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Neuf Upanishads, la théosophie des Védas/Kenopanishad

La bibliothèque libre.
Traduction par G. R. S. Mead et Jagadisha Chandra Chattopadhyaya en anglais ; traduction française de Jean-Émile Marcault Élément soumis aux droits d’auteur..
(p. 9-18).

Kenopanishad.
Argument analytique. — La Kenopanishad tire son nom du premier mot du texte. Elle fait partie de la division Talavakâra de la collection du Sâmaveda.

Les deux premières parties répondent aux questions posées dans le premier mantra ; les deux dernières contiennent une fable allégorique sur les mêmes sujets.

I. — 1. Exposé des questions ; la « parole » est employée par upalakshna (la figure qui prend la partie pour le tout) pour désigner tous les sens.

2-8. La nature du Soi[1] est ensuite décrite.

II. — 1-4. Une conversation entre le maître et l’élève indique comment il faut connaître le Soi.

5. Le dernier mantra insiste sur ce fait que cette connaissance doit être acquise ici-bas dans le corps.

III. — 1-12 et IV. — 1. Récit de la fable de Brahman et des pouvoirs (ou forces).

Indra est le seigneur des autres pouvoirs, feu, air, etc. Umâ est ce qui dépasse l’univers sensible, le royaume de la connaissance pure.

2-4. Vient ensuite un sommaire de renseignement sur les pouvoirs.

5. Le mot ne peut être approché qu’au moyen du mental, et non par les sens. Le mental doit conserver la mémoire des « éclairs » d’illumination reçus pendant l’« extase ».

6. Celui qui connaît le Soi doit être vénéré par tous les hommes.

7-8. Le maître déclare sa lâche terminée et conclut en disant quels sont les éléments de la science sacrée.

9. Il expose quel résultat suit la pratique des enseignements de l’Upanishad — phalashruti.

Om ! À Brahman qui est, salut !
CHANT DE PAIX

Om ! Que le Brahman des enseignements sacrés, qui est tout en tout, rende parfaits mes membres, ma parole, ma vie, ma vue, mon ouïe, ma force aussi, et tous mes pouvoirs ! Puissé-je n’être pas séparé de Brahman ; Brahman ne pas être séparé de moi ; qu’il n’y ait pas de séparation, pour moi aucune séparation ! Que toutes les vertus de la science sacrée reposent en moi, qui trouve mon seul plaisir en cet (unique) Soi ; puissent-elles reposer en moi !

Om ! Paix, Paix, Paix ! Harih, Om !

Ici commence l’Upanishad :

Première partie. — 1. À quelle requête le mental se pose-t-il sur son perchoir ? À quel commandement la vie, la première, jaillit-elle ? Sur quel ordre les hommes envoient-ils cette parole ? Quel dieu, vraiment, envoie l’œil et l’oreille ?

2. Celui qui est l’oreille de l’oreille, le mental du mental, la parole de la parole, est aussi la vie de la vie, l’œil de l’œil. Lorsqu’ils quittent ce monde, émancipés, les sages deviennent immortels.

3. Ici ne parviennent ni la vue, ni la parole, ni le mental ; nous ne savons pas, nous ne voyons pas, comment on peut l’expliquer. Cela est autre que connu, au delà aussi de l’inconnu ; ainsi avons-nous appris de ceux qui nous ont instruits là-dessus.

4. Ce qu’aucun mot ne révèle, ce qui révèle le mot, cela, connais-le vraiment comme Brahman, non ce qu’on adore ici-bas[2].

5. Ce que personne ne pense avec le mental, mais qui pense le mental, cela, connais-le vraiment comme Brahman, non ce qu’on adore ici-bas.

6. Ce que nul n’entend avec l’oreille, mais par qui l’ouïe est perçue, cela, connais-le vraiment comme Brahman, non ce qu’on adore ici-bas.

8. Ce que personne n’inspire au moyen de la respiration, mais par quoi le souffle est inspiré[3] ; cela, connais-le vraiment comme Brahman, non ce qu’on adore ici-bas.

Deuxième partie. — 1. Le Maître. — Si tu penses : Je le connais bien, tu ne connais que bien peu de Brahman. Il te faut rechercher quelle forme de Lui tu es, quelle (forme) de Lui réside dans les pouvoirs. Je pense que tu ne le connais pas.

2. L’élève. — Je ne pense pas que je le connais bien, ni d’ailleurs que je ne le connais pas. Celui parmi nous qui connaît Cela le sait[4] et (aussi que) je ne sais pas que je ne le connais pas.

3. — Le Maître. Il y pense celui dont il dépasse la pensée ; celui qui y pense ne le connaît jamais. Il est connu des insensés, des sages inconnu.

4. Celui qui le croit révélé par l’extase[5] trouve en vérité l’immortel. Grâce au Soi, il trouve la force, grâce à la sagesse il acquiert l’immortalité.

