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m’avaient parlé. Je leur remis mon sabre et le cachet du commandant Bazaine, en leur donnant verbalement la promesse d’aman la plus solennelle. Les deux envoyés de l’émir me demandèrent de les faire accompagner par Bou-Krauïa, que je lui prêtais avec quatre spahis. Tout cela se fit en marchant, car je voulais néanmoins arriver avant le jour au point de notre frontière le plus rapproché du col de Kerbous (celui dont j’ai parlé plus haut). Parvenu à ce point, vers cinq heures et demie, j’y restai jusqu’à onze heures et demie. Je ne recevais aucune réponse ; mais j’étais bien convaincu que la présence de ma cavalerie avait fait renoncer l’émir à traverser la plaine. À ce moment, j’ai dû prendre des dispositions différentes. Nos éclaireurs avaient rencontré et m’avaient amené plusieurs cavaliers réguliers qui erraient à l’aventure dans le pays, peut-être dans le dessein de rejoindre Abd-el-Kader ; ce qui me le ferait croire, c’est qu’il y avait parmi eux deux agas. Je sus par eux que la deïra, qui m’avait envoyé demander l’aman, mais qui ne l’avait pas encore reçu, était fort inquiète chez les Msirdas, qui avaient commencé à la troubler par des brigandages pendant la nuit précédente et qui se disposaient à continuer. J’envoyai alors le colonel Montauban, avec cinq cents chevaux, bivouaquer près de la deïra. Je fis partir le colonel de Mac-Mahon, pour aller camper sur les puits de Sidi-Bou-Djenan, avec les zouaves et un bataillon du 9e de ligne ; et, après être resté encore près de deux heures en observation, j’ai regagné mon camp avec le reste de mes troupes. Mon intention première était de fortifier la deïra près de la position que j’occupais, et de prendre des dispositions pour renvoyer dans leur pays toutes les familles importantes dont elle se compose ; mais, en arrivant ici, j’y ai trouvé non seulement tous les chefs de la deïra, mais aussi tous ceux des troupes régulières qui n’avaient point été tués dans le combat du 21, et qui venaient me demander ce que je voulais faire d’eux, et me prier de laisser à la deïra quelques jours de repos sur place, à cause de son extrême fatigue et des nombreux blessés qui l’encombraient. J’ai dû me rendre à cette demande, et j’irai moi-même demain camper à la deïra avec 200 chevaux et l’infanterie du colonel Mac-Mahon. Je la dirigerai ensuite sur Nemours. La venue de tous les hommes avec lesquels j’ai causé ce soir, me montrait l’abandon dans lequel était l’émir, et me portait à croire à l’embarras très réel dans lequel l’avaient mis nos quelques coups de fusil de cette nuit. J’avais commencé cette lettre sous cette impression, lorsque me sont revenus Bou-Krauïa et les deux émissaires d’Abd-el-Kader. Il me rapportait son sabre et le cachet du commandant Bazaine, et en outre une lettre de l’émir, qui est de l’écriture de Mustapha-ben-Thami. Je vous adresse ci-joint copie de la traduction de cette lettre, ainsi que de la réponse que j’y ai faite. J’étais obligé de prendre des engagemens ; je les ai pris, et j’ai le ferme espoir que Votre Altesse Royale et le gouvernement les ratifieront, si l’émir se confie en ma parole. Bou-Krauïa et ses deux compagnons sont repartis ce soir ; les quatre spahis étaient restés avec l’émir qui avait été bien aise de garder ce renfort pour la sûreté de sa famille chez les Beni-Snassen. J’ai donné à Bou-Krauïa quatre autres spahis choisis, et avec ces huit hommes, il sera aussi fort que toute l’escorte de celui contre lequel l’empire de Maroc se ruait avant-hier avec trente-huit mille hommes. Les principaux compagnons d’infortune de l’émir sont aujourd’hui : Mustapha-ben-Thami, khalifa de Mascara, son beau-frère ; Abd-el-Kader-bou-Klika, kaïd de Sandempt ; Caddour-ben-Allal, neveu de Sidi-Embarak. J’ai fait écrire aux deux premiers par leurs proches qui sont ici. Enfin, Si-Ahmedi-Sakhal, kaïd de Tlemcen, qui m’a beaucoup servi dans toutes ces affaires, a écrit à l’émir pour l’engager à avoir confiance dans la parole que je lui ai donnée au nom du gouvernement. Demain ou après-demain au plus tard, nous saurons à quoi nous en tenir. J’ai oublié de dire que je ne déciderai rien que provisoirement, relativement aux familles importantes de la deïra et aux chefs des troupes régulières, non plus qu’à leurs soldats. Veuillez excuser, Monseigneur, le décousu de cette dépêche. Je ne veux pas retarder son départ, et je vous l’envoie telle qu’elle est. Veuillez agréer, Monseigneur, l’assurance de mon respectueux dévoûment. Le lieutenant général commandant la province d’Oran. DE LAMORICIÈRE.

