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SUR LE ΕΙ

la durée du temps où le monde offre un ensemble régulier, sont entre elles dans le rapport de un à trois.

10. Je me suis appesanti sur ces détails plus longtemps que ne demandait la circonstance. Ce qu’il y a d’évident, c’est que ceux qui s’occupent de ces questions religieuses identifient Apollon avec le nombre cinq, qui tantôt se reproduit lui-même comme le feu, tantôt forme le nombre dix, comme le feu[1] forme le monde.

Mais la musique, que nous savons être agréable par-dessus tout à ce dieu, ne penserons-nous pas qu’elle doive avoir aussi affaire avec le nombre « cinq » ? La plus grande partie de la science de l’harmonie consiste, pour le dire d’un mot, dans la justesse des accords. Or ceux-ci ne sont et ne peuvent être qu’au nombre de cinq, comme le montre la raison et comme l’expérience le confirme à qui veut en faire l’épreuve sur les cordes d’une lyre ou sur les trous d’une flûte, à qui veut s’en rapporter au jugement de l’oreille sans invoquer celui de la raison. Les accords se forment tous suivant les proportions des nombres. La proportion de la quarte est sesquitierce, celle de la quinte est sesquialtère ; celle de l’octave est double, celle de la quinte par-dessus l’octave est triple, et celle de la double octave est quadruple[2]. L’accord de la quarte par-dessus l’octave, que quelques musiciens veulent y ajouter, ne doit pas être admis, parce qu’il sort des règles de la mesure, et qu’ici le plaisir de l’oreille doit être sacrifié au maintien de la proportion qui prend force de loi. Ne parlons donc pas des cinq positions du tétrachorde[3], des cinq premiers tons, ou modes, ou harmonies, comme on

  1. Nous nous décidons à éviter l’équivoque employée, peut-être à dessein, par toutes les traductions : « comme il forme le monde ».
  2. Pour plus de clarté, représentons l’octave par 12 ;

    Nous aurons : 12 : 6 = 2 : 1, proportion de l’octave-double.
    12 : 8 = 3 : 2, proportion de la quinte sesquialtère.
    12 : 9 = 4 : 3, proportion de la quarte sesquitierce.

    Plutarque y en ajoute deux autres, composées de l’octave et de la quinte : 12 + 16 = 28, qui est dans la proportion de 18 à 6, qu’il appelle triple ; et celle de la double-octave, ou 24 qui est à 6 dans un rapport quadruple. Il repousse l’accord de la quarte par -dessus l’octave, ou 12 + 4 = 16, parce que ce rapport de 16 à 6, sort des règles de la mesure.

  3. Le tétrachorde était un instrument à quatre cordes, ou une série de quatre cordes donnant quatre notes consécutives, la moitié de l’octave.