Monuments funéraires choisis dans les cimetières de Paris/Chapelle

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CHAPELLE EXPIATOIRE


élevée a louis xvi et a marie-antoinette


Après cette multitude de monumens funéraires qui composent nos premières planches, nous ne pouvions mieux compléter le tome Ier de notre recueil qu’en publiant la chapelle expiatoire élevée à Louis XVI et à Marie-Antoinette sur les dessins et sous la direction de M. Fontaine, architecte du roi.

Par les plans, coupes, élévations, détails de toute nature que nous en donnons, nous n’avons d’autre prétention que de faire connaître le matériel, si l’on peut dire de la pensée de l’artiste, convaincus que nous sommes que des dessins, tels exacts, tels soignés qu’ils puissent être, sont insuffisans pour donner une idée parfaite de toutes les beautés qui constituent le poétique de ce monument. Il est des combinaisons de plans, de façades et de galeries ; des effets de lumière et d’ombre ; un choix d’accessoires, un art de les placer pour émouvoir l’ame et faire naître de grandes idées, qui ne peuvent être appréciés d’après des gravures, si l’on n’en a vu l’application sur la nature même.

Obligé de s’écarter des programmes suivis dans les siècles passés pour se conformer aux exigences du nôtre, et rappeler, avant tout, la circonstance particulière qui a fait ériger le monument, M. Fontaine a dû chercher de nouveaux motifs, les coordonner avec des localités qu’il fallait respecter, et qui, plus d’une fois sans doute, ont dû contrarier ses plans et nécessiter leur modification. Honneur lui soit rendu ! Le résultat de ses méditations est une création, une œuvre de génie. La nouveauté du plan, le caractère sévère, majestueux, éminemment original des élévations, leur belle proportion : le choix heureux, l’accord parfait des détails avec l’ensemble ; le goût qui a présidé à la composition et à la distribution des ornemens, tous emblématiques et aussi ingénieux que significatifs, ont placé la chapelle expiatoire au nombre des chefs-d’œuvre de l’architecture française. Dans tous les siècles on la considérera comme un modèle de convenance et de haut savoir ; elle fera déplorer que son auteur, au lieu de dépenses son talent à terminer plusieurs monumens des siècles passés et notamment le Louvre, avec une abnégation de lui-même et un respect pour la pensée des premiers architectes qui rehaussent son propre mérite, n’ait eu que cette seule occasion de léguer à la France un monument digne de lui et d’elle.

La première pierre de ce monument a été posée le 21 janvier 1815, jour de la translation à Saint-Denis des dépouilles mortelles de Louis XVI et de Marie-Antoinette. La construction a duré cinq ans ; elle a coûté deux millions qui ont été tirés de la cassette particulière de Louis XVIII. M. Lebas, architecte, comme inspecteur des travaux, mérite de voir son nom consigné parmi les artistes qui ont eu part à ce bel ouvrage.


Planche 67


Plan général.


Au milieu d’un terrain planté de cyprès, qui fut autrefois le Cimetière de la Madeleine, s’élève le monument. Il est isolé sur les côtés par des allées, en arrière, par la rue d’Anjou, en avant, par une place et une avenue qui débouche sur la rue de l’Arcade. Une façade lisse, ornée de trois avant-corps, dont dont celui du milieu donne entrée au monument, et ceux des extrémités le caractérisent, précède l’enceinte sacrée dans laquelle s’élève la chapelle royale. Après avoir monté quelques degrés, on pénètre dans un vestibule carré, auquel aboutissent à droite et à gauche, en retour d’équerre, deux galeries de tombeaux élevés à la mémoire des victimes de la révolution. Ces galeries prolongent, l’une, jusqu’à la sacristie, l’autre, jusqu’au vestiaire, placés aux deux côtés de la chapelle haute et basse décrites plus loin. Revenant au vestibule d’entrée, en montant de nouveaux plusieurs marches, on arrive au sol formé par les terres amoncelées au moment de la fouille de l’ancien Cimetière, pour trouver les restes des deux augustes victimes ; sol religieusement respecté, et que deux carrés de gazon toujours vert indiquent à la vénération publique. A l’extrémité de ces deux tombes naturelles, séparées l’une de l’autre par un chemin ferré, est la chapelle expiatoire. On y monte par une dizaine de marches. Son entrée est par un péristyle de quatre colonnes d’ordre Dorique. Le plan a la forme d’une croix grecque, dont trois des croisillons se terminent en cul-de-four. Dans celui qui fait face à la porte est placé l’autel, et dans ceux de gauche et de droite les statues de Louis XVI et de Marie-Antoinette : le quatrième sert de porche ; ce dernier est de la forme quadrangulaire. Sur la face des piédestaux qui portent les groupes du Roi et de la Reine, sont des tables en marbre noir qui offrent, tracés en lettres d’or, ces deux testamens si dignes par leur sublimité de passer à la postérité la plus reculée. Derrière ces piédestaux sont des escaliers qui conduisent à la crypte souterraine, et desservent, à mi-chemin, le vestiaire et la sacristie, dont nous avons parlé.