Le 23, à neuf heures du matin. P. S. Je monte à cheval à l’instant pour me rendre, comme je vous l’annonçais, à la deïra. Le temps me manque pour joindre ici les copies de la lettre que j’ai reçue de l’émir et de celle que je lui ai répondue. Il me suffit de vous indiquer que j’ai uniquement promis et stipulé que l’émir et sa famille seraient conduits à Alexandrie ou à Saint-Jean-d’Acre. Ce sont les deux seuls lieux que j’aie indiqués. C’étaient ceux qu’il désignait dans sa demande que j’ai acceptée. DE LAMORICIÈRE.


Plusieurs journaux italiens avaient annoncé que l’ambassadeur de France à Turin s’était rendu avec les représentants des autres puissances près du roi de Sardaigne, pour protester contre les réformes récemment ordonnées par ce souverain. Cette nouvelle, fort étrange assurément, n’a pourtant rien qui doive nous étonner, si on considère l’esprit de la politique suivie par M. Guizot. Ce ne serait pas la première fois que notre cabinet aurait protesté contre l’initiative libérale prise par les gouvernements étrangers ; la diète suisse, contre qui on a fomenté et armé une révolte, le pape, qu’on parlait de contenir, en savent quelque chose. Cependant, le Journal des Débats dément ce bruit, que tous les antécédents du ministère rendent si vraisemblable. Mais cette même feuille ne démentait-elle pas, il y a deux jours, l’entrée des Autrichiens à Modène ? La politique de notre gouvernement est si embarrassée d’elle-même et de tout ce qui arrive ; tout lui est tellement un obstacle, une complication, qu’elle commence toujours par cacher tout ce qu’elle peut, par nier ensuite, sauf à recevoir bientôt un démenti de l’évidence elle-même, comme s’il suffisait de cacher un événement pour l’empêcher, les conséquences d’une faute pour les supprimer. Maintenant, après un essai de dénégation on est obligé de reconnaître qu’en effet les Autrichiens sont bien entrés à Modène ; mais on s’efforce de présenter comme insignifiante cette démarche de l’Autriche qu’on avait jugée d’abord assez importante pour la contester. Ce n’est plus qu’une promenade militaire. Les démentis du ministère sont trop facilement donnés, trop souvent réfutés par les faits eux-mêmes, pour que le démenti qu’il donne aux journaux italiens à l’égard de notre ambassadeur à Turin, ne soit pas trouvé d’un poids un peu léger. Du reste, quel que soit l’intérêt qu’ait le pouvoir à altérer la vérité en ce qui concerne les affaires italiennes, il ne parviendra pas à tromper l’opinion publique. Par suite de l’initiative qu’a prise le pape lui-même, et des réformes qu’ont opérées successivement le grand-duc de Toscane et le roi de Sardaigne, la question est désormais posée en Italie en termes qui deviendront de plus en plus précis et menaçans, entre l’indépendance nationale et l’influence étrangère. L’Autriche sent si bien que c’est contre elle qu’est dirigé le mouvement italien, qu’après avoir été forcée de reculer à Ferrare devant la fermeté du pape et l’enthousiasme patriotique des populations, elle entre sous différens prétextes à Modène, à Reggio, à Parme. Elle s’efforce d’arrêter par l’intimidation le progrès des idées, et, en cela, malheureusement, elle a, dans une certaine mesure, la complicité de ce même gouvernement français. Elle se prépare, d’ailleurs, à la guerre ; ainsi, les fonderies impériales de Mariazela, qui, d’ordinaire, reçoivent les commandes des particuliers, ont suspendu tout travail de ce genre, et sont uniquement employées à fabriquer, jour et nuit, des canons, des boulets et autres munitions de guerre. On annonce d’autre part des changemens importans dans l’administration du royaume lombardo-vénitien, et l’armée reçoit des augmentations considérables. La position prise par l’Autriche vis-à-vis des tendances de la Péninsule est donc de plus en plus agressive. Elle a adressé dernièrement, en son nom, les remontrances les plus énergiques aux cours de Florence, de Turin et de Rome, sur leur politique. La réponse n’est pas encore connue. Mais pendant que notre gouvernement marche à la suite de l’Autriche, si ce n’est tout à fait du même pas, la diplomatie anglaise prend ostensiblement le parti des peuples, et bientôt, écrit-on d’Italie, elle y exercera, sans contre-poids et sans rivalité, une influence considérable, dont la France aurait pu avoir sa part.


