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III

Paris, 8 décembre 18…

Voici maintenant, cher ami, l’aventure qui m’est arrivée mardi et dont les suites retarderont sans doute la chute inévitable à laquelle toi-même chéri, avec ta haute intelligence et ton ineffable bonté, tu m’as préparée, et dont tu m’absous d’avance, à la condition que je te dirais tout, tout, avec détails et sans réserve. Ce à quoi j’ai souscrit d’autant plus volontiers que tu m’as juré d’en faire autant de ton côté. Et tu m’as donné, mon Léo bien-aimé, la plus grande marque de confiance et d’amour que je puisse désirer en me racontant, par le menu, tes petites fredaines de voyage.

Tous mes compliments… Oh ! vous allez bien, mon cher mari… Ce n’était pas la peine de me faire si bien « assurer la navigation », comme tu appelles cela, avant notre séparation à Marseille. Mais, chéri, avant que je te dise mes impressions sur ce que tu m’as raconté si sincèrement, écoute ce qui m’est arrivé depuis l’envoi de ma dernière lettre… Non, monsieur, ce n’est pas du tout ce que vous vous imaginez.

Donc, papa et maman étaient allés à l’Opéra-Comique, voir jouer Carmen, que je suis lasse d’entendre. J’ai donc refusé de les accompagner.

Dès qu’ils furent partis, je rentrai dans ma chambre et me fis déshabiller par ma femme de chambre, une jolie brune de vingt-quatre à vingt-cinq ans que j’ai prise à mon service pour remplacer Laure, qui m’a quittée il y a quinze jours pour se marier, je crois te l’avoir écrit. Je suis très satisfaite de celle-ci : elle est adroite, très discrète, s’habille

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