La crypte souterraine est de petite dimension ; sa disposition est analogue à celle de la chapelle supérieure. Dans les quatre piliers sont déposés les ossemens retirés du Cimetière pendant les fouilles. L’autel, dont la forme est celle d’un tombeau antique occupe précisément le lieu où furent trouvés les corps des illustres martyrs à qui l’édifice est consacré.


Planche 68


Élévation sur la rue de l’Arcade.


La façade sur la petite place est d’une simplicité aussi grave que noble. Les deux pierres tumulaires qui la décorent aux deux extrémités, où elles forment des espèces d’avant-corps reliés à celui du milieu par deux murs lisses en retraite, lui donnent un aspect original et tellement caractéristique, qu’au premier aspect on comprend que l’édifice doit être une sépulture royale. Cette façade est peu élevée, afin de laisser briller au dessus la chapelle expiatoire, qui est l’objet principal, de tout l’éclat que peut procurer l’art allié à la richesse et à la magnificence. Au dessus de la porte on lit cette inscription : Le roi Louis XVIII a élevé ce monument pour consacrer le lieu où les dépouilles mortelles du roi Louis XVI et de la reine Marie-Antoinette, transférées le 21 janvier M.D.CCC.XV dans la chapelle royale de Saint-Denis, ont reposé XXI ans : il a été achevé la deuxième année du règne de Charles X ; l’an de grâce M.D.CCC.XXVI.


Élévation de la chapelle expiatoire.


Un péristyle de quatre colonnes d’ordre Dorique dont le fronton est surmonté d’une croix en pierre, et les extrémités terminées par des oreillons, précède l’entrée du temple. Au milieu du tympan sont représentés deux anges à genoux, dans l’action d’adorer le monogramme du Christ qui est entouré par une couronne de fleurs ; au dessous sont sculptés les insignes de la royauté. Ce péristyle, remarquable par la pureté et la sévérité de ses formes, acquiert d’autant plus de valeur que les deux rotondes sur lesquelles il saille sont entièrement lisses.
Planche 69


Élévation latérale.


Cette élévation latérale de l’enceinte extérieure de la chapelle, présente une ligne de neuf arcades appuyée à ses extrémités de deux massifs d’une dimension à peu près semblable. L’un, sans ornemens, fait angle avec la façade principale ; l’autre, décoré de deux espèces de tombes qui rappellent celles figurées que cette même façade, se lie au mur qui tourne autour du chevet de la chapelle. Au travers de cette ligne d’arcades à frontons triangulaires et fermées chacune par une grille à hauteur d’appui, on aperçoit cette autre rangée d’arcades à plein cintre, à jour seulement par le haut, qui borde le côté opposé de la galerie dite des tombeaux : ainsi nommée de ce qu’entre chacun de ses piliers est figurée une pierre tumulaire ornée tantôt d’une couronne de chêne, tantôt de feuilles et de têtes de pavots, tantôt de branches de cyprès, pour indiquer que les victimes dont elles doivent perpétuer le souvenir appartiennent à toutes les classes de la société. Derrière le mur qui lie ces arcades, est la terre sacrée. Le jour mystérieux qui pénètre dans ces galeries ajoute à la mélancolie que le spectateur éprouve à la vue de cette continuité de tombes semblables, rappelant toutes une même époque, et une époque où chaque famille a perdu par la même cause quelqu’un des siens, Ici, comme dans toutes les autres parties du monument, on admire et la pensée et la manière dont elle est rendue. Il n’est pas un accessoire, si peu important qu’il soit, qui ne tende au complément de l’expression de cette pensée ; tels sont, entre autres, ces flambeaux placés extérieurement, entre chaque arcade, pour masquer les conduits qui servent à l’écoulement des eaux pluviales, afin que rien de trivial ne vienne choquer la vue, et détruire l’impression noble que ce monument est destiné à produire.


