Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Nouvelles réflexions sur les Tautochrones

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NOUVELLES RÉFLEXIONS
SUR
LES TAUTOCHRONES.


(Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, 1770.)


Séparateur


Depuis Huyghens, qui le premier a trouvé que la cycloïde était la courbe tautochrone pour les corps pesants dans le vide, les Géomètres se sont appliqués à chercher des méthodes directes et générales pour déterminer les courbes qui jouissent de la même propriété dans des hypothèses quelconques de pesanteur et de résistance.

Les premières solutions analytiques qui aient paru de ce Problème sont, je crois, celles que MM. Jean Bernoulli et Euler ont données : le premier, dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris, pour l’année 1730, et le second, dans le tome IV des anciens Commentaires de Pétersbourg. Ces solutions sont fondées sur la considération des fonctions de dimension nulle de deux variables, et il faut avouer qu’elles sont aussi simples et aussi directes qu’on peut le désirer ; mais comme ces solutions exigent qu’on ait l’expression de la vitesse, elles ont l’inconvénient de ne pouvoir être applicables qu’aux cas où l’équation différentielle de la vitesse est intégrable. Pour suppléer à ce défaut, il fallait trouver une méthode qui fût indépendante de l’intégration de l’équation qui donne la vitesse, et c’est à quoi M. Fontaine est parvenu par le moyen d’un calcul particulier qui consiste à faire varier les mêmes quantités de deux manières différentes, et qui a quelque rapport à celui dont les Géomètres du siècle passé se sont servis pour résoudre les Problèmes des trajectoires et quelques autres du même genre.

La solution de M. Fontaine parut d’abord si satisfaisante, qu’on ne parla plus de tautochrones, comme cet Auteur le dit lui-même dans ses Œuvres imprimées en 1764, page 15 ; mais le Mémoire que je lus à l’Académie sur ce sujet, en 1767[1], réveilla l’attention des Géomètres, et fit voir que la matière n’était pas encore si épuisée qu’on l’avait cru. Ayant envisagé la question des tautochrones sous un point de vue un peu différent de celui sous lequel on l’avait toujours considérée avant moi, je suis parvenu à une formule générale et très-simple, qui donne l’expression de la force nécessaire pour produire le tautochronisme, et qui renferme non-seulement tous les cas déjà connus, mais encore une infinité d’autres dans lesquels on ignorait que le Problème fût résoluble. Un grand Géomètre, à qui je communiquai cette formule, mais en supprimant l’analyse qui m’y avait conduit, la trouva assez importante pour mériter qu’il en cherchât la démonstration ; et c’est ce qui a occasionné les savantes et ingénieuses recherches qu’il a faites sur la même matière et qui se trouvent dans nos Mémoire pour l’année 1765 ; mais mon travail n’a pas été jugé si favorablement par M. Fontaine, qui vient de m’attaquer dans un Mémoire imprimé dans le volume de l’Académie des Sciences de Paris, pour l’année 1768. Je m’attendais, avec raison, à trouver dans ce Mémoire des objections solides et dignes du nom de cet illustre adversaire mais j’ai été bien surpris de n’y trouver que quelques expressions peu obligeantes, sans aucune raison bonne ou mauvaise. Comme la simple lecture de son Mémoire et du mien peut suffire pour me mettre à couvert de ses critiques, je les passerai entièrement sous silence, et je me contenterai d’exposer dans ce Mémoire quelques réflexions que j’ai faites à cette occasion, tant sur ma solution de 1767 que sur la nouvelle solution de M. Fontaine de 1768. Je commencerai par donner la solution d’un Problème qui n’a pas encore été résolu, et qui sert à jeter un grand jour sur celui des tautochrones ; je résoudrai ensuite ce dernier Problème dans toute sa généralité ; du moins je donnerai les formules les plus générales qu’on puisse désirer sur cet objet ; de là je passerai à examiner la solution que M. Fontaine donne pour générale, et je ferai voir qu’elle est incomplète, et même illusoire à certains égards.