D’après les dernières nouvelles de Grèce, l’insurrection de Patras était vaincue, et l’ordre complètement rétabli dans la ville. Mais cet événement a été accompagné de circonstances fort étranges et qui méritent d’être portées à la connaissance du public. C’est le 9 décembre que deux compagnies irrégulières suivirent l’impulsion qui leur était donnée par un ancien ami de Grivas, le capitaine Merenditi, et que le mouvement commença. Dans le premier moment, Merenditi eut plein succès, et le gouverneur fut forcé de quitter la ville. Les troupes régulières, bloquées dans leur caserne, résistèrent pourtant deux jours entiers ; mais manquant d’eau, de vivres et de munitions, elles furent forcées de capituler. L’insurrection, maîtresse de la ville, pilla alors quelques maisons et s’empara d’une somme de 120, 000 drachmes appartenant à la Banque nationale. Cependant le gouverneur avait rassemblé une troupe nombreuse de paysans, et s’apprêtait à reprendre Patras par la force, quand il reçut du corps consulaire une communication fort singulière. On lui dit que, par l’entremise du consul anglais, un traité avait été fait entre la ville et les rebelles, et que ceux-ci étaient prêts à quitter Patras à bord d’un bâtiment à vapeur anglais, qui, la veille, avait débarqué des soldats et des canons, si l’on n’y mettait pas obstacle. Le gouverneur répondit qu’il ne pouvait reconnaître une telle capitulation, et que son devoir était de poursuivre les rebelles et de les châtier. Un engagement eut lieu en effet, et les rebelles, vaincus, eussent été tous faits prisonniers si des barques anglaises ne fussent venues les chercher. Le gouverneur s’adressant alors au consul anglais et au capitaine du bateau à vapeur, leur dit que, selon lui, en prêtant ainsi secours aux rebelles, ils violaient le droit des gens ; mais que s’ils voulaient soustraire Merenditi et ses complices à la juste punition qui les attendait, il était du moins impossible qu’ils leur permissent d’emporter l’argent de la Banque nationale qu’ils avaient volé. À cette réclamation si juste et si sensée, le consul anglais et le capitaine du bateau à vapeur répondirent par un refus positif. Ce n’est pas tout. Pendant le court triomphe de l’insurrection, une somme de 34, 000 drachmes qui se trouvait dans la caisse du gouvernement avait été transportée chez le consul anglais, comme dans un lieu de sûreté. Une fois les rebelles embarqués, le gouverneur demanda que cette somme fût restituée. Le consul anglais déclara qu’il ne la restituerait pas avant d’en avoir référé à la légation britannique à Athènes. Ainsi, le consul anglais a permis qu’une somme de 120, 000 drachmes fût soustraite à la Banque, et cette somme a trouvé asile sur un bateau à vapeur britannique. De plus, le consul anglais a refusé de rendre une somme de 34, 000 drachmes provenant de la caisse publique. Une telle conduite paraîtrait inconcevable, si elle ne se trouvait expliquée par une nouvelle note de lord Palmerston remise à M. Glarakis, ministre des affaires étrangères, peu de jours avant l’insurrection de Grivas. Dans cette note, lord Palmerston, non content d’approuver Grivas et Grisiottis, qualifie ainsi la politique et les actes du gouvernement grec : « Le système suivi par le gouvernement grec est, dit-il, un système d’illégalité, de corruption, de violence, d’injustice et de tyrannie, un système oppressif, inique, et qui, par le dégoût qu’il inspire à la nation, produit, comme conséquence naturelle, la révolte. » Au surplus, le gouvernement grec poursuit sa marche sans se décourager, sans s’ébranler, et déjà, par un acte très honorable, il s’est engagé à rembourser à la Banque nationale les 120, 000 drachmes transportés à bord du bâtiment anglais. Quant à l’affaire Musurus qui, depuis un an, n’est pas encore résolue, il y a lieu de craindre qu’abandonné par toute la diplomatie, le gouvernement grec ne soit forcé de céder. Ce sera un échec pour lui ; c’en sera un plus grand encore pour celles des puissances qui, au début, lui avaient conseillé la résistance et semblaient déterminées à le soutenir. Nous sommes curieux de savoir quelles explications M. Guizot pourra donner à ce sujet et comment il justifiera sa politique.


