Mémoires d’un vieillard de vingt-cinq ans/T1-03

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Auguste Brancart (I et IIp. 29-42).

Rochemond - Mémoires d’un vieillard de vingt-cinq ans, bandeau de début de chapitre
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CHAPITRE III.

L’AMOUR.





S ortir du sein d’une famille dont on est adoré ; quitter une mère empressée à satisfaire vos goûts, toujours portée à prévenir vos désirs ; ne plus voir autour de soi cette foule de flatteurs, dont sera toujours environné celui qui possédera quelque fortune ; ne plus être caressé, applaudi, voilà sans doute des sujets de peine : mais joignez encore à ces privations les railleries d’une jeunesse votre égale, qui vous persifle, se plaît à vous tourmenter, suivant qu’elle découvre que vous avez été plus ou moins gâté dans votre enfance, voilà la position dans laquelle se trouve Alexandre d’Oransai, lors de ses débuts dans la garnison. Le major d’Entremont l’attendait avec impatience. Vieil ami du comte, il vouait au fils de son ami la même tendresse. D’Entremont avait passé ses jours dans les camps ; il connaissait les agréments, les dangers de la vie militaire ; il se promettait de diriger Alexandre par un chemin qui, sans lui paraître trop austère, le fût cependant assez pour l’empêcher de se perdre, ainsi que le faisait nombre de jeunes seigneurs abandonnés à leur inexpérience. D’Entremont, peu riche, avait toujours su par son excellente conduite, non seulement marcher de pair avec les plus fortunés du régiment, mais encore les surpasser. Victime de plus d’une injustice, il avait vu, sans murmurer, des enfants portés par la faveur lui ravir les places qu’il eût dû occuper. Cependant le reproche, les plaintes ne s’échappaient point de sa bouche ; il ne voulait point, par son exemple, autoriser ses inférieurs à fronder les opérations du ministère. Rigoureux pour la discipline militaire, il punissait sans aigreur, sans caprice comme sans partialité ; il avait été jeune, et plus que tout autre, il savait combien on doit avoir de l’indulgence pour des adolescents emportés souvent malgré eux ; mais s’il était facile à excuser les erreurs de la tête, il était inflexible pour les vices du cœur : une étourderie était pardonnée ; une méchanceté, une fausseté le trouvaient inexorable. Respecté des officiers, estimé de ses supérieurs, l’égal de tous par son mérite et sa naissance, on disait toujours de lui ce peu de mots : C’est un honnête homme.

Alexandre, savait quel sentiment inaltérable unissait le comte d’Oransai et le chevalier d’Entremont ; il assura ce dernier de son obéissance sans bornes. Le major causa peu avec lui le premier jour, mais les jours suivants il l’initia dans ces riens qui cependant sont tout, soit dans le monde comme dans les garnisons. Grâces aux soins d’Entremont, Alexandre, par ses gaucheries, n’inspira point aux sots ce sourire de supériorité dont ils osent souvent accueillir l’homme d’esprit qui dédaigne s’instruire de leur jargon. D’Oransai plut généralement ; son extrême facilité ne permit point de lui adresser des reproches sur une morgue, une réserve quelquefois injurieuse que des nouveaux venus se permettent quelquefois. Il fallait cependant le tâter. Le tâter !!! Connaissez-vous ce que veut dire ce mot, lecteur ? Non. Eh bien je vais vous l’apprendre. Un nouvel officier arrive dans un régiment, il y porte l’amour pour son état, l’envie de servir son souverain. Il est l’espoir d’une famille qui de lui attend l’illustration ; son courage, ses talents militaires doivent être funestes aux adversaires de l’État. Vous pensez que rien ne doit s’opposer à ces généreuses envies : détrompez-vous, la mort qu’il porterait dans les rangs des ennemis, il la reçoit de son compatriote, d’un homme qu’il n’a point offensé, d’un homme qui n’a contre lui aucun sentiment de haine, qui, l’instant d’après, si l’un d’eux ne succombe pas, va devenir son ami. Pourquoi, me direz-vous, cette rage ? Je vous ai déjà répondu parce qu’on veut le tâter c’est-à-dire parce qu’on veut voir si un Français a du cœur !!! Ah ! qu’il mérite d’être sévèrement puni celui qui fait cette injure à sa patrie, puisqu’il peut croire qu’elle a produit un enfant indigne d’elle ; et c’est pour satisfaire à cette odieuse curiosité qu’on enlève un défenseur au royaume, un fils à son père ; qu’on ferme, sans retour, une carrière brillante, et qu’on verse le sang de son frère.