Problème I.

Soit l’espace total que peut parcourir un corps qui part d’un point donné avec une certaine vitesse, et qui est continuellement retardé dans sa marche par une force variable soient de plus un espace quelconque parcouru pendant le temps la vitesse du corps au bout de ce temps, et une fonction quelconque donnée de et de on demande par quelle fonction de et de doit être exprimée la force pour que le temps soit égal à une fonction quelconque de

1. On aura d’abord, par les principes de mécanique, l’équation

(A)

qui est, comme on voit, une équation différentielle du premier ordre à deux variables et étant par l’hypothèse du Problème une fonction de et Ainsi il y aura une fonction de et que nous désignerons par par laquelle cette équation étant multipliée deviendra intégrable ; de sorte qu’on aura l’équation finie

Pour déterminer cette constante, on remarquera que par l’hypothèse du Problème il faut que la vitesse soit nulle au bout de l’espace d’où il s’ensuit que si l’on nomme ce que devient la quantité lorsqu’on y fait et on aura

(B)

Maintenant, comme le premier membre de cette équation est une fonc-

tion finie de et sans et que le second est une fonction finie de seul, il est clair que si l’on y fait varier à la fois les trois quantités et et qu’on suppose on aura cette équation différentielle à trois variables
(C)

de sorte qu’en regardant comme une fonction de et donnée par l’équation (B), on aura

2. Cela posé, considérons le temps que le corps met à parcourir l’espace on aura, comme on sait,

où il faudra mettre à la place de sa valeur en et donnée par l’équation (B), après quoi on intégrera en regardant comme constante, ce qui donnera pour une fonction de et

Supposons maintenant qu’on différentie cette valeur de en y faisant varier à la fois et et l’on aura, en regardant comme une fonction de et

ou bien, en substituant pour sa valeur et mettant la quantité qui est une fonction de seul hors du signe

(D)

3. Or, étant (hypothèse) une fonction donnée de et on aura

et comme doit être une fonction quelconque de on aura donc aussi égale à une fonction quelconque de que nous désignerons par

donc, différentiant et supposant on aura

or, cette équation doit être identique avec l’équation (D) ; donc on aura, par la comparaison des termes affectés de et de

et par conséquent

Soit, pour abréger, et l’on aura, en divisant par

et différentiant, dans l’lypothèse de et seuls variables et de constante,

d’où l’on tire

mais on a (I), donc

Cette quantité est, comme on voit, une fonction de et parce que est une fonction de une fonction de et et une fonction de et or, étant donné en et par l’équation (B), on pourra réduire la quantité à n’être qu’une fonction de et et dans cet état ce sera le multiplicateur qui doit rendre intégrable la différentielle (I) ; on pourra donc substituer cette valeur de dans l’équation (C), et, comme cette équation n’est autre chose que la différentielle de l’équation finie (B), il est clair qu’on pourra remettre dans la quantité à la place de sa valeur en et d’où il s’ensuit qu’on peut mettre immédiatement dans l’équation (C) l’expression de trouvée ci-dessus, dans laquelle les trois quantités et entrent à la fois, ce qui donnera, en divisant les deux membres par cette équation différentielle à trois variables

par laquelle on pourra déterminer l’une de ces variables par les deux autres.

4. Soit, pour plus de simplicité,

en sorte que l’équation précédente devienne

(E)

Or, pour que cette équation soit possible, il faut, comme on sait, qu’on ait cette condition

Mais ne peut ètre contenu que dans parce qu’on suppose que soit une fonction de et seulement ; donc on aura

donc

de sorte que l’équation de condition se réduira à celle-ci

(F)

Il faudra donc que cette équation ait lieu en même temps que l’équation (E), sans cependant qu’il en résulte aucune nouvelle détermination entre les trois variables et Or, c’est ce qui ne peut arriver que dans ces deux cas : 1o si l’équation (F) est absolument identique ; 2o si la même équation (F) est renfermée dans l’équation (E). Nous allons examiner ces cas l’un après l’autre.