Le nouveau service entre Londres et Paris est désormais opérationnel. On a reçu à Londres hier les journaux de Paris du 31, et nous avons aujourd’hui en notre possession ceux de Londres du 1er janvier, qui offrent du reste peu d’intérêt. Voici les extraits des nouvelles de la Bourse, telles que rapportées par ces feuilles : Du 1er janvier.— 2 heures.— Les fonds ont été lourds aujourd’hui, dit le Sun. La mort de la sœur du Roi Louis-Philippe a paru influencer un peu les baissiers. Les consolidés en compte, après avoir été demandés à 85 1/8 alternativement demandés et offerts, sont descendus à 85 offerts.


Le duc de la Victoire a quitté l'Angleterre ; il s'est embarqué le 31 décembre, à Southampton, à bord du vapeur espagnol Heradio, qui se rend à Saint-Sébastien. L'ex-régent, écrit-on au Times, paraissait très gai et très bien portant au moment de s'embarquer.

Voici les adieux dont le Morning-Chronicle salue le départ de l'ex-régent : 
« Après un séjour de quatre ans et demi, le duc de la Victoire quitte l'Angleterre suivi par les vœux pleins de cordialité de tous les Anglais recommandables. Le duc va siéger aux cortès et remplir ses devoirs de sénateur. Il se rend à son poste, le premier ministre d'Espagne ayant proclamé publiquement que le siège de l'illustre sénateur l'attend, et que lui, premier ministre, sera le premier à lui donner la bienvenue. »


 On écrit de Madrid, le 27 décembre :
« Hier soir, on a répandu le bruit de la retraite du cabinet, de M. le général Narvaez. Cette nouvelle trouvait généralement peu de crédit. On la considérait, dans tous les cas, comme prématurée.
» On dit que le général Cordova doit être nommé inspecteur d'infanterie, en remplacement du général Figueras, qui vient d'être appelé au ministère de la guerre. 
»M. Beltram de Lis a pris possession du ministère des finances. Il donne toute son attention à l'examen du budget, qui sera présenté aux cortès dans le plus bref délai.»


On connaît enfin la composition du nouveau ministère portugais; ce changement est annoncé en ces termes, par le Times :


« Le ministère a donné sa démission, et le cabinet suivant a été nommé par la reine : Président du conseil, ministre des affaires étrangères et de la guerre, ad intérim: le duc de Saldanha.—Intérieur ; Bernardo Gorgao Henriques. — Finances : Joaquim Jose Falcao. — Marine : A. A. de Silveira Pinto. — Justice : J. J. de Queiros.
»Quoique purement chartiste, ce ministère a été accepté paisiblement par le peuple, et la tranquillité n'a pas été troublée.
»Les gouvernements de France et d'Espagne ont refusé de s'associer à la protestation de sir H. Seymour contre les élections.» 


Les banquets réformistes alarment le ministère, en ce qu'ils ont fait éclater au grand jour la dissidence profonde qui existe entre son système et les sentimens du pays. Il est donc important pour lui d'empêcher qu'ils ne se renouvellent plus nombreux, lorsque la réforme électorale aura une fois été repoussée par les satisfaits. Les mesures sont déjà prises à cet effet; il y a tout lieu de croire que pour peu que la majorité témoigne d'enthousiasme dans la discussion de l'adresse, un projet de loi sera présenté sur les réunions politiques, de nature à débarrasser le ministère de toute contradiction ailleurs qu'au sein du parlement.
Pour sonder le terrain, le journal et la revue du cabinet ont dirigé presque simultanément l'attaque la plus violente contre les manifestations réformistes et les députés qui y ont pris part. La Revue des Deux Mondes, dans une effusion de ministérialisme qui dépasse ses plus curieuses prouesses en ce genre, s'emporte contre ceux qui refusent au Roi, le droit d'être le chef de son parti ; et elle souligne le pronom. Les adversaires du cabinet sont donc, au dire de la revue ministérielle, les adversaires du Roi, les ennemis de la dynastie. C'est le commentaire du discours du trône, dont on loue « la forme tant soit peu agressive. » L'opposition, plus fidèle à la constitution que le ministère, attendra la discussion de l'adresse pour discuter comme il convient la phrase provocatrice et inconstitutionnelle mise par le ministère dans la bouche du souverain ; quant aux commentaires plus injurieux encore que font ou pourront faire de cette phrase le journal ministériel, ou le pâle recueil qui en est le satellite, nous ne prendrons pas la peine de les relever.


Chaque nouvelle publication mensuelle du ministère du commerce et de l'agriculture atteste une nouvelle baisse dans la moyenne générale du prix du froment pour toute la France. Cette baisse est cette fois de 60 c. par hectolitre; on remarquera cependant qu'il y a eu hausse dans une des huit sections. C'est celle dont les marchés régulateurs sont Metz, Verdun, Charleville et Soissons; mais cette hausse n'est que de 42 c. et les prix moyens de cette section restent encore les plus bas de toute la France.