Exécrable coutume !!! Oui, sans doute, il est beau de défendre, les armes à la main, l’honneur de sa famille, de disputer la main de son amante. Combien est méprisable l’être assez vil pour souffrir une insulte humiliante ; mais combien est encore plus coupable l’être qui, de sang-froid, va provoquer celui dont il devrait être l’ami !

Il fallait, comme je l’ai dit plus haut, tâter Alexandre. Un détestable sujet, qui par sa mauvaise conduite s’était fait chasser de plusieurs régiments, se chargea de cette affaire. La douceur, la politesse d’Oransai déjouèrent mainte fois ses desseins. Enfin un jour il dit à haute voix, dans un café où les officiers allaient passer quelques heures, que celui-là était un lâche, qui souffrait qu’on le heurtât en passant Alexandre entendit ce propos ; deux heures après, comme il descendait les escaliers de la salle de spectacle, Martin (c’était le nom de l’officier) vient à lui et le frappe du coude rudement.

— Monsieur, lui dit Alexandre, en l’arrêtant, je ne suis point aussi sévère que vous ; en me heurtant avez-vous eu l’intention de me manquer, ou bien cette rencontre a-t-elle été celle du hasard ?

— Elle sera ce que vous voudrez, mon jeune officier, lui répondit Martin en ricanant.

— Eh bien, répliqua Alexandre, sans s’émouvoir, elle sera pour l’un ou pour l’autre l’arrêt de mort.

Il dit, et ces mots prononcés avec une fermeté extraordinaire, portèrent un trouble, précurseur d’un danger éminent, dans l’âme de Martin ; mais il n’était plus temps de reculer, il fallait combattre. Sur-le-champ les deux adversaires choisissant leurs seconds, s’éloignent de la ville, et un combat terrible va commencer, éclairé par la faible clarté de la lune. Alexandre, indigné du procédé de Martin, et résolu à ne plus recommencer, préférait périr que de ne pas tirer vengeance d’un aussi infâme procédé. Au moment de se mettre en défense, le souvenir de son père, de sa mère chérie, vinrent apporter la douleur dans son âme ; cependant, loin de se livrer à ces tristes idées, il cherche à les détourner, et prête toute son attention à repousser le fer de son ennemi. Martin s’apercevant qu’Alexandre se tenait sur la défensive, crut qu’il le craignait. „Jeune homme, lui cria-t-il, vous mollissez !” Ces mots étaient à peine prononcés que d’Oransai, pareil à la foudre, se précipite sur lui, et lui passant son épée au travers du corps, le fait tomber expirant sur la terre.

À la vue du meurtre qu’il vient de commettre, le généreux Alexandre oublie qu’il a été provoqué : aidé de ses deux camarades, il essaie de rendre à la vie ce cadavre insensible ; il n’est plus temps… Une sueur glacée fait frissonner d’Oransai ; une larme partie de son sensible cœur vient sillonner sa joue pâle : on l’entraîne, et c’est avec bien de la peine qu’on put, au bout d’un long espace de temps, lui rendre sa première gaîté.

Le lendemain on apprit publiquement la mort de Martin ; on fit des recherches pour la forme, mais le coupable n’ayant point été découvert, le cadavre de Martin et son souvenir furent ensevelis dans la même tombe.