5. Premier cas, où l’équation de condition est identique. — Dans ce cas, il faudra qu’en regardant comme constante, la quantité soit une différentielle exacte d’une fonction de et car la condition de l’intégrabilité de la différentielle est

qui est précisément la même que l’équation (F) ; donc, mettant au lieu de sa valeur en laquelle est il faudra que la différentielle

c’est-à-dire,

soit intégrable : or, à cause que est une fonction de et sans et que est regardé ici comme constante, il est clair que le terme sera intégrable de lui-même, de sorte qu’il faudra aussi que les termes restant le soient ; ce qui ne saurait être à moins que ne soit une fonction de ou bien de

On aura donc aussi égal à une fonction de qu’on pourra désigner par donc

et par conséquent

Or, comme la quantité est traitée comme constante, elle pourra entrer comme telle dans la fonction indéterminée mais, à cause que ne doit être qu’une fonction de et de il faudra que disparaisse de l’expression de Nous verrons plus bas comment on peut satisfaire à cette condition.

6. Second cas, où l’équation de condition n’est pas identique. — Ce cas aura lieu lorsque les deux équations (E) et (F) seront identiques l’une avec l’autre ; donc, comme l’équation (F) est finie et que l’équation (E) contient les différentielles premières il faudra que celle-là soit l’intégrale de celle-ci.

Or l’équation de condition (F) se réduit à celle-ci

(F)

Donc si l’on fait, pour abréger,

en sorte qu’on ait et qu’on différentie cette équation dans l’hypothèse de et variables, on aura

qui devra être identique avec l’équation (E) ; or celle-ci donne

donc, substituant cette valeur, on aura

équation qui devra être identique ; de sorte qu’il faudra que les coefficients de et de soient chacun égal à zéro en particulier, ce qui donnera ces deux équations-ci

(G)
(H)

qui devront avoir lieu en même temps que l’équation (F).

Donc, supposant la fonction connue en et on pourra, par le moyen de ces trois équations, éliminer et il en restera deux qui ne contiendront que les variables finies et avec la quantité et ses différentielles

Ces deux équations devront donc être identiques chacune en particulier, de sorte qu’on pourra les différentier à volonté en prenant ou constante, comme on voudra. On pourra donc, par leur moyen, chasser la quantité et ses différentielles, et il restera une équation finie entre et qui devra aussi être identique. Ainsi, ayant trouvé cette dernière équation en et en on verra si elle est identique, auquel cas le Problème sera résoluble, et l’on pourra avoir facilement la valeur de en et en mais si elle ne l’est pas, ce sera une marque que les deux équations (E) et (F) ne sauraient être identiques entre elles, et qu’ainsi le Problème ne pourra pas se résoudre dans cette hypothèse.

7. Corollaire I. — Considérons l’expression générale de que nous avons trouvée dans le premier cas, et supposons que le terme tout constant de la fonction soit une fonction quelconque de que je désignerai par en sorte que les autres termes de la même fonction renferment chacun une puissance de il est clair que la valeur de contiendra le terme

et qu’il n’y aura aucun autre terme que celui-ci qui renferme le carré Donc, pour que l’expression de ne renferme point la quantité il faudra que le coefficient

ne la renferme pas non plus, et par conséquent qu’il soit une fonction de sans Soit donc cette fonction, en sorte que l’on ait

et intégrant dans l’hypothèse de constante et de variable, on aura

mais

est une fonction de seulement ; donc, dénotant par cette fonction, on aura

Substituant donc cette valeur dans l’expression de elle deviendra

Donc, il faudra que la fonction soit telle, que ne contienne point mais qu’elle contienne seulement Prenant donc une

fonction quelconque de telle que et la mettant à la place de on aura, en général,

8. Corollaire II. — Substituons maintenant cette valeur de dans l’équation (E) du no 4, et l’on aura, à cause de l’équation

dont l’intégrale est

Or, il faut qu’en faisant on ait donc, si l’on nomme la valeur de lorsque valeur qui sera constante et indépendante de parce que est censée ne pas contenir on aura, en faisant

d’où, à cause de il s’ensuit qu’on aura aussi

c’est-à-dire que devra être une fonction de semblable à la fonction de mais prise négativement.

