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Renaissance qui retrouva les monuments de l’antiquité, qui déchiffra ses livres et ses enseignements, qui dégagea la science des formules superstitieuses et lança de nouveau les hommes dans la voie des études désintéressées, eut aussi pour contre-coup dans le monde religieux cette scission du christianisme à laquelle on a donné le nom de Réforme. Il a semblé longtemps naturel de voir simplement dans cette révolution une des crises bienfaisantes de l’Humanité, résumée par la conquête du droit d’initiative individuelle, par l’émancipation des esprits que les prêtres avaient tenus dans une servile ignorance : on crut que désormais les hommes seraient leurs propres maîtres, égaux les uns des autres par l’indépendance de la pensée. Mais on sait maintenant que la Réforme fut aussi la constitution d’églises autoritaires en face de l’autre église qui jusque-là avait possédé le monopole de l’asservissement intellectuel. La Réforme déplaça les fortunes et les prébendes au profit du pouvoir nouveau, et de part et d’autre naquirent des ordres, jésuites et contre-jésuites pour exploiter le peuple sous des formes nouvelles. Luther et Calvin parlèrent le même langage d’intolérance féroce à l’égard de ceux qui ne partageaient pas leur manière de voir. Comme l’Inquisition, ils firent écarteler et brûler ; leur doctrine fut une doctrine d’asservissement et de lâcheté. Sans doute, il existe une différence entre le protestant et le catholique : (je parle de ceux qui le sont en toute sincérité, et non par simple convenance de famille). Celui-ci est plus naïvement crédule, aucun miracle ne l’étonne ; celui-là fait un choix parmi les mystères et tient avec d’autant plus de ténacité à ceux qu’il croit avoir sondés : il voit dans sa religion une affaire