On remarquera encore la tendance des prix à se niveler pour toute la France. Les prix extrêmes du tableau régulateur que nous avons publié il y a un mois, étaient 17 fr. 79 et 21 fr. 65; ils sont aujourd'hui 18 fr. 21 et 20 fr. 86. La différence du plus haut prix au plus bas était, il y a un mois, de 3 fr. 84 ; elle est aujourd'hui de 2 fr. 65.
 Le mouvement est ainsi réparti d'un tableau régulateur à l'autre :
      EN BAISSE :		

1re classe, section unique "fr.47 c. 2e classe,1re section " 51

       — 2e — 	            " 	77

3e classe,1re section " 68

       — 2e — 	            " 	12
       — 3e — 	            " 	88

4e classe,2e section 1 18

       EN HAUSSE :

4e classe,1re section " 42


Tableau du prix de l'hectolitre de froment, pour servir de régulateur aux droits d'importation et d'exportation des grains et farines, conformément aux lois des 15 avril 1832 et 26 avril 1833, arrêté le 31 décembre 1847.

SECTIONS. DÉPARTEMENS. MARCHÉS PRIX de

                               l'hectolitre
                               de froment"							"PRIX MOYEN régulateur de la section"	

1ère CLASSE. Unique Pyrén. Orient. fr. c. fr. c. fr. c. fr. c. Aude Toulouse 18 16 18 21 18 08 20 58 Hérault Gray 18 73 19 04 19 " Gard Lyon 19 72 19 56 19 89 B. du Rhône Marseille 25 29 25 29 26 04 Var Corse

2e CLASSE. 1ère Gironde 19 11 Landes Marans 19 03 18 53 18 30 B.-Pyrénées Bordeaux 20 72 20 68 20 30 H.-Pyrénées Toulouse 18 16 18 21 18 08 Ariège H.-Garonne 2e Jura 20 86 Doubs Gray 18 73 19 04 19 " Ain Saint-Laurent 23 " 22 82 22 58 Isère Grand-Lemps 21 12 20 82 20 66 Hautes-Alpes Basses-Alpes

3e CLASSE. 1ère Haut-Rhin... Mulbausen 20 82 20 61 20 72 20 32 Bas-Rhin Strasbourg... 19 76 19 96 20 03 2e Nord.... ... Bergues 21 03 20 10 19 34 19 87 Pas-de-Calais. Arras 18 49 18 35 19 14 Somme Roye 18 94 18 48 20 01 Seine-lnfér... Soissons 17 97 18 57 18 98 Eure Paris 20 98 20 66 21 83 Calvados...... Rouen .... 22 16 21 39 21 26 3e Loire-lnfér . Saumur... 17 50 18 70 19 " 18 83 Vendée Nantes 19 61 19 29 19 51 Charente-Infér. Marans 19 03 18 55 18 30

4e CLASSE 1ère Moselle Metz..... 17 99 17 98 18 03 18 21 Meuse Verdun... 17 95 17 90 18 13 Ardennes........... Charleville 18 07 18 50 18 48 Aisne Soissons. .. 17 97 18 57 18 98 2e Manche………………. Saint-Lô .. 23 86 23 24 21 52 20 37 llle-et-Vilaine Paimpol...... 18 06 18 " 17 51 Côtes-du-Nord Quimper.. 19 84 19 42 19 83 Finistère Hennebon 22 12 22 13 21 65 Morbihan .... Nantes.... 19 61 19 29 19 51


QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LA POLITIQUE ACTUELLE. PAR M. DE MORNY.

