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ASSEMBLEE NATIONALE - 1ère SEANCE DU 16 JUILLET 1953

Ce serait, monsieur le ministre, une belle initiative attachée à votre nom que de créer au moins dans Paris un grand centre d’accueil pour ceux qui arrivent d’Afrique du Nord.

M. Jean Pronteau. Une caserne, peut-être ?

M. Jean Grousseaud. Sur la foi de promesses fallacieuses faites par des organisations politiques ou des correligionnaires, ils s’imaginent qu’ils trouveront la fortune à Paris, qu’ils y auront du travail et ils se rendent dans la capitale avec cet espoir, consacrant tout leur avoir pour payer leur voyage et, parvenus dans Paris, ils se trouvent désemparés et sans travail.

Voilà, monsieur le ministre, la situation que vous avez à régler.

Je ne voudrais pas abuser trop longtemps de la bienveillante attention de l’Assemblée ainsi que de la vôtre, monsieur le ministre, mais je dirai aussi qu’il est pour l’avenir un problème auquel vous devez penser : il importe de donner à votre service d’ordre des moyens efficaces, mais non meurtriers, pour résister aux assaillants éventuels. Il serait certainement possible, avec un peu d’imagination, de trouver des moyens autres que l’emploi d’armes à feu pour repousser les manifestants. Vous devez vous orienter vers la recherche de ces moyens dont il serait nécessaire de doter la police parisienne.

Si de telles mesures sont prises, les événements du 14 juillet dernier, si regrettables soient-ils, n’auront pas été sans portée et, sur le plan de la police elle-même comme sur le plan de l’humanité, vous aurez fait, monsieur le ministre, un grand geste. Vous aurez apporté un grand réconfort et renforcé les possibilités d’union entre la population nord-africaine et la population française que, pour sa part, le peuple de Paris ne divise ni dans son esprit ni dans son cœur. (Applaudissements à l’extrême droite.)

M. le président. La parole est à M. Guérard.

M. Pierre Guérard. Mesdames, messieurs, le 22 avril 1952, j’adressais au ministre de l’intérieur de l’époque la lettre suivante :

« Monsieur le ministre, les années passées, à l’occasion du 1er mai, un défilé avait lieu à Paris, de la Nation à la Bastille, organisé par le parti communiste.

Une telle manifestation, regrettable en soi, a pourtant été tolérée par les pouvoirs publics, qui justifiaient l’autorisation donnée en arguant du caractère traditionnel du défilé. »

Après avoir réfuté cet argument, j’ajoutais :

« Le trouble apporté par le défilé dans les voies du parcours, outre qu’il peut engendrer, comme l’an dernier… » — c’est-à-dire en 1951 — « des incidents graves, apparaît particulièrement inopportun au moment où de nombreux étrangers séjournent dans la capitale et en un temps où le Gouvernement fait un effort de redressement hautement apprécié par les Parisiens.

« C’est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir reconsidérer, dans l’intérêt général, la question dont il s’agit. »

Cette lettre est du 22 avril 1952. Je regrette qu’elle n’ait pas alors été prise en considération. On aurait ainsi évité le renouvellement d’incidents qui, contrairement à ce que disait tout à l’heure M. d’Astier de la Vigerie s’étaient déjà produits en 1951, rue du Faubourg-Saint-Antoine, et auxquels je faisais allusion dans ma lettre.

Le renouvellement d’incidents aussi graves prouve bien que c’est le fait même du défilé qui est en cause. Un tel défilé en un tel jour est inadmissible.

On voudrait arguer de son caractère traditionnel. Cet argument, qui pouvait avoir sa valeur aux beaux jours où le parti communiste avait ses représentants au Gouvernement, n’en a plus aucune actuellement. Il n’y a pas, monsieur le ministre, de tradition du désordre, de la bagarre et de la fusillade, Paris n’est pas Berlin-Est.

Le maintien du défilé met en cause l’ordre public à une époque de l’année où les étrangers abondent dans notre capitale.

Je demande donc au Gouvernement qu’il reconsidère la question et qu’il envisage pour l’avenir l’interdiction pure et simple de tels défilés tolérés à tort jusqu’à présent et qui, malheureusement, ont déjà engendré à deux reprises des incidents sanglants qui ont endeuillé notre capitale. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre.)