Cette affaire fit le plus grand honneur à Alexandre. Le major, lui-même, le félicita ; et lorsque le comte lui écrivit, d’Oransai vit percer dans le style de la lettre une satisfaction qu’il ne pouvait pas se cacher. Présenté par le major, Alexandre parut dans les premières maisons de la ville ; partout on l’accueillit avec distinction : on aimait sa gaîté franche et naturelle, son humeur peu cérémonieuse ; il jouait la comédie à ravir ; il était galant auprès des femmes, et poli pour les hommes. Parmi les sociétés dans lesquelles il était admis, Alexandre ne tarda pas à distinguer celle de M. de Clagni, père d’une foule de jolies demoiselles ; celui-ci se voyait l’objet des avances d’une foule de jeunes gens qui, formés dans les grands principes, voulaient d’abord, en plaisant au père, se faire mieux voir des jeunes personnes. D’Oransai ne se définissait pas trop bien quel était le sentiment qui le conduisait si constamment dans cette maison.

Une aventure qui lui arriva quelques jours après, lui apprit à lire clairement dans son cœur. Aux portes de la ville, M. de Clagni possédait une terre charmante qu’il embellissait encore chaque jour ; de superbes terrasses placées en amphithéâtre formaient un immense jardin orné de vastes bassins de marbres, de riches statues, de belles salles de bains, de bois délicieux ; l’intérieur, plus magnifique encore, attirait la curiosité publique. Pendant les chaleurs de l’été, M. de Clagni, suivi de sa famille, se retirait dans ce charmant séjour. D’après une invitation commune à lui et au chevalier d’Entremont, Alexandre avait la permission de venir quelquefois faire sa cour à madame de Clagni, et il profitait amplement de cette aimable faveur. Un après-dîner il venait d’arriver ; M. de Clagni s’était retiré dans son cabinet, son épouse était sortie. Le valet de chambre dit à M. d’Oransai, qui se préparait à se retirer, que les demoiselles étaient dans le jardin. D’Oransai, empressé de les rejoindre, s’avançait à grands pas, lorsque des cris qu’il entendit hâtèrent encore sa marche. Il approche, il voit d’un coup d’œil que ces jeunes demoiselles jouant avec un batelet sur le plus grand des bassins, avaient fait chavirer la frêle nacelle, et que la charmante Élise était tombée dans l’eau. Il s’élance, saisit Élise, et la rapporte sur le bord, privée de connaissance ; la peur, et nulle autre cause l’avait fait évanouir. Mais à l’intérêt que prend d’Oransai, au trouble intérieur qu’il ressent, à son agitation, il ne peut plus méconnaître le sentiment qu’il éprouve. Il frémit d’abord, mais il se livre bientôt après au penchant irrésistible par lequel il est entraîné.

Les soins qu’on prodigue à Élise la tirent de son engourdissement ; elle ouvre les yeux, et voyant d’Oransai devant elle, elle les referme promptement. „M. Alexandre, lui dit-elle d’une voix qui fut jusqu’à son âme, je vous dois la vie.” M. Alexandre, au lieu de M. d’Oransai : oh ! comme cette nuance est sentie par celui qui aime véritablement ! on n’appelle point par le nom de naissance celui qui vous est indifférent, et jamais on ne donne à l’objet qu’on aime le nom porté par sa famille. L’étranger est d’Oransai, l’ami du cœur est Alexandre ; celui-ci, transporté, ne cherche pas à diminuer aux yeux d’Élise l’importance du service qu’il vient de lui rendre. Il a trop besoin de sa reconnaissance pour se faire pardonner le tendre aveu qu’il sent ne plus pouvoir reculer. On ramena Élise au château, ses sœurs la suivirent ; on voulait la contraindre à se mettre dans son lit, mais elle s’y refusa obstinément : Alexandre n’eût pu entrer dans sa chambre ; dans ce moment on n’oubliait point d’Oransai, chacun l’embrassait, le caressait. „Il faut, s’écria M. de Clagni, que ma fille embrasse son libérateur.” Alexandre ne se le fait point répéter, il vole vers Élise ; celle-ci, trop peu adroite, ne sait point refuser, et c’est en présence d’une famille qu’Alexandre donne, et qu’Élise reçoit le premier baiser de l’amour.

