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IRÈNE ET LES EUNUQUES

leurs rares succès. Il avait, entre eux, réparti les terres confisquées des moines pendant la période iconoclaste. Ils craignaient sa mémoire. Ils espéraient ses faveurs. C’était l’homme le plus puissant du Palais, celui dont le nom méprisé, redouté, haï sortait de toutes les lèvres militaires : en Thrace où s’exerçaient les réserves de cavalerie, en Illyrie où les fantassins apprenaient l’endurance, en Cilicie sous les tentes menacées par les flèches sarrasines, et en Calabre dans les postes des montagnes où les fruits consolent les archers isauriens des rudes et quotidiennes fatigues que leur valent les Francs du Pape. Les richesses de l’eunuque passaient pour incommensurables. Elles étaient enfouies aux Manganes dans les caves de l’Arsenal. Il régnait là sur un peuple de scribes comptables et de vétérans farouches qui avaient fortifié comme une bastille, ce lieu sis en la Corne d’or, et défendu de trois côtés par les eaux. S’excusant sur l’exemple de David, le vieillard dormait avec de petites vierges esclavones dont il possédait tout un chœur espiègle. Là-dessus Sarantapichos déclamait des vers obscènes à souhait pour la plèbe de l’Hippodrome.

Eutychès était arrogant, comme Pharès était humble. Celui-ci vivait vertueux et probe au milieu des infamies, des crimes, des concussions qu’il ne blâmait point. Dévot, il se rendait nu-pieds, par mortification, dès l’aube, jusqu’à la Sainte-Sagesse pour y prier le Théos d’améliorer les maîtres dont il aidait ensuite les vices, étant subtil pharmacien, élaborateur de poi-