M. le président. La parole est à M. Liautey.

M. André Liautey. Monsieur le ministre, les quelques questions que je vais avoir l’honneur de vous poser auront surtout pour but d’éviter le renouvellement d’incidents semblables à ceux que nous sommes unanimes à déplorer et de mettre fin à la passivité incroyable avec laquelle les pouvoirs publics ont laisser se développer à Paris, dans les grandes villes et sur un grand nombre de points du territoire, le danger que constitue l’agglomération de centaines de milliers d’indigènes nord-africains dont beaucoup sont réduits à vivre d’expédients, et dont un grand nombre sont fanatisés par la propagande intense des nationalistes arabes et des communistes internationaux.

Les événements du 14 juillet sont un avertissement dont il faut tirer au plus tôt la conclusion, à savoir qu’il n’est pas possible de tolérer qu’autour de Paris et dans Paris même soient rassemblés en permanence les éléments d’une armée antifrançaise et révolutionnaire comme ceux qui viennent de donner un échantillon de leur féroce combativité.

La seule présence de ces éléments troubles crée déjà un climat d’inquiétude et de révolution. En cas de grève, elle suffirait à envenimer les conflits sociaux et à faire couler le sang et, si les maîtres du communisme international en donnaient brusquement l’ordre, cette avant-garde de tueurs entraînés au combat se lancerait aussitôt à l’assaut.

L’existence du régime se trouve de ce fait gravement menacée, car les rouages essentiels de nos institutions ont leur siège dans une capitale qui est à la merci de bandes dressées et organisées pour le meurtre et pour le pillage.

La sécurité et le prestige de notre nation en sont d’ores et déjà amoindris aux yeux de nos alliés et ceux-ci se demandent avec inquiétude s’ils peuvent compter sur une France dont le cerveau politique et économique est laissé à la merci de fanatiques prêts à répondre au premier appel du nationalisme étranger dont ils sont les serviteurs.

M. Mostefa Benbhamed. Et d’abord de la misère : voilà ce qu’il faut dire.

M. André Liautey. Il ne s’agit pas de retirer les droits de citoyens français aux très nombreux Algériens qui méritent ces droits par leur loyalisme à l’égard de la France. Mais il s’agit de ne pas imposer à des hommes d’être des citoyens français malgré eux.

M. Mostefa Benbhamed. Ces droits, ils les ont gagnés.

M. André Liautey. Les Algériens qui veulent rompre les liens entre leur pays d’origine et la métropole, ceux qui suivent Messali Hadj et les autres agitateurs hostiles à l’appartenance française de l’Algérie ne doivent plus avoir la qualité de citoyen français.

M. Mostefa Benbhamed. Quelle qualité doivent-ils avoir alors ?

M. André Liautey. Nous attendons du Gouvernement un projet qui permette de prononcer cette déchéance au moyen d’une procédure applicable à tous ceux qui ne possèdent pas la citoyenneté française depuis dix ans au moins.

Cette déchéance pourrait d’ailleurs être étendue aux condamnés à certaines peines criminelles.

M. Amar Naroun. Ce sont ces propos qui sont criminels.

M. André Liautey. …ou correctionnelles ainsi qu’aux individus convaincus de se livrer au vagabondage spécial tels que ceux qui foisonnent de la place Clichy à la place de la Nation. (Vives protestations à gauche et à l’extrême gauche.)

M. Mostefa Benbhamed. Un pareil langage est une honte !

M. Amar Naroun. Vous êtes un provocateur, monsieur Liautey !

M. André Liautey. Personnellement, je serais d’avis d’aller plus loin encore et je souhaiterais que le maintien de la citoyenneté française accordée depuis la libération fut subordonnée à une demande souscrite par les intéressés.

M. Amar Naroun. Monsieur le président, va-t-on tolérer que le pauvre homme continue à tenir un pareil langage ?

M. André Liautey. Ceux qui refuseraient de faire cette demande seraient déchus d’office et la police disposerait à leur égard des mêmes moyens qu’à l’égard des étrangers.

M. Mostefa Benbhamed. Vous êtes un antifrançais !