M. de Morny vient de publier dans la Revue des Deux Mondes, un article remarquable sous ce titre : Quelques réflexions sur la Politique actuelle. M. de Morny est, comme chacun le sait, l'un des députés les plus fermement attachés au parti conservateur ; son vote n'a jamais manqué au gouvernement depuis sept ans, dans les circonstances décisives ; c'est lui qui, l'année dernière, a pris l'initiative de ce fameux ordre du jour motivé par lequel la chambre s'est déclarée satisfaite des explications du ministère accusé de manœuvres corruptrices ; encore aujourd'hui, M. de Morny proclame que la discipline des partis est une nécessité qu'il faut accepter franchement dès que l'on entre dans la chambre, et que, pour sa part, il est prêt encore à subir ce joug dans une juste mesure et selon les circonstances.
Toutefois, en rapprochant de l'article que nous avons sous les yeux plusieurs des antécédens parlementaires de M. de Morny, il nous semble que l'honorable député, malgré son respect pour la discipline, n'approuve, depuis long-temps déjà, ni les plans de campagne du parti conservateur, ni la tactique des généraux, ni le mot d'ordre de l'armée ministérielle. Au début de la présente législature, lorsqu'une accusation de corruption éclatait de toutes parts contre le gouvernement, M. de Morny prit la parole dans l'un des bureaux de la chambre ; les quelques mots qu'il a prononcés alors, ont été commentés par tous les journaux. Nous nous rappelons que, dans son zèle intelligent pour la cause du parti conservateur du ministère, il s'efforçait de détourner des personnes l'accusation d'improbité politique, pour renvoyer la plus grande part du reproche à la constitution actuelle des petits collèges électoraux. Il ne perdait pas le temps à nier un mal évident ; il en demandait le remède. Le gouvernement, en effet, convaincu, par la conscience du pays, d'avoir souffert et pratiqué dans les élections un grand nombre de transactions dont les fonctions publiques ont été le prix, n'a que deux partis à prendre : ou bien ériger la corruption en système et en justifier, comme il peut, la nécessité, aux dépens du régime représentatif ; ou bien s'excuser, en rejetant sur les mœurs de notre temps, sur une partie considérable du corps électoral, le mal de la corruption, et travailler alors de bonne grâce à le guérir par la réforme des lois, première condition de la réforme des mœurs. M. de Morny conseillait ce second parti ; ce n'est pas celui qu'a pris le ministère. Nous nous souvenons encore que M. de Morny fut l'un de ceux qui persistèrent à autoriser la lecture de la proposition de M. Duvergier de Hauranne, dont les ministres voulaient supprimer l'examen et la discussion publique par un vote des bureaux. Nous n'avons pas oublié non plus que, dans la vérification des pouvoirs, lorsque la majorité, conduite par les ministres, commit un acte inouï de partialité en validant les pouvoirs de M. Matter, député ministériel, et en annullant l'élection de M. Drault, député d'opposition, quoique tous deux eussent également pris des engagemens envers leurs électeurs, M. de Morny secoua pour cette fois le joug de la discipline, et vota précisément en sens inverse de la majorité. Il lui parut que le député ministériel ayant limité par ses engagemens la durée de son mandat, avait contrevenu au texte de la loi électorale, et devait être renvoyé devant les électeurs ; tandis que le député opposant, n'ayant fait autre chose qu'engager son opinion sur certains points, comme le font à divers degrés la plupart des candidats, devait être admis, si l'on ne voulait pas poser un principe dangereux et contraindre la conscience des électeurs.
On comprend qu'après ces preuves d'indépendance d'esprit et de dispositions libérales, le public ait été surpris de voir M. de Morny proposer à la chambre de se déclarer satisfaite au moment même où le cabinet, confondu par l'évidence, subissait en pleine assemblée le châtiment de quelques-uns de ses actes les moins justifiables. L'article que publie aujourd'hui l'honorable député, indique, si nous ne nous trompons, le vrai sens de sa proposition. M. de Morny n'était nullement satisfait ni de la conduite ni des paroles du ministère ; mais sans doute il voulait sauver d'une chute humiliante les personnes placées sous le coup d'une terrible accusation. L'excès même de l'embarras des ministres, l'évidente fausseté de leurs dénégations, l'abaissement du pouvoir entre leurs mains, le triste spectacle qu'ils donnaient en ce moment furent la cause de leur salut ; si une partie de la majorité se porta au secours du système ébranlé, et sauva la corruption pour elle-même, une autre partie, bien faible peut-être il est vrai, conservant l'espoir de modifier le système, tendit la main au cabinet chancelant, pour qu'il ne succombât pas dans la honte. M. de Morny craignit probablement qu'une atteinte funeste ne fût portée au pouvoir même par un tel coup ; il imita la pudeur du fils de Noé, et couvrit d'un manteau la nudité ministérielle. À notre avis, ce fut une illusion. Le maintien d'une mauvaise politique a compromis le pouvoir en France bien plus gravement que ne l'eussent pu faire la chute de vingt ministres pris en faute.
Quoi qu'il en soit, M. de Morny s'explique aujourd'hui sur le fond des choses avec une netteté que nous nous empressons de reconnaître. La longanimité des conservateurs éclairés nous paraît excessive, on le comprend ; mais ce n'est pas une raison pour ranger parmi les aveugles ceux qui commencent à voir clair comme nous.
Voici les principaux passages de cet article ; il a aussi, à nos yeux, celui d'exprimer l'opinion d'un conservateur très décidé, et d'être cependant, sur quelques points essentiels, d'accord avec ce que pense et ce que dit l'opposition :
»Le rôle du gouvernement français et du parti qui le soutient, dit M. de Morny, pourra, dans ces circonstances, devenir fort considérable. Leur sagesse, leur fermeté, leur probité, peuvent dissiper ces orages ; leur faiblesse ou leurs fautes peuvent les faire éclater sur nos têtes.
»À l'extérieur, je ne me le dissimule pas, la conduite du gouvernement est pleine d'écueils.
»Les mariages espagnols nous ont affaiblis en Europe, en ne nous permettant plus une politique commune avec l'Angleterre.