9. Corollaire III. Donc, si l’on prend pour une fonction de semblable à la fonction de qui est dénotée par on aura

donc (3)

et par conséquent

donc

de sorte que devra être une fonction de

et par conséquent sera aussi une fonction de

ou bien une fonction de

et comme est supposé une fonction quelconque de il s’ensuit que le temps sera aussi une fonction quelconque de

d’où je conclus que le premier cas de la solution précédente ne peut avoir lieu que lorsque le temps est supposé une fonction quelconque de dimension nulle de deux fonctions semblables, l’une de et l’autre de

10. Corollaire IV. — Si le temps n’est pas une fonction de et de telle que nous venons de le dire, alors l’équation de condition ne pourra pas être identique, et le Problème ne sera résoluble que lorsque cette équation sera renfermée dans l’équation différentielle (E), ce qui donnera, comme nous l’avons vu (6), les deux équations finies

Substituons au lieu de sa valeur (4), et comme est une fonction de et de sans et que en est une de et de sans on aura d’abord

d’où l’on trouvera

ensuite

Ainsi l’on aura les trois équations

(F)
(G)
(H)
qui devront être identiques entre elles. On traitera donc ces trois équations comme nous l’avons dit (6) ; mais il arrivera bien souvent qu’elles ne pourront pas avoir lieu à la fois, et alors la solution du Problème sera impossible.

11. Scolie. — On a supposé dans le Problème précédent que le temps employé à parcourir l’espace devait être exprimé par une fonction quelconque de la quantité qui est une fonction donnée de et de d’où il s’ensuit que le temps sera constant lorsqu’il y aura entre et la relation donnée par l’équation

Ainsi l’on pourra résoudre le Problème suivant :

Trouver la loi de la force accélératrice nécessaire pour que le corps mette toujours le même temps à parcourir un espace quelconque qui ait une relation donnée avec l’espace total.

Problème II.

On demande l’expression générale de la force accélératrice nécessaire pour le tautochronisme.

12. En conservant les dénominations du Problème I, la question se réduit à trouver quelle fonction de et de on doit prendre pour pour que l’expression de soit telle qu’en y faisant elle devienne indépendante de Donc, en regardant (comme on l’a fait dans le Problème précédent) comme une fonction quelconque d’une fonction donnée de et il est clair que le Problème sera résolu dans toute sa généralité si l’on fait en sorte que soit une fonction quelconque de et de telle que disparaisse lorsqu’on fait Ainsi la quantité ne sera pas donnée tout à fait ; mais il faudra seulement qu’elle soit assujettie à la condition dont nous venons de parler. Or nous avons supposé (3)

donc, faisant on aura

et comme dans cette supposition on veut que la quantité devienne indépendante de il faudra que l’on ait

donc on aura, en faisant

De sorte qu’on pourra prendre pour toute fonction de et de telle qu’elle devienne égale à lorsqu’on y fait

Mais il faut remarquer que doit être égal à zéro lorsque (hypothèse) donc si, en faisant on a (3) ; il faudra aussi que devienne égal à lorsque de sorte qu’en supposant seulement infiniment petit on aura nécessairement

étant une constante indépendante de étant une fonction de et un nombre quelconque positif ; donc on aura aussi, en différentiant,

et par conséquent

d’où l’on voit que la quantité doit être telle qu’elle devienne égale à lorsque est infiniment petit, étant une constante quelconque. Donc il faudra que soit égal à zéro lorsque et que soit en même temps une quantité finie quelconque.