Planche 70


Coupe sur la longueur.


Par cette coupe on peut se rendre compte des inégalités du terrain et de l’heureux parti que M. Fontaine en a su tirer pour produire cet effet neuf, pittoresque, théâtral peut-être, mais grandiose, mais majestueux, que présente sa composition. Une partie de cet effet extraordinaire, il le doit à un jeu de lumière et d’ombre artistement combiné, à l’obscurité dans laquelle il a tenu son vestibule, où la lumière ne pénètre que par les portes ; à ce clair-obscur répandu dans ses galeries de tombeaux, dont l’effet austère produit sur le spectateur un sentiment irrésistible de tristesse, de piété, de compassion. Vu de la place, au travers du vestibule, le péristyle du temple brille d’un éclat véritablement magique, surtout lorsque le soleil l’éclaire de ses rayons mobiles, et lui fait projeter ses ombres sur les parties lisses et circulaires des rotondes sur lesquelles il se dessine.

Quant à l’intérieur de la chapelle haute, il est d’une richesse, d’une magnificence vraiment royale. La sculpture d’ornement et de figure, les marbres, les bronzes dorés y rivalisaient avec les belles formes architecturales pour ne faire une espèce de sanctuaire des arts. Des caissons répartis dans la voûte de la coupole, comme dans celle des trois grandes niches, qu’un jour doux éclaire par le haut : des rosaces, des cases, des fleurs de lys ornées distribuées dans les métopes de la frise ; un autel en marbre orné de bronze doré, des crédences aux deux côtés de l’autel, également en marbre avec ornemens en bronze doré, des bénitiers semblables, placés sous le porche, des candélabres en bronze répartis dans les niches creusées sur les parois de l’édifice pour servir aux cérémonies du soir, sont autant d’objets qui témoignent du talent de M. Plantar, sculpteur, de M. Delafontaine, ciseleur, et, avant tout, de M. Fontaine, sur les dessins duquel ces productions de l’art ont été exécutées. Il en est de même des bas-reliefs qui décorent les quatre pendentifs de la coupole et de celui placé au dessus du porche intérieur, qui nous ajoutent un nouveau titre à la réputation, dont jouit M. Gérard. Quant aux deux groupes du Roi et de la Reine dont notre gravure rend compte quoiqu’ils ne soient point encore exposés, le moment n’est peut-être pas éloigné où le public pourra les juger. En attendant, nous pouvons assurer qu’ils répondront à ce qu’on est en droit d’attendre d’hommes aussi habiles que MM. Rosio et Cortot, à qui l’exécution en est confiée.


Planche 71


Détails.


Nous donnons sur cette planche un détail de l’ordre intérieur et de l’ordre extérieur de la chapelle. Un autre détail de l’élévation géométrale de la façade d’enceinte : l’un des quatre dessus de porte intérieure du vestibule, ainsi que deux des quatre bas-reliefs pendentifs : ceux qui se rapportent aux stances suivantes : Ecce Agnus Isei ; — O salutaris Hostia.


Planche 72


Détails.


Sur cette dernière planche nous avons gravé les deux autres pendentifs de M. Gérard : Hi tres unum suntSivis ad vitam ingredi, serva mandata, et le bas-relief placé au dessus du porche intérieur de la chapelle, où il a représenté la translation à Saint-Denis des restes de Louis XVI et de Marie-Antoinette : enfin le groupe, par M. Bosio, de Louis XVI appelé à l’immortalité, et celui, par M. Cortot, de Marie-Antoinette soutenue par la Religion.

Il est encore d’autres détails intéressans que nous aurions voulu donner, tels que les grilles en bois doré du vestibule, la porte pleine, également en bronze doré, de la chapelle royale, l’autel en marbre richement orné de sculptures, aussi en bronze doré, parce que tout, dans cette composition, mérite d’être étudié ; mais la place nous a manquée. Nous donnons cependant l’une des crédences et l’un des candélabres qui sont des modèles précieux en leur genre.