Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/470

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
440
IRÈNE ET LES EUNUQUES

Mal instruites des choses, les troupes crurent à cette fable, d’autant plus que Nicéphore fit, à plusieurs reprises, fouetter avec ostentation dans l’Hippodrome de pauvres artisans qui l’avaient, en un moment d’ivresse, dénommé Basileus et Autocrator. On choisit un soir où Sisinnios et Nicétas traitaient les émissaires des thèmes, où le logothète universel dînait chez l’un de ses foulons. Au sortir de table, les ouvriers avec leurs maîtres reconduisirent le ministre jusqu’au Palais Sacré. Les légionnaires des Mousoulacios et les scholaires de Nicétas, exaspérés par les défis des Thracésiens, saluèrent avec les épithètes impériales l’invité des marchands.

Au lieu de les combattre, les partisans d’Aétios et de Léon estimèrent que, par cette audace, leurs adversaires se perdaient. Donc ils se contentèrent de les huer copieusement. Le gros Logothète distribua des coups de pied cruels à ceux qui voulurent lui passer les chaussons de pourpre, ayant arrêté sa mule. Lui se débattit sans trop savoir quelle attitude il convenait de choisir au milieu d’amis échauffés, de soldats ivres, d’une populace grisée par des chansons et des clameurs. Cependant, éperdu, sournois, ignorant s’il garderait sa tête sur les épaules ou s’il trônerait à la face du monde, il n’empêcha point quelques cavaliers de le hisser sur un cheval magnifiquement caparaçonné dont les orfèvres saisirent les rênes. Et ils le menèrent tous vers l’Augusteon. De mille endroits, les gens accouraient, munis de torches, en