Il était tard quand d’Oransai se retira ; son sommeil ne fut point tranquille : il voyait Élise ; comme une ombre légère, elle venait s’offrir à son imagination.

Élise n’était point grande, mais sa taille peu élevée était pleine de grâce ; rien n’égalait la vivacité de ses yeux superbes ; sa bouche où, sous une rose, brillait le plus blanc émail, et qui embellissait Élise par un sourire si aimable que rien ne peut en rendre les charmes ; la peau d’Élise était d’une blancheur éblouissante ; son pied d’une extrême petitesse ; enfin tout son ensemble plaisait, et son esprit naturel, impétueux, et quelquefois malin, sa conversation légère et variée, prêtaient de nouveaux appas à son portrait ; mais supérieure encore à tout, rien n’égalait la grandeur d’âme d’Élise ; ses sentiments purs et sublimes, sa volonté ferme pour le bien, son attachement à sa famille, tout, en un mot, complétait une réunion de qualités qu’on ne peut guère espérer de trouver ensemble. Élise, dans le monde, était comme dans l’intérieur de son ménage, franche et communicative ; rien ne l’éblouissait, rien ne savait lui en imposer ; bienfaisante sans ostentation, attachée au culte de ses pères, menant une conduite irréprochable, elle aimait pourtant à plaire, et celui qui soupirait pour elle, s’il n’était pas écouté, était au moins souffert.

Le caractère d’Alexandre avait trop de rapport avec le sien pour ne pas sympathiser ensemble ; le même trait les perça, et ils comprirent que c’était de l’un et de l’autre qu’ils devaient attendre le bonheur de leur vie. Une semaine après l’événement que je viens de rapporter, d’Oransai se promenant seul, s’avança près du bassin, théâtre de l’accident d’Élise ; cette vue lui parlant plus vivement de son amour, il s’éloigna, et portant ses pas vers un bosquet voisin, il se mit à composer les vers suivants qu’il chantait à demi-voix, ne voulant pas confier son secret à des importuns.

C’est trop longtemps souffrir ma peine,
C’est trop longtemps nourrir mes feux ;
Je dois plutôt rompre une chaîne
Qui me rend ainsi malheureux.


Que dis-je ! une telle entreprise
Ne peut ainsi se déclarer,
Je dois toujours auprès d’Élise,
Toujours pour elle soupirer.

Alexandre terminait ainsi sa plaintive romance quand il se présenta à l’entrée d’un cabinet de feuillage, qui n’avait point d’autre issue que celle par laquelle il entrait. Il avance ; … Ô surprise ! ô terreur ! il aperçoit Élise, la colère n’animait point son regard ; cependant d’Oransai se précipite aux genoux de la jeune de Clagni, et d’une voix étouffée il implore son pardon avec tant de chaleur, qu’Élise, subjuguée, ne peut s’empêcher de lui répondre en colorant ses joues vermeilles du pudique incarnat de la modestie : „Alexandre, si j’étais fâchée, je ne m’arrêterais pas à vous écouter. Elle dit, sa rougeur redouble, et d’Oransai, ivre d’amour et de joie, lui fait et reçoit les serments solennels d’une tendresse qui ne doit plus s’éteindre qu’avec leur vie. Ils arrêtèrent dès ce moment que les flambeaux d’un hymen étranger ne brûleraient point pour eux ; leur extrême jeunesse leur parut un obstacle à leur prompte union ; d’ailleurs la guerre venait de se rallumer, et dans ce moment Alexandre n’eût point voulu contracter des liens qui, pour quelque temps, l’eussent ravi à la gloire.

