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Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/363

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ner : les doutes universels de ce genre nous conduisent droit à l’ignorance de Socrate, ou à l’incertitude des pyrrhoniens, qui est comme une eau profonde où l’on ne peut trouver pied.

Eudoxe. J’avoue que ce n’est pas sans grand danger qu’on s’y hasarde sans guide, quand on n’en connoît pas le gué, et que beaucoup même s’y sont perdus ; mais vous ne devez rien craindre si vous suivez mes pas. Ce sont de telles craintes, en effet, qui ont empêché beaucoup d’hommes savants d’acquérir des connoissances assez solides et assez certaines pour mériter le nom de sciences ; ils s’imaginoient qu’il n’y avoit rien de plus ferme et de plus solide sur quoi ils pussent appuyer leur foi que les choses sensibles ; aussi ont-ils bâti sur ce sable plutôt que de chercher en creusant plus avant un terrain ferme. Ce n’est point ici qu’il faut nous arrêter. Il y a plus ; quand vous n’examineriez pas ultérieurement les raisons que je viens de vous dire, elles auraient cependant rempli leur principal but, celui que je voulois atteindre, si elles ont frappé votre esprit assez pour vous mettre sur vos gardes. Elles montrent en effet que votre science n’est pas tellement infaillible que vous ne deviez craindre d’en voir renverser les fondements, puisqu’elles vous font douter de tout, et que vous doutez dès maintenant de votre science même. Elles prouvent ensuite que j’ai rempli mon