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IRÈNE ET LES EUNUQUES

— Jamais,… s’écria-t-il soudain,… jamais tu ne fus en plus terrible danger qu’à cette heure où la sphère du monde repose dans ta main ! Il en est qui conspirent pour te tuer. Même il en est qui veulent…

De sa manche il tira quatre minces rouleaux de parchemin, les déploya, les tendit à l’impératrice. C’étaient de nouveaux pamphlets répandus par un vétéran notoire dans Constantinople. Les chirurgiens lui avaient doctement coupé les deux jambes, une pierre sarrasine les ayant écrasées, durant un assaut. Couvert de décorations, Sarantapichos se traînait en mendiant, sur les degrés de l’Hippodrome. Il interpellait sans vergogne les évêques, les capitaines, les femmes des dignitaires, en leur reprochant tout haut ce que la médisance ou la calomnie colportaient tout bas. Des rhéteurs composaient aussi des satires anonymes, et les lui faisaient tenir sans qu’il put rien savoir d’eux. Alors il les récitait quand il se trouvait ivre, chose fréquente, au milieu des places, et dans les nymphées. Parfois même il vendait secrètement les copies des morceaux qu’on goûtait le plus.

Irène parcourut le premier factum. La colère crispa ses membres, et le sang de la honte brûla sa face. Elle lisait ceci :

Ne croyez pas, Hommes de Byzance, que j’ai combattu
Pour la gloire du nom romain, et du Kazar…
Voyez, tous, ce que m’a coûté mon courage…
Telle une limace immonde je rampe
Mes jambes ayant été détruites au service des Autocraties…