Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome V.djvu/169

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ou moins de force qu’à l’ordinaire, ainsi que je viens d’expliquer ; mais qu’il y en a aussi de plus grosses qui, ne pouvant ainsi être pliées, composent les sels ; et de plus petites qui, le pouvant être toujours, composent les esprits ou eaux-de-vie, qui ne se gèlent jamais. Et que lorsque celles de l’eau commune cessent du tout de se plier, leur figure la plus naturelle n’est pas en toutes d’être droites comme des joncs, mais en plusieurs d’être courbées en diverses sortes : d’où vient qu’elles ne peuvent pour lors se ranger en si peu d’espace que lorsque la matière subtile, étant assez forte pour les plier, leur fait accommoder leurs figures les unes aux autres. Il est vrai aussi que lorsqu’elle est plus forte qu’il n’est requis à cet effet, elle est cause derechef qu’elles s’étendent en plus d’espace, ainsi qu’on pourra voir par expérience si, ayant rempli d’eau chaude un matras, ou autre tel vase dont le col soit assez long et étroit, on l’expose à l’air lorsqu’il gèle : car cette eau s’abaissera visiblement peu à peu jusques à ce qu’elle soit parvenue à certain degré de froideur, puis s’enflera et se rehaussera aussi peu à peu jusqu’à ce qu’elle soit toute gelée : en sorte que le même froid qui l’aura condensée ou resserrée au commencement, la raréfiera par après. Et on peut voir aussi par expérience que l’eau qu’on a tenue long-temps sur le feu se gèle plus tôt que d’autre, dont la raison