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IRÈNE ET LES EUNUQUES

qui crachait, entre les buissons de cytises, une eau torse dans un bassin rempli de cailloux verts.

Les fleuves qui coulaient limoneux et vagissants, les plaines qui s’étalaient verdoyantes ou rousses sous les pays de nuages errants, les ombres des forêts qui dégagèrent les sains parfums de leurs essences, les vents qui sifflèrent dans les futaies, les monts qui s’entassèrent sur les horizons encombrés, les neiges des cimes que le soleil enflamma, que la lune bleuit, la mer glauque et féroce qui mordait aux bordages la galère de Venise, les villes blanches et dorées qui s’étagèrent dans les vapeurs des rives, ce ne furent que les décors négligeables de cette lutte tragique entre une idée et un appétit dans la tête d’un vieil eunuque majestueux pour les saluts des serfs craintifs, des esclaves empressés, des matelots naïfs, des officiers déférents.

Au retour, Jean Bythométrès se heurta contre un Aétios tout-puissant et adversaire. Ange haut paré de belles boucles, et formidablement musclé, il reçut le curopalate avec une affectation de condescendance. La cohue d’une clientèle aussi bien militaire qu’ecclésiastique précédait le patrice, se rangeait sur son passage, et le suivait en une longue théorie de personnages arrogants. Comme il aimait la musique, des porteurs de cithare et des joueurs de flûte l’accompagnaient partout. Ils tiraient mille sons de leurs instruments s’il demeurait en silence. Les solliciteurs attendaient la fin du concert pour lui présenter leurs sup-