Voilà les seules conditions auxquelles la fonction doive être assujettie dans le cas du tautochronisme ; à ces limitations près, la fonction pourra donc être regardée comme indéterminée, et la solution du Problème sera renfermée dans celle du Problème précédent. Or nous avons vu que ce dernier Problème est résoluble dans deux cas, lorsque l’équation de condition (F) est identique et lorsqu’elle est renfermée dans l’équation différentielle (E) ; il en sera de même du Problème des tautochrones, de sorte qu’on aura ces deux solutions :

13. Première Solution. — En supposant l’équation de condition identique, nous avons trouvé pour l’expression générale (5 et 7)

et comme on a dans ce cas (9)

étant une fonction de semblable à la fonction de il est clair qu’en faisant on aura et par conséquent Donc l’expression précédente de sera toujours propre à produire le tautochronisme, quelle que soit la fonction de désignée par et quelle que soit aussi la fonction de pourvu que celle-ci soit telle qu’on ait et égal à une quantité quelconque finie lorsque (12). Cette solution est la même que celle que j’ai donnée dans mon Mémoire de 1767[2], en la déduisant de la supposition que l’expression du temps soit une fonction quelconque de dimension nulle de deux fonctions semblables, l’une de et l’autre de Cette supposition pouvait paraître alors trop limitée ; mais, après ce que nons venons de démontrer, on voit qu’elle est aussi générale que la question le permet, au moins tant que l’équation de condition doit être identique, ce qui est le cas le plus naturel et en même temps le plus général.

14. Seconde Solution. — Si l’équation de condition n’est pas identique il faut voir si elle peut être renfermée dans l’équation différentielle même, auquel cas le Problème sera encore résoluble, autrement il ne le sera pas. On aura donc, dans ce cas (6), les trois équations

c’est-à-dire (10)


De sorte qu’il faudra que la valeur de en et soit telle qu’elle satisfasse à la fois à ces trois équations, en prenant pour une fonction quelconque de et de telle que lorsque et que et soit égal à une quantité finie lorsque

Or, il est clair que la recherche de la valeur de par le moyen de ces trois équations sera très-difficile, et qu’ainsi la solution précédente peut être regardée comme plus curieuse qu’utile ; mais elle peut être beaucoup simplifiée par la considération suivante.

15. Troisième Solution. — La Solution précédente est fondée sur la supposition que l’équation de condition soit identique avec l’équation différentielle (E) ; or, pour que cette identité ait lieu, il faut que l’équation exprime la même relation entre les trois quantités et qui est exprimée par l’équation différentiellé (E). Donc, si l’on imagine qu’on tire de cette dernière équation la valeur de en et et qu’on la substitue dans celle-ci, il faudra que l’équation qui en résultera soit identique. Or on a (10)

est supposé une fonction de et sans et une fonction de et sans ainsi il ne s’agira que de substituer dans la quantité et dans ses différentielles à la place de sa valeur en et qui est supposée donnée par l’équation (E) ; or, la quantité étant indéterminée, on pourra la regarder d’abord comme une fonction de et sans et alors l’équation devra, être identique.

16. Il faudra seulement observer :

1o Que la quantité devra être égale à lorsque quel que soit car il faut que soit égal à lorsque mais on a (hypothèse) lorsque donc il faudra que soit égal à en y faisant et et comme la quantité regardée comme une fonction de et est supposée ne pas contenir il est clair que cette quantité ne pourra pas devenir égale à en faisant et à moins qu’elle ne le devienne aussi quel que soit