»Avec l'alliance anglaise, sincèrement pratiquée, nous pouvions tout dans le monde. Avec ce qu'on appelle l'entente cordiale, nous avons dû renoncer à toute politique active ; mais nous opposions encore une barrière suffisante à l'absolutisme. L'hostilité sourde qui existe aujourd'hui entre l'Angleterre et nous, et qui n'est un secret pour aucune cour, autorise les plus graves attentats contre la cause du libéralisme.— Voilà le danger.
»A défaut d'un allié que nous avons perdu, moins par notre faute qu'on ne l'a dit (car les mariages espagnols étaient peut-être plus dangereux à éviter qu'à conclure), devons-nous en rechercher d'autres et nous empresser de donner des gages à ces nouvelles amitiés ? — À mon avis, non.
»Nous sommes tenus, je le sais, à remplir les devoirs de tout gouvernement. Nous avons, en 1830, reconnu formellement les traités qui lient les nations entre elles ; nous sommes entrés dans le pacte européen, pacte odieux pour nous, quant aux circonstances qui lui ont donné naissance, mais dont trente-sept années de paix et de tranquillité ont fait un pacte de progrès et de civilisation.
»Nous ne devons encourager la rébellion nulle part. Si le radicalisme turbulent et insatiable, plus despote, quand il est vainqueur, que les gouvernements qu'il appelait tyranniques, menace les trônes, viole toutes les conventions, la France doit être assez sage pour distinguer ces principes subversifs de ceux de la vraie liberté, et comprendre que ce ne sont pas seulement les puissances absolues qui sont menacées,mais la société tout entière.
»Pour avoir de bons rapports avec ses voisins, il ne faut ni leur nuire ni les injurier. La politique exige la même attention. L'opposition a toujours voulu deux choses incompatibles : elle exigeait que notre gouvernement obtînt des puissances étrangères des concessions, des témoignages de bonne amitié, et qu'en même temps il leur fasse la loi et leur parle un langage intolérable. Voter annuellement le paragraphe sur la Pologne, et être en bons rapports avec l'empereur de Russie, exciter des mouvements en Italie, et rester dans les meilleurs termes avec l'Autriche, — sont deux conditions difficiles à remplir.
»Sachons respecter les droits des autres gouvernements, si nous voulons conserver les nôtres intacts. Respectons même leur principe, car leur principe, quoiqu'il ne sympathise pas avec le nôtre, n'en a pas moins été reconnu par les traités. Cela fait, n'oublions jamais que nous sommes une puissance libérale, que notre gouvernement est né d'une révolution, que nous sommes les petits-fils de la révolution de 89. Si nous étions tentés de l'oublier, nous qui sommes à la tête du pays, le pays nous en ferait bientôt ressouvenir. N'imitons pas ces parvenus qui, rougissant de leur origine, finissent par être odieux à leurs familles plébéiennes et méprisés par le monde nouveau où ils tentent de s'introduire.
» Conseillons aux gouvernements absolus dont les peuples se réveillent, ces transactions généreuses qui calment l'opinion publique et satisfont les oppositions honnêtes. Saluons avec amitié le berceau de chaque constitution nouvelle, sœur de la nôtre. Enfin, rappelons-nous que notre mission dans le monde est de concourir à la liberté et à l'indépendance des peuples, et persuadons-nous bien que, le jour où nous suivrions une autre voie, le terrain nous manquerait sous les pieds.
» À l'intérieur, la question à l'ordre du jour était celle de la réforme électorale et parlementaire.
» L'année dernière, j'étais du nombre de ceux qui croyaient que l'occasion était belle pour faire une concession. Le parti conservateur venait d'obtenir une majorité incontestable; la victoire était complète. L'opposition elle-même s'avouait vaincue, et prenait sa défaite en patience. Si, au début de la session, nous, conservateurs, nous nous fussions montrés tolérants et accessibles ; si nous avions consenti de bonne grâce à examiner, à discuter les propositions de l'opposition ; si le ministère avait pris un engagement quelconque ou accompli la moindre réforme, notre position eût été rendue excellente ; le discours de Lisieux recevait l'application que le public en attendait, nous gagnions dans le pays cette portion importante des électeurs qui aiment le progrès lent et ne favorisent pas le désordre. Du reste, avec un peu d'intelligence et de perspicacité, on peut n'avoir jamais de meilleurs conseillers que ses ennemis : ce plan de conduite était tout ce que redoutait l'opposition.
» Aujourd'hui, je confesse que nous aurions moins bonne mine à nous laisser arracher ce que nous aurions pu accorder alors. Néanmoins, il est toujours temps pour un gouvernement de consentir à une réforme quand l'opinion publique la réclame vivement, et que cette réforme n'a rien de dangereux en soi.
» Il faut s'attendre à ce que quelques esprits entiers et absolus trouveront que ce serait une faiblesse insigne de céder devant les manifestations qui viennent de se produire. C'est une fausse manière d'envisager la position d'un ministère et de sa majorité. Qui sommes-nous donc tous sans le pays ? Le pouvoir n'est pouvoir que par la majorité ; la majorité n'est majorité que par l'adhésion des électeurs. Cette action de bas en haut est légitime et rationnelle. Vouloir introduire l'amour-propre dans ces situations, c'est refuser au pays lui-même sa participation et son influence. Un gouvernement ne doit pas résister par pique. Il doit calculer avec une prudence excessive les conséquences des réformes qu'on lui demande, peser la nature des avertissemens qu'il reçoit, mais tenir toujours le plus grand compte du sentiment public.
» En recueillant les opinions d'un grand nombre d'électeurs de différens collèges, je n'ai pas trouvé, autant qu'on voudrait le faire croire, ces vives dispositions en faveur de la réforme électorale ; mais, je dois le dire, ce qui m'a paru être l'objet d'un vœu presque unanime, c'est la réforme parlementaire, c'est-à-dire les incompatibilités.
» La réforme électorale est un mot auquel il est facile de porter un toast avec un ensemble admirable, mais sur la signification duquel les oppositions sont loin de s'entendre.