5. Si, ici-bas, un homme connaît (Cela), alors la vérité est : si ici-bas il ne le connaît pas, alors c’est la grande destruction[6]. Voyant (le Soi) en toute chose, lorsqu’il quitte ce monde, le sage devient immortel.

Troisième partie. — 1. Brahman, tu le sais (un jour), dans une lutte pour les dieux fut vainqueur, et ainsi, lorsque Brahman fut victorieux, les dieux devinrent triomphants. Ils pensèrent : Nôtre est cette victoire ; nôtre, en vérité, ce triomphe.

2. Il connut (leur) pensée et se présenta devant eux. Ils ne Le reconnurent point. Quelle merveille[7] est-ce là, crièrent-ils ?

3. Ils dirent au Feu : Découvre, toi qui sais tout, ce que peut être cette merveille. — Soit, dit-il.

4. il courut à Lui ; (Brahman) lui demanda : Qui es-tu ? — Eh bien ! c’est moi, le Feu, je suis le (Feu) omniscient !

5. Quel pouvoir y a-t-il dans ton moi[8] ? dit Brahman. — Je puis brûler toute chose sur terre ?

6. Brahman plaça devant le Feu une paille, et lui dit : Brûle cela ! Il s’élança sur elle (et pourtant), malgré toute sa force, il ne put la brûler. Alors il s’éloigna de Brahman et dit : Je n’ai pas pu découvrir ce qu’est cette merveille.

7. Alors, les dieux dirent à l’Air : Air, découvre ce qu’est celle merveille. — J’irai, dit-il.

8. Il courut à Brahman, qui lui demanda : Qui es-tu ? — Eh bien ! c’est moi, l’Air, dit-il, moi qui souffle dans l’espace mère.

9. Quel pouvoir y a-t-il dans ton moi ? dit Brahman. — Je puis emporter toute chose sur terre.

10. Brahman mit une paille devant lui : Emporte-la, dit-il. — L’Air s’élança sur elle (et pourtant), malgré toute sa force, il ne put la faire trembler. Alors il s’éloigna de Brahman et dit : Je n’ai pas pu découvrir ce qu’est cette merveille.

11. Alors (les dieux) dirent au Seigneur[9] : Toi, Seigneur, découvre ce que peut être cette merveille. — Soit, dit-il. Il courut à Lui ; mais devant lui (Brahman) disparut.

12. Et à sa place même, il trouva une dame merveilleusement belle, Umâ, toute vêtue d’or. Il lui demanda qui était cette merveille.

Quatrième partie. — 1. Brahman ! dit-elle. — Dans la victoire de Brahman, triomphez (tous). — Alors seulement ils surent que c’était Brahman.

2. Donc, ces dieux, le Feu, l’Air, le Seigneur, surpassent vraiment les autres. pour ainsi dire, puisqu’ils s’approchèrent plus près de Lui ; ils surent les premiers qu’il était Brahman.

3. (Et), par conséquent aussi, le Seigneur surpasse, pour ainsi dire, les autres dieux, puisqu’il s’approcha plus près de Lui, et fut le premier à savoir qu’il était Brahman.

4. Voici ce qui est dit à son sujet ; Il a brillé (rapide) comme l’éclair, comme un clignement d’œil. — Voilà pour les pouvoirs.

5. Maintenant voici ce qui concerne le Soi :

Ce qui va à Brahman, pour ainsi dire, c’est le mental ; c’est par lui qu’à maintes reprises l’homme se souvient de Brahman ; (c’est là la vraie) imagination.

6. Désir de tout, on l’appelle avec justesse. On doit l’adorer comme étant désirable pour toute chose ; celui qui connaît ce Dieu, en lui, en vérité, le monde entier met son désir.

7. Maître, expose-moi la science sacrée ! as-tu dit ? L’enseignement sacré l’a été donné. Nous t’avons exposé la science sacrée ; mais seulement en ce qui concerne Brahman.

8. La pratique, le contrôle de soi-même et l’exercice (convenable) (constituent) son piédestal ; les sciences sacrées ses membres ; la vérité est son lieu de repos.

9. Celui qui le connaît ainsi, en vérité, détruisant le péché, dans le monde céleste suprême et sans fin, il se tient immuable, immuable il se tient. Ainsi finit l’Upanishad.

  1. Atman.
  2. Litt. : « non ceci, lequel ceci ils adorent ».
  3. Il est impossible, sauf par un artifice de ce genre, de rendre le jeu de mots de l’original. Voici le mantra : « yatprânena na prâniti yenaprânah prânîyate », dans laquelle prâniti signifie respire, et prâniyate « est conduit », d’où infusé, inspiré.
  4. À savoir, je ne pense pas le bien connaître.
  5. Litt. : « vénérable », d’où admirable, merveilleux.
  6. Litt. : « dans ce toi ».
  7. L’Illumination, ou éveil à la réalité (pratibodha).
  8. Sainsâra[sic], le cercle des renaissances.
  9. Indra.