Page:15 lettres inédites de J.-B. Say et 5 lettres inédites d’Horace Say, 2004.djvu/12

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[Lettre 9]


Monsieur

Je vous prie d’agréer l’hommage que je vous fais du dernier ecrit que j’ai publié sur l’Economie politique. Si vous me faites l’honneur d’en prendre lecture, vous verrez que j’ai traité le corps social comme vous avez traité les êtres naturels. Bien observer les faits et ne tirer de conséquences que celles qui découlent necessairement de ces faits, voila ce me semble, la méthode scientifique appliquée aux societés humaines. Si mon style a été recommandable par quelque pureté, quelque clarté, & le degré d’elegance & de chaleur que comportent les matieres scientifiques, peut être est-ce en partie parce que j’ai etudié vos ecrits, parce que j’ai gouté vos eloges plus forts de pensée que ceux de Fontenelle. Tels sont les motifs qui serviront de base à mon Discours de remerciement, si jamais je parviens à l’honneur de m’asseoir à vos cotés.

En sollicitant les suffrages de l’Academie, je ne me suis adressé à aucune cotterie ; je n’ai vu dans l’académie que des litterateurs éminens par des talens variés, que des societaires que j’ai dû supposer également jaloux d’augmenter l’eclat du corps dont ils font partie, et de faire des choix approuvés de la France & de l’étranger ; je les ai estimés assez pour leur supposer la plus parfaite indépendance. C’est à ce titre que je sollicite votre suffrage, si vous m’en croyez digne. Je n’en appelle qu’à vous même, car c’est aux hommes forts qu’il appartient de donner des conseils plutot que d’en recevoir.

Agréez l’assurance de la vieille & sincère admiration avec laquelle j’ai l’honneur de me dire

Monsieur le Baron,

Votre tres humble & très
obeissant serviteur
J. B. Say
Professeur au Conservatoire Royal des
arts et Metiers, Et votre collègue
dans la plupart des Academies de
l’Europe.


Paris 3 octobre 1826

Mr le Baron Cuvier