La fière Élise partageait ses sentiments, et l’héroïsme soutenant leur courage, ils virent sans une trop violente douleur, l’instant de leur séparation. Il arriva : le régiment reçut l’ordre de se rendre sur les frontières ; dès ce moment le bruit, le mouvement redouble dans la ville. Il faut avoir habité une ville de garnison pour se faire une juste idée de l’effet que produit le changement d’un régiment : chaque officier, chaque soldat a ses amis et sa maîtresse ; on redoute l’instant d’une séparation qui ne laisse pas espérer d’ordinaire un rapprochement bien rare. On pleure ici, là on se réjouit au sujet du rival qui s’éloigne ; les créanciers sont plus alertes que jamais ; les officiers vont faire de tendres adieux : on les reçoit la larme à l’œil, cependant à travers ces regrets perce un vague désir de connaître leurs successeurs ; on perdra peut-être au change, mais ce seront de nouveaux personnages, de nouvelles figures, et pour les Françaises la nouveauté a tant de charmes !

Le jour du départ arrive, de grand matin le tambour bat, on s’arrache des bras de l’amour ; chacun court à son rang ; élégamment vêtus, l’épée à la main, au son d’une musique militaire, tous défilent en ayant grand soin de faire passer la troupe dans les principales rues de la ville ; on reconnaît ses amis, on salue de l’épée, on étouffe un soupir ; dès qu’on a franchi les portes on respire plus gaîment, et l’on ne s’occupe plus des absents avant la couchée prochaine.

Alexandre ne sut point en agir ainsi : amoureux véritablement, il dévorait ses larmes ; et ce fut dans le sein de son ami d’Hervillé qu’il déposa sa tristesse. La rapidité de leur marche les mit bientôt en présence de l’ennemi. À chaque combat la victoire favorisait l’armée française, et à chaque victoire un grade nouveau devenait la récompense d’une action d’éclat d’Alexandre d’Oransai. Pendant son absence, avec quelle avidité Élise lisait les gazettes qui l’entretenaient des exploits de son amant ! Oh ! comme elle était fière de son choix ! Avec quel orgueil elle se parlait de son amour ! La paix vint ajouter à son bonheur.

Paré du grade de lieutenant-colonel, ayant obtenu un congé, Alexandre se hâta de se rendre auprès de son amie : il la trouva toujours plus tendre, plus aimante ; et lui n’eut point, devant elle, à rougir d’une seule infidélité. Délicieux moment du retour, quel est celui qui pourrait vous bien décrire ! Comment peindre ces mots entrecoupés, ces rapides caresses, ces questions, ces réponses qu’on n’entend point, ces récits si douloureux et puis les élans d’une joie que rien n’empoisonne ! que peut-on désirer de plus ? on était éloigné et l’on s’est revu. Ah ! qu’ils les ressentaient bien ces charmes du retour, les deux amants dont je peins les transports. Quand pourrons-nous, disait Élise, ne plus nous quitter ?

— Chère amie, nous le pourrons bientôt ; je vais de ce pas écrire à mon père, il ne peut s’opposer à notre union : où trouverait-il mieux ? fortune, naissance, grâces, esprit, talents, tu réunis tout. Oui, tu seras mon épouse, et un mois ne s’écoulera pas avant que je ne puisse te donner ce nom.

Il dit et écrit à son père une lettre dans laquelle respiraient son amour et son espoir ; il y demandait la main d’Élise comme la récompense de ses succès ; il la peignait telle qu’il la voyait, et le pinceau de l’amour est si brillant !

La lettre partit, en attendant celle du comte, Alexandre ne s’éloignait point de son Élise ; toujours ensemble, leur tendresse s’augmentait à chaque instant ; ils étaient heureux près l’un de l’autre, il n’entrait point dans leur idée que ce bonheur dût disparaître. L’impatient d’Oransai comptait les heures, les minutes, les jours, jusqu’à celui qui devait lui apporter la réponse de son père. Il lui semblait que les courriers, par leurs retards, se faisaient un jeu de son attente : il assiégeait l’hôtel de la poste ; enfin cette épître tant désirée arrive, Alexandre s’empresse de rompre le cachet, il jette les yeux, et lit une lettre conçue en ces termes : Je veux vous répondre de vive voix ; partez sur-le-champ pour me rejoindre, votre père l’ordonne.

Philippe,
Comte d’Oransai.

Rochemond - Mémoires d’un vieillard de vingt-cinq ans, vignette fin de chapitre
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