2o Qu’en faisant et tout ce qu’on voudra, la quantité devra devenir nulle, et la quantité finie ; car la quantité regardée comme une fonction de et de doit être de la forme lorsque est très-petit (12), étant une fonction de donc, mettant à la place de sa valeur en et et faisant nul, la quantité deviendra une fonction de on aura donc, lorsque est infiniment petit,

et différentiant

et mettant à la place de sa valeur

donc, faisant maintenant on aura

17. Cela posé, si l’on considère comme une fonction de et et qu’on suppose

on aura

de sorte que la quantité deviendra

Regardons maintenant la quantité comme une fonction de et et l’on aura aussi

or on a, par l’équation (E),

donc

donc

différentions maintenant cette valeur de et l’on aura

c’est-à-dire

à cause de

et mettant pour sa valeur

de sorte qu’on aura

Substituant donc dans les valeurs de et de que nous venons de trouver, on aura

c’est-à-dire

Or, puisque est regardé maintenant comme une fonction de et on aura

donc, substituant ces valeurs, on aura pour l’équation de condition

(I)

et cette équation suffira pour la solution du Problème.

18. Donc, si l’on veut que soit exprimé par étant une fonction donnée de et une fonction inconnue de on substituera dans l’équation précédente cette valeur de ce qui donnera

Et l’on tâchera de déterminer par cette équation les quantités et en sorte que soit une fonction quelconque de seul, et que soit une fonction de et de assujettie aux conditions énoncées dans le no 16.

19. Corollaire. Si l’on suppose que la quantité soit donnée dans l’équation (I), on pourra en tirer la valeur de . Pour cela, je remarque que cette équation peut se réduire à celle-ci

ce qui est aisé à vérifier par la différentiation ; de sorte qu’il faudra que la quantité

soit une différentielle complète d’une fonction de et de

En effet, pour que l’équation (E) du no 4 soit possible en regardant et comme des fonctions de et de il est clair qu’il faut que soit une différentielle complète. Or on a, en mettant à la place de (17),

mais on a, par le même numéro,

donc

Maintenant, si l’on tire la valeur de de cette équation, on aura

et cette valeur étant substituée dans la quantité on aura celle-ci

ou bien

c’est-à-dire, à cause de

laquelle devra donc être une différentielle complète.

Soit

tirant de cette équation la valeur de elle sera exprimée en et de sorte que, substituant cette valeur dans la quantité précédente, on aura une quantité de la forme

et seront des fonctions données de et et où sera une fonction

inconnue des mêmes variables, laquelle devra être telle, que la quantité dont il s’agit soit une différentielle complète. D’où il s’ensuit qu’on aura

étant une fonction quelconque de et par conséquent

Ayant on aura par la formule ci-dessus, de sorte qu’en remettant à la place de on aura en et

20. Scolie. Au reste, puisque l’on a

on aura aussi

étant une quantité quelconque ; donc on pourra déterminer en sorte que la quantité ou

soit intégrable ; alors le temps deviendra une fonction de et de or doit être égal à zéro lorsque et pour avoir le temps total il faudra faire donc si l’on veut que le tautochronisme ait lieu, il faudra que l’intégrale de

soit une telle fonction de et de qu’elle s’évanouisse lorsque et qu’elle devienne constante, c’est-à-dire indépendante de lorsque .

Or c’est ce qui aura lieu si l’on a lorsque et lorsque Maintenant, pour que

soit intégrable, il faut que l’on ait

donc on aura, en général,

étant une fonction quelconque de et de telle que l’on ait lorsque et lorsque

Soit, par exemple,

étant une fonction de telle qu’elle soit égale à zéro lorsque et une fonction de on aura donc

de sorte que devra être tel que soit nul lorsque de cette manière on aura, en général,

Supposons on aura

d’où l’on voit que doit être plus grand que zéro, c’est-à-dire Faisons donc , étant un nombre quelconque

positif, on aura

et l’expression de sera

Si l’on fait on aura

Ce qui pourrait servir, ce semble, à déterminer les tautochrones dans les milieux résistants comme les carrés des vitesses ; mais il faut remarquer que le coefficient de dans l’expression de que nous venons de trouver ne peut jamais être constant ; car supposant on aurait ce qui n’est pas nul lorsque contre l’hypothèse ; donc la formule précédente ne pourra avoir lieu que lorsqu’on supposera la densité du milieu variable.

