en me supposant gratuitement de l’humeur à propos d’une lettre que tu ne m’aurais pas écrite. Je ne sais ce que cela veut dire. Je me souviens d’avoir été brisée, je ne me souviens pas d’avoir eu du dépit ou du mécontentement sur quoi que ce soit. Je me souviens de m’être éveillée à Nohant couverte de taches hépatiques de la tête aux pieds, et de n’avoir pas cessé depuis ce jour-là d’avoir mal au foie. C’est bien assez des maux réels sans y joindre des piqûres d’amour-propre. Je t’avoue qu’il n’y avait pas place en moi pour les petites choses à cette heure solennelle et décisive de ma vie.

J’approuve tout à fait ton idée relativement à nos lettres. Il m’eût été fort amer de te rendre les tiennes, et si je pouvais croire que les miennes ont le même prix à tes yeux, je ne te les réclamerais pas. Mais tout cela est bien différent. N’importe. Tes lettres sont à la Châtre, chez une femme qui m’est dévouée[34] et qui croit avoir des bijoux en dépôt dans une cassette. Ces lettres sont cachetées et portent ta suscription. Je ne les ai jamais relues sans les recacheter aussitôt après et sans les replacer dans cet asile sûr et inviolable. Je ne les croirais pas assez bien gardées chez moi. La mort vous surprend à toute heure, et on ne sait quelle main ouvre vos tiroirs dès que vous avez fermé l’œil. Je puis donc être mieux que toi le gardien de ce double dépôt. En même temps que je le scellerai, je te donnerai l’adresse et le nom de la femme à qui tu dois le réclamer, si, comme il est probable, je pars la première pour le grand voyage.

Avant tout, je t’enverrai tes lettres dès que je serai au pays, afin que tu en retranches ce que tu voudras. Si tu veux m’envoyer les miennes pendant que je suis ici, tu m’épargneras le port d’un fort gros paquet à la poste de La Châtre. Si tu aimes mieux attendre la réception du tien, fais comme tu voudras.

Adieu, mon enfant. Dieu soit avec toi.

GEORGE SAND


LETTRES À SAINTE-BEUVE

I

Paris, 25 janvier 1833.

Serai-je bien indiscrète si je vous demande deux places pour la première représentation de Lucrèce Borgia ? Vous êtes l’ami de Victor Hugo, et nous sommes, mon pseudonyme et moi, ses fervents admirateurs. Il ne peut pas vous refuser, et il ne doit pas nous repousser de la foule qui veut son triomphe.

Si je suis importune, cependant, dites-le-moi, mais venez me le dire vous-même. J’en subirai l’arrêt avec plus de résignation.

II

Paris, 28 janvier 1833.

Je vous remercie, monsieur, de ne m’avoir

pas oubliée pour ces places de théâtre ; mais Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/152 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/153 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/154 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/155 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/156 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/157 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/158 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/159 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/160 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/161 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/162 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/163 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/164 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/165 Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/166 Page:Sand - 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TABLE



