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Page:A la plus belle.djvu/175

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— À la bonne heure ! disait l’excellent frère, je te trouve à la fin des fins, petit Jeannin, mon ami ! Ce n’est pas malheureux ! Je croyais que j’allais faire le pied de grue aussi longtemps que l’écuyer Hobin de la Ville-Gille, lequel chercha sa fiancée trois heures durant pour aller a l’église et finit par trouver l’archer Bellebon, en trente-neuf ou trente-huit plutôt… mais c’était sûrement avant l’an quarante… Et l’archer Bellebon n’en eut pas meilleurc chance, car il fuL marié et enterré dans l’année.

— Eh bien ! s’écria le frère en voyant Jeannin tressaillir comme un homme qu’on éveille, te voilà touL ébaudi, mon fils ! Tu regardes l’eau couler, ma parole… Et je me souviens qu’ici, à la même plâce je rencontrai un soir Baudran de Pacé, auprès de Rennes, qui regardait aussi l’eau couler. Je lui dis « Baudran, mon ami… »

— Combien de temps le roi doit-il rester encore au Mont ? demanda Jeannin brusquement.

— Ah ! oh ! fit Bruno, le voilà qui m’interromps comme tout le monde, petit Jeannin ! J’ai vu le temps ou l’on n’appelait point cela une politesse… Le roi ? Eh ! tu as donc des afFaires avec le roi, toi ? Tiens ! regarde, si tu as de bons yeux… et je crois que tu as de bons jeux, oui !… Le voilà qui chevauche au milieu de ses barons, là-bas !

— J’avais bien cru le reconnaître ! pensa tout haut Jeannin.

— Quant à savoir le temps qu’il restera chez nous, ma foi, non. Mais je parie que je vais t’apprendre les nouvelles. Parmi ces autrcs chevaliers qui sont là sur la terre bretonne, vois-tu un casque sans panache, à visière baissée ?

— Oui.

— C’est le duc François.

Jeannin tressaillit une seconde fois, et ce mouvement répondait aux pensées qui l’absorbaient naguère. Il se fit de la main un abat-jour et regarda attentivement.

— Sur ma foi ! dit-il, je crois que vous avez raison ! C’est le duc ! Il ne devait pourtant venir qu’après-demain en sa ville de Dol !