La solution que nous venons de donner est analogue à celle que nous avons déjà donnée à la fin de notre Mémoire de 1767. M. d’Alembert en a donné de son côté une pareille, qu’il a accompagnée d’un grand nombre de remarques très-intéressantes, et qui lui sont propres ; c’est pourquoi nous ne nous arrêterons pas davantage sur ce sujet.

Remarques sur la solution du Problème des tautochrones, donnée par M. Fontaine dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris, pour l’année 1768.

21. M. Fontaine réduit la solution de ce Problème à deux équations qui, en faisant pour avoir le cas du tautochronisme, se réduisent à celles-ci (p. 468)

est la force retardatrice le long de l’arc force qu’il suppose être la somme de deux fonctions, l’une de et l’autre de en sorte que l’on ait et est une fonction de dimension nulle de et de laquelle doit être égale à zéro lorsque et égale à lorsque (p. 466).

22. Je remarquerai d’abord que la supposition que soit une fonction de dimension nulle de et est trop limitée ; aussi M. Fontaine s’en écarte-t-il dans le premier exemple qu’il donne et où il trouve

qui n’est pas, comme on voit, une fonction de dimension nulle de et de Cette méprise n’influe à la vérité en rien sur sa solution, mais elle peut servir, ce me semble, à inspirer au lecteur quelque défiance sur l’exactitude de ses calculs.

23. Considérons maintenant les deux équations de M. Fontaine. Il est clair que la première est la même que l’équation que nous avons désignée par (F) dans le no 9, en y mettant à la place de de sorte que cette équation de M. Fontaine n’est autre chose que l’équation de condition nécessaire pour que l’équation différentielle

soit possible ; et c’est ce qu’on peut aisément vérifier par le calcul (nos 4 et suivants).

Or nous avons vu dans le Problème II que la condition du tautochronisme n’exige autre chose sinon que l’équation dont il s’agit soit possible en prenant pour ou une fonction quelconque de et de telle qu’elle soit nulle lorsque et égale à lorsque Ainsi la première équation de M. Fontaine suffit pour la solution du Problème, et il n’est nullement nécessaire, comme cet Auteur le prétend (p. 467), d’en chercher encore une autre. nowiki />

Quant aux conditions auxquelles notre théorie exige que la quantité soit soumise, elles s’accordent aussi avec celles que M. Fontaine exige dans la fonction à cela près que nous avons trouvé que la quantité devait être égale à lorsque et que M. Fontaine suppose que la fonction soit égale à lorsque mais il faut observer que, comme l’équation de M. Fontaine dont nous venons de parler contient la quantité ou ses différentielles dans tous les termes, on y peut supposer également positif ou négatif ; ainsi, si l’on met dans notre équation (F) à la place de on aura également l’équation de M. Fontaine, et alors les conditions de et de seront les mêmes chez lui et chez nous.

24. Si donc M. Fontaine s’en était tenu à sa première équation, il aurait pu en tirer une solution générale du Problème des tautochrones ; mais il aurait dû, pour cela, distinguer les deux cas où cette équation est identique et où elle ne l’est pas, comme nous l’avons fait dans les Problèmes précédents. Or nous avons vu que le premier cas ne peut avoir lieu que lorsque la force est exprimée ainsi

ce qui revient à notre Solution de 1767, où nous étions parti de la supposition que le temps devait être une fonction de dimension nulle de deux fonctions pareilles, l’une de et l’autre de (13).

Ainsi, en supposant que l’équation de M. Fontaine doive être identique, il est clair que sa Solution ne saurait être plus générale que la mienne de 1767 ; mais ma Solution a sur la sienne l’avantage de présenter dans une seule formule générale tous les cas dans lesquels le Problème est résoluble, et c’est en quoi consiste principalement le mérite de cette Solution, si elle en a quelqu’un.

