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IRÈNE ET LES EUNUQUES

et les haches. Il ne put boire leur hydromel, ni leur bière, ni leur lait aigre. Il gela dans les chambres trop vides et humides dont une botte de foin bouchait mal la meurtrière. Le feu ne flambait que dans la salle royale. La place de chacun était marquée à distance de l’âtre. Et quand il avait plu tout le jour, les gens mouillés se disputaient des préséances. Parfois ils sortaient pour, à l’écart, vider leur querelle. Un seul rentrait suant et pâle, sans qu’on se permît de l’interroger sur l’issue du combat. Le lendemain les corbeaux criards et repus indiquaient le buisson où gisait le moins adroit au maniement de la terrible framée.

Malgré la pluie, les jeunes gens nageaient tout le jour dans la rivière, domptaient leurs chevaux gris, s’exerçaient à la fronde. Ils repoussaient les sollicitations des vierges pour l’emporter en sautant des obstacles difficiles. Les moines étaient bruns comme des latins, gras à souhait, bons chanteurs. La plupart s’occupaient à faire construire des églises par les captifs de guerre. Partout on fendait la pierre, on gâchait l’argile, on superposait des blocs. Et les moines s’empressaient autour des travaux, le froc relevé dans la ceinture par-dessus leurs jambes velues. Avec leurs croix faites d’un bâton et d’une traverse en fer, ils hâtaient brutalement les efforts des maçons, des charpentiers, des forgerons, de ceux qui défrichaient la broussaille, labouraient le sol, semaient le grain, ou revenaient pliant sous le poids des bêtes tuées à la chasse.