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IRÈNE ET LES EUNUQUES

de guerre ; et les sentiers propices aux explorations des éclaireurs. Rien ne lui semblait inconnu de cette région où jamais il n’avait atterri. Entre les phrases il souriait un peu de sa longue figure blême, couverte de rides très fines et jaunâtres. Il souriait en attendant que l’impératrice complétât le renseignement qu’il donnait, afin de ne pas faire trop ostensiblement état de ses connaissances, et de laisser à la souveraine le mérite d’une collaboration à l’œuvre de gouverner.

Mais Irène dut constater sa propre insuffisance. Elle ne savait plus. Du moins ces eunuques cubiculaires, ces entremetteurs avaient, par une étude perpétuelle, dépassé tout son talent. Eutychès aussi la contredit plusieurs fois, lorsqu’elle voulut opiner sur le choix des stratèges, des comtes, du logothète de l’intendance, du domestique commandant la cavalerie. Elle confondit les pères et les fils, les frères entre eux. Elle ignorait que Christophe fût en mission dans la Chersonèse, que l’ingénieur des machines Pierre Pogonat fût mourant dans un monastère du mont Olympe, que le protonotaire Eumène fût déconsidéré depuis qu’il avait gaspillé le trésor de son thème pour couvrir de joyaux un giton égyptien, depuis qu’il avait secrètement vendu les mules des légionnaires aux maquignons. D’autre part, le préfet Anastase venait d’être convaincu d’avoir prostitué ses nièces à des banquiers syriens, afin de soudoyer des faux témoins indispensables au procès de sacrilège que lui intentait le Patriarchat ; et c’était l’affaire du moment. Voilà les hommes auxquels