Mais si l’on veut que l’équation de M. Fontaine ne soit pas identique, alors on aura encore deux autres équations analogues à celles que nous avons données dans le no 14, de sorte que dans ce cas on aura nécessairement trois équations qui seront les mêmes que celles du numéro cité, en y mettant simplement à la place de

En général, soit la première équation de M. Fontaine représentée par

on aura nécessairement, dans le cas où cette équation n’est pas identique, les deux équations

on aura nécessairement, dans le cas où cette équation n’est pas identique, les deux équations

où (4)

et ces deux équations devront être identiques avec l’équation autrement, le cas dont il s’agit ne pourra pas avoir lieu.

25. Voyons maintenant ce que donne la seconde équation de M. Fontaine. Il est facile de voir que cette équation se réduit à celle-ci

à cause que M. Fontaine suppose et que ne doit point contenir de sorte, qu’on aura, suivant M. Fontaine,

Or je dis que cela ne saurait avoir lieu que lorsque l’équation est identique ; car si cette équation n’est pas identique, il faudra que l’on ait en même temps, comme nous venons de le dire ci-dessus,

donc si l’on fait il faudra faire aussi et ce qui exige que l’équation soit identique, c’est-à-dire qu’elle n’exprime aucune relation entre les trois variables et

De là, et de ce que nous avons dit plus haut, il s’ensuit que les deux équations que M. Fontaine donne pour la solution générale du Problème des tautochrones ne sauraient jamais fournir une solution plus générale que celle qui est renfermée dans ma formule de 1767, que M. Fontaine accuse d’être trop particulière. Aussi l’application que M. Fontaine prétend faire de ses équations au cas où la force serait exprimée par

et étant des constantes et une fonction de est illusoire et fautive, comme il est facile de s’en convaincre, avec un peu de réflexion, d’après les remarques que nous venons de faire sur ce sujet.

26. Je dois remarquer encore, quoique ceci n’ait aucun rapport au Problème des tautochrones, que M. Fontaine ne s’exprime pas exactement quand il dit qu’il a appris aux Géomètres les conditions qui rendent possibles les équations différentielles du premier degré à trois variables. Il me semble que les Géomètres les connaissaient longtemps avant que M. Fontaine fût en état de les leur enseigner. Car on trouve dans un Mémoire de M. Nicolas Bernoulli sur les Trajectoires, imprimé en partie dans les Actes de Leipsic de l’année 1720, en partie dans le tome VII des Suppléments, qui a paru en 1721, et réimprimé ensuite dans le second volume des Œuvres de M. Jean Bernoulli, on trouve, dis-je, dans ce Mémoire, le Théorème suivant

Si l’on a l’équation et étant des fonctions de et et qu’on suppose, en général, on aura nécessairement, en regardant comme constante, l’équation

laquelle servira à déterminer (Voyez les pages 311 et 312 des Suppléments cités à la page 443 du tome II des Œuvres de M. Jean Bernoulli.)

Or si l’on suppose qu’en regardant comme constante on ait, en général,

et qu’on mette au lieu de sa valeur on aura

ce qui, étant substitué dans l’équation de M. Bernoulli, donnera celle-ci

qui est l’équation de condition de M. Fontaine.

On voit par là que ce Théorème n’était pas nouveau le 19 novembre 1738, lorsque M. Fontaine le publia à Paris, comme il le dit à la page 28 du Recueil de ses OEuvres. On doit dire la même chose du Théorème de M. Fontaine qui concerne les fonctions où les variables remplissent partout le même nombre de dimensions ; car on voit que M. Euler avait déjà fait usage de ce Théorème dans le second volume de sa Mécanique imprimée en 1736, pages 49, 252 et 224. Je ne nie pas, au reste, que M. Fontaine n’ait trouvé ces Théorèmes de lui-même du moins je suis persuadé qu’il était aussi en état que personne de les trouver ; mais on ne saurait disconvenir, ce me semble, qu’il n’ait été prévenu là-dessus par MM. Bernoulli et Euler.


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  1. Œuvres de Lagrange, t. II, p. 317.
  2. Œuvres de Lagrange, t. II, p. 317.