» La réforme parlementaire, je le sais, rencontre des partisans peu d'accord entre eux ; mais il y a dans le public ce sentiment général et juste, que la Chambre verrait son indépendance suspectée si elle arrivait à être composée d'un trop grand nombre de fonctionnaires publics salariés. Et, je le demande, où en serions-nous le jour où la chambre perdrait la confiance du pays.
» Les chiffres prouvent que les élections générales tendent chaque fois à introduire quelques fonctionnaires de plus dans le parlement. Il serait donc à propos d'imprimer un temps d'arrêt à cette disposition.
» Les plus sages esprits, les plus dévoués au gouvernement dans le parti conservateur sont de cet avis.
» Les uns voudraient limiter par département le nombre des places rendues désertes par l'absence des fonctionnaires députés.
» Les autres voudraient qu'il fût établi en principe que toute fonction doit être remplie.


» Je ne veux pas entrer dans une discussion approfondie de cette question. Je dirai seulement l'opinion que j'ai toujours eue sur ce sujet ; opinion qui n'a point été modifiée par la réflexion, encore moins par l'expérience, et qui n'a d'autre mobile que la dignité du gouvernement et de la chambre.
» L'incompatibilité absolue des fonctionnaires m'a toujours paru être la plus illibérale des mesures, et le premier de tous qui devrait s'y opposer serait, à mon avis, l'électeur, au droit duquel on porterait une grave atteinte en l'empêchant d'élire librement un fonctionnaire public, en dehors de la sphère d'action de son emploi.
» Puis, je n'aime pas à voir les assemblées procéder par éliminations. Le goût peut leur en prendre. Les raisons qu'on donne pour une catégorie aujourd'hui pourraient s'appliquer demain à une autre, et, à force de s'épurer, la chambre finirait bientôt par être peuplée seulement d'avocats. Elle y gagnerait peu en éloquence, et elle y perdrait beaucoup en pratique des affaires. En politique surtout, tenons-nous-en à des principes limités et définis.
» A l'opinion qui prétend que toute fonction doit être remplie, je répondrai qu'à mes yeux, dans un échafaudage administratif aussi solide que celui de la centralisation française, l'absence d'un fonctionnaire dans un département laisse un vide peu sensible et suffisamment compensé par l'utilité de sa présence à la chambre.
» Je repousse donc les incompatibilités absolues, mais je souhaite ardemment voir admettre les incompatibilités relatives.
» À mon avis, un fonctionnaire public ne devrait pas pouvoir être élu dans son ressort.