INTRODUCTION. LA FIN D’UNE LÉGENDE 
 i
LETTRES À ALFRED DE MUSSET 
 1
LETTRES À SAINTE-BEUVE 
 97
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  1. P. Mariéton : Une Histoire d’amour, p. 131.
  2. Vicomte de Spoelberch de Lovenjoul : La Véritable Histoire de « Elle et Lui » , p. 225.
  3. Alfred de Musset, par Arvède Barine, Hachette, in-12, 1893.
  4. Spoelberch de Lovenjoul, p. 229. — Rappelons qu’Alfred de Musset fit promettre à Papet de ne jamais communiquer à son frère les fameuses lettres, prévoyant l’usage qu’il en ferait. D’autre part, Sainte‑Beuve avait écrit à George Sand, dès le lendemain du jour (30 janvier 1861) où il reçut copie de la correspondance Sand-Musset : « Je connais à fond l’adversaire, celui qui veut paraître jouer le beau rôle, et je sais ce que le frère en disait « in extremis ». (Note communiquée par M. Émile Aucante.)
  5. Voir plus loin, lettre XII.
  6. Mariéton, p. 64.
  7. Inédit. — Nous imprimons les passages inédits en italiques.
  8. Journal, fragment inédit.
  9. Journal, fragment cité par Mariéton, p. 238-239.
  10. Journal (fragment inédit).
  11. Mariéton, p. 123.
  12. Journal, fragment inédit.
  13. M. Clouard, Revue de Paris, du 15 août 1896. p. 720.
  14. Lettre du 8 févr. (Venise). Quelques lignes ont été citées par Arvide Barine.
  15. Marîéton, p. 154. Voir aussi p. 161.
  16. Lettre du 6 mars 1834 (fragment inédit).
  17. Mariéton, p. 189.
  18. Elle avait coupé sa magnifique chevelure crespelée, pour la lui envoyer.
  19. Cette idée de suicide la hanta en décembre 1834, et après la rupture définitive, en mars-avril 1835. La correspondance en fournit des preuves multiples et d’une singulière précision.
  20. Lettre à M. Émile Aucante, p. 3.
  21. Marîéton, p. 154.
  22. Cette dernière phrase est, comme M. le vicomte Spoelberch de Lovenjoul l’a fait remarquer le premier, celle que Musset reprit pour la placer dans la bouche de Perdican. (On ne badine pas avec l’amour, parut le i juillet 1834 dans la Revue des Deux-Mondes.)
  23. Voir plus loin, lettre VITI.
  24. Mariéton, p. 163-164.
  25. La lettre est de 1835. On a pu la lire tout entière dans l’ouvrage de M. Mariéton, aux pages 240-242 des premières éditions ; la phrase que nous citons est tirée de la page 141.
  26. Expressément chargé par George Sand, ainsi qu’on va le voir, de publier après sa mort, en tout ou en partie, sa correspondance avec Alfred de Musset, M. Émile Aucante, respectueux des volontés exprimées par la famille de Musset, se borne à publier les lettres de George Sand, telles qu’il les a reçues de ses mains et dans l’ordre où elle-même les avait laissées. — Les notes qui suivent sont de M. Émile Aucante.
  27. Quatre lignes ont été biffées à la plume dans la lettre du 15 avril 1834 (dont une au moins relative à Pagello) ; — douze lignes coupées aux ciseaux, à la troisième page, dans la lettre du 29 avril 1834 (apparemment, elles avaient trait aux querelles de Pagello avec son ancienne maîtresse) ; — une ligne coupée aux ciseaux dans la lettre du 12 mai 1834 (évidemment, il s’agissait d’un tiers) ; — dix lignes coupées aux ciseaux, dans la lettre du 24 mai 1834 (il s’agissait de propos tenus par Gustave Planche) ; — onze lignes coupées aux ciseaux, à la première page, dans la lettre du 26 juin 1834 (il n’était question, évidemment, que des embarras d’argent éprouvés par George Sand à Venise et d’un affront qu’ils lui avaient attiré). — Au total, trente-huit lignes supprimées intentionnellement ; sur les trente-huit, trente-quatre supprimées aux ciseaux, de sorte que des suppressions à peu près équivalentes se sont trouvées faites de l’autre côté de la page. — D’une note de George Sand, il résulte que Musset lui avait donné l’exemple de ces coupures aux ciseaux : il en avait opéré deux dans ses lettres pour faire disparaître des noms propres.
  28. Ces lignes sont écrites sur le verso d’une lettre d’Alfred de Musset, datée de Venise, à laquelle elles répondent : — apparemment George Sand aura renvoyé la lettre elle-même, tout de suite, avec la réponse.
  29. L’Italien qui devait accompagner Alfred de Musset comme domestique.
  30. Adresse : À Monsieur Alfred de Musset, poste restante, à Milan.
  31. Le vieux médecin qui, le premier, avait été appelé auprès d’Alfred de Musset.
  32. Ici trois lignes supprimées à l’encre.
  33. Indication de George Sand, au crayon bleu.
  34. Certainement Ursule Josse, femme d’un cordonnier et amie d’enfance de George Sand, qui parle beaucoup d’elle dans l’Histoire de sa vie.